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Critiques de Marcel Proust (1050)
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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

Ce qui m’a marqué le plus dans ce deuxième tome de La Recherche c’est la sensibilité avec laquelle est narrée l’irrésistible attirance du narrateur pour le monde de Gilberte Swann et de ses parents ; et encore davantage le récit de leur séparation.

Plus encore la narration de ces amours adolescentes et la description des « jeunes filles en fleurs ».

Dans A l’ombre des jeunes filles en fleurs Proust est un portraitiste de grand talent qui dépeint le monde de Mme Swann, en particulier le docteur Cottard et l’écrivain Bergotte, avec un sens aigu de l’observation et de la remarque.

A lire et à relire.
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À la recherche du temps perdu, tome 3 : Le ..

le premier volume d'A la recherche du temps perdu m'avait semblé difficile à appréhender, il faut avouer que le style et la longueur des phrases de Marcel Proust n'est pas ordinaire... Cependant, si l'on veut bien entrer peu à peu dans les pas du narrateur, on évolue alors dans un monde poétique, spirituel, délicieusement mondain et anachronique, mais tellement subtil, que les pages se tournent simplement, heureusement avec parfois un petit retour en arrière tellement on est dans un tél concentré de saveurs et de langueurs qu'il faut cela pour retrouver sa respiration et bien assimiler toutes les subtilités du texte, un vrai bonheur, la preuve, je viens d'attaquer "Sodome et Gomorrhe"...
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A la recherche du temps perdu, tome 4 : Sod..

Je viens de refermer ce quatrième tome de La Recherche et j'avoue que je suis encore sous le charme de l'écriture de Proust, de son humour assez dévastateur à certains moments, de l'émotion qui parfois nous étreint, notamment lorsque le narrateur se remémore les souvenirs de sa grand-mère décédée lorsqu'il retourne à Balbec avec sa mère.



Il se passe tant de choses dans ce volume que je ne ferai pas une critique exhaustive sinon cette dernière serait beaucoup trop longue.



Dans ce livre, Proust parle beaucoup des invertis, des hommes comme des femmes. L'homosexualité est omniprésente. Le narrateur voit, alors qu'il est caché, le baron Charlus avec Jupin dans leurs ébats. Il comprend alors que Charlus est un inverti, ce qui explique certains de ses comportements et attitudes. Il réalise que la vie des homosexuels est difficile car ils doivent dissmuler leur orientation sexuelle que la société condamne comme la justice. Ils ne peuvent même pas en parler à leur mère. Il fait un parallèle avec le sort fait aux juifs : homophobie, antisémitisme même combat.





Ce que j'en retiens encore, c'est que le narrateur se complaît dans la vie mondaine des salons : celui de la princesse de Guermantes à Paris ou de Madame Verdurin à Balbec. Parfois il prend conscience de la vacuité de cette vie quelque peu artificielle mais, très vite, le tourbillon de cette existence le reprend.



Concernant l'affaire Dreyfus, les pro et anti dreyfusards se croisent et essaient de s'éviter. Le narrateur croit que le prince et la princesse de Guermantes sont antisémites et donc antidreyfusards car ils ne souhaitent par recevoir Swann. Cependant, lors d'une soirée chez les Guermantes, Swann est présent et converse longuement avec le prince. Etonné, le narrateur apprend finalement, par Swann lui-même, que le prince de Guermantes doute de la culpabilité de Dreyfus, sa femme également.



La relation du narrateur avec Albertine connaît des hauts et beaucoup de bas. Trop de jalousie de la part du jeune homme qui soupçonne sa compagne d'être lesbienne. Elle dément farouchement être attirée par les femmes mais le narrateur doute d'elle, surtout lorsqu'il la voit danser avec Andrée et que Cottard fait des allusions sur leur comportement. A Balbec, les deux jeunes gens se voient souvent. Le narrateur dépense beaucoup d'argent pour vêtir Albertine afin qu'elle brille dans les soirées du mercredi de Mme Verdurin, et l'amener se promener en voiture avec chauffeur. Lorsqu'Albertine est à ses côtés, le narrateur est parfois heureux, parfois indifférent voire cruel. Lorsqu'elle est absente, il se demande avec qui elle est et ses crises de jalousie se multiplient. Il décide de rompre avec elle et se promet de le lui annoncer. Il annonce cette nouvelle à sa mère qui est soulagée car elle n'est pas favorable à cette union bien qu'elle ait choisi de laisser son fils faire ses choix.



Lorsqu'il apprend par Albertine qu'elle considère Mlle Vinteuil et sa compagne comme ses grandes soeurs, le narrateur décide de l'épouser et de l'amener chez lui à Paris.



J'ai vraiment adoré ce volume qui me renforce dans ma détermination à continuer à me plonger dans cette grande oeuvre qu'est la recherche.







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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

C'est la belle voix grave de Lambert Wilson qui m'a fait entendre "A l'ombre des jeunes filles en fleurs" le deuxième volume de "A la recherche du temps perdu" de Marcel Proust.

Mon mari m'a offert le coffret audio avec ses 131 heures de lecture, ce qui m'a incitée à écouter ce chef-d'œuvre littéraire.

Alors que Proust est un homme qui fuit les mondanités y compris lorsqu'il reçoit le Prix Goncourt en 1919 pour ce roman, le narrateur (il utilise le JE) nous emmène au théâtre ou dans les salons mais surtout au bord de la mer, à Balbec, une station balnéaire de Normandie où il se rend avec sa grand-mère et Françoise, la fidèle employée. J'aime toujours sa relation avec sa grand-mère. Asthmatique, il se souvient, convalescent, des trois petits coups qu'il donnait sur le mur pour la réveiller afin qu'elle lui donne du lait le plus tôt possible.



J'ai tout de suite reconnu le Grand-hôtel de Cabourg où je conseille d’aller pour sa promenade le long de la mer en hommage à Proust.

Je n'ai pas envie de détailler ce qui se passe car le roman est riche d'histoires ciselées de situations cocasses voire comiques et de réflexions sur la complexité des êtres humains.

D'ailleurs, on retrouve de nombreux personnages hauts en couleurs, l'incontournable Swann et Odette qu'il a épousée quand il ne l'aimait plus, occasion pour le narrateur de réfléchir sur les liens qui nous lient à un être.

Il y a aussi l'écrivain Bergotte qui lui permet de parler de littérature, notamment parce qu'il est question de son avenir professionnel, motivé pour être écrivain plutôt que diplomate. Il rappelle que le temps d'un livre n'est pas le temps réel et se moque du snobisme de Bergotte, qu’il décrit comme un gentleman voleur de fourchette quand il veut se faire valoir pour l'académie.



Et puis, il y a le souvenir des plaisirs de l'amour qui justifie le beau titre du roman.

Alors qu’il renonce à Gilberte, son premier amour, il évoque le dépit amoureux avec force et simplicité et se questionne sur l'impossibilité du bonheur.

A Balbec, il découvre le désir en observant de jeunes femmes ravissantes. Mais s’il joue au cœur d’artichaut en disant "Je n'en n'aimais aucune les aimant toutes" il est vite sous le charme d’Albertine Simonet.



Un roman remarquable aussi pour le positionnement politique du narrateur, notamment au sujet de l’affaire Dreyfus, ce qui permet de comprendre toute la société à partir d'un microcosme et pas seulement les bourgeois et aristocrates qu’il fréquente.





Challenge Pavés 2023

Challenge XXème siècle 2023

Challenge Goncourt illimité

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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

C'est un très, très, TRÈS GROS morceau de la littérature. Lire l'intégralité de La Recherche fait partie de mes objectifs de lecteur. Et pour ce premier tome, je suis à la fois content et déçu.

Content parce que j'entame un nouveau classique qui va me permettre de débloquer un nouveau trophée de culture et de connaissance dans ma vie, et déçu parce que je pensais tomber amoureux d'un nouvel auteur.

J'ai crû comprendre que Proust avait travaillé très dur et très longuement pour arriver à ce style d'écriture. Et ça se ressent. Même en temps qu'amateur, c'est extrêmement satisfaisant de lire quelqu'un qui sait maîtriser les mots sur le bout des doigts. Un niveau tellement élevé que je n'arrive pas à suivre le rythme parfois. Après tout, l'auteur est connu pour ses phrases de plusieurs kilomètres de long. J'ai pu repérer des phrases de 30 lignes parfois et même plus. C'est en lisant Proust que je me suis rendu compte que l'écriture peut être un travail aussi complexe.

Malheureusement, je ne suis là que pour les mots. Pour le reste, je ne suis pas trop dedans. Je m'identifie beaucoup au narrateur, mais il y aussi beaucoup de passages que je trouve assez ennuyeux. Sans compter le style qui, même s'il est très élégant, finit par me fatiguer mentalement (avec toutes ses phrases très longues). Peut-être que je lis Proust un peu trop tôt dans mon expérience de lecteur, je ne sais pas.



En tout cas, je serai préparé pour les suites.
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À la recherche du temps perdu, tome 3 : Le ..

J'ai enfin terminé la lecture du 3eme tome de la recherche du temps perdu. Il s'en passe des choses ! Le narrateur tombe amoureux de la duchesse de Guermantes alors que lui et les siens emménagent dans un appartement qui dépend de l'immeuble des Guermantes. Françoise, la gouvernante si on peut le dire ainsi se lie avec Jupin et les valets de pied de la duchesse. Albertine et le narrateur ont une relation physique mais l'amour pour la duchesse de Guermantes est trop fort... avant de se dégonfler comme un ballon de baudruche. L'ami présente sa maîtresse que le narrateur a connue prostituée et le baron de charlus a une attitude équivoque. Et n'oublions pas ce fait : la grand mère du narrateur tombe très malade et décède après avoir dû subir les diagnostics abracadabrants de certains médecins. Moment d'émotion intense.



