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Critiques de Marcel Proust (1050)
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À la recherche du temps perdu, tome 3 : Le ..

On avait fini A l’ombre des jeunes filles en fleur sur cette glaçante image du jour d’été s’encadrant dans la fenêtre de l’hôtel, « aussi mort, aussi immémorial qu’une somptueuse et millénaire momie que notre vieille servante n’eût fait que précautionneusement désemmailloter de tous ses linges, avant de la faire apparaître, embaumée dans sa robe d’or ».



Charmant souvenir de vacances que le petit Marcel ramène de son premier séjour à Balbec !



Cette fin et tout ce qui précédait en matière de ratiocinations nostalgiques et stériles de la part d’un adolescent prépubère m’avaient mise dans un état d’agacement et d’incrédulité que certains se rappellent peut-être encore.



Bien sûr, Proust considérait la Recherche comme un tout et ce n’est pas lui être loyal que de commenter une césure qui n’est due qu’à des exigences éditoriales. Il n’en reste pas moins que j’ai senti un net changement d’atmosphère en entamant Du côté de Guermantes. Et heureusement !



Ce qui a commencé à me réconcilier avec lui, c’est la confession que fait le narrateur de l’erreur dans laquelle il se trouvait autrefois d’avoir voulu figer la Berma dans la gangue d’une admiration ne faisant que la détruire. Fossiliser le vivant n’est pas le meilleur hommage qu’on puisse lui rendre semble enfin avoir compris le narrateur. Le voilà donc capable de reconnaître le prix de « gestes instables perpétuellement transformés », du « fugitif », du « momentané », du « mobile chef-d’œuvre ».



Dans mes bras, mon ami, tout est pardonné !



Partie sur un autre pied, notre relation n’a fait ensuite que s’étoffer des milles attentions, réflexions sagaces et joliment plaisantes que l’on a entre amis lorsque l’on cherche à renforcer une douce complicité. Ainsi, Proust connaissant mon intérêt récent pour les strates successives d’ancestrales ascendances telles que les définit Morizot (tous les animaux par lesquels notre évolution nous a fait passer et que nous gardons à même la peau), Proust, disais-je, a parsemé en conséquence son texte de bestioles diverses qui jaillissent malicieusement des endroits les plus inattendus.



Ces sont les « trois Parques à cheveux blancs, bleus ou roses », antiques reliques ornant le salon de Mme de de Villeparisis qui se sont livrées à une inconduite qui ne peut être que « proportionné à la grandeur des époques antéhistoriques, à l’âge du Mammouth. » C’est la maladie de sa grand-mère qui fait sentir au narrateur que notre corps n’aura jamais aucune pitié pour nous, que négocier avec lui, ce serait comme « discourir devant une pieuvre, pour qui nos paroles ne peuvent pas avoir plus de sens que le bruit de l’eau, avec laquelle nous serions épouvantés d’être condamnés à vivre. » Il y a bien sûr « la forme confuse du protozoaire dépourvu d’existence individuelle » que se sent être le narrateur dans le divin regard de la duchesse de Guermantes à l’Opéra. Le moment du premier baiser à Albertine où on apprend que « l’homme, créature évidemment moins rudimentaire que l’oursin ou même la baleine, maque encore cependant d’un certain nombre d’organes essentiels, et notamment n’en possède aucun qui serve au baiser. » Et, last but not least, le renne avec lequel est comparé Monsieur de Charlus, qui tire du spectacle des gens du monde la matière première de sa conversation, comme ces cervidés le lichen, les mousses, dont « une fois digérés » ils font un aliment assimilable pour les Esquimaux.



N’est-ce pas chou, toutes ces allusions à mon dada du moment ?



Amadouée par tant de sollicitude, riche de cette collection hétéroclite de spécimens que n’aurait pas reniée le professeur Burp des Rubriques à brac, je me suis sentie l’allant pour flatter à mon tour la marotte de mon nouvel ami : le nom et ses relations avec l’imagination.



Il m’a semblé que ce n’était finalement qu’un jeu de trame. Verticalement, et dans une relative homogénéité d’usage, il y a les noms qui font rêver. La Berma donc, cantatrice de son état, Elstir, le peintre, Balbec, Combray, Guermantes, Vinteuil, Venise, etc..

Ce sont les récipients destinés à contenir une précieuse substance. A ce compte, ils sont d’ailleurs parfaitement substituables l’un à l’autre, entendre la Berma revient à partir pour Balbec, penser à Gilberte ou gagner Venise. Par métonymie, vous pouvez aussi les remplacer par un bout de vitrail, une madeleine, une aubépine, une certaine qualité de la lumière. (Les dames aimées, objets de tant d’attentifs soins circonstanciés, apprécieront.)



La question d’importance réside plutôt dans la nature de ce qui remplit ces noms-vases. Le côté horizontal de ma démonstration. Ce sera ce que les expériences de la vie vous amèneront combiné à la représentation que vous en aurez conçue précédemment. Ainsi le nom de Guermantes contient-il une somme de féérie, d’histoire aristocratique, de nostalgie propre à Combray que la collusion avec son incarnation par la duchesse de Guermantes va tour à tour confirmer, trahir, étoffer, révéler.



Quand elle met les mêmes robes que toutes les autres femmes de sa condition, Oriane se montre d’un commun qui n’honore pas son nom. En revanche, quand elle utilise des vocables anciens, a des intonations venant directement de Guermantes, son langage acquiert une pureté, « cette séduisante vigueur des corps souples qu’aucune épuisante réflexion, nul souci moral ou trouble nerveux n’ont altérée ». Cruel tableau de qui est loué pour son conservatisme langagier, son absence de morale et de réflexivité. Mais au moins ainsi, la duchesse aura fait jaillir ce qu’est vraiment Guermantes pour le narrateur.



Limite de l’exercice, lorsqu’elle se montre spirituelle et brillante mais affreusement snobe et mondaine à ses dîners, est-ce Guermantes qu’elle exhale ? La question ne manque pas de tourmenter le narrateur qui ne peut se résoudre à adorer une telle vacuité pas plus qu’à briser l’idole que constitue la duchesse de Guermantes à ses yeux.



Récapitulons : le contact avec les expériences de la vie va donc se charger de faire varier la définition que l’on pouvait conférer aux noms-réceptacles. Mais ce ne sera jamais qu’à la lumière que lui donnera l’imagination. Et il pourra même arriver que la réalité n’ait aucune chance de pénétrer dans ces arcanes.



Prenez cette pauvre Albertine qui a été l’objet d’une looongue et confuse rêverie enamourée dans A l’ombre des jeunes filles en fleur. Grandie, émancipée, elle se trouve un après-midi dans la chambre du narrateur et se fait embrasser. On se dit que c’est le moment tant attendu, la consécration physique de tant de rêveries éthérées. Ca y est, Marcel conclut ! On va en avoir pour des tartines et des tartines de congratulations dégoulinantes, d’idylliques représentations que le mythe des androgynes n’a jamais atteintes.



Pas du tout.



Bonne pâte, Albertine rend les baisers tant et plus que « ses caresses amèn[ent] la satisfaction (…) dont [le narrateur] avai[t] craint qu’elle ne lui causât le petit mouvement de répulsion et de pudeur offensée que Gilberte avait eu à un moment semblable ». Faites-vous une idée précise de la chose et repérez, au passage le glissement, l’équivalence Albertine = Gilberte. Même au plus fort des ébats, à l’acmé de la jouissance, la jeune fille n’existe pas pour elle-même. De vase, elle a, plus que jamais les attributs.



Cette étreinte vide d’ailleurs Albertine de tout ce qu’elle représentait. C’est que le narrateur, non seulement pense à Gilberte, mais en désire une autre, qu’il n’a même jamais vue, Mme de Stermaria. Et hop, une troisième nana dans le lit !



Mais surtout, « c’est la terrible tromperie de l’amour qu’il commence par nous faire jouer avec une femme non du monde extérieur, mais avec une poupée intérieure à notre cerveau, la seule d’ailleurs que nous ayons toujours à notre disposition, la seule que nous posséderons, que l’arbitraire du souvenir, presque aussi absolu que celui de l’imagination, peut avoir fait aussi différente de la femme réelle que du Balbec réel avait été pour moi le Balbec rêvé ; création fictive à laquelle peu à peu, pour notre souffrance, nous forcerons la femme réelle à ressembler. »



Vous voyez l’entourloupe ? Le réel n’existe pas, seule l’imagination et le souvenir président à remplir les noms de ce qu’ils voudront bien y mettre. On comprend mieux alors qu’ils soient interchangeables. Le tout est de tisser entre ces deux instances et la vie assez de points de correspondances pour que puisse s’exprimer cette forme de vérité qui précipite enfin le nom et la chose rêvée en une unique substance.



A ce point de nos relations, Proust et moi, je me suis sentie reprise de mes préventions antérieures. Et ce n’était pas l’offrande d’un Mammouth ou d’une pieuvre qui allait suffire à m’amadouer. Et puis je me suis gourmandé et rappelé ma promesse solennelle de ne pas me focaliser sur ce qui ne pouvait être changé. Et de porter mon attention plutôt sur l’extraordinaire richesse de combinatoires que représente un tel système. Sur le miroitement des sens que dissimulent des propos aux apparences souvent définitives. Derrière la phrase aux allures de sentence, l’utilisation du présent gnomique, on trouve bien souvent une fantaisie, une inventivité qui enchantent et révèlent le triomphe paradoxal de l’impermanence, du mouvement, de la vie.



