AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Leonardo Padura (889)


Comme on le voit, mes parents étaient d'une naîveté à tout épreuve. Bien entendu, à cette époque, je ne formulais ni ne comprenais de la sorte cet abrégé d'éthique maçonnico-chrétienne et je n'avais pas ces opinions sur mes parents. Ce dont je suis certain, c'est que cette attitude face à la vie germa dans ma conscience et celle de mon frère, et qu'avec de tels préceptes, notre éducation ne fut guère salutaire à une époque où il aurait peut-être mieux valu apprendre dès le berceau à pratiquer des arts tels que la duplicité et la dissimulation pour savoir gravir les échelons ou, au moins avoir une stratégie de survie.
Commenter  J’apprécie          194
Ce furent les années d’une rupture historique qui changerait non seulement l’équilibre politique du monde, mais jusqu’aux couleurs des cartes géographiques, jusqu’aux vérités philosophiques et, surtout, qui transformerait les hommes. Ces années furent celles où on traversa le pont qui menait de la croyance enthousiaste en une amélioration possible à la déception devant le constat que le grand rêve était mortellement touché et qu’en son nom, on avait même commis des génocides, comme dans le Cambodge de Pol Pot. C’est pourquoi ce qui semblait indestructible fut finalement démoli, et ce que nous considérions comme incroyable ou faux s’avéra être la pointe de l’iceberg qui cachait dans ses profondeurs les vérités les plus macabres sur ce qui était arrivé dans le monde pour lequel s’était battu Ramón Mercader. Ce sont ces révélations qui nous aidèrent à découvrir les silhouettes imprécises que, durant des années, nous avions à peine devinées dans l’ombre, et à leur donner un profil définitif, absolument épouvantable comme il est désormais facile de le vérifier. Ce fut le temps où se concrétisa la grande désillusion.
Commenter  J’apprécie          190
- Miguel et moi, nous avions été amis, dans la limite du possible. Vous savez peut-être que l'amitié n'est pas très fréquente quand le pouvoir est au milieu [...].
Commenter  J’apprécie          190
Assis devant la mer, le Conde pensait de nouveau à l'étrange perfection du monde qui divisait l'espace pour rendre la vie plus complexe et plus équilibrée, et pour séparer en même temps les hommes et leurs pensées. À une époque, ces idées et cette fascination pour la mer tenaient au désir de voyager, de connaitre et de survoler les autres mondes dont il était séparé par l'eau - l'Alaska, avec ses explorateurs et leurs traineaux, l'Australie, la Bornéo de Sandokan - mais depuis de nombreuses années il s'était habitué à son destin d'homme ancré et sans vent favorable. Il se contentait de rêver, sachant que ce n'était qu'un rêve, qu'un jour il vivrait au bord de la mer dans une maison de bois et de tuiles exposée à l'odeur du sel. Dans cette maison propice il écrirait un livre, une histoire simple et émouvante sur l'amitié et l'amour, et consacrerait ses soirées, après la sieste, qui n'était pas négligée dans ses projets, sous la grande galerie ouverte aux brises et aux siroccos, à lancer quelques lignes à l'eau et à réfléchir, comme maintenant, les chevilles battues par les vagues, aux mystères de la mer.
Commenter  J’apprécie          190
- On dit souvent qu'enseigner est un art et il existe une littérature abondante sur l'éducation, et beaucoup de jolies phrases. Mais à vrai dire, une chose est la philosophie de l'enseignement, une autre le fait d'enseigner tous les jours pendant des années.
Commenter  J’apprécie          190
On n'en a jamais fini avec Paris et le souvenir de chaque personne qui y a vécu est différent du souvenir de tous les autres...
Commenter  J’apprécie          190
Quand on ne comprend pas quelques chose chez les Russes, on dit que c'est la faute de leur âme.
Commenter  J’apprécie          190

