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Critiques de Marquis de Sade (320)
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Justine ou les malheurs de la vertu

Lire de Sade est un acte de masochisme. Il y a un mois, j'ai essayé « les 120 journées de Sodome », et ça a été une expérience terrible : l'accumulation de scènes horribles de sexe et de violence est insupportable. De plus, le niveau purement littéraire de cette oeuvre inachevée du marquis De Sade (1785) est nettement inférieur à la moyenne. C'est quelque peu différent de cette « Justine », un roman que De Sade a écrit et réécrit en plusieurs étapes, entre 1787 et 1797. Il commence comme une histoire moralisatrice, sur deux soeurs qui grandissent dans un environnement protégé, mais à cause du mort de leurs parents finissent à la rue. La soeur aînée, la cynique Juliette, parvient à gravir les échelons en utilisant ses charmes féminins et en commettant de nombreux crimes. Mais la pieuse et vertueuse Justine finit vraiment mal. Dans ce roman, elle raconte son histoire, suivant les conventions du genre picaresque, dans une succession de situations précaires dans lesquelles elle s'est retrouvée.



Si vous avez lu les « 120 journées », alors ce livre ne semble pas trop mauvais à première vue : Justine utilise des termes voilés et déguisés pour décrire ce qui lui arrive. Mais dès le premier tiers du livre, les événements deviennent de plus en plus pervers et sadiques. Ce n'est jamais aussi grossier que dans « 120 journées », mais il faut aussi avoir une constitution solide pour lire ce livre. Heureusement, le niveau littéraire et le caractère naïf de Justine compensent quelque peu. Ce qui aide aussi, c'est que dans ce roman, bien plus que dans « 120 journées », les protagonistes libertins expliquent leur comportement pervers avec un grand talent rhétorique. Ce sont parfois des passages « philosophiques » de plusieurs pages magnifiquement développés sur le plan littéraire.



Le mantra récurrent est la philosophie de la nature qui revient également dans d'autres oeuvres De Sade : dans l'état de nature, c'est chacun pour soi ; comme pour les animaux, seul compte son propre plaisir ; et la nature ne tient aucun compte de ce qui est bon ou mauvais. Et surtout : si nous avons un goût pervers, c'est seulement parce que la nature le permet : « Si la nature était offensée par ces goûts, elle ne nous les inspirerait pas ; il est impossible que nous puissions recevoir d'elle un sentiment destiné à l'outrager, et dans cette extrême certitude, nous pouvons nous livrer à nos passions de quelque nature que ce soit, quelle que soit la violence qu'elles soient, bien sûrs que tous les inconvénients que leur choc entraîne ne sont que des desseins de la nature dont nous sommes les organes involontaires.» Clair, non ?



Beaucoup de choses ont été écrites au cours du dernier demi-siècle sur la nature misogyne des livres De Sade. Et en effet, les protagonistes qui se livrent aux actes de violence et de perversion les plus impensables sont presque tous des hommes ; et les victimes sont principalement des femmes (et des filles). C'était certainement le cas dans « 120 journées », et c'est aussi le cas dans cette Justine. Dans les « passages philosophiques », les auteurs soulignent régulièrement l'infériorité absolue de l'espèce féminine, pour légitimer leurs méfaits : « une créature chétive, toujours inférieure à l'homme, infiniment moins belle que lui, moins ingénieuse, moins sage, faite d'une manière d'une manière dégoûtante, tout à fait opposée à ce qui peut plaire à l'homme, à ce qui devrait le ravir.» Pas de discussion donc sur le caractère misogyne des romans De Sade. Il y a néanmoins une toute petite nuance : dans « Justine », par exemple, la soeur aînée Juliette et la cheffe d'une bande de voleurs montrent qu'elles aiment aussi « les trucs pervers », et dans un seul passage De Sade semble faire allusion que Justine elle-même commença très brièvement à voir le côté attrayant du jeu sadomasochiste. Bien sûr, cela ne change rien au fait que chez De Sade ce « jeu » est toujours à sens unique : la domination totale et arbitraire de l'un par l'autre.