Allez, copain, on remet ça et on prend date pour Sodome et Gomorrhe ?

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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

J'ai abandonné au bout de 40 pages tellement les descriptions comparaisons et métaphores de quelqu'un a moitié endormi m'ont... endormie. Je n'ai vraiment pas du tout accroché, même si je l'avoue c'est bien écrit. Mais il ne se passe rien et cela m'a ennuyée.
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..



"L'extase de son identité, placée sous le microscope de la réalité, révèle un système complexe de ces passerelles subtiles que traversent les sens, riants, enlacés, jetant des fleurs en l'air, entre l'âme et la chair lamellée, et qui a toujours été une forme du souvenir même à l'instant de sa perception." (V. Nabokov)





...«Mais toutes ces pensées ne durèrent que l'espace d'une seconde, le temps qu'il portât la main à son coeur, reprît sa respiration et parvînt à sourire pour dissimuler sa torture...»



Ces pensées-là, éveillées une seconde par les sentiments irrépressibles de jalousie qui assaillaient alors Swann, s'étaient toutefois déployées profusément dans l'esprit incurvé de ce dernier, traduites par la plume de l'auteur en longues phrases serpentines occupant l'espace de plusieurs paragraphes d'affilée..!



Depuis la parution discrète de "Du Côté de Chez Swann" -publié en 1913, dans une édition à compte d'auteur farcie de coquilles- cette relativité spatio-temporelle inaugurée alors par Proust, équation esthétique et philosophique à la base de l'édifice monumental qu'il allait bâtir par la suite -et que ce passage de « Un amour de Swann » pourrait à mon sens illustrer à merveille-, aura déclenché une véritable révolution copernicienne dans l'espace littéraire du XXe siècle. Plus d'un siècle après, «À la recherche du temps perdu» continue d'être l'une des oeuvres les plus étudiées et citées dans le monde entier.



Cette dilatation, et parfois rétraction de l'écoulement de la temporalité psychologique, n'auront cessé depuis de nourrir et d'inspirer (et continuent de nos jours), non seulement la littérature, mais aussi, indirectement, la création artistique en général, sans que l'on ait cependant jamais réussi à égaler l'original, ni sur le fond, ni sur la forme.

(Ceci tant et si bien, que, comme pour Freud dont il serait absurde de nier complètement toute influence dans la culture de notre époque, l'on peut parfaitement s'avérer «proustien» sans pour autant avoir jamais ouvert un seul de ses livres!)



L'on constate dans ce premier tome, tout comme dans la suite de la Recherche, une absence voyante de chronologie linéaire. Quasiment aucune date précise n'y est explicitement évoquée. Quel âge a le narrateur lorsqu'il trempe sa madeleine dans la tasse de thé de sa tante Léonie ? Ou bien lorsqu'il s'en souvient pour la première fois ? Ou quand il l'écrit enfin..?



Les âges et les dates n'ont en effet pas grand ‘chose à y faire, dans ce temps proustien dont on ne sait jamais au juste où il commence, ni quand il se termine tout à fait, et qui en dernier ressort aspirerait à durer tout simplement... La «recherche d'un temps perdu» y ressemblerait plutôt à la quête d'un «présent mythologique», circulaire, libéré enfin de son carcan calendaire. Quête d'une faille possible dans l'éternité divine par un travail de réminiscence humaine qui, plus qu'un effort conscient, serait un état à rechercher plutôt en descendant en soi-même qu'en remontant dans un passé qu'on visiterait comme un album d'images, et par lequel il serait momentanément permis d'accéder à la joie d'échapper à l'emprise tyrannique de cette temporalité linéaire dans laquelle le monde physique nous enferme, ce monde tragique où tout ce qui a un début doit forcément connaître un terme. «Le temps est assassin», dit la chanson.



Le narrateur commence à creuser cette brèche dans le mur de Planck par l'un des plus célèbres incipits de toute l'histoire de la littérature occidentale, le magnifique et suspensif : «Longtemps, je me suis couché de bonne heure...». Suspension temporelle qui se poursuit dans la résurrection du Combray de son enfance, grâce à un mouvement de cette «mémoire involontaire » (émergence de l'inconscient?) – vraie «madeleine de Proust», la seule susceptible de nous soustraire au temps en pure perte - ainsi que les images, déterminantes pour l'avenir du jeune narrateur, de ses premières incursions du côté de chez Swann et du coté de Guermantes (Première partie : «Combray»).



Doté par la suite d'un don d'omniscience nouvelle, dans la deuxième partie («Un amour de Swann» - souvent éditée également en volume séparé, ce qui pourrait éventuellement constituer une bonne entrée en matière pour ceux qui hésiteraient à approcher de face l'impressionnant monument !), le narrateur revient sur les débuts de l'histoire de l'amour entre Swann et Odette de Crécy, qui avaient eu lieu quelque temps avant sa naissance (une dizaine d'années ? plus ?). Malgré le point initial où il se situe alors par rapport à la totalité de « La Recherche », le lecteur ne pourra peut-être pas s'empêcher d'imaginer à ce stade qu'il se retrouve face à l'un des plus extraordinaires et sublimes passages que Proust aura consacrés à l'observation minutieuse de la passion amoureuse.



Une troisième et dernière partie, au titre énigmatique de «Nom de pays : le nom», nous plonge enfin au coeur de cette matrice sur laquelle l'hypersensibilité manifeste du narrateur greffera à l'avenir aussi bien ses rêves les plus exquis, que ses déceptions les plus cruelles : cette fracture originaire entre les noms et la réalité qu'ils désignent, entre « l'âme et la chair lamellée par les sens », entre le rêve, par exemple, de visiter Venise et un voyage à Venise (qui heureusement pour lui finalement ne se fera pas à ce moment-là !), entre le Balbec imaginé et le Balbec réel où il se rendra plus tard avec sa grand-mère, ou encore entre la jeune fille qu'il aperçoit de loin du côté de chez Swann et dont il est tombé amoureux, et la Gilberte en chair et en os dont il fait ensuite la connaissance à Paris...



J'avoue que plus je me sens attiré par cet univers littéraire unique, plus celui-ci m'apparaît aux antipodes de toute approche purement rationnelle, positive ; plus je succombe à sa logique interne, elle-même en constante évanescence, à la beauté hypnotique de cette construction dont l'achèvement est constamment suspendu, différé, plus difficile il me semble d'en parler sans avoir quelque peu le sentiment de trahir l'esprit de l'oeuvre, ou tout au moins de risquer de la réduire à l'une de ces multiples composantes, celles-là même que Proust donne le sentiment de vouloir garder dans un équilibre instable, paradoxal, improbable : entre candeur et cynisme, entre mondanité et profondeur philosophique, entre mélancolie et légèreté, entre absence de morale et volonté d'élévation, entre manifestations exaltées d'un désir d'appartenance, ou d'une interdépendance à laquelle nul ne peut échapper totalement –sociale, familiale, amoureuse - et des mises à nu féroces de l'hypocrisie et de la mesquinerie sous-jacentes au commerce entre les hommes, ou enfin, entre cette surhumaine beauté d'une langue qui les véhicule avec profusion de détails et de digressions, tout en les transcendant par l'immense pouvoir d'évocation des images qu'elle crée, et un usage laborieusement sacrilège d'une syntaxe emberlificotée, accumulant parenthèses, subordonnées et sub-subordonnées à tel point que ces dernières nous semblent par moment ne plus se rapporter à aucune principale (ce qui amènerait un certain nombre de ses détracteurs à affirmer qu'à lire Proust en bon grammairien, l'on ne peut que constater qu'il écrit mal !!).



J'en viens en tout cas à penser que lire, et surtout pouvoir apprécier Proust supposerait nécessairement de notre part une certaine symétrie avec le Narrateur et avec la temporalité particulière que l'oeuvre met en place. Un défi donc à nos propres «habitudes» de lecture.

Ainsi, lorsqu'on on lit un de ses longs paragraphes, on est assez souvent amenés à les relire, nécessairement, afin de pouvoir les saisir, à la fois dans leur plénitude et dans leurs détails, comme l'on prend le temps d'observer un vaste paysage depuis un tertre, puis on se surprend à les relire une troisième fois, juste pour la beauté, voire encore...Oui, c'est peut-être long ! Mais d'après quels critères exactement? Qu'importe! Car le temps de lecture se dilate aussi pour nous : la lecture d'un seul roman en vaut une infinité d'autres. «Proust est un prisme», disait -encore lui- Nabokov.



Quoi qu'on en pense en définitive, que l'on aime ou pas, le mystère de cette écriture enveloppante reste entier. Comme un miroir, elle ne nous décrit pas seulement une réalité extérieure à nous-même : elle nous inclut dans son reflet.



Il paraît d'ailleurs que Proust lui-même aurait aimé qu'on le lise ainsi.



