Citations de Lucien Suel (103)
Avatar est bien excité. Il ne cesse de vouloir sortir et rentrer. Miaulements impatients. Il saute sur la table, se coule parmi les livres sur les rayonnages bas de la bibliothèque. Finit par faire tomber une pile. Je ramasse. Dedans, Les Contes du chat perché ! Ha, ha !
La mousse pousse sur le béton des caveaux, petits oursins doux, vert foncé, moelleux, accrochés aux fissures du ciment.
Aujourd'hui, commande de graines. Je rédige ma liste, celles qui manquent : radis rond rouge écarlate, haricot mangetout, petit pois merveille de Kelvedon, navet de Milan à collet rose, carotte Touchon, laitue reine de mai, laitue Batavia, poireau monstrueux de Carentan et une cagette de plants de pommes de terre, les Charlotte que Jean-Baptiste plantera. Je calcule, signe le chèque. En prime, je recevrai «mes gants de jardin en coton résistant et confortable».
Hier soir, je lisais avant d'aller au lit, Avatar a dressé les oreilles. Juste après, j'ai entendu les cris dehors. Je suis sortie sur le seuil. Il faisait noir et je ne les ai pas vues. Mais les oies étaient de retour. Elles traversaient le ciel au-dessus de moi, cacardant dans l'obscurité en direction du nord.
tous les mots conjurant le désespoir, tous les mots de l'amour du monde, tous les mots découpés dans l'amas des discours creux, tous les mots antidotes.
Le passé monte au jour
quand une fougère du pléistocène se déplie
entre les mains noircies des mains du mineur de fond.
Il amène à ses enfants un souvenir de voyage
à travers temps & espace.
Je vis la quotidienneté en continu. Je suis debout, tenant dans mes mains levées l'écheveau du rêve et les fils du réel.
Idéologie ruinée : que font les papillons de nuit une fois qu'on a éteint la lumière autour de laquelle ils tournoyaient ?
Sur le siège ajouré, les têtes coupées se tournent vers la lumière.
Les rafales de l’automne ont enfin cessé de les faire souffrir,
de les cogner l’une à l’autre suivant leur bon plaisir.
Dans le tumohubohulte d'azur et d'acier, le promeneur est un espion, un danseur sur la scène sur le champ de bataille.
Le temps reste doux mais le bleu a disparu. Seule à ma table, j'écoute le balancier du carillon et les voix du vent, basse continue au ras du toit et soudaines attaques en crescendo qui se manifestent à la vue par des oscillations rapides de toutes les tiges, du petit buisson de thym aux souples baliveaux.
… les idées du chevreuil et du babouin, l’instinct du lombric, les sentiments du chardonneret et ceux de la moule à l’étal, tout ce travail en silence se fond dans l’amalgame animé qui fume à l’aplomb de la terre. L’être vivant y aspire et refoule son image, son âme, son imagination. C’est une ellipse de l’infini. Nous sommes sortis de cette imagination.
« Tu sais que personne ne viendra, tu vis tes derniers instants en ce jardin sur cette terre. » (p. 156)
« Tu penses parfois qu'il y aura une dernière tartine un dernier bifteck une dernière bière. » (p. 81)
« Toutes ces grosses boucles blanches qui se détachant sur le fond de la nuit étaient des feuilles de papier roulées en boules, les poèmes ratés que tu avais jetés dans la corbeille à papier, tu ne savais pas que ta corbeille à papier était le ciel d'ici. » (p. 14)
IV
Extrait 4
préparer la licence de ordonné prêtre éternel
lettres puis à Cambrai consacré doigts lèvres
le 29 juin 1878 il est ciseaux de l’évêque et
tonsure blanche à plat rentrée des classes en
ventre en aube blanche professeur philosophie
sur les dalles glacées et rhétorique latin et
…
IV
Extrait 3
ultramontain férule et la formation interne à
méfiance vis à vis des une théologie pratique
sciences le zèle est à d’affligeante pauvreté
retour à Hazebrouck en l’abbé Dehaene demande
surveillant remplaçant à son jeune pion Jules
pour la philosophie et d’abandonner l’idée de
…
IV
Extrait 2
italien fils du peuple Émile Lobbedey il sera
demeure dans le peuple évêque d’Arras mourant
l’autre ira à ta place là pendant la première
grande guerre mondiale Cambrai et pas de Rome
voici Jules-Auguste au pour lui la volonté de
grand séminaire donc à fer du supérieur Sudre
…
IV
Extrait 1
bachelier des sciences Lemire à Vieux-Berquin
et aussi bachelier des serait parti pour Rome
lettres le jeune Jules études théologiques la
bourse du diocèse pour fils de paysan n’était
un séminariste mais la pas compatible avec le
situation modeste d’un coût de ce long séjour
…
Je m’autorise la liberté…
Je m’autorise la liberté. Je suis borderline sans frontière. De nouveau, je danse : je suis debout, je respire, j’essaie un costume.
Je danse : je mange une tartine beurrée avec un carré de chocolat, je me mouche, je prends une photo, j’écrase une guêpe.
Je danse : je me hausse sur la pointe des pieds, je souffle sur les braises, j’écris un sonnet, je relance la balle.
Je danse : je bats des mains, je saute à cloche-pied, je dépose un € dans la timbale en plastique de la mendiante.