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EAN : 9791022611954
400 pages
Editions Métailié (15/04/2022)
4.05/5   19 notes
Résumé :
Dans ses romans, Leonardo Padura établit un dialogue entre l’Histoire et la littérature, Cuba et l’exil, la puissance de l’amitié et la douleur des rêves frustrés. Dans ce captivant recueil d’essais, il explore les coulisses de ses œuvres les plus célèbres et les plus emblématiques et les sujets qui lui sont chers (l’appartenance, la musique, le cinéma, la littérature, la lecture, le base-ball…). Véritable immersion dans la salle des machines littéraire d’un auteur ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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« Je suis un écrivain cubain qui vit et écrit à Cuba parce que je ne peux ni ne veux être autre chose, et que (malgré les difficultés les plus diverses, j'insiste) j'ai besoin de Cuba pour vivre et écrire….C'est aussi simple que ça. », répond Leonardo Padura , aux divers questions incessantes du public sur les motivations du pourquoi il vit et écrit à Cuba. Pourtant une des constantes de la littérature cubaine est l'exil et nombreux sont ses poètes et écrivains qui vécurent à l'étranger, mais toujours poursuivis par l'Ile dans leurs pérégrinations .
Padura le définit en ces termes amères ,”Plus que dramatique, l'appartenance est tragique : à l'intérieur, c'est la sensation d'enfermement ; dehors, le fléau de la nostalgie. Pour beaucoup, le moyen terme n'existe pas.”
Padura aime cette île qui vit dans un quotidien difficile avec ses éternels espoirs déçus et ses perpétuelles angoisses. Un amour qu'il nous transmet à travers sa musique de pacotille, son marché régit aux lois de la jungle, son sport national le plus prisé “le dolce farniente”, son addiction au base-ball , la pelota, « Je crois qu'aucune autre activité sociale et populaire – sauf, peut-être, la musique – n'a exercé une influence aussi considérable sur la vie culturelle et matérielle cubaine, sur la formation de l'identité et sur l'éducation sentimentale de tant de gens nés sur cette île de la Caraïbe » . Quand aux espoirs déçues et les perpétuelles angoissent, ils sont illustrés à travers de nombreuses références aux auteurs cubains et à ses propres livres dans le contexte de l'histoire politique chaotique du pays dont l'échec strident de son communisme utopique, qui n'aurait finalement apporté qu'une corruption très répandue, une improductivité enfin révélée dans toute son ampleur, contre une perte de valeur du travail et des principes éthiques les plus élémentaires qui rongent comme un fléau la société qui aurait dû être l'avenir du pays . Il semble que cet échec et les conditions de survis qui en découlèrent fut la source de la grave blessure portée à la spiritualité nationale, gommant ses repères essentiels et constitutifs.
Padura avec ce livre donne une image, plutôt ses propres images « d'insider » de son pays, une île dont l'importance et la renommé semblent en apparence, surfaites. Ayant fait le tour de l'île en 2016 en quelques semaines , je suis rentrée terriblement déçue. Je n'y ai décelé que misère, pire qu'en Amérique du Sud. Une mendicité répandue dans la rue pour des denrées de base comme le savon, la liberté d'expression inexistante d'après notre guide cubain, diplômé de sciences politiques, qui faute de travail exerce un métier « alternatif », culturellement des points d'attraction pour touristes limités aux reliques de la Révolution, de Fidel , de Hemingway et une « musique de pacotille, répétitive, aux paroles agressives et grossières », les paroles même de Padura. Des couleurs délabrés, des grosses américaines décapotables à La Havane qu'il faut négocier à des prix exorbitants même en dollar pour quelques tours sur le Malecon, magasins d'alimentation et librairies aux produits et livres aux quantités d'une maigreur drastique, sans choix pour les premiers, et une prostitution effroyable sans aucune pudeur. le fait que les études gratuites soient excellentes et le système sanitaire « parfait » ( ??? Padura précise qu'en cas de besoin sanitaire, avoir recours à un pote dans le système est nécessaire ) , ne sert pas à grand chose vu qu'il n'y a pas de travail, et les gens ne mangent pas à leur faim ou mangent mal. Padura ne renie aucunes de ces constatations et contradictions , de plus il est peu élogieux pour ses compatriotes (« nous avons réussi à produire des fils de putes en quantités industrielles »), et acquiesce « que Cuba supporte le poids de sa démesure ». Un pays qui a dû affronter un destin qui en a fait un espace plus grand que son territoire, victime de l'Histoire qui l'a choisi pour être au centre de quelques-uns des débats universels les plus importants, aux pointures trop grandes pour le petit pays qu'il est. Mais l'amour et la fidélité de Padura à son pays et son talent d'écrivain convainquent que Cuba a dans son fond une forte identité que l'écrivain en fera justement le fond de l'ensemble de son oeuvre, et c'est la suite de cette compilations d'essais passionnants , les coulisses de ses livres où il raconte en détail le processus de création littéraire de quelques uns d'entre eux. Et là je suis à terre, moi qui n'ai lu qu'un seul livre de lui, j'ai hâte d'aborder « L'homme qui aimait les chiens » , déjà dans ma PAL, et tous les autres. Un livre à ne pas manquer pour tous les aficionados de Padura et de Cuba et bien sûr pour toutes les curieuses ET les curieux !