Dont acte.







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A la recherche du temps perdu, tome 5 : La ..

Albertine est venue vivre avec le narrateur qui envisage de l’épouser, il en a parlé à sa mère (qui est contre), mais pas à la jeune fille. Il n’est d’ailleurs pas certain d’aimer Albertine, mais la jalousie le torture — ne lui préfère-t-elle pas une femme ?



Le narrateur est malade, sort peu, Albertine est donc contrainte de sortir seule. Seule, mais est-ce bien certain ?



C’est le thème du livre, et franchement, Marcel Proust en fait des pages et des pages.



Le narrateur se rend tout de même à une soirée chez madame Verdurin. Un passage plus léger du roman où l’auteur décrit admirablement les petits jeux sociaux. La grande aristocratie dédaigne saluer la Patronne, à l’exception de la reine de Naples.



La musique de Vinteuil est l’objet des plus belles pages du livre.



Vous serez sans doute surpris d’apprendre que le roman s’achève sur un cliffhanger, de quoi donner envie de lire la suite, tout en redoutant (un peu) les interminables phrases que l’évènement va inspirer à l’auteur.


Lien : https://dequoilire.com/marce..
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A la recherche du temps perdu, tome 4 : Sod..

Avec ce quatrième tome, je crois avoir trouvé la clé qui m’a ouvert en grand l’âme et l’esprit de Marcel Proust dans la Recherche. Non pas que mon intelligence (de lectrice profane) soit restée hermétique aux premiers tomes sinon j’aurais abandonné depuis longtemps, ce qui ne m’a jamais effleurée, mais j’ai pris humblement conscience que je m’étais habituée à l’écrivain, à son style, et que c’était de manière fluide que je le lisais.



Je mets donc Sodome et Gomorrhe sur la première place de mon podium de la Recherche, pour le moment en tout cas.

Une certitude désormais, je ne m’en tiendrais pas à une seule lecture de cette œuvre magistrale, tant je me réjouis déjà de l’aborder par un autre prisme, tout en ayant le regard de la première fois (si je ne suis pas très claire, mais je me comprends, j’en suis désolée car je ne sais comment l’expliquer autrement).



Je ne vais pas m’étendre sur ce qui se passe dans ce tome très innovant pour l’époque, où Marcel Proust continue sa promenade dans le temps et dans les méandres de la nature humaine, son enveloppe extérieure et son intériorité, axant ses réflexions sur le thème central de ce tome, l’homosexualité féminine et masculine, mais pas que bien évidemment.



Je voudrais juste mettre en avant le passage qui m’a le plus marquée par sa beauté et le déchirement qu’il a engendré : celui où le narrateur se rend compte tout à coup que sa grand-mère est morte (cela fait plus d’un an) : sa perte, les jamais plus le frappent de plein fouet à l’instant où il délasse ses bottines dans sa chambre du Grand Hôtel de Balbec où il a séjourné avec elle pendant son adolescence, acte anodin en soi, mais qui lui apporte une prise de conscience dont la soudaineté lui est très douloureuse. Ces pages me marqueront à tout jamais. Il s’en épanche d’une manière tellement touchante que j’en ai eu les larmes aux yeux, j’ai voulu relire ce passage immédiatement, pour m’imprégner totalement de sa peine.



Je me suis régalée de cette somptueuse lecture, de cette comédie humaine qui regorge d’anecdotes comiques ou touchantes. Et, les longs passages introspectifs sont d’un style et d’un contenu absolument merveilleux.



Une très belle lecture dont je ressors heureuse, et pour votre plaisir j’espère, je poste deux citations qui m’ont bien amusée. Aaah, Marcel Proust, quel humour !



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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Ah les balades du côté de chez swann, et les toilettes des femmes et la beauté des souvenirs qui sont passés et ne reviendront jamais... Pour moi qui ait toujours eu une relation particulière avec l'éphémère et le passage du temps, quelle belle œuvre a lire, celle qui regroupe tant d'impressions familières que je pensais avoir oublié.

Lire du côté de chez Swann c'est se replonger dans des impressions qui ne sont pas les siennes, des relations étrangères, un monde lointain qui deviennent pourtant comme une partie de soi, très douce.
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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

« À l'ombre des jeunes filles en fleurs », deuxième volet de la célèbre oeuvre romanesque de Marcel Proust, « A la recherche du temps perdu ».



Après avoir essuyé plusieurs échecs lors de la première étape de la recherche, « du côté de chez Swann », j'avais fini par me faire accompagner par deux belles voix, celles d'André Dussollier et de Lambert Wilson. Je ne le regrette pas car cette lecture avait été un superbe moment de lecture.

Alors, pour cette deuxième étape de montagne, au risque de me perdre à nouveau, j'ai choisi de ne pas partir toute seule à l'aventure : c'est en cordée avec mes ami.es babelionautes (que je remercie) et la très belle voix de Lambert Wilson que j'ai gravi cette montagne.



Cette lecture a été longue, presque deux mois. Je suis arrivée bonne dernière, mais mon objectif est atteint : je n'ai pas flanché, j'ai bouclé cette épreuve sans rien lâcher, et surtout, j'ai pris beaucoup de plaisir à cette lecture.

J'ai pris le temps de revenir sur de nombreux passages en alternant audio et livre, et cette relecture n'a pas été inutile, loin de là : cela m'a permis de mieux comprendre l'enchaînement des idées, leurs interconnexions, leurs sous-entendus.



*

Dans ce roman, le narrateur, jeune homme délicat et introspectif, poursuit sa quête du temps, luttant contre l'oubli dans une course contre le temps qui s'enfuit, une course qui l'amène à saisir les pensées les plus justes dans l'instant.

De Paris au bord de mer de Balbec en Normandie, il poursuit son exploration des souvenirs, des sentiments, des émotions qui ont marqué sa jeunesse, nourris de rêveries romantiques, de fantasmes, de désillusions.



Au gré des rencontres, des conversations, des promenades, il décrit avec minutie et habileté tous les petits détails nostalgiques de ces jours lointains. Et ces petits riens prennent une place capitale et essentielle dans les souvenirs du jeune homme.

En parcourant ainsi son passé, il explore les thèmes de l'amour et de la jalousie, de la fuite du temps et de la fugacité des êtres, du bonheur et de la mémoire, de l'art et de la recherche de la beauté. C'est aussi l'occasion pour lui de réfléchir sur sa propre identité, sur sa relation avec les autres et sur la façon dont les souvenirs et le temps façonnent sa perception des autres.

A travers la transparence de ses pensées, on perçoit un jeune homme maladif, naturellement triste malgré sa quête du bonheur et de l'amour.



« Et c'est en somme une façon comme une autre de résoudre le problème de l'existence, qu'approcher suffisamment les choses et les personnes qui nous ont paru de loin belles et mystérieuses, pour nous rendre compte qu'elles sont sans mystère et sans beauté ; c'est une des hygiènes entre lesquelles on peut opter, une hygiène qui n'est peut-être pas très recommandable, mais elle nous donne un certain calme pour passer la vie, et aussi – comme elle permet de ne rien regretter, en nous persuadant que nous avons atteint le meilleur, et que le meilleur n'était pas grand'chose – pour nous résigner à la mort. »



*

On retrouve les personnages du premier volume auxquels viennent s'enrichir de nouveaux personnages : Swann ; Berma, la célèbre actrice admirée par l'écrivain à succès Bergotte ; le baron de Charlus ; le docteur Cottard ; M. Norpois, l'ambassadeur ; Robert de Saint-Loup ; le peintre Elstir, …

Le narrateur jette un regard franc et spontané sur son entourage, et la perception qu'il en a, montre combien l'estime et la réputation fluctuent au gré des rencontres et des relations que chacun entretient. A ses observations, s'entrelacent ainsi introspections psychologiques, réflexions sociales et philosophiques.

Sous son regard perçant et pénétrant, Marcel Proust dessine des portraits savoureux et jubilatoires de ce petit monde de nantis où tout n'est qu'apparence, flatterie, vanité, hypocrisie et médisances. Il y a souvent un humour ironique et mordant qui prête à sourire.



J'ai adoré tous ces petits potins où percent la médiocrité des idées, le maniérisme excessif des gens dits bien-pensants, sûrs de leur supériorité et de leur intelligence.

J'ai aussi aimé la relation du narrateur avec sa grand-mère, sans aucun doute la plus sincère, le narrateur lui vouant une tendresse et un attachement tout particuliers.



*

Le jeune homme, amoureux des femmes, à moins qu'il ne soit un grand amoureux de l'amour, est comme un papillon, attiré par une multitude de fleurs, butinant de l'une à l'autre, et ne se fixant sur aucune.



