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Critiques de Maïssa Bey (166)
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Au commencement était la mer

Au commencement était la mer… Titre incomplet, les trois points de suspension l’attestent. Il annonce un début d’une histoire qui ne pourrait être que passionnante. Ce qui oblige le lecteur à lire jusqu’à la dernière page le récit pour prendre connaissance de l’épilogue. S’il y a un commencement, il faut bien qu’il y ait une fin, aussi tragique soit-elle comme dans le cas de Nadia, héroïne de ce roman. Le choix du titre est délibéré. "La mer, c’est leur histoire. Au commencement était la mer…" [2] D’où est extrait le titre du roman. Une grande partie du récit se déroule au bord de la plage où résident Nadia et sa famille. Cet espace ouvert (qui est l’envers de la maison, espace fermé) sur le monde et sur les autres est un endroit idéal pour faire des rencontres, échanger avec les autres mais aussi tomber amoureux. Il procure une sensation de liberté, de bien-être et donne une impression d’évasion où l’adolescente Nadia s’oublie et donne libre cours à ses rêves de jeune fille.

C’est un titre énigmatique aux relents de suspens, conjugué à sa forme et à sa structure en bribes, en petits morceaux éclatés mais qui une fois réunis, constituent l’histoire complète de Nadia, l’héroïne. A travers cette fiction, Maïssa Bey retrace la vie et le parcours d’un individu féminin à l’ombre d’un individu masculin. En voulant s’affranchir, construire sa propre vie et son propre destin, elle se heurte à des tourments inattendus qui brisent ses rêves et ses créations parce qu’elle voulait être distincte du voisinage et du collectif. L’auteur ne condamne jamais, elle ne fait que constater, poser des questions, soulever des interrogations à travers les péripéties de Nadia.

Après la mort de son mari tué lors de la guerre d’Algerie (1954-1962), la mère de Nadia occupe le logement de son frère Omar, situé sur la côte algéroise, butin de la colonisation. Faute d’avoir son propre logement, cette famille se contente d’occuper momentanément celui de l’oncle en attendant des jours meilleurs. C’est l’Algérie qui recycle son passé colonial sous une autre forme en attendant de se reconstruire et de s’approprier ses propres valeurs. Faute de mieux, elle se contente de s’installer sur les décombres de la colonisation qu’elle avait chassée. Comme quoi, les séquelles de l’occupation sont vivaces et se manifestent sous plusieurs formes. Il faudra beaucoup de temps pour que les plaies se cicatrisent.

La mer : "Symbole de la dynamique de la vie. Tout sort de la mer et tout y retourne ; lieu des naissances, des transformations et des renaissances. Eaux en mouvement. La mer symbolise un état transitoire entre les possibles encore informels et les réalités formelles, une situation d’ambivalence, qui est celle de l’incertitude, du doute, de l’indécision et qui peut se conclure bien ou mal. De là vient que la mer est à la fois l’image de la vie et celle de la mort ".[3] La mer est aussi, dans ce roman l’opposé de la maison, en ce sens qu’elle représente un espace ouvert par rapport à la maison qui, elle, est fermée sur elle-même et sur les autres.

La mer est en relation aussi avec la mère : "Le symbolisme de la mère se rattache à celui de la mer, comme à celui de la terre, en ce sens qu’elles sont les unes et les autres réceptacles et matrices de la vie.

La mer et la terre sont les symboles du corps maternel […] On retrouve dans ce symbole de la mère, la même ambivalence que dans ceux de la mer et de la terre : la vie et la mort sont corrélatives. Naître, c’est sortir du ventre de la mère ; mourir, c’est retourner à la terre" [4].

La mère de Nadia, qui n’a jamais été nommée, symbolise ici le monde de la résignation, de la soumission aux rituels figés et stériles, le monde de la fatalité féminine. Elle est réduite à exécuter des actes mécaniques, des réflexes involontaires : "La mère est depuis longtemps enfermée dans un monde d’où les rêves et les emportements sont exclus. " [5]

L’autre mère, celle de Karim ; l’apprenti bourgeois : "…Cette dame respectable dont il (Karim) a si souvent parlé à Nadia qu’il lui semble la connaître, l’a rejetée avant même de l’avoir vue." [6] Dans les deux cas, la mère est, par excellence, cet opposant invétéré à l’épanouissement individuel de Nadia, donc de sa progéniture féminine; un obstacle supplémentaire sur le chemin de la vie, pleine d’embûches par ailleurs.