Cependant, ce que je retiens de cette lecture est surtout l'humour voire l'ironie au regard de ce milieu aristocratique complètement déconnecté des réalités et qui se pense, de surcroît, intellectuel et intelligent. Foutaises !



Et surtout l'affaire Dreyfus bat son plein et chacun se positionne en fonction de ses positions : pro ou anti-dreyfusard.



En tout cas, le narrateur sorti de l'enfance et entrant dans cet entre- deux de jeune adulte se fait son idée, notamment du cercle mondain surfait.



J'ai encore une fois adoré cette lecture. Maintenant un essai pour changer d'univers et ensuite j'attaque le 4eme tome.



Proust est addictif 😀😀😀



Bonne soirée
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A la recherche du temps perdu, tome 4 : Sod..

De tous les épisodes de La Recherche du temps perdu que je découvre depuis cet été, « Sodome et Gomorrhe » m'a paru le plus tonique, le plus alerte, le plus mouvementé. N'allez pas croire toutefois que les péripéties vous sautent à la figure toutes les trois lignes ! On reste chez Proust et ce tome, qui pourrait s'appeler « Marcel à la plage, saison 2 » reste dans la tonalité des précédents. J'ai d'ailleurs trouvé un plaisir nouveau à me couler dans La Recherche, à connaitre de ces après-midis interminables où on n'avance que si peu, solidement entourée que j'étais par les centaines de pages que je venais de parcourir et les tout autant qui m'attendaient encore, comme emmaillotée dans un amas de lignes qui opposaient à la réalité l'épaisseur massive de leur existence.



Néanmoins, là où on ne quittait guère la digue, le grand-hôtel, Doncières au plus loin, dans A l'ombre des jeunes filles en fleur, là où on ne faisait que quelques pas dans les rues parisiennes pour aller des quartiers de Mme de Villeparisis aux appartements d'Oriane de Guermantes, les nombreux déplacements de Sodome et Gomorrhe, en automobile ou en train nous donneraient presque le tournis. C'est que, à la fois pour occuper Albertine avec laquelle le narrateur a renoué, que pour poursuivre une vie mondaine dans un délicieux décalage avec ce qu'aurait interdit Paris mais qu'autorise une villégiature balnéaire, nous voilà entrainés aux mercredis des Verdurin qui, nouvellement enrichis, ont loué à un prix mirifique la propriété principale des Cambremer, aristocrates dont la fortune n'honore plus le nom. Verdurin qui tiennent donc salon, à leur manière informelle habituelle, se piquant de n'y avoir que le fin du fin et arguant que si certains n'en sont pas, c'est que l'on n'en a pas voulu. On découvre, sur le chemin emprunté par le petit train touristique où nous avons embarqué, paysages et petites églises dans le bocage environnant, bercés par le chef de gare égrenant la litanie des noms de lieux, ramassant son chapelet d'habitués, d'amis et de connaissances. Tchou tchou le p'tit train… Ambiance, ambiance.



Albertine a reçu une jolie toque pour monter dans l'automobile que loue le narrateur presque chaque jour, un charmant nécessaire en or pour se refaire une beauté avant de descendre en gare, tout cela sent le plaisir et le charme innocent des amours de vacances. Il se dégage d'ailleurs de certaines pages le bonheur serein que j'avais en vain cherché dans A l'ombre des jeunes filles en fleur, le contentement d'un narrateur enfin présent à ce qu'il vit, juste heureux de profiter d'instants où il n'est ni jaloux, ni inquiet, ni perdu dans un désir évanescent pour un objet inexistant.

Cette énergie qui émane du texte tient peut-être aussi à ce que ce soit les Verdurin et leur cercle qui sont cette fois l'objet principal des observations du narrateur. N'ayant aucune connaissance des codes aristocratiques d'un monde qui ne les reçoit pas, ces hôtes nous épargnent les longues généalogies, le récit de tel blason déchu, de telles armes irrémédiablement corrompues par le déshonneur que leur aura infligé au su de tous, tel ou tel indigne descendant. A la place, nous aurons les clownesques Cottard et Sarriette, leurs ridicules de savants parvenus, les étymologies interminables de Bichot qui fascineront le narrateur, mais lui seul, les assoupissements de Mme Cottard juste après le déjeuner et le ridicule de M de Cambremer, le jeune, celui qui aura épousé une Legrandin pour sa fortune et ressassera à l'envie les deux seules fables De La Fontaine dont il soit capable de se souvenir. On le voit, le bouffon se fait davantage roturier et on y gagne une verdeur rapprochant certains portraits de ceux d'un Flaubert, proximité alors majorée par les paysages normands que ces deux auteurs ont en partage.



A cette déportation du décor du côté des horizons bleus et verts de la côte fleurie s'adjoint un déplacement du registre métaphorique. Là où je riais de trouver un protozoaire, un poulpe ou un mammouth, j'ai admiré cette fois de lestes comparaisons de tel ou tel avec une fleur butinée, une tomate, une pomme ou encore une poire. du Museum d'histoire naturelle au verger, en somme. Et quoi que mon regard ait de taquin quant au projet proustien, je ne peux qu'admirer la manière dont, jusque dans les détails les plus anodins du texte, se retrouve un soin de cohérence apte à installer le lecteur dans une oeuvre totale.

Quant à l'homosexualité enfin révélée de M de Charlus, au nombre sans cesse croissant des personnages dont les moeurs sont bien plus libertaires que ce que la bonne société autoriserait, y compris - surtout ? - parmi les plus huppés, on en vient rapidement accepter la démonstration qu'aucune situation sociale n'empêche l'explosion de désirs quels qu'ils soient et qu'aucune condition ne soustrait personne à la recherche de leur assouvissement. Qu'à ce compte, à l'hypocrisie d'un snobisme creux, à la bêtise d'un rang tenu sans culture ni profondeur s'ajoute le mensonge d'une vie sexuelle dont les apparences conformistes cachent le secret d'inclinaisons assumées mais publiquement réprouvées, moquées.



Anna, qui lit la Recherche comme elle respire, me faisait remarquer qu'il serait intéressant de voir ce que cette oeuvre devait aux origines juives de Proust. J'ai compris sa remarque comme une invitation à chercher peut-être un mode d'écriture qui ait à voir avec l'exégèse et j'ai été alors plus attentive aux références qui auraient pu me conduire à de pareilles réflexions. La religion ne concerne, dans ce tome, quasiment que Charlus et exclusivement le dogme catholique. le baron voue un culte particulier aux archanges Michel, Gabriel et Raphaël « avec lesquels il [a] de fréquents entretiens pour qu'ils communiqu[ent] ses prière au Père éternel, devant le trône de qui ils se tiennent. » Dans cette foi faite de légende dorée, de héraldique et scènes représentées sur un vitrail ou le frontispice d'une église, je lis moins l'appel à une glose que le réconfort d'un conte berçant un grand enfant orgueilleux et fragile. Il ne me semble d'ailleurs pas avoir croisé de personnage dévot se rendant aux vêpres ou aux offices dans ces premiers tomes de la Recherche. Pas de révélation durant une messe de Noël comme ce sera le cas pour Claudel. La grand-mère du narrateur doit être chrétienne, mais ce sont les lettres de Mme de Sévigné à sa fille qu'elle ne quitte pas. Quand Balzac fait de la religion un prisme par lequel analyser et dépeindre la société, quand Hugo lui donne des accents confinant au sublime, Proust semble la contenir aux détails architecturaux de ses monuments et aux enjeux stratégiques d'un positionnement ad hoc concernant l'affaire Dreyfus. Laquelle affaire concerne d'ailleurs davantage l'armée que les Juifs dans son traitement ici. On n'a même pas à s'interroger sur la vacuité du ciel tant son accès semble empêché par tout le bruit occasionné par les discours de fidèles.

On pourra me dire, et ça l'a été souvent affirmé, que Proust est le prêtre de sa propre religion, celle qui fonde l'écriture en dogme et la recherche d'un temps perdu en Dieu. Mais je ne suis pas sûre de cela non plus. J'ai l'impression au contraire que l'habile et interminable travail de l'écrivain n'est pas transcendé chez Proust. Il vaut pour ce qu'il est et ne gagne aucune autre hauteur symbolique. Les métaphores, les correspondances, les réminiscences posent un tissage horizontal, interrogent pour la nier systématiquement l'élévation d'une possible verticalité, pas plus qu'elles n'invitent à la révélation d'une immanence consolatrice. Proust parle de son oeuvre comme une robe qu'il assemble. A la fin, elle tient debout, mais elle reste robe. Ne dévoile rien d'autre que son harmonie, son goût exquis et son redoutable sens de l'observation. Sublime pour elle-même, elle se suffit et ne contient rien d'autre qu'elle.



C'est peut-être pour cette raison aussi que, malgré le plaisir toujours plus important que je prends à ces lectures, je ne ferai pas de Proust mon auteur favori et qu'il restera pour moi une connaissance à la fréquentation de laquelle j'attache plaisir et intérêt mais pas de cette tendre et intime complicité que j'aurais pourtant - par snobisme ? - espérée.

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A la recherche du temps perdu, tome 7 : Le ..

Dernière étape de ma relecture de « La Recherche » (La dernière qui sait ?) avec « Le Temps retrouvé » où j’ai distingué trois parties distinctes :d’abord une très sombre peinture de Paris pendant la guerre (bombardements, embusqués ,permissionnaires , les sombres plaisirs de Charlus ) puis après le célèbre épisode des pavés disjoints de la cour ,la révélation du projet littéraire . Enfin dans un final ,ô combien mélancolique , la réception chez la princesse de Guermantes (ex Verdurin) où se retrouvent nombre de protagonistes du roman .Mais 25 ans sont passés depuis la dernière apparition du narrateur dans le monde et c’est le Temps qui conduit le bal , posant sur chacune et chacun le masque de la vieillesse . J’ai été particulièrement sensible à cette évocation (étonnant non ?) justifiant ainsi ce que dit Proust de ses lecteurs : « Car ils ne seraient pas ,selon moi,mes lecteurs,mais les propres lecteurs d’eux-mêmes ».
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Ça y est je m'y suis mise !