« Car il me semblait que je ne l'aurais vraiment possédée que là, quand j'aurais traversé ces lieux qui l'enveloppaient de tant de souvenirs – voile que mon désir voulait arracher et de ceux que la nature interpose entre la femme et quelques êtres (dans la même intention qui lui fait, pour tous, mettre l'acte de la reproduction entre eux et le plus vif plaisir, et pour les insectes, placer devant le nectar le pollen qu'ils doivent emporter) afin que trompés par l'illusion de la posséder ainsi plus entière ils soient forcés de s'emparer d'abord des paysages au milieu desquels elle vit et qui, plus utiles pour leur imagination que le plaisir sensuel, n'eussent pas suffi pourtant, sans lui, à les attirer. »



Chacune est une beauté en soi, mais son coeur animé par la passion et le désir cherche un point d'ancrage qu'il ne trouve pas. Alors ses yeux énamourés et gourmands cabotent de Gilberte à Odette, d'Albertine à Gisèle, de la jeune paysanne à la belle pêcheuse, … dans une étourdissante ronde florale où toutes les jeunes filles finissent pas se confondre.



« … je m'étais rendu mieux compte depuis qu'en étant amoureux d'une femme nous projetons simplement en elle un état de notre âme ; que par conséquent l'important n'est pas la valeur de la femme mais la profondeur de l'état ; et que les émotions qu'une jeune fille médiocre nous donne peuvent nous permettre de faire monter à notre conscience des parties plus intimes de nous-même, plus personnelles, plus lointaines, plus essentielles, que ne ferait le plaisir que nous donne la conversation d'un homme supérieur ou même la contemplation admirative de ses oeuvres. »



*

Comment, en évoquant « À la recherche du temps perdu », ne pas parler de l'écriture de Marcel Proust, de son style unique, inimitable ? de cette sensation de vertige, d'étourdissement ahurissant devant ses phrases interminables ? de la profondeur, de la justesse et de la sensibilité des émotions? de la richesse de sens, de l'évolution dans la perception des personnages ?



La plume de l'auteur est délicate, poétique, illuminée d'une douce raillerie pour sonder la nature humaine et ses tourments. Il y a une recherche très certaine du mot le plus juste, de l'image la plus fidèle, de l'émotion la plus sincère, de la sensation la plus vraie. Marcel Proust a une écriture très sensorielle, il n'hésite pas à distiller des sensations olfactives, visuelles, auditives pour enrichir son propos.

Au fil de la lecture audio, j'ai également pris conscience d'une musicalité, d'un rythme, qui rend la lecture plus facile.



*

Pour conclure, « À l'ombre des jeunes filles en fleurs » est une expérience de lecture mémorable, un roman impressionnant qui se lit et se relit. Il est si dense et si complexe que chaque relecture apporte une nouvelle nuance, un nouvel éclat à cette oeuvre.

Je vais maintenant me préparer, comme une athlète de haut niveau, au tome 3 de la recherche, « le Côté de Guermantes » et cette fois-ci, je partirai pour un trek solitaire, sans l'appui de l'audio.
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A la recherche du temps perdu, tome 4 : Sod..

Je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit sur Proust, dire que je fais partie du petit nombre qui prend un réel plaisir à le lire et à le relire. La vraie difficulté c’est de trouver un endroit où on peut refermer (temporairement) le livre. D’habitude, on trouve toujours la fin d’un paragraphe, d'un chapitre ou du moins la fin d’une description, du développement d’une idée, avec Proust, ça peut vous emmener très loin.
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À la recherche du temps perdu, tome 3 : Le ..

UN ETE AVEC MARCEL #3



Bien que la rentrée littéraire avec son lot de livres alléchants pointe le bout de son nez, je continue mon été avec Marcel.

La Recherche, c'est un marathon ! On se demande parfois ce que l'on fait là, mais on tient bon et on aura sa médaille de finisher !



Que dire du troisième opus ? La première chose, c'est que pour moi l'intérêt était assez inégal. Autant je me suis ennuyée sur la première partie, que j'ai adoré la seconde.



Le côté de Guermantes, ca raconte quoi ?



Notre jeune Marcel, franchement béta et niais, vient de déménager et emménage à côté de la demeure de la Duchesse de Guermantes.

Il en tombe en amour comme une jeune fille tombe amoureuse de sa rock star préférée. Il lui prête toutes les qualités morales et intellectuelles et fait de ses pieds et de ses mains pour se la faire présenter et entrer dans son salon. C'est là que Marcel va faire son entrée dans le Monde. Marcel aime les titres, et le bas peuple ne l'intéresse pas, c'est peu dire. pauvre Albertine, pas assez bien née, et qui est tellement bête de ne pas utiliser le bon adjectif...

Dans le grand monde, Marcel augmente ses liens sociaux d'une belle tripotée d'inutiles futiles. On cause et on cause et l'on va chez l'un et chez l'autre, on fait de petites vacheries, on parle sur le dos de l'un l'autre, on astique sa généalogie dans le sens du poil. Tout ce beau monde est tiraillé par la grande affaire d'époque : l'affaire Dreyfus. La plupart sont antidreyfusards.. non pas parce qu'ils connaissent l'histoire, mais parce qu'ils sont franchement antisémites. certains sont Dreyfusards, Zwann et Bloch... normal ils sont juifs. Zola en prend pour son grade. Marcel est langue de pute parfois.



Dans le seconde partie, qui commence par le décès de la grand-mère de Marcel de ce que je peux penser être un AVC (soigné avec des sangsues), Marcel sera moins niais, enfin un peu. Il commence à se rendre compte de la vraie nature hypocrite de la société dans laquelle il erre. Sa belle duchesse de Guermantes, tout sourire et amabilitén ne lèverait pas le mignon petit doigt pour l'aider. Elle n'en a d'ailleurs strictement rien à foutre quand on lui annonce un décès prochain, elle préfère ses souliers rouges. Bien entendu, tant qu'elle est à égratigner les domestiques ou à dénigrer d'autres dames de sa coterie, ça va à Marcel... Mais quand on n'aide pas Saint-Loup, là on ouvre les yeux.



A mon humble avis, un volume un peu plus marrant que les autres sur le dernier quart. je commence à me prendre au jeu et à me poser des questions du niveau "amour, gloire et beauté" du genre, "Est-ce que Charlus va enfin se le faire ?", "Quelle est donc la mystérieuse maladie de Swann ?"



PS : pour les Belges, c'est assez comique de voir la petite gueguerre sur le titre du duché de Brabant :-)

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Contre Sainte-Beuve

L’histoire de ce texte est tellement dense qu’elle mériterait un article à elle seule ! Pour faire court, cet essai est composé de multiples petits chapitres/feuillets écrits entre 1908 et 1910 par son auteur qui avait totalement abandonné son idée de texte romanesque (qui sera, plus tard, A La Recherche Du Temps Perdu) et qui était revenu de Cabourg en proie à un mal extrême. Il va alors écrire un article pour Le Figaro qui sera une critique, voire une attaque, ciblant Sainte-Beuve, un très célèbre critique littéraire du XIXe siècle. Cet article de base, servant à discréditer avec crédibilité et constructivité, finira entouré de multiples autres feuillets qui chamboulent totalement la construction de ce qui finira par être un recueil sans aucune forme propre. En effet, cet essai n’en est pas vraiment un : on lui en a donné le nom pour mieux savoir l’aborder, caractéristique propre de l’humain. Outre un chapitre entier sur Sainte-Beuve, il y a d’autres chapitres qui sont des ressentis de lectures (qui seront mis en lien avec Sainte-Beuve, et qui se confronteront), il y a des réminiscences d’enfance, ou encore des descriptions de prose poétique… La particularité de ce texte est qu’il précède l’écriture de La Recherche, l’œuvre de la vie de Proust, mais on en retrouve énormément d’éléments : l’épisode de la biscotte trempée dans le thé (qui deviendra la fameuse madeleine), les jeunes filles en fleurs, les baisers de la maman, les villages et clochers normands, l’obsession de la mère pour Venise, la fascination du narrateur pour les Guermantes, la découverte de la sexualité, de l’amour, et même l’homosexualité – cette « race maudite » (un chapitre qui m’a bouleversé dans le recueil). Enfin bref, que d’éléments à retrouver dans A La Recherche Du Temps Perdu, si bien qu’on y retrouve parfois des passages entiers qui sont repris presque mots pour mots (comme ce passage si amusant et si proustien dans lequel le narrateur, en plein du milieu d’une insomnie, commence à s’endormir, mais où son subconscient le réveille pour lui faire comprendre qu’il est temps de trouver le sommeil). J’ai eu l’occasion et la chance de pouvoir lire toute La Recherche il y a de cela quelques années – et n’en ai posté aucun article sur ce blog, j’attends pour cela une relecture – et j’ai été très amusé de trouver autant de similarités entre les deux : on comprends vraiment qu’il s’agit ici d’une sorte d’œuvre préliminaire.