En plus, le parcours de Karim est déjà arrêté, son avenir tracé. Même la femme qu’il doit épouser est probablement repérée ; ce ne sera pas Nadia, c’est connu, Karim le savait aussi

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Pierre Sang Papier ou Cendre

Première rencontre avec Maïssa Bey avec ce court roman, et je dois admettre que je suis sous le charme. Pierre Sang Papier Ou Cendre parvient en quelques pages a embrasser 130 ans de colonisation française en Algérie, d'une manière assez brute.



Par la voix d'anonymes principalement, des enfants bien souvent, et de quelques hauts personnages, l'autrice nous dépeint la sordide réalité de cette occupation, passant d'un événement historique d'importance à un autre.

"Qui peut regarder la guerre dans les yeux d'un enfant?" écrit-elle. A travers des petits instants de vie, Bey nous détaille sans fard la conquête, les humiliations, les exactions des uns et des autres, les guerres... La plume est élégante et le style est empreint de poésie. Il faut bien cela pour adoucir le récit glaçant et les émotions omniprésentes dans ce roman.



Un sujet dont on parle encore 60 ans après l'indépendance, une plaie qui se réouvre régulièrement car elle n'a jamais réellement cicatrisée. Bey nous permet d'imaginer le quotidien de tous ces gens qui ne sont rien aux yeux de l'Histoire, mais qui ont pourtant été aux premières loges... et 130 ans c'est long, très long. Probablement trop pour que le mal soit un jour pardonné.
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Cette fille-là

Cette fille-là, c'est Malika. Sur son dossier médical est inscrit en grosses lettre capitales FIC : forte instabilité caractérielle.

Quand on est née de parents inconnus, trouvée sur une plage par deux ivrognes, quand il faut fuguer pour tenter d'échapper aux serres de son père adoptif concupiscent , à une société haineuse qui ne vous reconnait que bâtarde, qui vous met à l'index pour le restant de votre vie, quand Malika « La reine » d'un royaume de misère devient M'laïkia "la possédée", on peut comprendre et admettre qu'il est normal de se retrouver recluse dans un lieu sordide , tout, sauf un « lieu de vie » , à la fois maison de retraite, asile psychiatrique, hospice, un établissement, somme toute, fourre-tout où s'entassent les débris, les déchets, les rejetés de la communauté.

Malika va côtoyer d'autres femmes à la trajectoire tout aussi tragique, d'autres femelles dérangeantes pour cette société algérienne pétrie, à l'excès, de conventionnalisme, de tabous, de préjugés archaïques, de convenances sociales ancestrales discriminatoires. Misère, désespérance, solitude, abandon partagés qui rendent solidaires.

Il y a Aïcha, la mal aimée du père qui espérait enfin un héritier, qui se verra affublée du prénom de Jeanne parce que Mohamed, le paternel, a refusé de la prénommer devant l'officier français chargé de l' état civil,

Il y a Yamina la proscrite, elle a transgressé les règles sacrées, elle s'est sauvée avec son amant qui l'a abandonnée en la livrant ainsi à la prostitution,

Il y a Zahra, mariée à dix ans, elle n'a pas plongé sa famille dans le déshonneur, contrairement à sa soeur qui s'est enfuie pour se soustraire à un mari vieux, laid, velu,

Il y a aussi Fatima, qui a échappé à la mort programmée par son père la jugeant licencieuse, coupable, elle doit subir le châtiment suprême parce qu'elle a échangé quelques paroles avec un jeune de son âge, par elle, la famille est souillée .

Et puis encore Kheïra , qui fut belle, aujourd'hui vieille et abandonnée

Et M'Baika la noire, « maraboutée », rendue stérile donc maudite,

Badra-Fatma, usée d'avoir travaillé, sans relâche, déconsidérée toute sa vie,

Et enfin Houriya qui a aimé un roumi, pire que tout, un soldat, un ennemi de son peuple.

On ressent toute la tendre compassion de Maïssa Bey envers ces femmes blessées dans leur chair, dans leur âme, dans leur coeur , stigmatisées, exclues de la société , ces femmes qui, entre elles , se comprennent, qui partagent solidairement leur détresse, qui s'entraident , rendant leur désespérance moins virulente.