“La maudite circonstance de l'eau de toutes parts.”
Virgilio Piñera

Un grand merci aux éditions Métailié et NetGalley pour l'envoie de ce livre.
#LEaudetoutesparts #NetGalleyFrance
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Certains romanciers, éternels nomades, sont des êtres de partout et de nulle part. D'autres sont viscéralement ancrés dans le sol qui les a vus naître. C'est le cas de Padura, qui pourrait s'exclamer, comme dans le film de Mikhaïl Kalatozov: «¡ Soy Cuba! »
L'eau de toutes parts, qui baigne les côtes cubaines. est un recueil de textes ayant pour cadre son pays, qui peut aussi se lire comme un ouvrage autobiographique, tant Cuba a façonné Padura, et tant Padura a parlé de Cuba. Au fil des pages, le lecteur découvre cette île unique, jadis joyau de l'empire espagnol, puis salle de jeu des Etats-Unis, théâtre d'une révolution, petite soeur éloignée du grand frère soviétique, fatiguée par les restrictions, épuisée, que l'on quitte pour une vie meilleure mais que l'on ne peut oublier. Que l'on quitte sauf d'irréductibles Cubains dont Padura fait partie, ou la poétesse Dulce Maria Loynaz qui avait décidé de vivre dans l'île « Parce que je suis arrivée la première ».