La lecture de « Justine » a été une expérience légèrement plus agréable que celle de « 120 journées », même si agréable est ici certainement un mot déplacé. Je pense que j'ai maintenant assez vu le monde De Sade et je vais en rester là. Ce n'est définitivement pas mon monde. Mais quand-même, n'est-ce pas peut-être en partie la raison pour laquelle de nombreux lecteurs s'aventurent à lire ce genre de choses : pour connaître d'autres mondes, d'autres vies, d'autres visions de la vie ? Même s'il s'agit – dans ce cas – d'une expérience masochiste ? Et une telle confrontation avec le repoussant n'est-elle pas toujours un peu enrichissante ? Ou est-ce que je parle trop gentiment de ce qui ne peut pas l'être ? Mmm… De Sade ne vous laissera certainement pas indifférent.
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Les 120 journées de Sodome

“C'est maintenant, ami lecteur, qu'il faut disposer ton cœur et ton esprit au récit le plus impur qui ait jamais été fait depuis que le monde existe, le pareil livre ne se rencontrant ni chez les anciens ni chez les modernes. »

Cela ressemble à une excuse très bon marché (comme lire Playboy pour les interviews), mais j'ai lu ceci principalement par intérêt historique (et d'accord, peut-être un peu de curiosité aussi). Je vais juste le dire clairement : c'est dégoûtant, mais vraiment dégoûtant, extrêmement dégoûtant, d'une manière que vous pouvez à peine imaginer. Et ce ne sont pas seulement les escapades sexuelles inimaginables que décrit de Sade, mais surtout la violence toujours croissante et la manière écœurante avec laquelle d'autres personnes (surtout les femmes et les enfants) sont dégradées au rang de simples objets.



Pour être honnête : j'ai principalement lu la préparation du livre et la plupart des histoires du premier cycle (la première des 4), et même alors, petit à petit, j'ai commencé à lire en diagonale, en sautant les pires passages. Au début, je n'en avais pas le courage (certaines scènes donnent vraiment la nausée), et puis au bout d'un moment, les interminables descriptions des excès commençaient vraiment à devenir lassantes. Cela aussi dit quelque chose. De plus, selon de Sade, ce premier cycle ne contient qu'une description des « passions simples ». À partir des aperçus schématiques des trois cycles suivants (qu'il n'a pas écrit, Dieu merci), on peut conclure qu'après ce premier cycle « simple », il ne fait qu'aller crescendo dans d'horribles tortures, jusqu'aux mutilations les plus bestiales et même des meurtres.



Curieusement, tout cela est présenté par de Sade comme une sorte d’expérience scientifique. L’essentiel du livre est que 4 amis (des hommes riches et puissants) s'isolent dans un château suisse, avec une trentaine de victimes, et se livrent pendant 4 mois à une série interminable d'actes sexuels et violents, et ce faisant, méticuleusement enregistrant et partageant toutes leurs émotions et expériences. Régulièrement, ils débattent, par exemple, de ce qui procure le plus grand plaisir (l'acte ou le désir) et de ses implications morales (ou plutôt de son absence), presque comme dans un dialogue platonicien.



Donc, même au milieu de ces excès, on peut parfois trouver des choses intéressantes, je veux dire sur le plan philosophique (imaginez !). Par exemple, ils concluent que leur bonheur vient du fait que les autres (leurs victimes) ne peuvent pas jouir de ce qu’ils peuvent, en d’autres termes : l’inégalité et la domination sont des biens fondamentaux. Ou que le bien et le mal sont complètement arbitraires, et que donc tout est permis. Les attaques féroces contre l'Église et contre la religion en général sont frappantes, mais pas inattendues : seule la Nature (avec un majuscule) compte, car, en rendant possibles les actes les plus terribles, rien (et certainement pas Dieu) ne s'oppose à leur réalisation. D’est pourquoi tout mal est justifié. C’est à celle « philosophie naturelle » libertine à laquelle de Sade revient sans cesse.