Cette Chevrolet construite en 1956, modèle Bel Air, à quatre portes, avec des vitres sans montants, était considérée par les experts comme un des véhicules les plus « machos » qui roulaient dans les rues dévastées de la Havane. La conduire, enclencher avec douceur le levier de vitesse horizontal et entendre le mariage harmonieux de sa vitesse et de sa puissance, la sentir glisser, lourde, sûre, orgueilleuse, recevoir les bouffées d’air qui entraient par ses larges fenêtres comme des sourires de bonheur était pour Yoyi el Palomo la sensation la plus proche de son expérience du paroxysme érotique. (p.80)
Commenter  J’apprécie          190
- Et pourquoi il y a tant de gamins maintenant qui veulent être rastafaris, rockers, rappeurs et même musulmans, qui s'habillent comme des clowns, se maltraitent en s'accrochant plein d'anneaux et en se couvrant de tatouages jusqu'aux yeux ? Pourquoi ils sont si nombreux à se shooter aux drogues les plus dures, à devenir putes, souteneurs, travestis, et à utiliser des crucifix et des colliers de santeria alors qu'ils ne croient même pas au con de leur mère ?
Pourquoi il y a tant de cyniques qui jurent une chose mais croient à une autre, et autant qui calculent ce qu'ils peuvent voler pour se procurer de l'argent sans trop travailler?
Pourquoi ils sont si nombreux à vouloir quitter le pays ?
Commenter  J’apprécie          190
Si je me pose ces questions et qu’en plus je retarde le moment d’aborder des sujets plus attrayants, c’est parce que la possibilité de rendre quelque chose ou quelqu’un coupable de ton sort (un exercice dont nous sommes spécialistes, nous les Cubains) est un doux réconfort.
Commenter  J’apprécie          180
Pourtant, s’il y avait une chose dont il était pleinement convaincu, c’était que l’essence de cette rencontre glorieuse était restée imperméable aux érosions prévisibles, préservée dans ce recoin éclairé de la mémoire qui abrite les repères initiatiques : les initiations à l’amour, à la littérature, à la peur et à la première grande déception.
Commenter  J’apprécie          180
Les natifs de ces déserts lointains ont glorifié les pierres, car ils affirment que dans leur capacité de résistance s'exprime une force qu'elles renferment pour toujours, comme le fruit d'une volonté éternelle. Quelques mois plus tôt déjà déporté, Lev Davidovitch avait lu que le sage connu sous le nom de Ibn Batouta et, plus vers l'orient, sous celui de Cham ad-Dina, était l'homme qui avait révélé à son peuple qu'un baiser déposé sur une pierre sacrée produit une jouissance spirituelle réconfortante, car les lèvres éprouvent une douceur si profonde qu'elle suscite le désir de continuer à l'embrasser jusqu'à la fin des temps. C'est pourquoi il était interdit de livrer une bataille ou d'exécuter des ennemis là où se trouvait une pierre sacrée, la pureté de l'espérance devait être préservée. La sagesse viscérale qui avait inspiré cette doctrine lui sembla si diaphane que Lev Davidovitch se demanda si, en réalité, la Révolution aurait le droit de bouleverser un ordre ancestral, parfait à sa manière, qu'un cerveau européen pétri de préjugés rationalistes et culturels était incapable d'évaluer.
Commenter  J’apprécie          182
Mais ces jeunes Havanais, premiers amateurs de base-ball, avaient de plus une importante motivation pour le pratiquer : ce sport, avec son rythme pausé et ses tenues extravagantes, incarnait l'antithèse des rides amusements péninsulaires d'un autre temps, dont les violentes corridas si appréciées des Espagnols. Jouer au base-ball devint alors une façon de se distinguer culturellement, de se relier au monde dans une autre perspective, d'être moderne, et ce fut très vite une forme d'expression de l'identité cubaine.
Commenter  J’apprécie          180
Cet édifice était un authentique défi aux lois de la physique et un superbe échantillon de l’aspiration humaine à vivre sous un toit, concrétisée depuis l’époque de Cro-Magnon… même si le toit choisi pouvait se transformer à tout moment en pierre tombale, comme cela se produisait de temps en temps dans ce quartier de la ville comme dans d’autres.
Commenter  J’apprécie          180
Dès qu’il eut raccroché, Ramón Pavlovitch entendit à nouveau le cri. Durant toutes ces années, ce hurlement de douleur, de surprise et de rage l’avait poursuivi et même si dans les derniers temps sa présence s’était faite moins insistante, il était toujours là, dans son cerveau, comme un nerf dormant, prêt à se réveiller à la moindre réminiscence du passé ou bien souvent sans motif apparent, comme un ressort qu’il n’aurait eu ni la capacité ni la possibilité de comprimer.
Commenter  J’apprécie          170
Plus que des exilés, tous deux avaient la complicité des réfugiés perpétuels, nourris de la mémoire affective et de la douce illusion d'un rêve de retour. Vivants ou morts.
Commenter  J’apprécie          170
Et ce matin, tandis qu’il préparait le petit-déjeuner pour le groupe, il avait insisté sur sa joie de pouvoir aller se baigner, sur la plage et avait même affirmé – sous le regard critique de Joel – que la seule chose qui manquait à Madrid pour être la meilleure ville du monde était une plage comme Santa María del Mar et une jetée, comme le Malecón de La Havane.
(pages 500-501)
Commenter  J’apprécie          170
Combien de temps dure une période? Est-elle constituée d’instants, de moments, de jours, d’années, de décennies, de siècles?
Commenter  J’apprécie          173
La conviction que l’écriture n’est guère plus que la possibilité de construire d’autres êtres à partir de ce que tu as été et de ce que tu es t’avait servi pour tenter de prendre de la distance envers toi-même, pour te voir dans une perspective qui fut finalement révélatrice, à la fois agréable et douloureuse.
Commenter  J’apprécie          170
Dans la cuisine, il prépara les cafés, en but deux tasses et fuma deux cigarettes. Entre les cafés et les cigarettes, il fit une généreuse pause aux toilettes où il déposa la mouture des aliments raffinés du dîner exquis de la veille et pensa à la triste fin des fromages français.
Commenter  J’apprécie          170



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Leonardo Padura Voir plus

Quiz Voir plus

quiz le seigneur sans visage

Où se trouve le château ou Michel se trouve ??

Niort
Poitier
La Roche Guyon
La rochelle

10 questions
310 lecteurs ont répondu
Thème : Le Seigneur sans visage de Viviane MooreCréer un quiz sur cet auteur

{* *}