Cosmopolite, généreuse, accueillante, Cuba se dévoile, et Padura est son historien, son chroniqueur, tout en étant celui de sa vie. « La maldita circunstancia del agua por todas partes », comme l'a écrit le poète Virgilio Piñera, dans La isla en peso , encercle trois parties, l'exil, la littérature, et les mutations politiques qui ont façonné l'île.
Le délicieux paradoxe de Padura, c'est qu'il est un romancier viscéralement Cubain et singulièrement universel, tant via son double Mario Conde (ah, Electre à la Havane et Les brumes du passé!) que via l'excellent Hérétiques, et le remarquable L'homme qui aimait les chiens. Que les amoureux de ces romans se réjouissent. Dans L'eau de toutes parts, Padura s'attarde longuement sur leur naissance (dans la douleur, ou la durée), et c'est passionnant.
Je remercie les éditions Métailié et Babelio pour l'envoi de cet ouvrage reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique.
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L'eau de toutes parts c'est Leonardo Padura en personne. Qu'est-ce que vivre et écrire à Cuba. L'écrivain naît à Cuba et Cuba naît à son tour de Leonardo. Pourquoi êtes-vous resté à Cuba ? lui demande-t-on, plutôt que : pourquoi avez-vous quitté Cuba ? devrait-on formuler si toutefois il l'avait quitté, plus logiquement. Si quelqu'un meurt et qu'on aille le retrouver dans quelques pays, partant de souvenirs très précis, du concret solide de la mémoire, nous trouverons alors un paysage de désolation où chaque évocation sera amputée de l'âme de celui qu'on recherche et au plus haut degré s'il fut aimé. Il en est ainsi de l'être comme du pays, si bien que désillusionné, il vaut mieux rester en immersion de son destin comme de sa destinée. Partir c'est aussi revêtir une enveloppe supplémentaire d'expérience et de savoir, c'est progresser et s'enrichir mais c'est aussi s'emporter soi-même avec sa vérité et ses racines et fabriquer un tout de l'être et du pays ; ou, s'établir parfois dans un autre lieu car l'attachement n'a pas de frontière, seule l'identité perdure. La maison de Leonardo lui échoit de son père comme un héritage culturel dont il est lui-même la continuité et le lien historique. Ainsi nous parlera-t-il de sa ville, Mantilla, du parnassien José-Maria de Heredia, de José Lezama et de ses proches, amis, poètes, écrivains qui se reconnaissent chacun à leur façon d'une oeuvre littéraire différente et à la fois complémentaire. Mais aussi de découvrir, José María Heredia y Campuzano né à Santiago de Cuba en 1803 et décédé en 1839 au Mexique où il vécut en exil. Ce cousin germain De Heredia cité plus haut, fut le précurseur de la poésie cubaine et de l'âme patriotique qui lui naît de l'amour pour son pays. Il mourra peu après avoir revu Cuba qu'il emporte en au-delà. Cet aspect du choix de la patrie du tout jeune poète Heredia est absolument passionnant car, il résulte de la période historique d'un pays tout juste naissant et d'un homme, tous deux en constante évolution, mais qui se rejoignent toujours sous l'effet d'une imprégnation identitaire et affective, politique et culturelle. Puis, il invite au rappel de la réhabilitation posthume du poète dramaturge, Virgilio Piñera, récompensé en 1968 puis interdit de publication jusqu'à sa mort par le régime castriste, pour cause d'homosexualité.
Comme l'aurait dit José Martí, relève l'auteur : « Un aigle a survolé la mer », et près de 50 ans plus tard, de la batte et de la balle, il a substitué le foot, tué la musique et muselé la culture, soit dénaturé l'identité populaire tout cela accompagné d'une crise économique majeure, quoi de mieux pour s'octroyer la domination d'un peuple, le livrer à la décadence et à l'opprobre. Ainsi fut fait de Cuba qui perdit beaucoup de ses élites. Mais : « la vie est plus vaste » sur le plan éthique, souligne Gregorio Marañón, car oui, après un demi-siècle de grande crise du socialisme, l'ancestrale démesure nationale cubaine pousse les gens à chercher la normalité accessible ou la plus simple expression de la vie, boire une bière, écouter de la musique, faire avec, et se désintéresser de toute probation, de tout penchant vers la politique. Même si, même si l'espoir et le rêve du changement subsistent. Mais vivre ! S'attacher au réel, quel qu'il soit.
Vivre et écrire à Cuba s'est aussi s'atteler à franchir non pas le Rubicon mais le Malecón, cet asphalte de front de mer de 8 kilomètres de long qui sépare la ville de l'océan, afin que les mots nous atteignent, nous, et franchissent les domaines de l'universalité, puisqu'ici, à la Havane, il faut affronter l'insularité littéraire. Ainsi, quand l'auteur nous invite en son for intérieur, passant le pont-levis nous découvrons un personnage fort attachant. Et, lorsqu'on demande à Paul Auster de faire une analyse sur la situation de son pays, Leonardo Padura fait le constat que les questions qui lui sont soumises ne sont pas celles proposées au grand Paul quant au Cubain dont il se revendique, ce qui n'entache nullement l'admiration respectueuse qu'il voue à cet écrivain, comme d'ailleurs, à ses homologues en général. Pourtant le talent égalé de Leonardo Padura devrait être mis en exergue quand on songe aux outils mis à sa disposition et aux nombreux bouleversements qui l'empêchèrent de rejoindre Paris, par exemple, qui fut l'école de la vie de bon nombre d'écrivains et le fait de ne pas pouvoir franchir les frontières, appartenance/terre/mer comme il l'aurait souhaité. Soit, que finalement, il est devenu cet écrivain notoire et avéré que L'eau de toutes parts nous distille quand il nous est donné de le reconnaître et de l'apprécier en dépit du temps historique et de l'éloignement. Oui, j'ai aimé Mario Condé dans Les brumes du passé, les voies libertaires des Hérétiques et surtout ou bien autant, L'homme qui aimait les chiens.
Et puis, qu'est-ce qu'écrire ? Écrire un roman mais dans quel but ? Ainsi, de façon extraordinaire et sans jamais classer le roman dans une case restrictive, Leonardo Padura qui n'est pas un personnage autocentré, se réfère à Kundera qui évoque « la nature de l'âme » puis Houellebecq, qui lui parle de « la nécessité qui prend forme » et bien avant, de Flaubert, qui veut lui « atteindre l'âme des choses ». Autant dire, une multitude de perspectives dont la propension littéraire et l'exigence de qualité permet d'atteindre à des degrés de satisfecit très honorables.
Ainsi, l'écriture de Leonardo Padura est savante et sincère, lucide et douce. Elle procède comme je viens de le souligner, d'un enclin perfectible et c'est avec ravissement que j'ai lu cet ouvrage. Ceci, grâce à l'opération masse critique de Babelio et aux Éditions Métailié que je remercie vivement.
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L'eau de toutes parts est un recueil de textes, écrits par l'auteur à différentes périodes. Il y aborde des thèmes qui lui sont chers, et bien sûr en tout premier lieu son appartenance à Cuba, la musique, l'histoire de l'ile, mais aussi et cela je ne le savais pas, son amour du base-ball :
« le base-ball, la pelota, est un sport, mais aussi une façon de comprendre la vie (une philosophie ?). Et même de la vivre. Dans mon cas, je peux assurer que je suis écrivain parce que je n'ai pas pu être pelotero. Un bon pelotero. »