Mon avis est assez positif dans l’ensemble car j’ai souvent été touché par cette prose de Proust si reconnaissable et si agréable. La Recherche était la quintessence de cette prose poétique et bouffante bien qu’extrêmement douce, mais il y a dans ce recueil un potentiel prosaïque si important qu’il semble bien être le prédécesseur de l’ensemble romanesque : énormément de similarités, mais pas assez assumé, ou complet, comme un prototype. Evidemment, le but n’est pas le même entre les deux texte, car dans celui-ci nous retrouverons toutes les véritables analyses philosophiques et littéraires qui ne furent pas dans le cycle romanesque si connu. Toutes ces analyses très poussés et maitrisées m’ont beaucoup plu également – surtout la partie concernant Honoré de Balzac et toute son œuvre, où Proust a si bien su décrire cette légère grossièreté de personnage auctorial, mais aussi son génie, ou encore Baudelaire dont Proust vient en aide. J’ai dû lire Sylvie, de Gérard de Nerval, avant le chapitre qui lui était consacré, afin de mieux en saisir les profondeurs, et même si je n’ai pas été un très grand fanatique du texte et de son traitement, j’ai été rassuré de voir que je ne le ciblais pas de façon totalement fausse, car les raisons pour lesquelles je n’avais pas aimé le texte étaient celles qui faisaient de lui un chef-d’œuvre. Un chapitre m’a frappé de poésie : « Un rayon de soleil sur le balcon », exemple-même de la beauté de la phénoménologie proustienne. Sainte Beuve avait une philosophie particulière qu’il m’a été donné de déprécié par nombre de citations disposées au sein du livre par Marcel Proust ; en effet, un auteur doit, selon Sainte-Beuve, être jugé avec son art selon une pensée commune, comme quoi l’auteur physique est le poète, que les deux entités n’en font qu’une seule, et qu’on doit juger un livre en fonction de la personne qui l’a écrit. J’avoue être assez opposé à cette terminologie de l’auteur, mais c’est un rapport personnel concernant des modèles de transcendance et dissociation que j’apprécie particulièrement.



Enfin, je m’arrête ici ! Cet essai de Marcel Proust est amusant car n’en est pas vraiment un. C’est plutôt un recueil de textes/feuillets/articles/impressions que l’auteur a écrit entre 1908 et 1910. A l’intérieur, on retrouve une critique acerbe mais sincère de la critique de Sainte-Beuve, mais aussi toutes les bases qui serviront à fonder le monument de La (future) Recherche. Un texte fort et assez indispensable ! {17}
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A la recherche du temps perdu, tome 6 : Alb..

Avant-dernier tome de la Recherche du temps perdu, Albertine disparue clôt le long épisode de la vie commune du narrateur et d’Albertine qui a débuté dans la Prisonnière. Ce qui devait arriver arrive : Albertine s’enfuit un beau matin, forçant le narrateur à affronter l’angoisse de ce que son imagination lui suggère sur la façon dont elle doit employer sa liberté retrouvée. Dans un premier temps, le livre se focalise sur les manœuvres contradictoires du narrateur pour la convaincre de revenir : envoi de lettres, d’émissaires, serment de n’y pas tenir plus que cela, humiliation servile jusqu’à promettre de se conformer désormais à ses volontés, ... Le narrateur cherche à se convaincre entre les bras d’autres femmes qu’Albertine n’était pas différente de la première venue, en vain. Dans un second temps, alors que la disparition a pris une tournure irrémédiable, c’est l’expression d’un chagrin puissant et authentique particulièrement émouvant, les plus belles pages de l’œuvre entière pour moi (dernier tome exclu), reflet en négatif d’un amour insoupçonné, ou plutôt refoulé, qui ne noie pas pour autant la volonté du narrateur de dévoiler la nature exacte des goûts d’Albertine.



Quête illusoire de la vérité dans une atmosphère de mensonge permanent où tout le monde trouve son intérêt à transformer, à enjoliver, à calomnier, à couvrir, où le narrateur va jusqu’à interroger la facilité avec laquelle telle information est révélée par rapport à telle autre, ou à confronter ses interlocuteurs à leurs contradictions d’une conversation à l’autre, contradictions qui, bien sûr, trouvent toujours une cause plausible. Et on se surprend soi-même, lecteur, à tenter de percer la vraie nature d’Albertine, alors que l’on associe initialement cette préoccupation au délire paranoïaque du narrateur dont l’enquête n’est qu’un symptôme, et dont l’enjeu nous échappe. Voilà en effet un garçon qui se met dans tous ses états, qui remue ciel et terre pour découvrir une bonne fois pour toutes si oui ou non, cette femme qu’il prétend n’aimer pas aime les femmes, en trouvant systématiquement le moyen de ne pas prendre les preuves pour ce qu’elles sont, et demeurer ainsi dans une incertitude éternelle …



Libéré de ses contraintes, le narrateur peut enfin réaliser ce fameux voyage à Venise tant attendu dans les tomes précédents, voyage qui occupe une place somme toute assez limitée (tout est relatif, bien sûr, on est chez Proust) par rapport au fantasme dont il a été l’objet. On aurait pu s’attendre à ce que Venise, soumise aux espoirs démesurés du narrateur, soit là encore l’objet d’une déception, à l’image de la Berma ; au contraire, et c’est tout le régal de la lecture de ne pas se voir imposer de portrait pessimiste de cette cité extraordinaire, on accompagne le narrateur pour se perdre dans les ruelles, retrouver un état de paix intérieure qui ne correspond pas à un effacement du souvenir d’Albertine, idée d’ailleurs longuement associée au détail d’une peinture, mais à la transformation progressive du narrateur en un être fondamentalement étranger au narrateur de la Prisonnière, qui regarde désormais la relation passée du même œil qu’il regarde les relations présentes qui se nouent autour de lui, et où il n’a aucune part.



A ce titre, on retrouve le personnage longtemps délaissé de Gilberte, désormais devenue une jeune femme en âge de se marier, dont la fortune laissée par Swann annonce une union emblématique de l’argent et du nom comme il y en eut tant au début du siècle. On regarde avec ironie les vieilles familles antidreyfusardes de la première heure retourner leur veste, déployer des trésors d’imagination pour arranger, sans perdre la face, l’union de leurs rejetons avec des lignées nouvellement distinguées, certes vaguement juives, vaguement roturières, mais accessoirement riches. Il faut dire que ces lignées, à l’image de Gilberte, n’hésitent pas à renier leur naissance véritable pour favoriser l’élévation sociale. En dépit de ce côté détestable, Gilberte, sevrée de tous ces traits frivoles et manipulateurs qui la rendaient si pénible dans A l’ombre des jeunes filles en fleurs, retrouve le narrateur avec plaisir et évoque le passé avec lui au fil de leurs promenades, dans une clarification qui met en relief les quiproquos et les contresens où nous a induit jusque-là la subjectivité du narrateur de l’époque, et qui dévoile les ressorts d’une rencontre ratée.



A l’exception d’une courte apparition de M. de Norpois, fidèle à sa prétention grotesque et scrupuleusement erronée, qui porte à sourire lors de l’épisode de Venise, Albertine disparue est un ouvrage plutôt sombre et triste, où résonnent longuement les échos de la jalousie et du regret, mais dont les lourds nuages se dissipent presque insensiblement. Récit d’une convalescence laborieuse après les crises de La Prisonnière, il se ferme sur un constat en demi-teinte où ce sont le cynisme et le matérialisme qui apaisent sans totalement l’éteindre le souvenir ardent de l’émotion passée et qui rendent le goût de l’existence et de l’observation objective de ses contemporains au narrateur.
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A la recherche du temps perdu, tome 5 : La ..

Pour l’instant, c’est le volume que j’ai le moins apprécié, même si on reste dans le même esprit que les précédents, mais l’atmosphère en est infiniment plus pesante, sans doute à dessein. Profondément statique, il explore en profondeur le caractère jaloux, possessif et soupçonneux du narrateur dans un quasi huis-clos qui couvre la majeure partie de l’œuvre, et encadre la seule mais longue « pause » mondaine figurant le concert donné par les Verdurin. Autant dire qu’à l’exception de ce passage, on est plongé dans une méditation sombre qui pousse un véritable tyran domestique à séquestrer à force de crises d’angoisses et de pleurniche une brave jeune fille qu’il n’aime même pas, et dont il vampirise la joie de vivre.



Revenu de Balbec avec Albertine dont il espère qu’elle restera pour l’apaiser jusqu’à ce que son départ et sa vie secrète lui deviennent indifférents, sans assurance, toutefois, que ce moment arrive jamais, le narrateur passe tout le livre à soupeser la crédibilité ou l’invraisemblance des affirmations d’Albertine, ainsi que de toutes les informations recueillies sur elle. Convaincu sans preuve absolue qu’Albertine s’adonne à des penchants lesbiens lorsqu’elle n’est pas avec lui, penchants qu’elle réfute avec la dernière énergie, le narrateur la cloître officieusement dans une cage dorée chez lui en jouant sur sa bonne volonté à lui être serviable, moins pour lui en faire passer le goût par abstinence prolongée que pour la savoir incapable de lui mentir dans l’immédiat. Il faut dire qu’Albertine semble être une menteuse compulsive dont les contradictions expliquent en bonne partie l’attitude inquisitoriale grandissante du narrateur. On assiste donc à des échafaudages théoriques à base de « pourquoi m’a-t-elle dit cela ? », « pourquoi de cette façon ? », « pourquoi à ce moment-là ? », amenant le narrateur à échafauder quinze versions concurrentes de la parole d’Albertine dont le seul point commun est de s’opposer diamétralement à son sens littéral.