Depuis le temps que je souhaitais lire "A la recherche du temps perdu" de Marcel Proust je reculais ma lecture impressionnée par sa réputation de monument littéraire. D'ailleurs, j'ai noté l'oeuvre en sept volumes à emporter sur mon île déserte de Babelio en me disant qu'il ne fallait pas rater cette occasion.

Je ne me suis pas trompée avec le premier volume "Du côté de chez Swann" où je suis allée faire un tour aussi joyeux que dans la chanson. Je suis très impressionnée par la qualité littéraire de ce roman.

Je dois dire que la version audio (j'ai aussi la version papier) m'a permis d'entrer facilement dans l'univers proustien propice à la lecture à haute voix.

C'est mon mari m'a offert le coffret audio avec ses 131 heures de lecture ce qui m'a incitée à écouter andré Dussollier puis Lambert Wilson (pour la troisième partie plus courte de ce premier volume) dans lequel Charles Swann est le personnage principal.



Entre Combray et Paris le narrateur commence par raconter ses souvenirs d'enfance, sa relation fusionnelle avec sa mère. C'est la période qui lui inspire la célèbre madeleine chez sa tante Léonie hypocondriaque où l'on fait aussi connaissance avec Françoise, la fidèle bonne et sa grand-mère qui lui offre des romans de George Sand. Cette dernière m'a rappelé la mienne, la plus gentille du monde, que j'appelais mémé Chouchoute car elle l'était.

J'aime beaucoup quand Proust décrit l'esprit qui s'échappe quand on est au lit à sommeiller pour un réveil en douceur avec des souvenirs plein la tête.

Durant cette enfance à Combray le narrateur fait connaissance avec des personnalités dont Swann qui va devenir un modèle masculin en quelques sortes ou du moins une figure essentielle dans sa vie.

Cette vie d'aristocrates on la découvre dans la deuxième partie centrée sur l'amour de Swann pour Odette.

Ils fréquentent tous les salons de Madame Verdurin où les filles font de la musique et plus si affinités car les rapports homosexuels ne semblent pas être un tabou pour l'auteur, ce qui est audacieux au début du 20ème siècle.

Ce milieu culturel et mondain avec ses conventions dont Proust se moque un peu lui permet d'évoquer son admiration pour le romancier, le musicien ou le peintre. D'ailleurs, le passage sur le pianiste qui rend visible la phrase surnaturelle d'une sonate de Chopin est une belle métaphore de l'amour de Swann pour Odette.

Dans la dernière partie plus courte, les rêves de voyage du narrateur le ramène en enfance aux Champs-Elysées avec Françoise à l'époque où il est amoureux de la petite Gilberte Swann avec qui il joue, subjugué et timide. Comme il est bon pour lui de s'en souvenir.



Je suis sous le charme de la prose proustienne grâce à cette lecture dans laquelle j'ai croisé la princesse de Sagan (qui a permis dans les années 1950 à la jeune Françoise Quoirez de trouver un pseudonyme) tout en restant admirative de la façon dont Proust décrit les asperges.





Challenge Pavés 2023

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Cahiers Marcel Proust, tome 10 : Poèmes

Tenter une synthèse de la poésie de Marcel Proust est très difficile, puisqu'il n'a jamais été un poète à part entière, du moins en dénomination, le reste de son oeuvre ayant bien sûr des envolées poétiques multiples et magnifiques. Cet ouvrage a le mérite de vouloir offrir aux lecteurs, les poèmes les plus connus du grand auteur, en particulier ceux qui évoquent avec délicatesse, nuance, et admiration, les peintres, les musiciens, qu'appréciait l'auteur. Les sonorités, les rimes, la présence de mots inattendus font de ce tableau artistique, un panorama poétique à l'esthétique raffinée, témoignage émouvant d'un attrait pour la culture européenne et ses illustres représentants. L'autre aspect divertissant des poésies de jeunesse de l'auteur d'A la recherche du temps perdu, réside dans la construction stylistique de ses vers sentimentaux. Prose versifiée dans une forme presque précieuse, maniérée où la fluidité des vers, permet de ressentir une légèreté dans la rhétorique orale en les déclamant, agréable sensation d'apesanteur poétique, surtout quand les mots transcrivent les descriptions sensitives, visuelles ou mémorielles. D'autres curiosités figurent au titre de l'inventaire poétique de Marcel Proust, la présence d'Haiku symbolisant la mode du japonisme très en vogue à l'époque, ainsi que de petits poèmes au ton burlesque parcourant sa correspondance. Si l'auteur avait déjà publié dans un premier ouvrage : les plaisirs et les jours, certains de ses poèmes et d'autres en prose romancée, la pertinence d'avoir axé cette fois-ci sur la poésie versifiée, permet d'avoir une vue plus globale sur le talent modeste, mais réel de l'auteur en ce domaine.
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À la recherche du temps perdu - Intégrale

(Ni défloration, ni commentaire à rallonge)



Un jeune bourgeois, oisif et aspirant mondain, explore les salons du Tout-Paris au tournant du vingtième siècle. Son éveil progressif à la réalité de ce monde en pleine mutation, le conduira d'une relecture de son propre parcours, à la découverte de sa vocation véritable.



Il y a des oeuvres, et il y a des livres. La différence tient en ce qu'une oeuvre est un auteur et donc, en tant que tel, unique. Les repères ordinaires n'y fonctionnent pas. Quand d'aucun évoque sa difficulté, c'est en fait à son originalité qu'il pense.



A la recherche du temps perdu n'est pas une oeuvre difficile ; c'est une oeuvre unique. Ce n'est pas son ampleur qui constitue un défi, c'est son caractère original. Et quand bien même « La Recherche » serait réduite des trois-quarts, il n'en irait pas autrement.



C'est aussi un récit « partagé » sur le ton de la confidence. Le narrateur pourrait être l'ami plus vieux qui, par affection et avec humour, cherche à vous faire profiter de son savoir et de son expérience : de l'art à la politique, de la guerre aux moeurs sociales, de l'amour à l'amitié, Marcel Proust croque un univers de personnages, de formes et de codes, qu'il décryptent en alternant psychologie et véritables pièces de boulevards.

Présents partout dans ses pages, son oeil et sa voix si vivants expliquent qu'on lit moins Proust qu'on le rencontre, et qu'on se souvient moins de lui qu'on garde à terme l'impression de l'avoir toujours connu.



Rangez votre téléphone et votre ordinateur, préparez-vous à passer un moment avec Proust comme vous le feriez pour un rendez-vous. Eliminez pour un instant toutes les distractions, et entamez avec lui le plus grand des voyages d'une vie : le voyage intérieur.

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A la recherche du temps perdu, tome 7 : Le ..



Qu'est-ce qui aurait permis au Narrateur de s'affranchir de la tyrannie du temps ? Et qu'est-ce qui de lui-même, s'étant jadis écoulé en pure perte, eût pu à nouveau être trouvé par lui, ou plutôt retrouvé en lui ?



Arrivé au faîte de l'édifice monumental, voilà bien des questions dont le lecteur pourrait espérer avoir une réponse définitive - voire plus, et comme dans ces contes des Mille et Une Nuits si chers au Narrateur, y trouver peut-être le Sésame permettant d'atteindre ces réservoirs dissimulés derrière les parois rugueuses de notre conscience, dans lesquels notre mémoire aurait précieusement conservé une part importante de nos trésors enfouis...



Mais si ces attentes seraient après tout légitimes, il ne faudrait surtout pas se tromper de fiction..!!!



Il serait vain, en effet, de s'attendre ici à l'établissement de rapports de causalité simples entre l'écoulement du temps et le travail de la mémoire ; aussi vain que de demander à un savant de nous représenter une courbure d'espace-temps à l'aide d'une surface plane!



Ce serait bien plus à l'image de ces motifs en apparence indépendants les uns des autres s'étant succédé à l'intérieur d'une même composition symphonique et qui, réunis dans un dernier mouvement par le génie musical de l'artiste, dévoilant enfin leur tessiture commune, créeront un harmonie nouvelle et sublime entre eux, que les différentes époques et temporalités traversées par La Recherche devraient être abordées en son tout dernier volet.



En les entrecroisant et en les juxtaposant, en imbriquant les uns dans les autres les tempos discordants, jusque-là cloisonnés à l'intérieur d'une même partition subjective, son Narrateur aura le sentiment de pouvoir enfin abolir (provisoirement?) le gouffre qui avait séparé ses différents «moi», leur incommunicabilité et leur discontinuité, chacun resté associé séparément à des images et à des moments particuliers de son passé, et de cesser par la même occasion de vivre le passage du temps comme un écoulement à perte, dans un flux de sensations qui, au moment même où on les éprouve, sont le plus souvent impossibles à apparier et à rassembler sous des contours précis, et encore moins à être conservées par notre conscience – et dont sa solitude, en tant que refuge idéalisé, son éternelle procrastination, ainsi que certains des «noms» gravés en lui depuis son enfance à Combray, forgés à partir de ses premières expériences sensorielles du monde environnant, constitueraient pour lui les seuls boucliers susceptibles d'y faire face.