La première partie est une émouvante déclaration d'amour à son île, sa ville, son quartier.
Il évoque aussi les coulisses de certains de ses romans, les recherches qu'il a effectuées pour les écrire, les voyages qui les ont inspirés ou nourris, les personnes qu'il a rencontrées. C'est passionnant surtout lorsqu'il s'agit de livres que l'on a lus et aimés. Ainsi j'ai particulièrement apprécié le chapitre sur la genèse de L'homme qui aimait les chiens, que j'avais terminé peu avant d'aborder le chapitre en question.

Certains de ces textes m'ont passionnée, dans d'autres je me suis un peu ennuyée. Mais c'est un recueil qui permet de beaucoup mieux comprendre l'auteur, ses motivations, son amour pour son île. Et je n'aime jamais autant Padura que quand il nous parle de Cuba, de cette île à laquelle il appartient, en dehors de laquelle il ne conçoit pas de vivre :
« Je suis un écrivain cubain qui vit et écrit à Cuba parce que je ne peux ni ne veux être autre chose, et que (malgré les difficultés les plus diverses, j'insiste) j'ai besoin de Cuba pour vivre et écrire… C'est aussi simple que ça. »

Un livre à garder sur sa table de chevet, à ouvrir de temps en temps, à parcourir., pour tous ceux qui aiment l'écrivain, et pour ceux qui voudraient le découvrir.

Merci à NetGalley et aux éditions Métailié pour ce partage #LEaudetoutesparts #NetGalleyFrance
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L'eau de toutes parts, sous-titré Vivre et écrire à Cuba, regroupe des textes écrits entre 2001 et 2018 par Leonardo Padura et sélectionnés par son épouse Lucía Lopez Coll.

Ce recueil est INDISPENSABLE à toute personne qui cherche à comprendre l'auteur et son oeuvre.

Leonardo Padura revient sur la genèse de certains de ses livres (Les quatre saisons, le palmier et l'étoile, L'homme qui aimait les chiens, Hérétiques) ainsi que sur Cuba et... la littérature cubaine ! Car n'oublions pas qu'il a été critique littéraire et journaliste avant d'être romancier. Son analyse du livre d'Alejo Carpentier, le Siècle des Lumières, est selon moi très pointue (je ne connaissais pas ce livre mais il a rejoint ma PAL depuis).

Certains textes, surtout ceux de la 3ème partie, sont peut-être plus exigeants que d'autres, mais l'ensemble du livre est pertinent et passionnant !