L’un des points qui m’intéressait était de savoir dans quelle mesure de Sade peut être considéré comme un représentant des Lumières du XVIIIe siècle, une question épineuse. D’accord, il faisait partie de la noblesse, et donc profondément enraciné dans « l’Ancien Régime », mais d’autres philosophes des Lumières l’étaient aussi. Et d’accord, son attention n’était certainement pas sur la raison supérieure, mais au contraire sur le côté obscur de l’espèce humaine. Mais quand-même, son approche dégage la vision rationaliste-mécaniste si typique des « philosophes » français de cette période. Il suffit de regarder avec quelle minutie les quatre « maîtres » accomplissent leurs actes brutaux, dans un ordre systématique et prémédité, et en rendent compte et en discutent. D’une certaine manière, on peut sûrement dire que de Sade expose le côté obscur du rationalisme éclairé, menant finalement à l’Holocauste (je ne dis rien de nouveau ici).



Naturellement, on se demande : mais quelle était la motivation personnelle de de Sade pour écrire tout cela, et surtout pourquoi d’une manière aussi explicite ? Je sais : des bibliothèques ont déjà écrit à ce sujet. Et les points de vue vont de « de Sade avait juste un esprit malade et perverté » à « il voulait fournir un aperçu de la fosse bouillonnante et puante qui se cache à l’intérieur de chacun de nous, mais que nous gardons habituellement cachée ». Je suppose que tous ces points de vue sont valables. J’ai ainsi définitivement compris pourquoi la figure de de Sade et ses écrits continuent de fasciner, même après plus de deux siècles. Mais si vous voulez mon conseil (totalement sans attaches) : faites attention, si vous voulez lire ceci, sachez dans quoi vous vous embarquez.



Annexe : J'ai maintenant aussi lu ‘Justine ou Les Malheurs de la vertu’ (la version retravaillée de 1797), et je dois dire que c'est à un niveau littéraire bien supérieur (ok, ça a l’air très "je lis Playboy pour les interviews"), il est moins explicite, et contient un peu moins de violence, même s'il reste très grossier et particulièrement désobligeant envers l'espèce féminine. Mais surtout il contient beaucoup plus de passages philosophes sur les aspects (im)moraux du comportement libertin, et en ce sens il est bien plus intéressant.
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Les infortunes de la vertu

Notre prof de philo avait mis Sade, et cette oeuvre en particulier, dans la liste d'auteurs à découvrir.

Roman dichotomique sur le bien et le mal, le péché et la vertu.

Certains passages sont extrêmement crus, malgré le langage raffiné du XVIIIème siècle, les scènes explicites et assez violentes... L'innocence sacrifiée sur l'autel de l'immoralité, à l'image d'une société pervertie. Une morale chrétienne bien écorchée au passage, les moines représentés ici comme vils, cupides et concupiscents. Il s'agit bien de satire sociale, sur l'hypocrisie des bien pensants, dans un siècle des Lumières qui prône la liberté d'expression, mais aussi dénonce en filigrane la mainmise de l'Église sur la société.
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La philosophie dans le boudoir