Et comme il en va aussi de la musique qu'on écoute, c'est en faisant taire en lui ce que l'intelligence et les habitudes assèchent de notre expérience la plus intime, celle-là même dont on ne peut donner aucune preuve «matérielle», qu'il pourra s'extirper du joug tyrannique d'une temporalité horizontale et linéaire, celle qu'une mémoire à vocation «uniformisée», bravement volontaire, essaie de classer pour nous en un «avant» et en un «après», générant une sorte de catalogue «rétrospectif» et consultable à la demande.

Grâce à l'intervention d'une temporalité "hors-cadastre", générée par la mémoire involontaire (et à un concours de circonstances tout aussi aléatoire), le Narrateur rejoindra une nouvelle dimension, plutôt «verticale», dans laquelle le curseur du temps, libre pour ainsi dire de monter jusqu'à la limite supérieure de la conscience de soi séparée du reste du monde - dans son cas, par exemple, sur les bords extérieurs de ces «chemins d'aubépines» de son enfance l'ayant en grande partie délimitée – et, en même temps de descendre en soi, à l'endroit même où celles-ci, toujours en fleur, sont restées inchangées pour lui, -, lui permettrait, bien plus que de réactualiser ou de revisiter des souvenirs d'un autre temps, de retrouver la permanence de soi-même dans son passage chaotique et irréversible.



«J'avais trop expérimenté l'impossibilité d'atteindre dans la réalité ce qui était au fond de moi-même. Ce n'était pas plus sur la place Saint-Marc que ce n'avait été à mon second voyage à Balbec, ou à mon retour à Tansonville, pour voir Gilberte, que je retrouverais le Temps Perdu, et le voyage que ne faisait que me proposer une fois de plus l'illusion que ces impressions anciennes existaient hors de moi-même, au coin d'une certaine place, ne pouvait être le moyen que je cherchais (…) Des impressions telles que celles que je cherchais à fixer ne pouvaient que s'évanouir au contact d'une jouissance directe qui a été impuissante à les faire naître. La seule manière de les goûter davantage c'était de tâcher de les connaître plus complètement là où elles se trouvaient, c'est-à-dire en moi-même.»



Tout le contraire donc d'une «nostalgie» pure et simple essayant

de créer un double avenir fictif dans le passé, comme il avait tenté lui-même de faire jadis, notamment après la mort d'une Albertine qu'il allait pourtant avec le temps oublier, cesser d'aimer, son «moi-qui-l'aimait», épuisé à force de se débattre dans une souffrance intolérable, étant lui aussi disparu après elle...



Avec le temps, oui, Léo avait raison, tout va, tout s'en va..!



Temporalités, disions-nous, qui sembleraient s'entremêler harmonieusement dans ce dernier tome, ce à quoi l'on pourrait rajouter, «sans aucune hiérarchie» entre elles.

Et, fait surprenant pour le lecteur attentif, pour la toute première fois depuis cette brèche ouverte dans le Temps, du côté de Combray, l'on y trouvera, parallèlement au flou chronologique caractéristique de la plupart des réminiscences du Narrateur, une datation nouvelle et très précise de certains évènements (après de longues années passées en maison de santé, nous dit-il, il était revenu temporairement à Paris «une première fois en 1914, puis en 1916»(!).



Voici donc Kronos, l'horizontal et linéaire, Aiôn, l'itératif et cyclique, et surtout l'imprévisible Kaïros, majestueusement vertical et impondérable, main dans la main, menant ensemble cette dernière contredanse !



Et d'ailleurs, ce sera en l'occurrence par l'intermédiaire d'un autre «bal», bien plus tard, après de nombreuses années de retraite solitaire s'étant suivies à la mort d'Albertine et à la fin de la Grande Guerre, que le Narrateur - réinstallé définitivement à Paris et faisant son retour dans un «monde» qu'il ne reconnaîtrait d'ailleurs plus dans un premier temps, les méridiens de ce dernier ayant été sensiblement déplacés, ainsi que les figures qui régnaient auparavant sur l'ex-«faubourg Saint-Germain», remplacées depuis en grande partie - nous invitera à témoigner de l'usage qu'il fait des nouveaux verres optiques apportés par son expérience, lui permettant d'apprécier autrement le passage du Temps, et grâce auxquels il se sentira enfin en mesure d'entreprendre l'écriture de son roman.



Longue fantasmagorie chez la (nouvelle) Princesse de Guermantes, qui, à la grande stupéfaction du Narrateur, s'avèrera n'être autre que…Mme Verdurin, ce drôle de «bal des têtes», faisant défiler devant lui toutes les figures emblématiques de son passée, viendra en même temps clore le cycle du Temps Perdu.

Certains miraculeusement encore en vie, d'autres, telle la Berma par exemple, inopinément ressuscités pour l'occasion, presque tous méconnaissables pour lui d'entrée de jeu, mais cultivant cependant toujours, vérification faite, derrière leurs masques craquelant, leurs mêmes habituels travers, mesquineries et autres infatuations; personnages du théatre du monde à la fois pathétiques et malgré tout attendrissants dans leur universalité, leurs propos parfois moins présomptueux ou féroces par la force des choses (et surtout de l'âge) s'étant teintés, à l'image de leurs barbes et cheveux devenus blancs, de cette hypocrisie cordiale qui, comme le disait avec une grande élégance d'esprit le célèbre La Rochefoucauld, s'apparente à «un hommage que le vice rendrait à la vertu» : miroir déformant d'une foire humaine aux vanités qui, tout en nous amusant, peut aussi, en retour, nous faire par moments grincer des dents.



Sarabande à trois temps, au rythme de la laquelle, pris par elle et se reconnaissant en elle, il sera amené à conclure, face à l'irréalisme de la vie, que le temps non seulement est « secrété par lui», mais qu'il devrait désormais «à toute minute le maintenir attaché à lui».



« Bientôt je pus montrer quelques esquisses. Personne n'y comprit rien. Même ceux qui furent favorables à ma perception des vérités que je voulais ensuite graver dans le temple, me félicitèrent de les avoir découvertes au «microscope» quand je m'étais au contraire servi d'un télescope pour apercevoir des choses très petites en effet, mais parce qu'elles étaient situées à une grande distance, et qui étaient chacune un monde. Là où je cherchais les grandes lois, on m'appelait fouilleur de détails.»



Au lieu donc de rechercher à tout prix et partout le temps perdu, il serait avant tout question d'habiter le Temps, de rapprocher les bords de ces abîmes qui ne cessent de s'ouvrir dans nos paysages intérieurs de plus en plus érodés par le passage irrévocable des heures, ou pour dire les choses autrement, et inspiré, une fois n'est pas coutume, par l'esprit de Vladimir…(ouf !) Jankélévitch , essayer de l'habiter depuis ce «primultime» instant créateur de temps pour nous, attachés à son envol qualitativement «premier et ultime», immatériel et probablement irreproductible.



Parce que le Narrateur réussit à l'habiter de la sorte , il peut enfin sortir de sa torpeur et réveiller l'artiste qu'il incarne désormais à ses yeux, faisant de cette recherche du temps perdu la matière même de sa création.



Pour le véritable Auteur, d'autre part, l'oeuvre étant réellement terminée, et lui ayant quitté son enveloppe corporelle, il s'installe pour nous dorénavant en celle-ci, transformé en quelque sorte, à son tour, en double de son personnage, et par-deçà sa propre disparition physique, la poursuivant à travers lui.



Dit autrement, pour son protagoniste et Narrateur, si l'oeuvre elle-même touche à sa fin, la sienne, devenue enfin possible, ne ferait logiquement que commencer. En revanche, pour L Auteur, si son être éphémère a cessé d'exister, cette dernière, impérissable, lui permettrait d'échapper à l'oubli.



«Victor Hugo dit : « Il faut que l'herbe pousse et que les enfants meurent. » Moi je dis que la loi cruelle de l'art est que les êtres meurent et que nous-mêmes mourions en épuisant toutes les souffrances pour que pousse l'herbe non de l'oubli mais de la vie éternelle, l'herbe drue des oeuvres fécondes, sur laquelle les générations viendront faire gaiement, sans souci de ceux qui dorment en dessous, leur «déjeuner sur l'herbe.»



Et après tout, ce qui n'existe pas, ou n'existe plus, sinon sous une forme immatérielle ou imaginaire - et ainsi qu'on le réussit parfois à pressentir dans un battement fugitif, bien que n'étant aucunement en mesure de se l'expliquer- ne devrait pouvoir sous certains aspects se révéler beaucoup plus déterminant que tout ce qui se présente à soi et est immédiatement tangible par nos sens affairés ?



Quoi qu'on puisse en dire au final, et quoi que j'élucubre à mon tour ici sur des pages et des pages d'affilée, moi qui -excusez au passage-, en rajoute trop souvent des couches à ne plus en finir, il faudra tout de même bien se résoudre à admettre que jusqu'au bout cette optique multifocale du temps ne se laissera pourtant pas totalement apprivoiser à l'oeil nu, ni saisir complètement, fût-elle extrêmement pointue, par une analyse menée exclusivement par notre «organe-obstacle» préféré, la conscience -selon une autre formule consacrée par le « special guest» (comme aurait pu dire Odette de Crécy) de cet ultime billet interminable, le grand philosophe du "je-ne-sais-quoi" et du "presque-rien": Jankélévitch.

Il faudra également que le lecteur, ayant dans le meilleur de cas réussi à transformer «l'obstacle» en un «organe» moins encombré par sa densité, accepte en outre que l'«irréalisme» sans concession de l'oeuvre sera porté aussi jusqu'au bout de cette dernière (et par ailleurs explicitement assumé en ce dernier tome-testament, mis en opposition à un «réalisme» très largement prédominant dans la littérature de l'époque, à travers un brillant argumentaire développé par son Narrateur-Écrivain), irréalisme qui par ailleurs se dissimule à peine derrière une intrigue amincie à l'extrême et qui, sous une autre plume, ne tiendrait certainement pas longtemps debout!



