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Citations de Marguerite Duras (2419)


« Les personnages évoqués dans cette histoire ont été délogés du livre intitulé Le Vice-consul et projetés dans de nouvelles régions narratives. Il n’est donc plus possible de les faire revenir au livre et de lire, avec India Song, une adaptation cinématographique ou théâtrale du Vice-consul. Même si un épisode de ce livre est ici repris dans sa quasi totalité, son enchaînement au nouveau récit en change la lecture, la vision. »
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Marguerite Duras
« Je suis arrivée à être libre. (...). Ça veut dire d’abord sortir de la peur, de la peur de la société »

« La charnière, c’est la peur inculquée, du manque, du désordre. Il faut la surmonter. Je le dis : quand quelqu’un n’a plus cette peur, il fait du tort à tous les pouvoirs. Il y a une équivalence totale entre tout, l’individu ne peut s’en sortir que par lui-même, en retrouvant une indifférence fondamentale à l’égard de ce qui se propose (...). Il faudrait que la peur diminue : chaque fois qu’elle est là, le pouvoir a prise. La liaison est directe entre peur et pouvoir »
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La même différence sépare la dame et la jeune fille au chapeau plat des autres gens du poste. De même que toutes les deux regardent les longues avenues des fleuves, de même elles sont. Isolées toutes les deux. Seules, des reines. Leur disgrâce va de soi. Toutes deux au discrédit vouées du fait de la nature de ce corps qu’elles ont, caressé par des amants, baisé par leurs bouches, livrées à l’infamie d’une jouissance à en mourir, disent-elles, à en mourir de cette mort mystérieuse des amants sans amour. C’est de cela qu’il est question, de cette humeur à mourir. Cela s’échappe d’elles, de leurs chambres, cette mort si forte qu’on en connaît le fait dans la ville entière »
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« Je ne pouvais pas m’en tirer, m’en sortir. Je vivais une sorte d’amour fou pour cette femme, et je recommençais toujours le même film, toujours le même livre, et je me suis dit : Il faut qu’elle meure. Voilà. Parce qu’elle m’a tellement atteinte. Dans le Vice-consul, c’est une sorte de survivante, mais elle ne meurt pas, effectivement, tandis que là, il me semble dans India Song, il n’y a pas de doute, elle est morte, oui »
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Je vois que l'homme pleure couché sur la femme. Je ne vois rien d'elle que l'immobilité. Je l'ignore, je ne sais rien, je ne sais pas si elle dort.
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Marguerite Duras
« J’ai toujours peur qu’à un moment donné ils s’aperçoivent que je ne peux pas m’empêcher de parler et qu’ils pensent que je ne suis pas tout à fait, comme on dit, normale. Pourtant, je le fais toujours, et toujours dans cette même peur »
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Marguerite Duras
« J’ai toujours peur qu’à un moment donné ils s’aperçoivent que je ne peux pas m’empêcher de parler et qu’ils pensent que je ne suis pas tout à fait, comme on dit, normale. Pourtant, je le fais toujours, et toujours dans cette même peur »
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Marguerite Duras
« J’avais onze ans et demi, j’avais mes règles pour la première fois et je suis restée un mois avec mes règles. Je me baignais toujours et mes règles ne cessaient jamais. C’est sans doute à cette époque-là que j’ai approché le plus la folie. Je crois que pendant un mois, j’étais réveillée, toujours par les mêmes rêves, des rêves meurtriers, je voulais tuer ceux que j’aimais le plus au monde, c’est-à-dire mes frères et ma mère. Je voulais tuer tout. C’est une des périodes les plus difficiles de mon existence (...). C’est une sorte de folie meurtrière qui s’est emparée de moi à cet âge-là »
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Marguerite Duras
« J’entends son rire hurlant et ses cris de joie (...). Le souvenir est celui d’une peur centrale. Dire que cette peur dépasse mon entendement, ma force, c’est peu dire. Ce que l’on peut avancer, c’est le souvenir de cette certitude de l’être tout entier, à savoir que si la femme me touche, même légèrement, de la main, je passerai à mon tour dans un état bien pire que celui de la mort, l’état de la folie »
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Marguerite Duras
« Je pense que quelque chose a été franchi, là, dans Lol, mais qui m’a échappé, parce qu’on peut franchir des seuils et que ça ne se traduise pas dans la conscience claire, peut-être un seuil d’opacité (...). J’écrivais, et tout d’un coup j’ai entendu que je criais, parce que j’avais peur. Je ne sais pas très bien de quoi, j’avais peur. C’était une peur... apprise aussi, une peur de perdre un peu la tête »
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Marguerite Duras
Rien n’est vrai, et surtout pas elle, Marguerite Duras, qui n’est pas vraie, qui est fausse, et qui s’est donc vue contrainte de réaliser ce « déplacement de soi vers l’écrit » :