Ce roman a reçu, en 2001, le prix Marguerite Audoux

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Au commencement était la mer

Ce livre se situe dans une Algérie menacée par les Islamistes. Une jeune fille, Nadia, tente de vivre sa vie dans un monde de plus en plus intolérant vis à vis des femmes. Petit à petit, elle va s'éloigner de son frère aîné, qui adopte la mentalité extrémiste.

Maïssa Bey, avec beaucoup de pudeur, dénonce les humiliations et l'oppression faite aux femmes dans cette Algérie intolérante. Son personnage incarne toutes les victimes de l'extrémisme de ces pays. À lire, c'est bouleversant.

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Bleu blanc vert

J'aime l'écriture de Maïssa Bey, elle me touche elle me bouleverse. C'est un livre fort, un livre magnifique comme on peut en lire rarement

L'histoire n'a rien d'extraordinaire, car elle est banale l'histoire d'un couple qui se connait depuis l'enfance, nourrit par des espoirs et des doutes. Mais là où le roman devient passionnant c'est qu'il est situé dans l'Histoire de l'Algérie. Questionnement concernant l'héritage de la culture française, sur l'intégrisme, l'identité, construire un pays, se battre pour la liberté etc...

Le style est rapide les phrases sont courtes, nerveuses. Maïssa Bey recherche le mot juste dans son écriture, pour exprimer des situations et son ressenti concernant son pays, sa révolte. J'adore sa construction, à deux voix. L'histoire de ce livre est racontée en trois parties.

1962, l'indépendance de l'Algérie, elle a été une colonie française pendant cent trente-deux ans de colonisation, sept ans et demi de guerre. Le pays est à reconstruire la langue, l'identité. Lilas et Ali sont adolescents, ils habitent le même l'immeuble. Ensuite dans la deuxième partie le mariage, les études à la fac, le travail la difficulté de vivre ensemble les doutes d'un couple. Une fois marié Lilas veut faire évoluer les mentalités ne pas être comme sa mère une femme soumise. Ils habitent toujours le même immeuble de leur enfance, et Lilas est obligé de composer avec sa belle mère. Cette partie est noire orageuse, tension au sein du couple. Ils ont une fille Alya, un enfant unique désorienté par le monde qui l'entoure, l'école, l'intégrisme, etc ... Heureusement qu'elle est choyée par ses grand-mères.

L'envie de construire une maison de ce construire une vie nouvelle mais difficultés pour réalisé ce projet, ce rêve de vie meilleurs . Ali est très pris par son travail. a troisième partie c'est l'espoir de quitter la ville, de repartir dans la vie. Lilas et Ali s'offre un séjour en France, à Paris. Le clin d'œil au film de Jean-Luc Godard "À bout de souffle", ce film compte beaucoup pour moi aussi. Mais je pense que le choix de ce film n'est pas un hasard, car ce séjour à Paris symbolise un renouveau un second souffle dans la vie de coupe de Lilas et Ali. "Premier contact avec la France. Paris. Nous avons l'adresse d'un hôtel près du boulevard Montparnasse rue Campagne-Première." C'est la ville lumière de la culture française, mais incompréhension d'être montré du doigt car ils sont arabes. "Désolé, l'hôtel est complet." Ce livre pose les problèmes de la tradition et de la modernité. Si vous ne connaissez pas Maïssa Bey, je vous l'invite à la découvrir vous ne serez pas déçu.
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Hizya

Maissa Bey nous livre ici un rutilant portrait de femme. Une jeune femme opposée à une réalité très éloignée de ses rêves de grandeur et de romance. Une jeune femme pleine de questions posées quant à la place de la femme dans la société algérienne, quant à la place et à l’avenir de la jeunesse dans cette même société. De quel avenir peut-elle rêver ?

Maïssa Bey a une écriture irrépressible . Elle sait trouver les mots justes pour décrire les paysages, mais aussi les sentiments de son héroïne. Une héroïne attachante dont on a envie de devenir l’amie, tant ses questionnements promettent des soirées de débats passionnés !

J’ai bien aimé cette « petite voix » qui prend la plume pour brimer Hizya, la pousser dans ses retranchements. Elle lui met sous le nez ses contradictions, les mensonges qu’elle se fait à elle-même, les vérités qu’elle travestit, amoindrit ou contourne, les chemins de traverse qu’elle emprunte.

