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Citations de Leonardo Padura (889)


Ce qui est vrai, c’est que l’un des exercices les plus complexes et les plus foisonnants d’étranges interrogations se révèle être la tentative de déterminer comment se construit la vie d’un homme. Essayer de comprendre pour quels motifs ou par quelles décisions quelqu’un finit par être ce qu’il est sans jamais avoir pensé qu’il arriverait à être ce qu’il finirait par être, quelles ont été les causes, les découvertes, les rencontres, quels ont été les hasards, les tours imprévus qui ont canalisé ou dévié une existence, toutes ces questions pouvant éventuellement révéler l’imprévisible que constitue le fait de vivre, et même la façon de mourir d’une personne.
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Pet-être avait-il déjà à l'époque tendance à se replier sur lui-même , car ses meillers amis ne furent pas ses camarades de d'école ou ses partenaires de sport, mais les deux chiens que son grand-père maternel lui avait offerts en constatant l'attirance de l'enfant pour ces bêtes. Santiago et Cuba, les deux bêtes qui devaient leur noms à la nostalgie du grand-père enrichi en Amérique, étaient arrivés tout bébés de Cantabrie, et Ramòn les adorait. Le dimanche , après la messe, et les après-midi où il rentrait de bonne heure de l'école, l'enfant avait l'habitude de se promener au-delà des limites de la ville, en compagnie des deux labradors, avec lesquels il partageait gâteaux, longues courses et goût pour le silence.
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Si un pays ou un système ne te permet pas de choisir où tu veux être et vivre, c’est parce qu’il a échoué. La fidélité par obligation est un échec.
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Durant la saison de base-ball de l'hiver 1953 - 1954, le grand Orestes Miñoso , "la comète cubaine", l'âme de l'équipe de Marianao de la ligue professionnelle de l'île et aussi, à l'époque, des White-Sox de Chicago dans les grandes ligues nord-américaines, frappa le plus long coup jamais réalisé dans le Grand Stade de La Havane, construit quelques années auparavant. Le lanceur de l'équipe adverse était l'Américain Glenn Elliot, au service, cette saison là, du puissant club Almendares, et ce que Miñoso lui lâcha suivit une trajectoire extraordinaire, passa très au-dessus de la limite du champ centre, un coup de batte inhumain dans lequel ce Noir de cinq pieds dix pouces de muscles compacts avait mis toute sa force et son incroyable talent pour frapper la balle, avec la beauté et la perfection de ses swings terrifiants. Les arbitres de la ligue essayèrent de mesurer les dimensions de la connexion mais se lassèrent de compter en arrivant à cinq cents pieds du marbre. En souvenir de cette prouesse, à l'endroit survolé par la balle, un panneau fut placé indiquant : Miñoso est passé par ici. A partir de la saison suivante, quand la star de Marianao s'approchait de la boîte du frappeur, les haut-parleurs du plus grand sanctuaire du base-ball cubain diffusaient les accords du cha-cha-cha enregistré en son honneur par l'orchestre América dont le refrain le plus populaire disait : "Quand Miñoso frappe pour de bon, la balle dans le cha-cha-cha."
En ce jour historique, dont les amateurs de base-ball parleraient pendant des années, le Polonais Daniel Kaminsky et ses amis Pepe Manuel et Roberto étaient trois des dix-huit mille deux cent trente-six supporters qui occupaient les gradins du Grand Stade pour assister au match entre les redoutables Scorpions de l'Almendares et les Tigres de Marianao , modestes mais bien entraînés. Et comme presque tous ces heureux fanatiques, Daniel et ses amis se souviendraient pour le restant de leurs jours - nombreux pour certains : bien peu, en vérité pour l'un d'entre eux - du coup de batte de cet ange noir, né à Matanzas, descendant d'esclaves amenés du Calabar Nigerian.
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Dans les années 1990, les plus sinistres de la Période dite spéciale, quand on avait manqué de tout et que le combat quotidien s’était presque réduit à l’obtention désespérée de ce que l’on trouverait pour passer la journée, les gens mettaient toute leur énergie dans cette guerre pour survivre, ou se laissaient complètement aller. Le pays avait vécu si longtemps dans des limites extrêmes que, en entrant dans un contexte économique moins déprimé, les gens avaient découvert que de nouveaux codes plus durs et plus élémentaires avaient été établis. La chance d’avoir ou la malchance de ne pas avoir conditionnaient les choses, on annonçait officiellement que l’égalité n’était pas l’égalitarisme et que l’on devait accepter le fait que certains soient plus dans la merde que d’autres et d’autres que d’autres…
(page 542)
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Durant les deux rendez-vous précédant le choc sexuel, ce choc physique et psychologique ...qui bouleversa tous ses os et ses neurones,.... Adela put découvrir que derrière le bouclier protecteur de déguisements qui n’en étaient pas, de poses exagérées qui étaient en fait naturelles, et de tentatives plus ou moins débarqué de Cuba était, en fait, quelqu’un qui, dans sa fusion d’innocence cosmique et de malice cubaine, pouvait inspirer ce qu’il avait provoqué en elle dès les premiers mots échangés : de la tendresse. Et Adela tomba amoureuse de Marcos Martínez Chaple.