« La mendiante, c’est vrai ; le Vice-Consul, c’est vrai ; Anne-Marie Stretter, c’est vrai ; le Mékong, c’est vrai ; Calcutta, c’est vrai. La seule chose qui n’est pas vraie, c’est moi. Le problème depuis le commencement de ma vie, c’est de savoir qui parlait quand je parle et s’il y a invention, elle est là » .
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Marguerite Duras n’existe pas. N’en déplaise à ceux qui lui reprochaient un ego démesuré, Marguerite Duras n’était pas dans le réel, seuls ses personnages sont vrais :

« L’histoire de ma vie, de votre vie, elle n’existe pas, ou bien alors il s’agit de lexicologie. Le roman de ma vie, de nos vies, oui, mais pas l’histoire. C’est dans la reprise des temps par l’imaginaire que le souffle est rendu à la vie. (...). Rien n’est vrai dans le réel, rien »
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- " Tu vois, dit Ludi, tu vois, moi, je crois qu'il est un peu amoureux de toi.
- Tu vois ces choses là, toi ?
- Tu crois que je suis tellement con que ça ? dit-il en riant.
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Il en était de ces enfants comme des pluies, des fruits, des inondations. Ils en arrivaient chaque année, par marée régulière, ou si l'on veut, par récolte ou par floraison. Chaque femme de la plaine, tant qu'elle était assez jeune pour être désirée par son mari, avait son enfant chaque année. [...] Cela continuait régulièrement, à un rythme végétal, comme si d'une longue et profonde respiration, chaque année, le ventre de chaque femme se gonflait d'un enfant, le rejetait, pour ensuite reprendre souffle d'un autre. [...]