L'eau de toutes parts de Leonardo Padura
Traduit par Elena Zayas
Éditions Métailié (GF)
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critiques presse (2)
RadioFranceInternationale
05 août 2022
Dans L’eau de toutes parts, vivre et écrire à Cuba, Leonardo Padura, un des plus grands auteurs contemporains de langue espagnole, revient sur son parcours d'écrivain cubain.
Lire la critique sur le site : RadioFranceInternationale
LaLibreBelgique
01 août 2022
Dans "L’eau de toutes parts", Leonardo Padura livre une profonde réflexion sur son métier. Parmi nombre d'autres sujets passionnants.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
La métaphore qui explique peut-être le mieux la conjoncture dans laquelle nombre d’entre nous ont vécu au cours des dernières années, je la dois à mon ami Fernando, auteur de la théorie du septième kilomètre.… Selon lui (il assure que cette découverte est le fruit de profondes méditations), les Cubains se sont lancés dans une course de dix mille mètres et, depuis plusieurs années, nous courons le septième kilomètre. C’est-à-dire que nous sommes arrivés au moment où, plus proches de l’arrivée que du départ, nous avons usé le meilleur de nos forces, mais il nous reste le tronçon le plus dur de la course et, comme le septième kilomètre semble infini, nous ne savons pas si notre énergie sera suffisante pour le dépasser et sentir que nous pouvons arriver à la fin d’un parcours qui, en plus, semble élastique, car le but tend à s’éloigner à chaque fois que nous croyons l’avoir entrevu au loin. “Tous les jours, quand je me réveille, je sens que je suis au septième kilomètre, me dit-il, et, bien que j’ignore si je vais résister, je m’en vais courir de nouveau, mais pas comme cet imbécile de Forrest Gump : je sais pourquoi je cours. Je suis conscient que si je m’arrête, je me mets hors-jeu, et pour vivre avec un minimum de bien-être, je dois rester sur la piste et courir, continuer à courir. Tu sais quoi ? La course finit par devenir une fin en soi et le but n’est plus d’arriver, mais de résister et de continuer à courir.”
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Mais la vie quotidienne des Cubains est un assemblage si complexe, elle est si pleine de singularités et d’incongruités que la presse internationale qui tente de la cerner n’arrive que rarement à effleurer son intériorité dramatique, entre autres raisons parce que même nous, les Cubains qui vivons cette réalité jour après jour, nous avons aussi du mal à trouver certaines réponses. Un exemple ?….. On dit officiellement qu’à Cuba il n’y a pas de chômage, plus encore, que le pays peut se vanter de connaître ce qu’on appelle le “plein emploi”. Aujourd’hui, alors que je tentais de donner forme à ces considérations, j’ai dû me rendre à la buvette du quartier, une de celles qu’on appelle “Rápidos”. Il était à peine onze heures du matin et, comme cela arrive souvent dans le Rápido en question, plus de dix personnes buvaient des bières (à un peso convertible cubain, quelque chose comme un dollar vingt) en écoutant un reggaeton tonitruant. Pendant ce temps, à l’extérieur, on aurait dit qu’il y avait une manifestation : des gens achetaient des légumes aux vendeurs de rue, il y avait la queue au “shopping” (magasin qui ne vend que des produits en devises) car c’est bientôt la fête des pères, plusieurs personnes attendaient des taxis collectifs à dix pesos cubains (un demi-dollar) le trajet, des individus déplaisants mais souriants bavardaient près du mur de l’église ou à l’ombre d’un flamboyant. Où travaillent tous ces gens ? D’où sortent-ils l’argent pour acheter ce qui est nécessaire et même ce qui est un luxe ? Vivent-ils tous de la débrouillardise, du vol et des magouilles ? Comment un être humain peut-il résister plus d’une minute au volume sonore du reggaeton qui résonne dans le Rápido de mon quartier comme dans tous les Rápidos, boutiques et établissements du pays.
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Ainsi, Victor Hugues qui avait été chargé d’apporter (aux Antilles) le décret d’abolition de l’esclavage alors récemment signé, est tout aussi capable de lire et d’appliquer la loi qui le rétablit quelques années plus tard. “Selon l’orientation de l’époque, il pouvait se convertir soudain en contrepartie de lui-même” (705), pense Sofia, décrivant ainsi le caractère d’un politique pragmatique, avant d’ajouter : “On a plutôt l’impression que vous avez tous renoncé à poursuivre la Révolution” (705), ce à quoi Victor répond en utilisant les paroles de Napoléon : “Nous avons terminé le roman de la Révolution, il nous faut à présent commencer son histoire et envisager uniquement ce qui est réel et possible dans l’application de ses principes […]. Je suis un politique. Et si rétablir l’esclavage est une nécessité politique, je dois m’incliner devant elle…” (705).
Alejo Carpentier (Le siècle des Lumiéres )
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Un écrivain, c’est un magasin de mémoires. On écrit en fouillant dans sa mémoire et dans celle des autres, acquises par les plus diverses stratégies d’appropriation. L’écrivain crée un monde à partir de tout cela. “… Construire un monde, cela veut dire construire les ramifications de complicité qui existent entre les personnages qu’on utilise, les citations, les mythes, les références, les lieux symboliques, les lieux de la mémoire”, selon Manuel Vázquez Montalbán…
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Une ville, c'est aussi ses bruits, ses odeurs et ses couleurs: Jérusalem a la couleur du désert et elle sent les épices. Amos Oz le sait bien. Le son de New-York, c'est la sirène d'une ambulance, d'une voiture de pompiers, d'une voiture de police. John Dos Passos en a souffert, Paul Auster en souffre; Le quartier espagnol de Naples sent le café fumant. Roberto Saviano l'a savouré.
Ma Havane résonne de musique et de bruits de vieilles voitures, elle sent le gaz et la mer, et sa couleur est le bleu.
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