Si le lecteur se laissait nonobstant porter, comme disait un autre grand poète, «dans son corps intellectuel et entier» par l'harmonie des sphères très particulière qui résulte de cette exploration littéraire de la subjectivité dans ses quatre dimensions, l'on devrait pouvoir alors l'approcher prudemment, sur la pointe de nos petits raisonnements, de manière plutôt tangentielle, intuitive, allusive et analogique, surtout non-exhaustive donc, et jamais définitive : sous une perspective somme toute en miroir à cette logique d'«extra-temporalité» qu'elle explore et qui lui apporte sa signature particulière - l'oeuvre elle-même, comme on le sait bien, et si vous me permettez encore une nouvelle inflation d'antithèses, ayant été livrée en l'état : suspendue à tout jamais en un dénouement provisoire marqué par l'urgence de ses dernières corrections, par les hésitations de ses ultimes conclusions (voir à ce propos l'impressionnante photo de la dernière page du manuscrit du Temps Retrouvé - Cahier XX – reproduite en postface à cette édition) ; ainsi qu'à un recommencement permanent découlant de son terme (ou vice-versa, si l'on préfère : que le projet, par exemple, tant rêvé par le Narrateur de se mettre au travail ne se concrétise pour lui qu'à la fin de "La Recherche", ne nous paraîtra pas, loin de là, incompatible avec le fait que celui-ci serait donc supposé commencer à rédiger un roman qui - nous en avons la preuve là, entre nos mains - eût pourtant déjà été bel et bien écrit!!); et, last but not least, y compris pour nous, ses lecteurs qui, en la refermant, songeons probablement déjà à une relecture incontournable à venir!



Car dès lors que, subjectivement, le temps devient insécable pour nous, toute fin est commencement potentiel d'autre chose, et dans ce qu'on recherchera alors de nouveau, il n'y aura rien qui ne se fut déjà trouvé en puissance en nous («les paradis qu'on recherche sont forcément des paradis perdus»).

Les paradoxes que le temps créait pour nous ne sont plus perçus comme des contradictions sans issue.



Ceci dit, qu'est-ce que je pourrai bien lire après tout ça..?



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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

Je viens d'achever la lecture de ce deuxième tome de La Recherche

L'écriture toujours aussi exigeante est époustouflante.

Dans ce tome j'ai l'impression que Marcel Proust parle du sentiment amoureux naissant de l'enfance en évoquant Gilberte, à l'adolescence avec la bande des filles à Balbec et surtout Albertine.



Il est persuadé qu'il n'a aucun talent d'artiste et pourtant...



Le narrateur est déçu à plusieurs reprises par l'actrice qu'il voulait voir au théâtre, par Gilberte, par l'auteur qu'il vénère etc. Pour autant il découvre l'amitié et l'amour. Il va enfin découvrir Balbec qui le charme. Il rencontre au Grand Hôte des personnages souvent ridicules.



J'aime encore les personnages de sa grand mère et de Françoise, servante de feu sa grand-tante entrée au service des parents du jeune adolescent.



Et toujours la maladie qui le poursuit mais qui n'a pas le dernier mot.



Encore une fois un moment grandiose de lecture avec à chaque phrase un style bien aiguisé



J'adore



Plus que cinq tomes à lire :)
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Qui trop embrasse mal étreint



De très longues phrases, parfois d’une demi-page, pleines de parenthèses, de digressions, de ponctuations : voilà un style n’ayant plus cours aujourd’hui mais auquel les lecteurs sachant l’apprivoiser voire l’apprécier, reconnaîtront un charme indéniable.

À bien y réfléchir, c’est le seul qui convenait pour rendre toute la précision et toutes les nuances dont le narrateur fait preuve dans son analyse du moi profond, dans sa dissection de l’âme humaine.



En matière de conquête féminine, son exploration du psychique le conduira à créer le manque chez Gilberte, dont il est fou amoureux, calculant que cela finira immanquablement par la jeter dans ses bras.

Plus tard, le même type de raisonnement lui fera essayer de rendre jalouse Albertine, la nouvelle élue de son cœur, en se rapprochant d’Andrée, une tactique qui devrait conduire la première citée à capituler et à abandonner toute résistance.



Bref à force de tout intellectualiser, le narrateur fait en sorte que ses convoitises restent le plus longtemps possible à l’état de désirs comme si la perspective du bonheur était plus belle que le bonheur lui-même.

Dans l’un comme dans l’autre cas, les objectifs de départ ne seront d’ailleurs pas atteints.



Ces échecs ne sont-ils qu’apparents ?

Ou y a-t-il une stratégie consciente et assumée qui viserait à séduire sans concrétiser ?

Le narrateur et plus globalement tous les personnages et même nous tous, perdons-nous notre temps en vaines considérations dans nos rapports aux autres, dans nos rapports à nous-mêmes ?

Et si temps perdu il y a, peut-il être retrouvé ?

C’est l’une des questions philosophiques qu’aborde l’œuvre foisonnante de Marcel Proust qui, comme tous les grands auteurs, reste d’actualité.

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A la recherche du temps perdu, tome 6 : Alb..



Avec le départ impromptu d'Albertine, une nouvelle inconnue vient se rajouter à l'équation amoureuse qui avait accaparé l'esprit du Narrateur durant le tome précédent, et dont la démonstration l'amenait alors à considérer l'accomplissement de notre désir comme étant «peu de chose, puisque dès que nous croyons qu'il ne peut pas l'être, nous y tenons de nouveau, et ne trouvons qu'il ne valait pas la peine de le poursuivre que quand nous sommes bien sûrs de ne le manquer pas». Il était donc vain, déclarait-il, d'espérer pouvoir accéder au bonheur par la simple réalisation de ses désirs, projet aussi «naïf» que celui de vouloir «atteindre l'horizon en marchant devant soi»!



Mais alors que le désir se sustenterait en définitive de ce manque à avoir dont par ailleurs l'art véritable de la séduction consisterait à bien savoir doser, qu'adviendrait-il si, se trouvant subitement en dehors de toute atteinte possible, son objet disparaissait tout simplement, ou mourait?



Dans cette mise à l'épreuve du désir par la réalité, le «manque à avoir» ne pourrait-il risquer de se voir transformer en un torturant «manque à être» ?



Proust et Freud, contemporains, incroyablement proches par de très nombreux aspects, tant au niveau de leurs centres d'intérêt intellectuels ou artistiques, que dans leur exploration révolutionnaire de la psyché profonde, sur le plan littéraire pour l'un, «herméneutique» et scientifique pour l'autre (voir à ce propos l'essai de Jean-Yves Tadié: «Le Lac Inconnu – Entre Proust et Freud»), ne se sont pourtant jamais, de leur vivant, «croisés» -dans le sens plein du mot : n'ont eu aucun type d'échange, ne se sont pas -tout au moins en apparence- lus, ou alors très peu (?), n'ont laissé dans leurs très nombreux écrits aucun commentaire digne de ce nom, aucune référence de l'un à l'autre…!

Cette indifférence royale, strictement réciproque, pourrait paraitre tout de même assez suspecte -n'est-ce pas ? Elle ne peut en effet que «poser question» ; bien plus d'ailleurs que si, par exemple, s'étant peu ou prou rapprochés, ou au moins reconnu leur existence et leurs «recherches» communes, les deux hommes ne se fussent pour une raison ou une autre appréciés, voire eussent désavoué toute parenté, toute intertextualité ou complémentarité entre leurs démarches et leurs oeuvres respectives!!



L'essai freudien consacré plus particulièrement aux mécanismes psychologiques activés par le deuil («Deuil et Mélancolie») et le roman de Proust furent en outre écrits pratiquement au même moment, à un an d'intervalle près. Aucune autre oeuvre de fiction ne paraissait en même temps susceptible d'illustrer aussi parfaitement, aussi précisément et aussi judicieusement qu'Albertine Disparue, les étapes du «travail du deuil» telles que décrites par Freud : depuis le déni initial, suivi du retrait du moi permettant de garder des liens toujours vivants et idéalisés avec la personne disparue, en passant par l'émergence de sentiments contrastés, mouvements successifs et alternés de tristesse et de colère, de faute et de culpabilité, de reproches et de pardon, jusqu'à l'acceptation, à l'avènement d'une certaine forme de résignation, d'un détachement progressif permettant, à terme, l'oubli, et à la libido la possibilité d'investir à nouveau des objets du monde extérieur.



Si le secret de cette indifférence notoire aura probablement disparu complètement avec eux, Freud et Proust restent malgré tout réunis par leur oeuvre commune dans la postérité...



Deuxième volet d'un diptyque indissociable, après La Prisonnière, Albertine Disparue (ou «La Fugitive»), est le prolongement, dernier mouvement sous forme d'adagio vénitien, de l'ode que le Narrateur consacre à sa bien-aimée ; à la fois oraison funèbre et exercice accompli d'auto-observation de la diastole douloureuse d'un coeur anéanti par la souffrance, évidé, cherchant en même temps désespérément à enfermer à jamais en son sein cette essence, aussi rare et précieuse que délicate et volatile, exhalée par un être aimé qu'on vient de perdre irrémédiablement.



Et pourtant -ne pourrons-nous peut-être nous empêcher d'y repenser-, combien de fois depuis la toute première rencontre des amants sur la plage à Balbec, jusqu'à leur dernière peine d'amour purgée ensemble dans la prison dorée de l'appartement familial parisien -avant le baisser du rideau-, n'aurons-nous tout de même entendu le Narrateur affirmer qu'il ne l'aimait pas, Albertine??