À peine je sors de ma lecture qu’il faut en parler. Je suis absolument choqué par ce que je viens de lire, ce serait vous mentir que de prétendre l’inverse – ou d’en réduire les effets. À vrai dire, j’ai l’impression, au sortir de cette lecture, que l’on m’a atrophié les yeux et le cerveau tant l’ouvrage abordé était chaotique. La réputation du Marquis de Sade le précède, et je ne sais pas à quoi je m’attendais – ou bien si, à quelque chose de plus « simple » que cela –, mais dans tous les cas j’ai été submergé par quelque chose d’inimaginable. Qui aurait-pu prédire, avant de lire un tel ouvrage, que c’était là une chose infernale ? Comment deviner toutes les choses absolument innommables et indicibles avant d’ouvrir le livre ? Nous suivons quelques personnages tous plus délurés et libertins les uns que les autres, cela à un point absolument impossible à évaluer, qui vont instruire à cette douce et saine Eugénie venant du couvent. Les Instituteurs immoraux est l’autre titre de ce texte, on en saisi alors légèrement mieux la nature : l’immoralité est tellement profonde que l’on peut s’en perdre du plus facilement. Par ailleurs, pour mieux comprendre la visée du texte en question, il vaudrait mieux le percevoir par son sous-titre : Dialogues destinés à l'éducation des jeunes demoiselles. Ici, on apprend que, déjà, il ne s’agit strictement pas d’un roman – même si on connaît cette œuvre comme telle –, cela se rapproche bien plus du genre du théâtre ; et puis, il s’agit là en réalité d’un manuel, d’un ouvrage didactique visant certainement la gent féminine plus réservée, plus naïve, timide et inconnue à l’expression des désirs (ou bien des Eugénie, en somme, où l’on remarquera l’approximation auditive entre ce prénom et le terme bien parlant d’ « ingénue »). Cette œuvre est le plaidoyer de toutes les choses adorées de l’auteur, c’est bien le summum de ses penchants, et il veut en prolonger le plaisir en l’inculquant aux lectrices. Ici alors nous pouvons retrouver, évidemment, les simples pénétrations, touchers, fellations, tout ce qui termine en -lingus, pour les plus simples ; déjà ces choses ne se disaient simplement pas, et ne se faisaient pas car restaient souvent bornées au strict minimum. Également, la scatophilie émerge à certains moments, tout autant que la nécrophilie. Tout cela suit un schéma très précis et répété : « Voici ma bonne fille, les bons usages. Venez désormais que nous vous le démontrions en pratique. » Il est toujours une sorte d’aller-retour entre la théorie et la pratique. Le personnage de Dolmancé est ouvertement homosexuel (bien qu’il ne se prive pas la sodomie sur quelques femmes et hommes au sein du livre), et Madame de Saint-Ange ne se prive pas de relations saphiques avec Eugénie – le but étant d’instruire la fillette tout autant que prendre du plaisir soi-même, en tant qu’instituteur. Alors cela va sans dire que ce texte n’est pas seulement pornographique, mais se veut également philosophique : les instructeurs apprennent à Eugénie la vision du monde qu’ils tiennent (qui est celle de l’auteur), et c’est ainsi que nous avons de grands pamphlets anti-religieux, ou de belles réflexions purement vanteuses de l’empouvoirement et l’assurance des plaisirs. Par plaisirs, j’entends désirs, et nous sommes bien loin de l’hédonisme car selon Sade, si malheur d’autrui permet notre plaisir, alors nous devons faire souffrir les autres. Et c’est par ce genre de pensées qu’arrive les deux termes provenant de l‘art de Sade : le sadomasochisme et le sadisme. La souffrance est quelque chose de très important dans cet ouvrage car les personnages semblent souffrir du début à la fin, mais ils n’en ressentent aucun mal, seulement du plaisir (je parle notamment des « membres » de certains personnages, qu’on ne peut même pas « saisir » des mains tant ils sont massifs, et qui pourtant se saisissent d’autres personnages avec une facilité déconcertante). Le seul personnage qui souffrira jusqu’à m’avoir rendu malade, c’est la mère d’Eugénie, et je ne parlerai guère de son destin car il s’agit de l’issue du roman de Sade, mais sachez qu’énumérer les viols, violences, automutilations et horreurs ne suffiraient à rendre compte de ce qu’elle aura subi.



Lire un tel ouvrage ne m’aura été guère facile, ou encore plaisant. Lire cette œuvre est se rendre compte de la cruauté sans limites d’un tel personnage que le Marquis de Sade, emprisonné pendant tant d’années pour une bonne raison – aux textes interdits par le nombre effarant de choses choquantes. Sexe et violence à toutes les lignes, je n’oublierai jamais ce que j’aurais subi en lisant cela. {14}
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Les 120 journées de Sodome

Un catalogue d'abjections où on dit l'horreur avec raffinement. C'est un genre qui a du style assurément, que des livres écrits par un pervers au fond de son cachot, tellement enragé contre la société qui l'a fait enfermer qu'il se défoule en écrivant les pires noirceurs. Mais ça reste de la littérature pathologique, marginale, en vase clos, qui ne peut prétendre à aucun universalisme. Du travail d'égoïste qui distille beaucoup d'ennui. Comme disait Camus, avec Sade, "Prométhée finit en Onan. "
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Les 120 journées de Sodome

J'aurais aimé être capable de mettre une meilleure note à ce livre. En revanche je ne le peux pas. La lecture m'a été ignoble et j'ai du me forcer à le finir. Heureusement que les 450 dernières "passions" n'en sont qu'à l'état de plan, c'était déjà suffisamment inconfortable.