Lorsqu’il n’est pas en train de se triturer les méninges, le narrateur se satisfait, en esthète pour qui l’accomplissement d’une vie consiste en l’élaboration d’une œuvre, d’assister aux progrès du goût artistique d’Albertine où il décèle sa propre empreinte. L’attachement du narrateur envers la jeune femme en devient moins motivé par une attirance physique que par une contemplation de son propre pouvoir d’influence, presque de création. La persistance de ce caractère nombriliste peut exaspérer à la longue, même si l’entreprise d’ « éducation » d’Albertine donne lieu à des dialogues tout-à-fait intéressants, notamment sur la question de la littérature, avec à moment donné une quasi-dissertation sur Dostoïevski.



Dans ce contexte, le concert des Verdurin apparaît comme une bouffée d’air (pour le lecteur, pas pour Albertine), à condition d’avoir apprécié les scènes de la vie mondaine des deux tomes précédents. Cet épisode est l’occasion d’une réflexion approfondie sur la musique, mais aussi d’un important bouleversement pour le couple Charlus-Morel qui ne laisse pas insensible en dépit du traitement ironique dont il a été l’objet jusque-là. Occasion d’une mise en scène brève mais remarquable de la reine de Naples Marie-Sophie, personnage authentique montré sous un jour plutôt attachant, dont on apprend dans les notes la conduite assez époustouflante durant la conquête du royaume des Deux-Siciles par Garibaldi.
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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

C'était la chronique que je souhaitais écrire pour célébrer la 300e sur Babelio en hommage à l'un de mes romanciers préférés du 20e siècle, celui qui m'a décidé, dans ma jeunesse, à aller plus loin en littérature, du moins pour l'étudier, voilà qui est fait.

Bien que J'en avais gardé un très bon souvenir de lecture, je ne me décidais jamais à chroniquer La Recherche du Temps Perdu pourtant j'avais des velléités.

C'est un roman que j'ai lu il y a de cela bien longtemps, trop longtemps et cela me faisait peur, j'ai alors sauté sur l'occasion d'une lecture commune proposée au mois de mai et dont le compte rendu sous la forme d'un goûter (thé) final pour juillet par@4bis et d'autres « Babelionautes » très sympathiques pour me replonger dans un des tomes phares de la Recherche.

Nous avons eu des échanges d'impressions sur le roman au fil de la lecture partagée, ce qui l'a rendue encore plus vivante et chaleureuse, plus dynamique aussi et plus sympathique, j'ai fait de belles rencontres lors de cette lecture, cela m'a fait plaisir de faire leur connaissance.

J'espère que nos chroniques se complèteront tant l'oeuvre et l'écriture sont belles et riches (c'est mon avis) mais aussi complexes et que l'on dégustera avec plaisir les petits gâteaux tout en sirotant un thé délicieux sans lever le petit doigt cependant.

J'ai l'impression que Marcel Proust a fait couler et en fera encore, pour un temps, couler beaucoup d'encre.

Dans le roman -A l'ombre des jeunes filles en fleurs- On retrouve le jeune narrateur de du côté de chez Swann, (tome 1 de la Recherche), le présent livre en constitue le second opus, publié en 1919. La même année, il est couronné par le prix Goncourt .



Ce n'est pas une véritable autobiographie comme il y parait au premier abord, pas de pacte, le narrateur s'appelle bien Marcel comme l'écrivain mais tous les noms de personnages de la Recherche ont été modifiés. Lorsque l'on connaît la biographie de l'auteur et les personnages qu'il évoque, bien des choses diffèrent de ce que l'on lit dans la Recherche. Cependant, une grande part de la réalité travestie par la fiction est entrée librement dans l'oeuvre, et il arrive que l'on ne puisse pas distinguer l'un de l'autre tellement le narrateur s'ingénie à brouiller la frontière entre réalité et fiction et à nous promener dans son oeuvre par des subtils procédés d'écriture et de narration.

Eh oui ! C'est une partie de cette Recherche et de ce temps perdu qui se sont (re)déployés sous mes yeux et mes oreilles (lecture audio, merci Sandrine) cet été, un été avec Proust.



Tout d'abord, l'un des éléments du texte qui rend l’œuvre complexe, c'est, d'après mon expérience personnelle de lectrice, l'énonciation ; notamment dans le premier chapitre de la première partie du livre, les incursions libres et incessantes du narrateur, les glissements subtils d'une idée, d'une pensée à l'autre, des liens hors du commun entre les idées et les réalités peuvent rendre la lecture inconfortable et la métaphore impossible, l'image et la pensée difficile à saisir, j'ai bien cru passer à côté de la compréhension du texte et cela dès le début ; je ne savais plus qui disait ou qui pensait quoi, une fois le texte relu et les procédés repérés, le texte est plus lisible.

La difficulté est accrue par la syntaxe propre à l'écrivain, les phrases sont complexes, longues, digressives, non linéaires, arborescentes, l'idée de départ peut être énoncée plusieurs pages après son introduction et après de nombreux apartés, lui retombe sur ses pattes tandis que pour nous ce sont des sauts périlleux.

La lecture de ce type d'écriture demande donc une grande attention pour les lecteurs d'aujourd'hui, la compréhension de cette situation d'énonciation de départ particulière conditionne la compréhension d'une bonne partie du reste de l’œuvre.



Au passage, je ne me souviens pas avoir lu la première partie des Jeunes Filles en fleurs, je n'avais retenu que la seconde partie, c'est curieux.



Cette complexité de l'énonciation, de l'écriture et du style proustien, me semble-t-il, ne fait que refléter la complexité des méandres de l'âme humaine que le narrateur s'amuse à analyser dans les moindres détails, son hypersensibilité et sa lucidité doublées de capacités d'observation des détails hors du commun le lui permettent.

Cela lui permet d'aboutir à une certaine réflexion générale sur la psychologie et les agissements contradictoires de l'être humain en partant des personnages fictifs fortement caractérisés, caricaturaux voire manichéens, souvent, c'est le cas, lorsqu'il dénonce les travers et l'absurdité de certains personnages ; pour n'en citer que quelques-uns, vanité d'une Madame de Villeparisis qui préfère les mondanités à l'art et à la culture, la légèreté d'Odette est agaçante, la laideur de l'écrivain Bergotte contredite par le talent que lui accorde le narrateur dans cet opus nous fait rire et réfléchir , le portrait physique de ce dernier est frappant, on a du mal à se le représenter tant il est décrit de manière satirique et excentrique, c'est aussi la chute de Swann lorsqu'il se marie avec Odette, qualifiée de cocotte par « le boutonné » Monsieur de Norpois, pourtant Swann représentait auparavant pour le narrateur le summum en matière de connaissance d'Art et de culture, les deux domaines de prédilection du narrateur, la lutte des classes est-elle en germe ? le baron de Charlus est excentrique et théâtral et risible, Bloch est vaniteux, toute cette galerie de personnage est délicieusement mise en scène dans le roman.

Mais le narrateur sait aussi placer ses personnages au-dessus de tout, il sait nous les rendre sympathiques et les sublimer, ils sont parfois divins lorsqu'ils les apprécient fortement ; c'est la grand-mère aimante et attentionnée et taquine, Un Saint Loup fin et intelligent, les jeunes filles, belles, élevées au rang de déesses et de statues issues d'oeuvres d'art lorsqu'elles ne sont pas qualifiées de prostituées l'instant d'après, ici, c'est tout l'art de l'écriture antithétique de Proust qui se déploie et rend les personnages mouvants, instables, antithétiques, parfois insaisissables ou même syncrétiques, à l'instar d'un peintre impressionniste, au gré des oublis, de la mémoire, du souvenir déformé par la subjectivité et de la vision défaillantes, des illusions, du travail du Temps.Ll'oubli et le souvenir se juxtaposent.

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C'est ainsi que l'écrivain crée des personnages fortement caractérisés en les rendant inoubliables tant ils sont criants de vérité, il procède souvent par antithèses pour relever le caractère contradictoire des personnages protéiformes, et par là de l'être humain, c'est presque la folie et l'absurde, la vanité qui dominent de nombreux personnages et on en rit parfois, d'autres fois, avec le narrateur, on les apprécie ou les déteste. On n'oublie pas également que nous sommes à l'époque du développement de la psychologie et de la psychanalyse. le réel dont elle ne peut se passer entre dans la fiction, la fiction pointe du doigt le réel. Bien que l'on distingue bien les personnages de papier proustiens bien croqués et tout en antithèses, des objets littéraires en somme.

-A l'ombre des jeunes filles en fleur- est aussi un roman d'initiation du jeune narrateur, initiation à l'écriture avec l'influence de M de Norpois et Bergotte, à l'amour de l'Art, du théâtre, de la peinture, d'ailleurs les jeunes filles comme certains autres personnages, semblent tout droit sortis parfois d'oeuvres d'art analysées, aimées, longuement et finement observées. Leur description physique est très imagée. On les voit comme on verrait un tableau par petites touches impressionnistes, notamment les jeunes filles qui semblent intouchables et irréelles ; au premier abord, elles sont éthérées et forment un groupe indistinct, selon le narrateur pour ne lui apparaître distinctes les unes des autres que bien plus tard, c'est toute la manière du narrateur de voir ainsi les choses, de l'informe sort la bonne forme.