Tout compte fait, après avoir refermé ce deuxième volume de la Recherche dédié à un personnage en particulier, à celle qui fut décrite par Proust comme «l'enveloppe close d'un être qui par l'intérieur accédait à l'infini», celle dont le nom est cité (rassurez-vous, ce n'est pas moi qui l'ai compté !) 2 360 fois tout au long de l'oeuvre, faudrait-il encore des preuves pour nous convaincre qu'en affirmant ne pas aimer Albertine, son Narrateur ne fourvoyait personne d'autre que lui-même? Et après tout, ainsi qu'on le dit parfois en parlant de la «foi véritable», les plus grands amours ne seraient justement ceux-là même qui s'autorisent à douter de leur bien-fondé et de leur réalité?



S'il avait en effet pu songer par moments que vivre sans Albertine (voire même souhaiter qu'elle «disparaisse» d'une fois pour toutes) lui eût possibilité non seulement de s'adonner librement aux errements jouissifs de ses désirs irrésolus, ou à la solitude réclamée par les caprices d'un coeur assurément intermittent, mais aussi de pouvoir échapper aux affres d'une jalousie furieuse, envahissante, addictive -indispensable d'autre part à entretenir son désir même pour sa compagne, l'obligeant à tourner sans issue tel un écureuil dans sa roue!-, le départ, puis l'annonce de la mort accidentelle d'Albertine, le font soudain réaliser qu'au moment même où il arrive enfin à se dégager matériellement d'elle, sa vie et son avenir à lui deviennent «indissolubles d'elle»...





«Pour que la mort d'Albertine eût pu supprimer mes souffrances, il eût fallu que le choc l'eût tuée non seulement en Touraine, mais en moi. Jamais elle n'y avait été plus vivante.»



Albertine rescapée !



Le voici donc retranché dans sa chambre (Freud nous dirait «dans son moi»), isolé du monde, rideaux tirés au millimètre près, afin que le moindre rayon de soleil ne pût y pénétrer («la libido s'est retirée des objets du monde extérieur», [sic]), effeuillant à longueur de journées un album de souvenirs d'une Albertine aux reflets multiples, sans trêve projetés par le prisme de sa souffrance dans la grande galerie de glaces qui vient de s'ouvrir dans sa mémoire.



«La mémoire d'un moment n'est pas instruite de tout ce qui s'est passé depuis ; ce moment qu'elle a enregistré dure encore, vit encore, et avec lui l'être qui s'y profilait (…) Pour me consoler, ce n'est pas une, c'est d'innombrables Albertine que j'aurais dû oublier. Quand j'étais arrivé à supporter le chagrin d'avoir perdu celle-ci, c'était à recommencer avec une autre, avec cent autres.»



Albertine démultipliée.



La richesse et la profusion des images puisées dans le «répertoire" de la vie avec elle réveillera cependant chez lui toute la complexité aussi de son amour, notamment sa jalousie, qui s'y infiltrant peu à peu, se réactive «rétrospectivement».

Partagé entre la sensation contradictoire de continuer toujours à alimenter les mêmes soupçons, absurdes, s'agissant, n'est-ce pas, «d'une femme qui ne pouvait plus éprouver des plaisirs avec d'autres», mais de réussir, grâce à eux, à obtenir en même temps «le gage de la réalité morale d'une personne inexistante», l'endeuillé se voit propulsé dans un rêve éveillé à la temporalité complexe, instaurant une sorte de «double de l'avenir» dans le passé, pour un couple à nouveau reformé et «indissoluble», dans lequel «à chaque coupable nouvelle s'appariait aussitôt un jaloux lamentable et toujours contemporain».

Un avenir «double» qui aurait pu se prolonger indéfiniment, «aussi long que sa vie», s'imagine-t-il, sans toutefois qu'Albertine puisse, comme lorsqu'elle vivait encore, être là pour « calmer les souffrances qu'il me causerait».



Albertine toujours enchaînée.



Traversant ainsi, «en sens inverse tous les sentiments par lesquels a passé son amour» pour elle -sentiments devenant au fur et à mesure de plus en plus à double-fond ou réversibles («ambivalents», dirait Freud)-, égrenant à l'envi des reproches voués par la force des choses à être inopérants, adressés à quelqu'un qui n'est donc plus là pour les subir, suivis d'auto-récriminations systématiques («les affects négatifs sont alors retournés contre le moi lui-même»[sic]) tous azimuts -«par ma tendresse uniquement égoïste j'avais laissé mourir Albertine comme auparavant j'avais assassiné ma grand-mère »(!)-, l'endeuillé poursuit, selon l'expression consacrée par le grand psychanalyste viennois, son «travail du deuil», le parachevant progressivement grâce à l'intervention de ce que Freud identifierait comme étant le «principe de réalité» si cher au Moi, et dont nous retrouvons ici la trace suite aux révélations d'Andrée confirmant provisoirement les soupçons gomorrhéens du Narrateur et les mensonges faits par Albertine, suite aux résultats des enquêtes diligentées, à Balbec et en Touraine, par les bons soins de Saint-Loup et d'Aimé, et surtout, à la concrétisation, enfin, d'un projet de voyage à Venise avec sa mère.



Tous les «si» ayant décuplé jusque-là sa souffrance ( si elle m'avait tout révélé..., si je l'avais laissée libre de ses mouvements..., si je ne lui avais pas offert le cheval qui a provoqué sa mort accidentelle…) s'estompent peu à peu dans le flux de ses pensées.



Albertine émiettée, sassée, puis oubliée.



«Si bien que cette longue plainte de l'âme qui croit vivre enfermée en elle-même n'est un monologue qu'en apparence, puisque les échos de la réalité la font dévier, et que telle vie est comme un essai psychologique subjectif spontanément poursuivi, mais qui fournit à quelque distance son «action» au roman purement réaliste, d'une autre réalité, d'une autre existence, et duquel à leur tour les péripéties viennent infléchir la courbe et changer la direction de l'essai psychologique».



Qu'est-ce en fin de compte l'amour que l'on avait éprouvé?

Si ce n'était qu'un leurre, un simple mirage, c'était aussi parfois «le seul acte poétique» qu'on avait accompli dans nos existences.



Et l'oubli ?

L'on n'oublie pas quelqu'un qu'on aime parce qu'il meurt, mais parce que «nous mourons avec lui».



C'est peut-être aussi pour cette raison que le «travail du deuil», s'il est réussi, l'on cesse alors de vouloir «ressusciter» les morts, pour ramener soi-même à la vie.



Albertine, non plus enfermée dans un double factice de l'avenir dans le passé, mais délivrée désormais, oubliée mais gardée cependant au fond de lui, hors de toute conscience -«amalgamée à la substance même de son âme»-, le catalogue de ses souvenirs se dématérialisera, ses robes «fortuny» se transsubstantialiseront en un voyage à Venise, la clarté de son teint et de son regard migreront anonymes dans le visage d'autres femmes éveillant le désir du Narrateur, et l'essai psychologique de sa souffrance subjective, devenue immatérielle et universelle, mué enfin en un magnifique roman.



Albertine retrouvée...









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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Je n'avais jamais imaginé lire Proust un jour, encore moins entreprendre la Recherche; pas mon genre, pas féru de pavés, déjà impatient lorsque Zola s'étire dans ses descriptions, bref il y a tant de bonnes choses à lire et la vie est courte. Mais voilà que lors d'une rencontre d'un club de lecture, une fan finie de Marcel nous lit le passage des madeleines et explique son engouement pour l'œuvre; convaincue et convaincante. Assez en tous cas pour prendre la température de l'eau, prudemment, presque à reculons, en intercalant, après une dizaine de pages, des chapitres d'un bon roman de gare, là où les choses avancent, les phrases compréhensibles et les effets de toge inexistants. Puis, peu à peu, insidieusement, j'allongeai mes incursions dans Combray, admirant ci et là une tournure de phrase, appréciant une réflexion du narrateur, cherchant à me mettre au diapason de ce rythme tellement lent. Je ne l'ai pas réalisé sur le coup, mais j'étais déjà piégé !



Cette écriture est une drogue: la jouissance qu'elle apporte parfois rend tolérable les ennuis qui l'accompagne. Car sur le fond un amour de Swann ne m'a pas enchanté, ses états d'âme en perpétuels changements, son incapacités à décoder le jeu de sa cocotte, et pire future femme, sa complaisance dans la douleur, m'ont agacé plus qu'autre chose. Par contre les réflexions existentielles du narrateur, ses propos sur l'art et la galerie de personnages qui se déploie sont déjà intrigantes et promettent de belles choses. Preuve que je suis hameçonné, ayant à peine fermé Swann, je reluque déjà les jeunes filles . . . Mais elles attendront quelques semaines, avec Proust il ne faut pas être pressé.

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A la recherche du temps perdu, tome 4 : Sod..

* Un été avec Marcel #4 *



Oui, je sais, on n'est plus en été ! Chez moi aussi, dans ma petite Belgique, souffle un vent à défriser les mamies bleu ciel. Le chat semble une pomme de terre poilue tant son pelage est gonflé. Ca ne trompe pas, l'automne est bien là. Conclusion, je me suis encore faite avoir par la rentrée littéraire et j'ai délaissé Marcel trop longtemps ! Qu'à cela ne tienne, je me suis plongée avec délectation - passion - plaisir dans ce 4ème opus de la Recherche (Tiens, je me trouve des accents de Mme de Cambremer...).



Et il nous raconte quoi Marcel 4 ?

Marcel (même que ce n'est pas Marcel, mais tout le monde sait que le narrateur c'est quand même Marcel) est passé dans l'âge adulte maintenant. Il vit toujours ses heures mondaines entourés de ces fats hypocrites désœuvrés, Albertine à son bras.

Comme toujours, ce n'est pas l'action qui prime chez Proust, mais bien l'atmosphère et les saillies langagières. D'ailleurs en parlant de saillies, elles ne furent pas que langagières dans ce tome !