Les autres femmes qui gravitent autour de Hizya sont tout aussi attachantes, intéressantes qu’il s’agisse de ses amies du salon, des clientes, de sa sœur ou de sa mère et sa grand-mère …

Un succulent roman c'est le mot .



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Chaque pas que fait le soleil

je tiens à remercier Babelio et les éditions chèvrefeuille étoilée de m'avoir fait parvenir ce livre.

Il s'agit d'une pièce de théâtre avec des dialogues très riches .L'histoire a comme sujet la relation entre une femme prise en otage et son jeune preneur d'otage.

Cette femme écrit pour passer le temps et surtout ne veut pas que les autres écrivent son histoire.Pour cela elle aura besoin de feuilles et de crayons.

Le jeune homme ne va pas comprendre la force de caractère de cette personne qu'il prendra pour une folle.

Elle écrit 100 mots par jour , elle a envie de printemps , elle a une faculté d'imagination hors du commun ...elle sent le jasmin , la vue de la nuit bleu,elle s'imagine dans le jardin , Elle s'imprègne de son imaginaire et de ce qu'elle aime pour survivre dans ce lieu enfermé et retrouver la lumière extérieure.

Le jeune homme est intrigué au fur et à mesure des conversations , il ne comprend pas comment elle peut plaisanter ...

Face à cette façon détachée de voir la vie , il va se livrer ....raconter son vécu.

Il était chétif bébé , sa mère n'avait plus de lait .Il vivait dans une baraque en tôle .Quand aux sentiments il parle de haine et de peur.

Pour lui la vie est synonyme de désespoir.

A la fin ...ce qui ressort de cette pièce .;c'est le syndrome de Stockholm , ils ont vécu des moments d'échanges très particuliers ..;elle se livre à ce jeune homme et lui également .

Elle est le pouvoir des mots .

Lui est le pouvoir des armes.

J'ai aimé ce livre ..très riche en vocabulaire et qui traite d'un sujet d'actualité.
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Entendez-vous dans les montagnes...

Très beau livre, très intime, très personnel. le père de Maïssa Bey, instituteur, a été arrêté pendant la guerre d'indépendance, et est mort, vraisemblablement sous la torture. De cette immense soufrance de petite fille, Maissa Bey, le jour où elle a enfin réussi à en parler, tire un livre étrange et généreux : trois personnages se retrouvent dans un compartiment de train : une femme qui ressemble à la narratrice, une jeune fille qui voudrait savoir comment c'était, ce qui se passait à cette époque dans l'Algérie de ses grands parents et un homme âgé, qui l'a faite comme appelé, cette sale guerre.

L'homme et la femme racontent leur Algérie à la jeune fille et, ce faisant, la femme revient sur son passé, revit et évoque cette mort enfouie au fond de sa souffrance. A la fin, on comprend, et le viel homme comprend, qu'il a été, à son corps défendant, bien sûr, et parce que c'était comme ça, l'un des tortionnaires du jeune instituteur.

Un livre lumineux et pudique d'humanité et de pardon

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Sous le jasmin la nuit

Recueil de nouvelles bouleversantes, suggérées avec une violence onirique, qu'il s'agisse de la cruauté des relations d'amour et de jalousie, de la brève existence d'une transparente petite fille des bidonvilles ou de l'inoubliable "Le silence, la nuit", dernières pensées d'une très jeune fille, rescapée des camps terroristes fanatiques, enceinte des viols collectifs qu'elle a eu à subir.

Une écriture magnifique et une très grande générosité.
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Nulle autre voix

Dans son dernier roman «Nulle autre voix» Maïssa Bey livre les échanges entre une écrivaine et une ancienne détenue, condamnée pour le meurtre de son mari, des correspondances qui explorent le psyché d’une anti-héroïne mise à nu par sa nouvelle condition de criminelle.

Ce roman de 202 pages, mettant en scène un face-à-face anxiogène entre une écrivaine à la conquête d’un nouveau champ d’écriture et de personnages hors du commun, et une ancienne détenue, menant une vie de réclusion chez elle après quinze ans de détention.