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Quand j’étais gamin, ils étaient en train de réparer et de planifier l’économie, et, quand toi tu étais gamin et que moi j’étais déjà flic, on parlait de rectifier des erreurs et des tendances négatives dans le pays. Une mini-perestroïka cubaine et… on en est là, à parler de corriger des erreurs, de subventions indues, de substitution d’importations et de je ne sais quelles autres histoires à dormir debout…
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- Il se passe des choses que je n’aurais jamais imaginé voir de mon vivant. Un président américain à Cuba, qui n’est pas n’importe quel président, parce que c’est un président des États-Unis noir… Et maintenant débarquent des vieillards maigrichons qui prétendent encore qu’ils sont les Rolling Stones.
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Elias découvrit de plus que le peintre préparait généralement lui-même les couleurs jaunes, les ors, les cuivres et les terres de Sienne qu’il utilisait à profusion, comme s’il ne se fiait qu’à son habileté pour obtenir le ton précis qu’il avait en tête. Toutefois, ce fut en parlant avec le doux Aert de Gelder, l’élève qui pouvait reproduire avec la plus grande facilité les œuvres du Maître, comme s’il était habité par lui, qu’Elias Ambrosius acquit ses premières notions sur la façon de combiner les couleurs, pour obtenir ces impressionnants effets de lumière, et de les appliquer pour créer ces ombres si ténébreuses qui donnaient tant de dramatisme intérieur aux tableaux sortis de l’atelier.
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Darío était parti sans faire d’adieux festifs, dissimulant tant bien que mal le poids de l’excitation et de la peur qui le tenaillaient, le terrassaient presque, lui le fugitif qu’il assumait d’être et l'était bel et bien.
(page 332)
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- Vous, les Argentins quand vous vous rencontrez… vous devenez encore plus argentins, non ?
- C’est une tare nationale. Et il faut faire gaffe, parce que la seconde personne qu’un Argentin a envie de faire chier, c’est toujours un autre Argentin. La première, c’est un Uruguayen.
(page 258-259)
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C'était le temps où les morts souriaient
Heureux d'avoir enfin trouvé le repos...

Anna Akhmatova, Requiem
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— Vous, les Argentins, quand vous vous rencontrez… vous devenez encore plus argentins, non ?
— C’est une tare nationale. Et il faut faire gaffe, parce que la seconde personne qu’un Argentin a envie de faire chier, c’est toujours un autre Argentin. La première, c’est un Uruguayen.
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Et même si le film a fait l’objet d’accusations extra-artistiques à Cuba et ailleurs, il est surtout devenu une référence et presque un document, par sa capacité à représenter une réalité et une époque complexes, contradictoires, dramatiques pour ceux qui de près ou de loin ont partagé la vie de cette petite île des Caraïbes, cette île à laquelle nous appartenons et qui, par naissance et culture, nous appartient… (page 127)
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Ou alors, il est aussi possible que les juifs aient voulu ressembler aux Allemands pour se débarrasser de l'image du commerçant ventru, économe, mesquin, comptant ses sous, et être ainsi accepté par les Allemands... Ce n'est pas un hasard si beaucoup de juifs se sont assimilés totalement, ou presque, et certains en sont mêmes venus à détester le judaïsme, comme Marx, un juif qui haïssait les juifs... Ce qui est terrible, selon l'auteur de ces jugements si inquiétants, c'est que, pourtant, le rêve des Allemands était juste l'opposé : ressembler pour l'essentiel aux juifs, c'est-à-dire, être de sang et d'esprit purs comm elles juifs disaient l'être, se sentir supérieurs, comme les juifs de par leur condition de peuple élu de Dieu, être fidèles è une Loi millénaire, être un peuple, un Volk, comme disaient les nationaux-socialistes et, en possédant toutes ces caractéristiques merveilleuses, devenir indestructibles, comme les juifs avaient toujours survécu, bien qu'ils n'aient pas de patrie et qu'ils aient été mille fois menacés d'extinction. En résumé : être différents, uniques, singuliers, grâce à la protection divine.