Sodome s'ouvre en force avec la découverte de la relation charnelle entre M. De Charlus et Jupien qui tel le bourdon va féconder l'orchidée. S'ensuit durant tout le roman une évocation de l'homosexualité masculine, cachée et hypocrite même derrière les portes des bordels. Les amours invertes ne sont pas simples.

Gomorre n'est pas en reste ! Marcel prête à Albertine des relations avec ses amies, comme il l'a vu précédemment avec Mlle Vinteuil. Je ne suis pas persuadée qu'Albertine ait quoi que ce soit à se reprocher, mais Marcel est jaloux comme un pou. Femmes ou hommes, la pauvre est surveillée de près.

A part ceci reste le merveilleux passage de la mort de sa grand-mère, où les souvenirs font prendre conscience de la perte de l'être aimé, bien plus que la froideur du cadavre.

Proust nous régale aussi de la truculature du parlement du liftier. C'est à lectorer !



J'ai passé un moment délicieux - agréable - bon avec la 4ème mouture de cette fresque grandiose.



Maintenant je dois m'atteler à lire une masse critique cotée à 2,4 sur Babelio. Gageons que ma prochaine critique sera rigolote ! :-) (Voyez comme je vous tiens en haleine !!)







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À la recherche du temps perdu, tome 3 : Le ..

S'il fut parfois dit que Proust écrivit invariablement le même livre, il eût été peut-être porté à votre connaissance qu'un certain lecteur ordinaire, amateur d'écritures facétieuses, rédigea peut-être huit cents fois la même chronique en comptant celle-ci.

La même chronique parlant d'humanité, de vie, d'amour, de blessures forcément, un peu de soi aussi en espérant ne jamais oublier les autres...

Faut-il saucissonner l'oeuvre d'À la recherche du temps perdu qui est censé se poser d'un seul tenant ? La question a été souvent exprimée, notamment lorsque Proust reçut le prix Goncourt en 1919 pour À l'ombre des jeunes filles en fleurs, précisément le second volume.

Cette question a été maintes fois posée, aussi vous délivrer comme cela un billet dédié sur ce troisième volume pourrait paraître incongru.

Mais je garde une image proustienne d'un voyage donnant une description de la vision de clochers au fur et à mesure que le narrateur s'en rapprochait dans le véhicule où il se trouvait, tandis que la perspective du point de vue s'en trouvait modifiée alors que le véhicule avançait.

Voir des clochers se déplacer selon le point de vue du narrateur, alors que c'est le narrateur qui se déplace dans un véhicule, cette approche m'a parue originale pour dire mon ressenti sur cet immense texte. Dans ce changement de perspective c'est le paysage qui bouge, c'est une inversion de la relativité des mouvements, le monde entier ressemble brusquement au théâtre d'une lanterne magique.

C'est tout simple pourtant, nous pouvons l'éprouver chaque jour, chaque fois que nous voyageons dans un mode de transport qui nous déplace. Nous voyons les perspectives se modifier lorsque nous voyageons dans un train, ou une voiture... J'ai ressenti cela, voyageant, me déplaçant dans l'univers d'À la recherche du temps perdu...

Voilà ce que nous montre Proust. Voilà ce que j'ai ressenti à l'approche de ces textes qu'on dira découpés...

Je mesure la difficulté pour ne pas dire l'aberration d'un tel exercice, mais me saisissant de cette image très riche qu'il m'est arrivé de vivre moi-même, je me demande, ne pourrait-on pas dire que nous voyageons dans cette oeuvre toujours autour du même sujet, ce fameux temps, mais en nous déplaçant chaque fois d'un texte à l'autre, peut-être que l'angle d'approche s'en trouve modifié. Nous changeons légèrement de point de vue à chaque fois comme un voyageur qui se déplace d'un endroit à un autre.

Et puis le chemin d'À la recherche du temps perdu est long, deux mille quatre cents pages dans la version Quarto de chez Gallimard que je possède. On ne sait jamais ce qui peut arriver de malheur à un lecteur parvenu à l'âge sage... Aussi voulant donner mon ressenti sans attendre, fragmenter me semble le mode opératoire idéal.

Le côté de Guermantes, c'est donc le troisième volet d'À la recherche du temps perdu, marqué par l'installation du narrateur et de sa famille dans un nouveau foyer, près de la demeure des Guermantes.

Le quotidien de notre héros se trouve rythmé par la vie de ses prestigieux voisins, qu'il ne tarde pas à côtoyer grâce à la bienveillance d'un certain Saint-Loup.

Je retrouve avec plaisir ce narrateur omniscient que je commence à connaître, -à force nous allons finir par devenir amis je le sais mais il faut encore être patient nous apprivoiser.

Mais ici j'avance forcément aux premières pages avec une forme de méfiance, le monde aristocratique, la vie mondaine, tout ceci n'étant pas du tout mon genre.

Je découvre que l'entrée dans le jeu de la vie mondaine s'accompagne chez le narrateur d'un éveil à la sensualité. Alors forcément c'est pour moi aussi un éveil, un rapprochement vers l'auteur.

Comme son titre l'indique, cet opus est centré sur la famille Guermantes. Les choses sont facilitées par le fait que la famille du narrateur emménage dans un appartement dépendant de l'hôtel où le duc et la duchesse de Guermantes résident une bonne partie de l'année. Fort du prestige que la duchesse de Guermantes revêt aux yeux du narrateur, celle-ci va nourrir une forme d'idéalisation et de fantasme chez celui-ci, dont tout le récit va se nourrir et s'enrichir. Il éprouve le désir de pénétrer dans cet univers pour mieux en saisir l'essence exceptionnelle.

Ici la femme, dans l'image de la duchesse de Guermantes devient source d'attirance, de mystère et d'admiration.

Il la voit, la croise, donnant une nouvelle matière à sa rêverie. À force de rêver sur le nom de Guermantes, le narrateur en vient à devenir amoureux de la duchesse. Il organise ses promenades, pour se trouver toujours sur son chemin. Mais tout ne se passe jamais tout à fait comme prévu, le narrateur ne se privant pas lors de multiples passages d'égratigner ce monde vain, sa futilité...

Dire que ce volume parle d'aristocratie n'est pas faux, mais n'est pas non plus tout à fait exact. Disons que l'essentiel n'est pas à cet endroit.

Amour de tête sans doute, il n'en demeure pas moins que le narrateur est vraiment épris de la duchesse. Il va solliciter son nouvel ami Sant-Loup pour lui demander d'intervenir en sa faveur, étant donné qu'il est neveu du duc.

Le prétexte est trouvé : la volonté de voir les tableaux d'Elstir que possèdent les Guermantes. Chouette !

Ici, peut-être plus que jamais j'ai senti qu'entrer dans l'univers de Proust, c'était entrer dans un espace-temps. Bien sûr chez Proust, comme dans nos vies, il y a toujours une distance, reste à voir à quel endroit on la pose. Distance dans l'espace ? Dans le temps ?

Est-ce là la seule dichotomie d'ailleurs, ce désaccord entre nos impressions et nos expressions habituelles ?

La distance est la source de toute souffrance, distance entre l'enfant et la mère que ne cesse de raconter le narrateur, c'est une malédiction, une béance infinie, la compréhension de notre finitude, celle qui dit que nous sommes mortels, que le temps a beau être élastique, un jour l'élastique finit par casser... Forcément, j'ai pensé à mon enfance, j'ai pensé à ce temps où j'étais déjà un jeune adulte et où ma mère devint veuve lorsque mon père vint à mourir et lorsque ma mère me happa dans sa souffrance, m'invitant, me convoquant presque à redevenir l'enfant que je n'étais plus mais qu'elle voulait que je redevienne... Proust me dit cela, ma souffrance, celle de ma mère aussi. Il me dit cela lorsqu'il évoque sa grand-mère qui va mourir...

L'éclipse de la perspective fait que le lointain devient proche, mais l'inverse aussi et c'est douloureux car l'instant est déjà un futur en construction, un souvenir arrimé à la barque qui s'apprête à aller d'un rivage à un autre, d'un versant à un autre, le passé c'est peut-être déjà un oubli en partance pour qu'il ne revienne jamais....

La distance temporelle est un arrachement à soi-même.

La réponse pourrait être l'art, nous dit Proust, nous invitant ici à revenir vers l'atelier de chez Elstir.

L'art nous permet de goûter à l'éternité, ici et maintenant. L'ennui est lové à l'intérieur du temps, protégé du malheur.

L'espace, le temps, ici les deux lieux se rejoignent comme dans un kaléidoscope magique.

La joie, c'est d'accéder à l'éternité, mais il y a une autre joie qui consiste à se tenir à l'état pur dans l'immanence de l'instant.

Retenir le temps encore un peu dans nos doigts, c'est vouloir faire un seul noeud entre le passé et le présent, un seul lieu entre le lointain et le proche, c'est alors que l'artiste survient, l'écrivain, le peintre, le musicien, le lecteur par-dessus tout qui entre dans ce spectacle comme on entre dans un symphonie, c'est le triomphe, la joie consolatrice qui nous rassure de la séparation de l'enfant et de la mère tandis que le vide et la distance vont continuer à se creuser inexorablement...

Le temps serait-il plus docile que l'espace ? Proust s'en soucie guère ne voulant surtout pas dissocier l'un de l'autre et j'en ai pris conscience ici.

Proust renverse la table où gît le temps et l'espace, mélangeant l'un à l'autre dans ce désordre voulu.

Selon Proust, l'espace et le temps c'est la même chose, c'est une lumière qui varie dans un même prisme.

Il s'agit toujours d'un espace-temps, tout n'est qu'espace-temps, pour moi c'est une image qui me parle, très prégnante comme l'effet presque d'une hallucination, ne sachant pas ce que c'est vraiment une hallucination, mais l'imaginant quand même un peu.