Oscillant entre le récit des échanges entre les deux femmes, racontés par l’ancienne détenue, et une dizaine de lettres écrites par la criminelle à l’écrivaine, ce roman nourrit au fil du récit la curiosité du lecteur, et celle de l’écrivaine, envers cette femme hors du commun, qui a donné la mort et a vécu quinze ans en réclusion.

L’écrivaine, personnage à peine présent, ne sert qu’à susciter les confidences livrées au compte-gouttes d’une femme battue, humiliée et soumise qui a trouvé sa liberté et sa paix intérieure dans le crime et dans la détention.

Si les mots clés de ce roman, qui pousse le lecteur à anticiper les faits par curiosité, semblent être «Femme, meurtre, prison, violence, et silence», le récit tourne en réalité autour de la curiosité, les confidences, la confiance, la honte, le retour progressif à la vie ou encore l’amour et l’amitié, ou leurs absences.

L’auteure ne parle que très subtilement de ce crime violent, perçu comme un acte libérateur par son auteur qui n’a pas soufflé mot pour se défendre, préférant se réfugier en prison à l’abri du regard de son entourage qui n’a jamais perçu sa détresse de femme humiliée, rabaissée, battue et qui n’a jamais connu l’amour ni aucun plaisir de la vie.

Pour tenter de dresser le portrait de «la criminelle», les deux femmes évoquent souvent son enfance, sa relation avec sa mère, qui s’est débarrassée d’une «fille instruite mais au physique ingrat» en lui arrangeant un mariage précipité, et avec son père «pas assez présent dans sa vie».

Assurant son rôle d’anti-héroïne jusqu’au bout, les histoires de la criminelle restent anodines même quand le lecteur et l’écrivaine s’attendent à des «anecdotes croustillantes» sur la vie carcérale où elle s’est faite une place en écrivant des lettres et des documents administratifs pour ses codétenues dont elle ne parle que de manière évasive, ou sur la nuit et les détails du meurtre dont elle ne parle que de son point de vue libérateur.

Au fil du récit, une forme d’amitié très complexe et fragile, pleine de non-dits, s’installe entre les deux femmes, l’ancienne détenue revenue dans son appartement vivant isolée de tout, elle installe progressivement l’écrivaine au centre de sa vie et s’adonne à un jeu de manipulation pour la tenir en haleine.

Un roman a' ne pas rater.
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Au commencement était la mer

Aimer, rire, découvrir, rien de tout cela n'est facile en Algérie, à l'époque du GIA et de la montée de l'islamisme. C'est pourtant ce qu'osera faire Nadia, bravant son frère aîné et les règles de plus en plus strictes et enfermantes d'une minorité armée et violente.

Nadia est l'image d'une Algérie jeune, délivrée du colonisateur, en pleine adolescence mais déjà revenue du communisme local, vecteur d'inégalités criantes également. Elle sera malheureusement la proie facile d'un islam radical venu du désert et prétendant ramener la société à sa pureté religieuse originelle.

Un texte fort, prenant, baigné par la mer et le soleil. Un récit traversé par un espoir insensé, porté par l'amour. Le portrait d'une société tiraillé entre modernité et traditions, pas toujours pour le bien de ses enfants.
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Bleu blanc vert

Bleu blanc vert raconte l’histoire de deux Algériens qui prennent tour à tour la parole pour raconter leur vie à Alger, de 1962, année de l’Indépendance, à 1992, qui voit le Front islamique du salut (FIS) gagner les élections. Lui, c’est Ali. Fils d’un combattant du FLN, il a 2 frères et une maman analphabète. Elle, c’est Lilas. Son père est un martyr de la Révolution. Vivant dans le même immeuble, les deux personnages passent de l’enfance à l’âge adulte tout en voyant leurs destins entremêlés à celui de l’Algérie.



C’est difficile d’écrire sur l’histoire récente, souvent brûlante. Maïssa Bey réussit assez bien son pari dans Bleu blanc vert en créant deux personnages qui ne sont pas des modèles. L’Histoire demeure une toile de fonds, toujours présente, mais jamais envahissante dans son roman. L’auteure s’intéresse avec Lilas et Ali aux contradictions d’une Algérie nouvellement indépendante, qui cherche à concilier avec plus ou moins de réussite modernité et traditions. Son style dépouillé d’affects sert plutôt bien son propos, même si elle cède parfois à la facilité. Tout cela contribue à faire de Bleu blanc vert un roman à découvrir, que l’on s’intéresse ou non à l’histoire de l’Algérie.