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Et sur l'un des fauteuils un homme chauve, d'une soixantaine d'années, encore robuste, vêtu d'un tee-shirt qui laissait voir que tous les poils perdus sur la tête s'étaient peut-être déplacés vers les bras, le cou et la poitrine. Comme l'Ours Miguel, se dit Conde, et il revit l'image de ce prof de maths de ses années de collège
L'Ours était-il mort ? Quelqu'un d'autre que Conde se souvenait-il encore de lui ? L'effacement de l'existence des gens, et même des souvenirs de leur existence, était-ce cela la véritable solitude des morts ?
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Pour se relaxer, Conde décida de ne plus penser aux Kaminsky en se rendant à pied chez Tamara, à huit pâtés de maisons. En arrivant, il la trouva dans le salon, devant la télévision, apparemment calme, agréablement concentrée sur un des épisodes de Docteur House, une série abominable et détestable selon Conde. À son avis, le docteur en question était le type le plus con, vaniteux, imbécile et salopard jamais sorti de l’imagination d’un scénariste et rien que d’entendre sa voix, son humeur en fut de nouveau altérée.
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Jusqu’où était-il arrivé ? À combien d’années-lumière le docteur au stylo Montblanc se trouvait-il de l’enfant nu dans la cour d’un solar de La Havane ? Qui serait foutu de critiquer ça, que, face à l’imminence d’un effondrement, il se soit tiré sans regarder en arrière et qu’il vive comme il vivait à présent et même qu’il prétende être catalan et plus jamais cubain, y compris le Cubain qu’il avait été et qui, grâce à sa condition de Cubain, avait pu devenir médecin dans ce pays disproportionné qui s’appelait Cuba ?
(page 480)
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Mais la vie quotidienne des Cubains est un assemblage si complexe, elle est si pleine de singularités et d’incongruités que la presse internationale qui tente de la cerner n’arrive que rarement à effleurer son intériorité dramatique, entre autres raisons parce que même nous, les Cubains qui vivons cette réalité jour après jour, nous avons aussi du mal à trouver certaines réponses. Un exemple ?….. On dit officiellement qu’à Cuba il n’y a pas de chômage, plus encore, que le pays peut se vanter de connaître ce qu’on appelle le “plein emploi”. Aujourd’hui, alors que je tentais de donner forme à ces considérations, j’ai dû me rendre à la buvette du quartier, une de celles qu’on appelle “Rápidos”. Il était à peine onze heures du matin et, comme cela arrive souvent dans le Rápido en question, plus de dix personnes buvaient des bières (à un peso convertible cubain, quelque chose comme un dollar vingt) en écoutant un reggaeton tonitruant. Pendant ce temps, à l’extérieur, on aurait dit qu’il y avait une manifestation : des gens achetaient des légumes aux vendeurs de rue, il y avait la queue au “shopping” (magasin qui ne vend que des produits en devises) car c’est bientôt la fête des pères, plusieurs personnes attendaient des taxis collectifs à dix pesos cubains (un demi-dollar) le trajet, des individus déplaisants mais souriants bavardaient près du mur de l’église ou à l’ombre d’un flamboyant. Où travaillent tous ces gens ? D’où sortent-ils l’argent pour acheter ce qui est nécessaire et même ce qui est un luxe ? Vivent-ils tous de la débrouillardise, du vol et des magouilles ? Comment un être humain peut-il résister plus d’une minute au volume sonore du reggaeton qui résonne dans le Rápido de mon quartier comme dans tous les Rápidos, boutiques et établissements du pays.
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Trotski en caressant Azteka :

"Sieva lui parle en français, à la cuisine on lui parle espagnol, et moi je lui parle russe expliqua le vieillard. Et il comprend tout le monde. L'intelligence des chiens est un mystère pour les humains. Souvent, je me dis qu'ils sont intellectuellement très supérieurs à nous parce qu'ils ont la capacité de nous comprendre, même en plusieurs langues, et c'est nous qui n'avons pas l'intelligence pour capter leur langage.
- Je crois que vous avez raison ... Sieva dit que vous avez toujours eu des chiens.
- Staline m'a ôté beaucoup de choses, y compris la possibilité d'avoir des chiens. Quand j'ai été expulsé de Moscou, j'ai dû en laisser deux et quand j'ai été exilé, ils ont voulu que je parte sans ma chienne préférée, la seule que j'avais pu emmener à Alma-Ata. Mais Maya a vécu avec nous en Turquie et c'est là que nous l'avons enterrée. C'est avec elle que Sieva a appris à aimer les chiens. C'est vrai, moi j'ai toujours aimé les chiens. Ils ont une bonté et une capacité de fidélité supérieures à celles de bien des hommes.


"
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