L'initiation à l'amour aussi est fortement présent, bien sûr, dans ce tome à celui des jeunes filles, après la déception et la souffrance avec Gilberte qui se dérobe, une Gilberte interdite, irréelle, c'est tout comme Swann qui souffre auprès d'Odette.

Ah le traitement de l'amour, avec le plaisir et le désir exclusifs, maladifs, obsessionnels, insaisissables, irréels, fantasmés, inaboutis et qui restent à l'état de rêve, de fantôme et de fantasmes, les femmes sont trop fuyantes. On y voit les amours platoniques d'un narrateur timoré, bien trop cérébral, qui touchent les personnages par simples jeux de mains innocents et surtout ratés, qui souffre des affres de la passion amoureuse. On voudrait que les choses se réalisent, se concrétisent comme dans les romans traditionnels mais chez Proust, c'est impossible, du moins pour son personnage principal.

Sur ce plan, le narrateur ne réalise pas ses désirs, c'est une description tragique et frustrante de l'amour impossible pour plusieurs personnages mais principalement le narrateur dans ce tome. C'est la grande loi du désir. C'est l'occasion pour le narrateur de sublimer ses désirs, de les transmuter en rêve, de les vivre de manière imaginaire, la sublimation est aussi pour l'écrivain l'occasion d'alimenter son oeuvre.

C'est comme si ces personnages ne pouvaient pas se rencontrer dans l'écriture surtout, comme s'ils n'existaient pas, ce qui laisse songeur quant au procédé d'écriture. Tout est échec pour le narrateur dans ce domaine, c'est très frustrant pour le lecteur. le réel et l'imaginaire ne se rencontrent jamais, le premier est bien en-dessous du second. Comme si la fiction transcendante, la littérature, l'oeuvre d'Art dépassaient de bien loin la réalité pour le narrateur comme pour l'écrivain. On voit beaucoup de second degré dans ce livre, l'illusion est omniprésente.

L'écriture, quant à elle, regroupe ce qui est dit au-dessus mais elle ne se passe pas de la musicalité et de la poésie proustienne, ce sont des phrases que l'on lit mais que l'on entend aussi, que l'on voit grâce aux descriptions concrètes mais aussi aux métaphores sublimes des lieux, des paysages de Balbec, le voyage en train est très poétique et nous berce, un jeu littéraire et descriptif sur les couleurs, les effets d'ombre et de lumière sont mis en valeur, la poésie des personnages aussi, c'est l'exemple de la rencontre fugace entre le narrateur et la laitière (celle de Vermeer ? qu'il admire beaucoup), notamment dans la deuxième partie du voyage à Balbec aux jeunes filles, en passant par les descriptions des paysages, de la nature et des éléments. On se croirait dans un tableau de maître et c'est avec un grand plaisir qu'on imagine les scènes décrites, c'est l'éveil des sens du lecteur.



L'oeuvre de Proust est aussi une réflexion sur la vie, la condition humaine, les souffrances de l'amour, l'Art, la culture, la Beauté, vus à travers le prisme de la littérature. C'est une oeuvre difficile à saisir parfois et qui mérite de nombreuses relectures. L'oeuvre en elle-même contient un grand pan de la littérature et de la culture françaises du début du 20e siècle, lire Proust c'est un peu comme si on lisait plusieurs oeuvres mais celle-ci reste toutefois unique et peu commune.

L'écriture proustienne est particulière, à part, originale, inimitable.

Je recommande ce genre de lecture à tous ceux qui aiment les réelles oeuvres littéraires et la littérature de l'époque et qui n'ont jamais abordé Proust. Cependant, j'estime que le tome 1 -Du côté de chez Swann- reste plus accessible, plus concret, plus romanesque, Il est préférable de débuter par le premier opus.

























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A la recherche du temps perdu, tome 4 : Sod..

C’est l’œuvre la plus longue de la Recherche du temps perdu, située en plein milieu ; une fois que vous l’avez refermée, vous pouvez prendre un moment pour vous féliciter avant de passer à la suite : vous avez passé le sommet de la montagne. Le reste, c’est de la descente.



Ouvrage principalement axé sur le thème de l’homosexualité, ou plutôt de « l’inversion », pour reprendre l’euphémisme consacré, ce tome IV accorde une place privilégiée au personnage de M. de Charlus, déjà savoureux dans Le Côté de Guermantes. Si le narrateur pouvait jusque-là vaguement abuser son lecteur sous couvert de fausse naïveté sur les penchants véritables du digne aristocrate, force lui est de constater de la façon la plus frontale la personnalité cachée d’une partie inquantifiable de la population, que la littérature rattache comme par une continuité héréditaire aux fameuses cités détruites par Dieu évoquées dans la Bible qui donnent son titre à l’œuvre. Et pour cause, le narrateur semble se découvrir comme cerné par les invertis, hommes ou femmes, qui se signalent d’ailleurs en général par leur férocité mondaine vis-à-vis de leurs semblables. Si l’homosexualité masculine est traitée sous un jour volontairement grotesque, comme un milieu de faveurs et de chantages, l’homosexualité féminine bénéficie d’un regard beaucoup plus subtil, beaucoup plus intrigué, beaucoup plus inquiet face à la facilité de leurs pratiquantes à se fondre dans la masse, à commencer par Albertine, avec laquelle le narrateur commence à développer un lien vraiment particulier.



Si la première partie du livre porte plutôt à sourire des frasques exagérément viriles de M. de Charlus, dont plus grand-monde ne semble dupe, qui s’ingénie à trouver les procédés les plus tarabiscotés pour ramener à lui son jeune éphèbe sans avoir l’air d’y tenir, la seconde partie est plus portée sur les nouveaux riches, avant de s’assombrir avec les suspicions qui commencent à hanter la psychologie du narrateur. C’est l’entrée dans le fameux salon des Verdurin où l’ombre de Swann et Odette plane en permanence sur les rituels des habitués cocasses. Ce sont les grands voyages en automobile entre les bras d’Albertine, figure adorée pour ce qu’elle incarne et méprisée pour ce qu’elle est, avec laquelle le narrateur fait l’expérience du soupçon, obsédé par l’idée qu’il ne parvient pas à la saisir et donc à la posséder pleinement. Le narrateur occupe une position intenable entre la rupture et le mariage qu’il va bien falloir quitter, choix au sein duquel le bonheur ou le salut de la jeune fille n’ont paradoxalement aucun poids, ni même la perspective de la vie commune, mais qui est entièrement guidé par les exigences de l’équilibre émotionnel immédiat du narrateur.



Je retiens, en plus de la plus longue phrase de la Recherche (de la littérature française ?) qui décrit avec beaucoup de sensibilité et de mélancolie l’existence de l’inverti, la prise de conscience véritable de la mort de la grand-mère au début du second séjour à Balbec, qui constitue un rare moment de douleur authentique dénuée de considération égoïste, tout en caractérisant puissamment le lien qui unit le geste anodin et le souvenir enfoui.
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

L’Homme qui vivait dans sa tête

OU

L’ultime, le magnifique refuge.





Je m’étais dit, il y a quelques mois, qu’il fallait avoir lu quelque chose de Proust, mais j’avais retardé l’échéance, croyant trouver un auteur rébarbatif. Des monologues interminables, écrits dans un style baroque, remplissant un roman où il ne se passe rien. C’est vrai qu’on peut ressentir Proust comme cela. Les phrases de plus d’une page, les subjonctifs, les arbitrages évaluant le moindre petit événement. Mais en rester là, c’est comme admirer un monument en comptant le nombre de pierres dont il est constitué … il faut lire au-delà.



Revenons d’abord sur Proust, qui naît dans un milieu parisien très aisé, juste après la Commune, à la croisée de deux cultures : juive par sa mère, catholique par son père. Petit garçon chétif, qui a failli mourir d’une crise d’asthme sous les yeux de ses parents, et que sa mère appellera toujours “ mon petit serin” ou “mon pauvre loup”. Scolarisé normalement, mais souvent absent des cours. Il commence à lire très tôt prose et poésie …Les photos de l’époque montrent un petit bonhomme à l’air rêveur et aux yeux cernés, contrastant avec l’apparence sérieuse et décidée de Robert Proust, son frère cadet, qui deviendra chirurgien comme le fut leur père.



Sa curiosité, et sans doute l’oisiveté des maladies, lui ouvrent les portes de la littérature, comme la fortune et les connexions familiales lui permettront plus tard d’écarter celles des salons. Plus difficile était l’approche des filles de son âge, qui ne mènera pas à grand’chose. Peut-être Proust était-il bisexuel, et que l’absence de succès d’une part l’aura encouragé à le chercher de l’autre ? Une porte qu’il n’essaiera même pas d’ouvrir, en tous cas, est celle de l’emploi, dont il n’a pas besoin financièrement, et où il s’avère incapable de fixer un choix ou de s’y tenir. C’est sans doute sans grand enthousiasme qu’il passe une licence de lettres.