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Puisque mon coeur est mort

Une véritable Mater Dolorosa que l' «héroïne» du livre. L'histoire d'une mère, veuve, enseignante d'université, qui perd son unique enfant, un grand garçon promis à un bel avenir, et assassiné par un terroriste islamiste (durant la décennie rouge). Elle raconte sa douleur. Elle décrit son calvaire quotidien dans un environnement désormais «autre». Elle écrit sa souffrance. Pour que son enfant «sache» qu'elle pense toujours à lui....et qu'elle va le venger… en préméditant la mort de l'assassin. Car, elle a réussi à obtenir une arme et à apprendre à s'en servir. Ainsi que l'identité et l'adresse de l'assassin, l' «égaré», devenu, par la grâce d'une réconciliation politicienne, un «repenti» vivant désormais «normalement» sa vie. Loin de la justice et de la vérité. Comme si rien ne s'était passé sans trace aucune de culpabilité. Au contraire !



Elle écrit et dialogue avec son fils pour ne pas crier sa peine, mais aussi pour transcrire (pacifiquement et secrètement, en attendant le jour J) sa haine de ceux qui assassinent sans comprendre tous ceux qui ne sont pas, croient-ils, comme eux : «Celui qui est désigné comme autre, celui qui ne s'habille pas comme nous, celui qui ne parle pas la même langue que nous , celui dont le mode de vie diffère tellement du nôtre que la distance paraît insurmontable, même s'il prie le même Dieu. Celui dont le regard qu'il pose sur nous, nous renvoie une image dans laquelle nous ne voulons pas nous reconnaître…»

Des mots forts. Des phrases courtes et directes. Des chapitres explicatifs de situations compliquées. Des pages sublimissimes !

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Puisque mon coeur est mort

Le dernier roman de Maissa Bey « Puisque mon cœur est mort » (Barzakh-183p) relate l’histoire d’Aida, une enseignante universitaire d’anglais divorcée qui ouvre, après l’assassinat de son cher fils Nadir, la porte pour accueillir le chagrin et la solitude sur sa vie. Depuis, confrontée à la solitude, cette femme de 48 ans commence à lui écrire dans un cahier pour chasser la douleur et le malheur qui l’envahissent tout en nourrissant sa volonté de le venger.



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Entendez-vous dans les montagnes...

En peu de mots, l'auteur décrit avec beaucoup de pertinence les comportements humains en temps de guerre et les traumatismes qu'elle génère. Elle n'oublie pas de préciser que le temps efface tout puisque, fille de résistant durant la guerre d'Algérie, elle doit trouver asile en France suite aux massacres perpétrés en Algérie durant la période post annulation du premier tour des élections municipales.
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Cette fille-là

Comme toujours avec cette auteur, une qualité d'ecriture superbe.

Des portraits de femmes qui ont ete des fillettes, des vies cabossées par divers accident ou tout bonnement le courant implacable de ce pays ?

On y est on les connait ces filles la, émotions, tendresse, pitié pour ces femmes en souffrance. On comprend mieux maintenant leur mentalité.

Decouverte de la vie en Algerie, des mentalités, de la solidarité féminine mais aussi des rancoeurs, des haines, des humiliations par l'homme encore si actuelles hélas.

A lire impérativement.
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Cette fille-là

Que la condition des femmes est dure de ce côté de la Méditerranée... Un livre dur, âpre, qui nous oblige à ouvrir les yeux sur ces vies où le moindre soupçon d'envie de liberté plonge les fautives dans des affres terribles.



Un livre poignant qui résonnera longtemps en moi.



J'aime beaucoup la plume de l'auteur, je vais essayer de trouver ses autres livres.
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Sous le jasmin la nuit

Onze nouvelles à l'écriture parfois déroutante (la première surtout !). Onze nouvelles pour onze femmes, dont une "absente" : mères, filles, épouses... Toutes sont ce qu'elles peuvent dans cette Algérie où se côtoient la douceur du jasmin, du figuier, de la lumière et une violence plus ou moins tapie, plus ou moins sourde ou criante.

J'ai apprécié la diversité des nouvelles (aucune n'a le même schéma). J'ai pensé à Andrée Chédid. Je me suis dit que j'avais lu trop vite. Ce sont des textes où revenir.
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Au commencement était la mer

J’ai découvert et rencontré la romancière Maïssa Bey, en décembre 2019, à sa venue à Dijon.