L'art c'est le triomphe de la rencontre du temps et de l'espace dans cette béance, le triomphe sur cette béance angoissante.

À chaque instant, le temps retrouvé redevient réel, ce qui était distant devient proche.

Le texte semble venir en mouvement alors que c'est nous lecteur qui venons au texte en tournant les pages.

Tout tourne, toute est renversé. Tout revient.

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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

Du côté de chez Swann que j’ai pourtant lu il y a quelques années maintenant me reste de bons souvenirs. Je me souviens de cette comparaison très fine dans « Un amour de Swann » entre le tableau des horaires de train et l’amour languissant du personnage mais aussi de l’évolution perverse de l’amour, quand ce qu’on chérit, ce qui déclenche notre attendrissement, est généralement ce qui à la fin devient la source même de notre désamour, car l’attendrissement nous fait nous accommoder faussement de choses que dans d’autres contextes nous méprisons. A l’ombre des jeunes filles en fleur continue à sa manière la conversation sur le sentiment amoureux et le désir. Cependant ici l’auteur explore bien plus l’éveil aux plaisirs pris dans le désir sans objet identifiable.



Quand on commence un des tomes de la Recherche du temps perdu de Proust on croit savoir déjà ce qu’on va y trouver. Et j’ai donc été surprise. Parce que ce n’est pas un livre pudique et chaste. Bien au contraire. Et l’histoire de ces fleurs écloses auraient du fortement me mettre la puce à l’oreille. Marcel, dans ce roman, est en chasse. Il voit et observe, mais ce qu’il voit, c’est la projection de son désir sur tous les corps envisagés. Pourquoi ne parle-t-on pas de cette scène où Marcel se frotte à Gilberte ? L’évocation n’est même pas à moitié tue, l’auteur insiste bien pour que le lecteur comprenne quel acte a eu lieu et précise bien que tous les acteurs savent très bien ce qu’ils font quand ils le font. Pourquoi parle-t-on de la fessée de les Confessions de Rousseau et pas des échauffements du corps dans Proust ? Rousseau apparaît plus subversif que Proust et pourtant … C’est peut-être dans le regard du lecteur, dans mon regard en l’occurrence, qu’est vraiment la perversité, mais je n’ai pu m’empêcher de penser à l’homosexualité refoulée dans le passage sur l’oncle de Saint-Loup, qui reluque (c’est bien le terme) de haut en bas, de biais, de loin, de près, le jeune Marcel, jusqu’à entrer dans ses appartements la nuit, pour, semble-t-il, lui apporter simplement un livre pour l’aider à s’endormir. Je vois peut-être le mal partout, mais tout de même, face à l’invasion du désir, tout semble en être l’évocation plus ou moins assumé par l’auteur.



L’amour pour Gilberte plonge le narrateur dans une découverte du corps et de la sensualité où l’objet n’est pas vraiment l’amour pour Gilberte mais bien la transformation de Marcel en jeune homme désirant. Proust ose des scènes qui m’ont étonnée car elles n’ont jamais été évoquées pendant les nombreuses leçons, séminaires et autres que j’ai entendus, car les professeurs préféraient se perdre dans des réflexions plus élevées et complexes sur la mémoire ou le temps, plutôt que de se préoccuper des bassesses du corps. Pourtant, j’en suis persuadée maintenant, le corps est l’objet premier du livre. Les scènes que j’invoque ici touchent à la sexualité ; elles montrent une bourgeoisie aux mœurs décontractées où les jeunes filles et les jeunes hommes s’explorent en se frottant l’un contre l’autre (littéralement) jusqu’à l’extase dans les moments d’intimité que leur prodiguent l’indifférence des parents et les coins ombragés des couloirs de grands appartements.



Quand Marcel part pour prendre l’air de la mer, on voit bien son regard dériver de corps en corps féminin et juvénile pour apprécier leurs courbes athlétiques. Comme un lion parmi les lionnes, il participe aux pique-nique de son sérail où elles s’attachent toutes à lui faire la cour tout en essayant de le lui cacher, par bouderie et réplique désagréable. Mais loin des rivalités amoureuses qui sont balayées par l’auteur, c’est surtout un spectacle de sensualité presque chaste, sans recherche d’accomplissement, propre à une jeunesse idéalisée, un peu comme dans les pastorales. Marcel et les filles vivent les langueurs de l’été, l’apogée d’une adolescence qui semble sans fin, éternelle. Mais cette période trouve sa fin quand tout le monde part, car l’été n’est plus, alors que Marcel reste dans cet univers bien triste qui lui rappelle sa solitude existentielle, motif de l’écriture du roman depuis le premier tome, où l’enfant souffre et en même temps jouit de la solitude de sa chambre. Marcel reste cet enfant. C’est d’autant plus vrai que la chambre de l’hôtel à toute son importance quand il arrive sur le lieu de villégiature, parce que la chambre pour Marcel c’est la tanière de celui qui secrètement jouit d’abord de sa propre compagnie avant d’apprécier celle des autres, qui n’est finalement qu’une ersatz de la vraie intimité qu’on peut avoir avec soi-même. D’ailleurs, Marcel papillonne mais il ne crée jamais ce lien profond d’âme-à-âme (sauf peut-être avec ce fameux Saint-Loup, mais en tout cas jamais avec une femme, ou tout du moins ce lien avorte avec Gilberte).



Le corps sensuel est contrebalancé par celui malade. Marcel es la pâle figure de l’adolescent. Son hypersensibilité fait que chaque variation dérange bien vite sa fragile constitution. Il est bien obligé de nous conter les longues heures allongé sur son lit. Mais là on découvre une autre face de l’adolescence qui est seulement un prolongement de l’enfance : Marcel semble aimer sa souffrance parce qu’il peut profiter de la solitude, mais aussi, paradoxalement, parce qu’il peut ainsi vérifier l’amour des siens, sa grand-mère et sa bonne, qui le couvrent de soin. Maître dans sa demeure (sa chambre), roi alité, on voit bien qu’il prend goût à devoir rassurer sa grand-mère. Me revient une scène où Marcel mime la toux pour encourager sa grand-mère dans son soin, qui lui semble être ce qui la maintient en vie. Et Marcel de dire « pauvre mamie qui souffre tant de mon mal ». Indolent et sensuel, Marcel se roule dans toutes les formes de l’amour dont on l’entoure.



A la fin du roman me reste une interrogation : mais quel âge a-t-il ? Quelques indices (et la préface) donnent entre dix-huit et dix-neuf ans au personnage-narrateur mais à cet âge-là n’est-on pas déjà un jeune homme indépendant à cette époque ? A l’ombre des jeunes filles en fleur montre bien ce phénomène qui a pris de l’ampleur dans notre société où on reste, dans certaines classes sociales privilégiées tout du moins, des ados attardés bien longtemps, plongés dans une découverte de soi et du monde qui paraît s’étirer en longueur. Marcel ne semble jamais devoir devenir un adulte, car il est entouré des soins des autres, protégé dans son univers. D’ailleurs Marcel incarne bien les traits caractéristiques de l’enfant qui survivent chez l’adolescent. Narcissique et égoïste, le monde autour de lui n’est là que pour le servir. Marcel n’est pas vraiment dans une quête de la découverte du monde extérieur, bien souvent il se contente des opportunités qu’on lui offre et il se laisse bercer par les désirs des autres. En cela il a l’air plus passif qu’égoïste.



Son égoïsme transparaît plus dans les aventures avec Albertine et les autres jeunes filles : les malheurs intimes des unes et des autres, même leur rivalité, sont perçus par lui comme des obstacles à sa jouissance ou plutôt à son contentement, léger et éphémère. Marcel se sert de ceux qui ont beaucoup à lui apprendre comme le peintre pour assouvir ses désirs sensuels (entrer en contact avec les jeunes filles par exemple), sans jamais ressentir ni gratitude, ni même reconnaître que le peintre lui offrait bien plus en lui ouvrant une fenêtre sur le monde l’art, source de bonheur un peu plus profonde, peut-être, que les pique-nique avec les jeunes filles. Marcel adolescent vit dans un présent dont il faut savoir s’extirper pour percevoir sa superficialité. Quand le peintre en passe aux confessions, Marcel n’est pas capable de les recevoir ou cela le plonge dans sa propre expérience bien maigre du monde. Le début de la compassion ? On pourrait imaginer que sa propre expérience lui permette de ressentir de l’empathie, mais pas du tout. Marcel divague et les discours du peintre sont un bruit de fond qui lui permet de trouver les variations fantasmagoriques dans son for intérieur. Mais peut-être tout cela n’est qu’une fausse interprétation de ma part, liée à une vision un peu noire de l’adolescence et à l’illusion d’optique produite par la narration à la première personne qui donne souvent l’impression que le narrateur se contemple et se perçoit comme le seul spécimen d’étude digne d’intérêt.



On peut comprendre Gilberte, tout aussi narcissique et égoïste que lui, quand elle décide qu’après tout elle ne lui doit rien et sûrement pas de se soumettre à son fantasme d’une amitié parfaite, qui n’existe que pour le nourrir lui, ses névroses et ses idéaux d’enfant trop seul ayant peur d’être le perpétuel mal-aimé de l’histoire et donc, fatalement se comportant comme tel.
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Il m'a fallu du temps pour rentrer dans le roman, plus, bien plus qu'habituellement, au moins 200 pages. Mais ensuite ... impossible de m'en défaire !

Quelle peinture de la haute bourgeoisie / aristocratie de la fin du XIXème siècle / début XXème !

Les phrases à rallonge, on s’y fait. La justesse, l’exactitude devrais-je dire, du mot employé confine au sublime ; j’en suis devenu « addict ».

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