Il fallait bien qu'il en meure. La plaine était étroite et la mer ne reculerait pas avant des siècles, contrairement à ce qu'espérait toujours la mère. [...] Il fallait bien qu'il en meure. Car si pendant quelques années seulement, les enfants de la plaine avaient cessé de mourir, la plaine en eût été à ce point infestée que sans doute, faute de pouvoir les nourrir, on les aurait données aux chiens, ou peut-être les aurait-on exposés aux abords de la forêt, mais même alors, qui sait, les tigres eux-mêmes auraient peut-être fini par ne plus en vouloir. Il en mourait donc et de toutes les façons, et en naissant toujours. Mais la plaine ne donnait toujours que ce qu'elle pouvait de riz, de poisson, de mangues, et la forêt, ce qu'elle pouvait aussi de maïs, de sangliers, de poivre. Et les bouches roses des enfants étaient toujours des bouches en plus, ouvertes sur leur faim.
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Qui aurait pu être de l'avis contraire ? Qui, au monde, aurait pu être de l'avis contraire ? N'en pas vouloirs alors qu'elle vous était offerte était simplement inimaginable. Il y en avait assez qui reposait stériles dans de beaux coffrets, de ces pierres, alors que tout le monde en avait tant besoin. Celle qu'ils tenaient commençait son chemin, délivrée, féconde désormais. Et, pour la première fois depuis que les mains ensanglantées d'un noir l'avait extraite du lit pierreux d'une de ces rivières de cauchemar du Katanga, elle s'élançait, enfin délivrée, hors des mains concupiscentes et inhumaines de ses geôliers.
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L’image commence bien avant qu’il n’ait abordé l’enfant blanche près du bastingage, au moment où il est descendu de la limousine noire.
Dès le premier instant elle sait qu’il est à sa merci. Donc que d’autres que lui pourraient être à sa merci si l’occasion se présentait. Elle sait que’dorénavant le temps est sans doute arrivé où elle ne peut plus échapper à certaines obligations qu’elle a envers elle-même. Et que de cela la mère ne doit rien apprendre, ni les frères. [ …].
L’enfant maintenant aura à faire avec cet homme-là, le premier, celui qui s’est présenté sur le bac.
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Toutes les trois heures, Suzanne montait au bungalow, lui donnait ses pilules et repartait s’asseoir près du pont. Mais aucune auto ne s’arrêtait devant le bungalow. Il arrivait à Suzanne de regretter l’auto de M. Jo, le temps où elle s’était arrêtée chaque jour devant le bungalow. C’était au moins une auto qui s’arrêtait. Même une auto vide ç’aurait été mieux que pas d’auto du tout. Maintenant c’était comme si le bungalow avait été invisible, comme si elle-même, près du pont, avait été invisible : personne ne semblait remarquer qu’il y eut là un bungalow et là, plus près encore, une fille qui attendait.
Alors un jour, pendant que la mère dormait, Suzanne entra dans sa chambre et sortit de l’armoire le paquet des choses que lui avait données M. Jo. Elle en retira sa plus belle robe, celle qu’elle mettait lorsqu’ils allaient à la cantine de Ram, celle qu’elle avait mise quelquefois à la ville et dont Joseph disait que c’était une robe de putain. C’était une robe bleu vif qui se voyait de loin. Suzanne avait cessé de la mettre pour que Joseph ne l’engueule pas. Mais aujourd’hui que Joseph était parti, il n’y avait plus de crainte à avoir. Du moment qu’il avait choisi de partir et de la laisser, elle pouvait le faire. Et en enfilant cette robe, Suzanne comprit qu’elle faisait un acte d’une grande importance, peut-être le plus important qu’elle eût fait jusqu’ici. Ses mains tremblaient.
Mais pas plus qu’avant les autos ne s’arrêtèrent devant cette fille à robe bleue, à robe de putain. Suzanne essaya pendant trois jours puis, le soir du troisième jour, elle la jeta dans le rac.
[p319/320].
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C’est là, tout seul, que je me suis dit que j’étais en train de changer pour toujours. J’ai regardé mes mains et je ne les ai pas reconnues : il m’était poussé d’autres mains, d’autres bras que ceux que j’avais jusque-là. Vraiment je ne me reconnaissais plus. Il me semblait que j’étais devenu intelligent en une nuit, que je comprenais enfin toutes les choses importantes que j’avais remarquées jusque-là sans les comprendre vraiment. Bien sûr, je n’avais jamais connu de gens comme eux, comme elle et aussi comme lui. Mais ce n’était paz tout à fait à cause d’eux. Je savais bien que s’ils étaient aussi libres, aussi pleins de liberté, c’était surtout parce qu’ils avaient beaucoup d’argent. Non, ce n’était pas à cause d’eux.
Je crois que c’était d’abord parce que j’avais envie d’une femme comme jamais encore je n’avais eu envie d’une femme, et ensuite, parce que j’avais bu et que j’étais saoul. Toute cette intelligence que je me sentais, je devais l’avoir en moi depuis longtemps. Et c’est ce mélange de désir et d’alcool qui l’a fait sortir. C’est le désir qui m’a fait me foutre des sentiments, même du sentiment qu’on a pour sa mère et qui m’a fait comprendre que ce n’était plus la peine d’en avoir peur, parce que, voilà, jusque-là, j’avais cru en réalité que j’étais dans le sentiment jusqu’au cou et j’en avais peur.
[p274/275].
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Elle essaya en vain de penser à autre chose.
On la remarquait toujours.
Plus on la remarquait, plus elle se persuadait qu’elle était scandaleuse, un objet de laideur et de bêtise intégrales. Il avait suffi qu’un seul commence à la remarquer, aussitôt cela s’était répandu comme la foudre. Tous ceux qu’elle croisait maintenant semblaient être avertis, la ville entière était avertie et elle n’y pouvait rien, elle ne pouvait que continuer à avancer, complètement cernée, condamnée à aller au-devant de ces regards braqués sur elle, toujours relayés par de nouveaux regards, au-devant des rires qui grandissaient, lui passaient de côté, l’éclaboussaient encore par-derrière. Elle n’en tombait pas morte mais elle marchait au bord du trottoir et aurait voulu tomber morte et couler dans le caniveau. Sa honte se dépassait toujours. Elle se haïssait, haïssait tout, se fuyait, aurait voulu fuir tout, se défaire de tout. De la robe que Carmen lui avait prêtée, où de larges fleurs bleues s’étalaient, cette robe d’Hôtel Central, trop courte, trop étroite. De ce chapeau de paille, personne n’en avait un comme ça. De ces cheveux, personne n’en portait comme ça. Mais ce n’était rien. C’était elle, elle qui était méprisable des pieds à la tête. A cause de ses yeux, où les jeter ? A cause de ces bras de plomb, ces ordures, à cause de ce coeur, une bête indécente, de ces jambes incapables. Et qui trimbale un pareil sac à main, un vieux sac à elle, cette saloppe, ma mère, ah ! Qu’elle meure ! Elle eut envie de le jeter dans le caniveau, pour ce qu’il y avait dedans… mais on ne jette pas son sac à main dans le caniveau. Tout le monde serait accouru, l’aurait entourée. Mais, bien. Elle alors se serait laissée mourir doucement, allongée dans le caniveau, son sac à main près d’elle, et ils auraient bien été obligés de cesser de rire.
[p186/187].
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Non… Suzanne avait fait preuve jusqu’ici, avec la mère, d’une trop grande docilité.
Et c’était là la chose importante : il fallait avant tout se libérer de la mère qui ne pouvait pas comprendre que dans la vie, on pouvait gagner sa liberté, sa dignité avec des armes différentes de celles qu’elle avait crues bonnes. Carmen connaissait bien la mère, l’histoire des barrages, l’histoire de la concession, etc. Elle la faisait penser à un monstre dévastateur. Elle avait saccagé la paix de centaines de paysans de la plaine. Elle avait voulu même venir à bout du Pacifique. Il fallait que Joseph et Suzanne fassent attention à elle. Elle avait eu tellement de malheurs que c’en était devenu un monstre au charme puissant et que ces enfants risquaient, pour la consoler de ses malheurs, de ne plus jamais la quitter, de se plier à ses volontés, de se laisser dévorer à leur tour par elle.
[p183/184].
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