Cette écrivaine militante est d’ailleurs très critiquée pour ses prises de positions en tant que défenseuse des droits de la femme en Algérie, pays où elle est née et où elle vit.





« Au commencement était la mer », est un roman que l’auteure a écrit il y a déjà vingt-cinq ans et qui semble toujours d’actualité. Et j’ai retrouvé sa même écriture fluide et aussi sa même force de réflexions sur la condition de la femme algérienne, à travers Nadia le personnage central du récit.

Maïssa brosse un très beau portrait de jeune fille, tout en délicatesse et en profondeur. Elle rend cette jeune fille de dix-huit ans, terriblement belle dans ses émotions, dans ses espoirs, dans les douleurs qu’elle va traverser avec un grand courage.



Nadia, avait seulement huit ans à la mort de son père qu’elle aimait tant.

Nadia avec des rêves de liberté plein la tête, avec son aspiration à croire au grand amour, à l’égalité des femmes et des hommes.

Nadia, avec ce besoin de savoir, d’espérer, avec cette soif d’apprendre et de lire.

Nadia, une rebelle qui refuse sa condition de jeune fille lorsqu’elle voit la soumission de sa propre mère et celle des autres femmes qu’elle rencontre dans la ville.

Nadia, qui essaie de se révolter, se défaire aussi du regard mauvais et inquisiteur de son propre frère Djmalel, qu’elle voit se radicaliser chaque jour davantage.





Mais parmi tous ses tourments, ses mille questions et ses déceptions qui rendent cette jeune fille si triste, Nadia va connaitre un fulgurant et brûlant moment de répit.

Elle va rencontrer ce qu’elle pensait l’Amour et la chaleur des corps enfiévrés avec Karim.

Cette étreinte des corps avant mariage que la société interdit, par les prêches de prédicateurs de plus en plus véhéments.

Dans cette société algérienne prise en étau entre tradition et modernité et dont certains groupes veuillent rétablir la pureté religieuse et en conséquence veuillent bannir la femme de l’espace public.





Mais le bonheur n’est pas pour Nadia et ce sera Karim qui lui donnera la première estocade par sa rupture sèche et brutale. Une énorme brûlure d’un désespoir qui lui rongera le cœur.

Ce sera aussi une vie qui naitra dans son ventre, comme une verrue, comme une sangsue, comme un parasite planté là, pour mieux anéantir la jeune fille.

Aura-t-elle la force de garder son enfant ?



Viendra aussi le jour de l’affrontement avec son frère Djamel...





C’est un beau roman très émouvant pour cette tragédie que vivra Nadia.

Maïssa Bey y dénonce aussi cette société trop patriarcale pleine de tabous et de mensonges. Elle y dénonce aussi et surtout cette violence constamment infligée à des milliers de femmes.

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Nulle autre voix

« Elle » a tué son mari à qui ses parents l’ont mariée de force.



Elle vivait un enfer quotidien avec cet homme : humiliations physiques (les coups donnés sans que cela ne marqua la peau), humiliations psychiques (quand il était là, son seul domaine était la cuisine), humiliations sexuelles (les relations sexuelles servaient exclusivement à la procréation).



« Dès la première nuit, dès la première bouffée de haine, j’ai souhaité sa mort. J’en ai rêvé. Oui, des centaines de fois, j’ai rêvé pour lui un attentat terroriste, un accident quelconque, des mauvaises rencontres, une maladie incurable assortie d’une longue et douloureuse agonie. J’ai souhaité de toutes mes forces qu’il rôtisse en enfer, lui, l’homme pieux toujours prêt à exhiber sa foi et qui avait pris à la lettre le verset dans lequel il est dit qu’un homme se doit de corriger son épouse s’il considère qu’elle se montre récalcitrante. » (page 55).



Mais « elle » n’en peut plus et passe à l’acte. Elle est arrêtée et écope de quinze ans de prison. Elle accomplira sa peine dans une cellule trop petite pour sept à huit femmes, condamnées elles aussi pour des peines plus ou moins lourdes.

Cet enfermement, « elle » va le vivre, paradoxalement, comme une liberté qu’elle n’a jamais connue. L’homme, non plus, n’est plus là, châtié comme il se doit.