Sans grand enthousiasme, car il me semble que Proust se réfugie assez tôt dans l'imaginaire . A tel point que le réel, ou si vous préférez, le vécu extérieur, devient très vite une source de matière première destinée à alimenter l’imaginaire, un imaginaire qui finit par se métamorphoser en écriture. Métamorphose pénible, car Proust réécrivait de façon compulsive, et, comme Balzac, enrageait ses imprimeurs.



e vois donc Du Côté de chez Swann comme un travail de réécriture du réel, qui d’ailleurs a une structure fractale: le thème de la réécriture se répète à l’intérieur de l'œuvre. Mme. Verdurin construit autour d’elle une coterie, sorte de monde social miniaturisé, qui la dispense de fréquenter “les ennuyeux” laissés au-dehors. La chère tante Léonie, devenue veuve, choisit de ne plus fréquenter le monde même restreint de Combray, et se retire dans son lit de “malade”, où elle se fera soigner, écouter et consoler par une servante. Swann voit une vierge de Giotto en Odette, une courtisane plus ou moins fatiguée, et à ce titre emporte son image dans son musée mental, tombant follement amoureux d’elle, ignorant que si l’on peut s’emparer d’une image, la personne, elle réside dans ce monde extérieur dont on s’est désintéressé, et conserve son libre arbitre, que l’argent peut louer, mais jamais acheter. L’ami du jeune héros de Combray, enfin, affirmant que “ Je vis si résolument en dehors des contingences physiques que mes sens ne prennent pas la peine de me les notifier", et se couvrant de ridicule.



Ainsi La Recherche est-elle une invitation à parcourir quelques épisodes du vécu Proustien, tels qu’il les a revus, interprétés et sans doute profondément remaniés. C’est la visite d’un univers mental, à la fois création et demeure, où vous pourrez rencontrer un homme, sans doute masqué, qui a préféré faire sa vie … ailleurs.











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A la recherche du temps perdu, tome 6 : Alb..

Ce sixième volume de « La Recherche » est divisé en quatre parties .La première centrée sur le départ puis la mort d’Albertine est un long requiem , le narrateur y analyse minutieusement les effets du deuil de leur paroxysme jusqu’à leur début d’affaiblissement. S’y mêle comme un prolongement posthume de sa jalousie obsessionnelle ,une plongée dans le passé de la disparue marquée par un érotisme morbide . Dans la deuxième partie l’oubli d’Albertine se double de la résurgence d’un ancien amour à travers la rencontre de Gilberte Swann dont la mutation en Mlle de Forcheville relance le thème du changement. De même dans la troisième partie consacrée au séjour à Venise pour laquelle le narrateur passe de l’éblouissement au dégoût (Ce passage fut une étrange expérience pour moi car lors de mes lectures précédentes ,je n’étais jamais allé à Venise). La dernière partie centrée sur le mariage de Gilberte et Saint-Loup accentue encore le thème de l’impermanence : tout change, le statut social ou sexuel ,le regard des autres , et la perception du passé (comme en témoigne le retour à Tansonville et son sentier aux aubépines) . S’annonce ainsi le bouquet final du « Temps retrouvé » consacrant la subtilité de l’architecture de l’œuvre qui sous une apparence désordonnée trace tout un parcours d’échos et de reflets telle une Venise littéraire.
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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

Dans ce deuxième tome d’ “A la recherche du temps perdu”, Marcel Proust évoque l'adolescence et les premiers amours entre Paris et Balbec, son lieu de vacances en Normandie. Nouvelles amitiés et premières sorties culturelles sont tous des moments que l’auteur évoque avec délicatesse dans un texte très riche et développé. Il est publié en 1919, seulement quelques mois après la Première Guerre Mondiale, et obtient le Prix Goncourt la même année.



Le roman est divisé en deux parties.



"Autour de Mme Swann" parle des rencontres de la famille à Paris avec Monsieur de Norpois, Madame de Villeparisis et Bergotte, un écrivain très admiré. Le narrateur raconte sa première sortie au théâtre lors d'une représentation de Phèdre de Racine. Il y aborde ses émotions et son ressenti. Puis, on retrouve les Swann. S'il est d'abord heureux de revoir Gilberte Swann, ce sont ses retrouvailles avec Charles et surtout Odette de Crécy qui le fascinent.



"Le pays" est le moment des vacances à Balbec avec sa grand-mère. Une fois arrivé dans le village, le narrateur prend le temps de s'installer dans la demeure, de s'y sentir bien et d'explorer les environs. Il marche sur la place du village et admire l'architecture, la végétation, l'air agréable et sain du bord de mer. Arrive alors de nouvelles rencontres avec des jeunes du coin, notamment Robert de Saint-Loup, Andrée, Elstir, Rosemonde et Albertine pour laquelle il éprouve rapidement des sentiments.



J'ai mis un peu de temps à lire ce deuxième tome de la grande œuvre de Proust. Le texte est riche et foisonne de détails, de pensées, d'impressions, de passion et d'explications très imagées. C'est un livre sur l'amitié, l'adolescence et l'amour. L'auteur y aborde la santé fragile du narrateur, son besoin de repos et son désir de s'initier à l'art. Il s'intéresse notamment à la peinture, au théâtre et à la littérature.



Entre les grands boulevards parisiens et les plages normandes, nous sommes en plein cœur de la Belle Epoque, période où il fait bon vivre et où l'on profite de la vie en toute insouciance.



Un roman aux airs autobiographiques sur le temps qui passe avec nostalgie, souvenirs et poésie.

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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Un Narrateur, jeune homme, découvre les douleurs et les joies de la sensibilité trop vives, entre Combray et Paris, à travers ce qu'il perçoit au travers d'autres sensibilités, et la sienne. Une famille incroyable, comme toutes les familles, des relations sociales bourgeoises et une promesse de vie artistique sont les prémices de la Recherche du Temps perdu.



J'ai mis beaucoup plus de temps à relire ce roman que je ne le croyais, peut-être parce que j'ai vraiment voulu m'imprégner non seulement du récit et de son atmosphère, mais essayer de percevoir les intentions de l'auteur et les anticiper.

Ce qui m'a frappée, par rapport à une lecture de jeune fille, c'est l'humour et l'ironie de la première partie, qui m'était un peu passée par dessus la tête, et bien sûr les beautés subtiles et tournoyantes qui se dégagent des descriptions.

"Un Amour de Swann" a une écriture peut-être plus conventionnelle, ce qui le rend plus facile à lire (il m'a été vraiment difficile d'aller ensuite à "Nom de pays : le Nom", heureusement court). Je hais durablement les Verdurin !

Je vais écouler quelques livres de ma pàl avant de commencer "A l'ombre des jeunes filles en fleur", tant je ressens le besoin de "reprendre mon souffle" !
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A la recherche du temps perdu, tome 4 : Sod..

Ce tome me réconcilie avec le challenge de devoir lire "La Recherche..." cette année 2009, car Le Côté de Guermantes m'avait fait me demander si je n'avais pas été un peu téméraire de vouloir concentrer une telle succession de pavés en si peu de temps.

Certes, le début fait craindre que Proust ne se complaise encore trop longuement dans l'énoncé minutieux des prérogatives aristocratiques des uns et des autres, mais j'ai vu très vite que le constat que je croyais oiseux, que les tomes de La Recherche sont comme les couleurs de l'arc-en-ciel, sans délimitation véritable, peut finalement aller jusqu'à dire que ces premiers énoncés n'étaient là que pour la transition. Par contre, j'ai été stupéfaite par l'audace de Proust, que j'aurais cru plus timoré, dans la peinture d'entrée de jeu d'une relation intime de Charlus avec Jupien. Le ton est donné, mais n'ira (heureusement ?) pas crescendo.

On retrouve cependant le clan Verdurin, que j'aime tant détester (avec un nom de salade, pas étonnant que j'aie l'impression d'avoir affaire à une bande d'arrivistes) et le Narrateur devient particulièrement inquiétant, trouble, manipulateur... le voyeurisme se confirme. Mais ce tome reste celui du baron de Charlus, tour à tour touchant, grotesque, exaspérant, intéressant, grossier...



A lire, le superbe magazine consacré à Proust ce mois-ci, qui souligne son ambiguïté vis-à-vis de l'homosexualité ou de la judéité, questions qui, à ce stade de ma lecture, commencent à me tarauder.
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Lecture très longue. 5 semaines pour réussir à le lire. Lecture difficile par la longueur des phrases.



La première partie en deux chapitres est à la première personne. La fin du premier chapitre de la première partie commença à m'intéresser mais je suis déçue par la suite.

Chapitre Ier, partie 1 : enfance et besoin affectif familial maternel du personnage.

Chapitre 2 partie 1 : la tante commère qui ne quitte pas sa chambre mais observe tout de sa fenêtre : description de l'église, le clocher qu'on voit de tout Paris. Le personnage avec son oncle vieux et la dame en rose.



Deuxième partie, fin du récit narratif. sur le personnage de Swann. Découverte de lui, les autres personnages veulent le caser avec Odette mais lui ne veut pas. Odette n'est pas ce qu'on croit quand on l'a voit : libertine à succès. Finalement Swann sera épris d'elle et jaloux.



Troisième partie : retour au récit narratif. On comprend le lien entre le personnage qui nous parle et le grand personnage Swann

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