L’écriture va la sauver une première fois, en prison. Elle devient « écrivain public » pour ses co-détenues. Elle gagne leur confiance. Il s’agit aussi de sa survie physique, de ne plus être astreinte aux corvées les plus dures, les plus dégradantes…..



Depuis quelques paragraphes, je n’utilise pas de prénom pour nommer « elle ». Ce n’est pas un hasard ou une lubie de Maïssa Bey, l’auteur. Celle-ci nous explique que « par l’acte que j’ai commis, j’ai effacé mon identité et le prénom que mes parents ont choisi pour moi le jour de ma naissance. » (page 18). Une humiliation de plus qu’ « elle » subit, après toutes les autres.



Quinze ans sont passés. Elle retrouve son appartement grâce à son père et à son petit frère.

Elle vivote. Ses seules sorties sont pour faire des courses à 500 mètres du logement.

Elle essaie de se reconstruire mais n’y arrive pas vraiment.



C’est alors que surgit dans sa vie Farida. Elle se présente comme chercheur, écrivain… Elle la contacte pour entendre son histoire et en faire, peut-être, un roman. « Elle » accepte.

Avec ces rendez-vous, ces échanges avec Farida, « elle » se libère, enfin, par la parole mais surtout, encore, par l’écriture.

A partir de là, « elle » va tenir un journal et chaque jour sera consacré à écrire une lettre à l’écrivain, où « elle » se livre sans retenue.



« Nos conversations me laissaient un goût d’inachevé. Je voulais aller plus loin. J’ai compris, en revenant à mes carnets chaque soir, que l’écriture libère bien plus que la parole. » (page 233).



Maïssa Bey dans « Nulle autre voix » se fait la porte-parole de toutes ces femmes algériennes qui subissent, quotidiennement, les violences ordinaires d’une société ne pardonnant rien aux femmes.



« Pour moi, la première violence est de s’arroger le droit de disposer de l’autre. Du corps de l’autre. Au nom d’une supériorité légitimée par la naissance, le sexe, l’argent, la position sociale ou encore par des lois humaines ou divines. » (page 200).



Très tôt, les enfants connaissent le rang qu’ils auront à tenir adultes dans la société. Les filles deviendront des épouses soumises, enfermées dans le carcan de leur foyer. Elles devront obéir à leur mari en toutes circonstances. Elles n’auront aucune autre issue.

Elles pourront faire des études, travailler mais elles resteront toujours sous la tutelle des hommes. Tout est apparence. Il est très important que tout reste dans le giron familial et marital.



« Le visible et le caché. Deux socles sur lesquels repose la société. Ce qui ne se voit pas n’existe pas et ne peut donc pas être répréhensible. » (page 148).



Un autre sujet que traite Maïssa Bey dans son livre est la prison. Elle décrit longuement comment cela fonctionne (les passe-droits…). La violence y est aussi présente.

Après être sorti de prison physiquement, celle-ci reste à jamais dans la tête, dans les gestes, les attitudes. On ne sort pas totalement de cet autre enfermement. Celui-ci, aussi, vous colle à la peau pour la vie.



« Les murs de la prison me séparent toujours du monde. Ils sont dans ma tête. Rien ne pourra venir à bout de cette forteresse mentale. Pas seulement mentale d’ailleurs…. Je m’aperçois maintenant que, quoi que j’aie pu vous raconter sur ces lieux, je ne crois pas avoir réussi à en restituer l’atmosphère sordide jusqu’à l’odeur de remugle et de graillon qui continue d’imprégner les narines, longtemps après que l’on en est sorti. » (pages 101-102).



Enfin, l’écriture de Maïssa Bey est très importante pour donner chair à ses personnages féminins. Son écriture peut être tout en douceur, comme elle peut être crue. Elle peut être tout en nuance et quelques mots après violente, avec des phrases assénées comme des claques.



En quatrième de couverture, la journaliste Marina da Silva écrit dans « Le Monde diplomatique » : « Le lecteur qui ne connaît pas encore Maïssa Bey à beaucoup de chance… Il va découvrir une écriture solaire dans tous ses éclats, entre ombre et lumière, caresse et brûlure. »



La journaliste a bien résumé ce que j’ai ressenti dans ce livre et pour ce livre. Maïssa Bey est un écrivain qui ne laisse pas indifférent.
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