J'ai eu la nausée tout le long de ma lecture, et me suis sentie mal dans mon corps. J'étais préparée à une lecture éprouvante, et je l'ai eue, cela va sans dire. Je crois cependant qu'il faut que je dépasse cette sensation pour pouvoir écrire correctement ma critique.

Ce livre a été écrit dans un contexte particulier, pendant lequel Sade était enfermé, et plus que frustré. Enragé contre la société de l'époque. Je pense qu'il n'a pu que creuser en lui, pour écrire cet acte de rébellion si fort. Je pense comprendre les motivations et la frustration immense qu'il a pu ressentir. De ce point de vue, et du point de vue de l'introspection, ce livre est diablement bon.

Cependant, il m'a été impossible d'apprécier ma lecture ou de me détacher de mon ressenti humain primaire. Peut-être que d'autres réussissent, mais je me demande si ce n'est pas un peu effrayant.

Je ne peux ni recommander, ni damner ce livre. Faites-en l'expérience, mais préparez-vous d'abord. On n'en ressort pas identique.
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La philosophie dans le boudoir

— Philosophie et boudoir, une contradiction dans les termes ? Les premières pages s’ouvrent sur une "rayonnante obscénité", loin des dialogues platoniciens. Madame de Saint-Ange et Dolmancé initient Eugénie aux vertiges orgiaques ; et Sade de décrire ces "combinaisons érotiques", anatomiquement et crûment. Moins une apologie de l’isolisme sadien qu’un pamphlet contre les sectateurs d’une morale puritaine de l’après 1789, ce livre commande à se déprendre de toutes les contraintes sociales – athéisme, immoralité, cynisme – pour élargir la sphère de ses voluptés. Français, encore un effort si vous voulez être républicains, afin de "semer quelques roses sur les épines de la vie".

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Les infortunes de la vertu

Vous ne voyez pas votre enfermement ? Vous répétez et répétez encore, mais c'est à votre tour, maintenant, d'être entraîné.e dans la répétition infernale de ce conte, simple lieu de prédilection des crimes en série. Mais à quelle répétition pensez-vous ? Ce conte n'a rien de spécifiquement sexuel. Tout n'est que compulsion, ou accumulation d'argent et de chair fraîche, indifféremment. Bouffer l'autre, l'envahir, et se laisser bouffer. Point de plaisir ici, de rythme, ni de surprise, le temps se remplit jusqu'à se noyer. Tentera t’on de se justifier, de se fonder ? Sophie contre les sophismes ne fait pas la différence, ou peut-être dans une autre vie, laquelle ? Qui est Sophie, qui est Juliette ? Je me suis laissé cueillir, dans une chute religieusement athée.
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Eugénie de Franval



Eugénie de Franval

Donatien Alphonse François Marquis de Sade (1740-1814)

Dès sa plus tendre enfance, Eugénie de Franval trouble son père par sa beauté et reçoit une éducation appropriée au mépris de tout principe moral et religieux. Arrivant à l'âge de quatorze ans, elle subit les criminelles caresses de son père.

Sa mère, Madame de Franval née de Farneille, « figure de vierge où se peignent à la fois la candeur et l'aménité sous des traits délicats, aux beaux cheveux blonds flottant au bas de sa ceinture, aux grands yeux bleus où respirent la tendresse et la modestie », est une jeune femme soumise, honnête, sensible et bien élevée. Elle n'aime que son cher époux, Franval.

Afin de la compromettre, Franval propose à son ami Valmont, un coureur invétéré, de devenir l'amant de sa femme.

Parjure, faussaire de lettres compromettantes et calomniateur à l'endroit de son épouse, Franval plonge Madame dans le malheur et « les froides ombres de la mort s'étendirent sur les roses de ce beau teint déjà flétries par l'aiguillon du désespoir. »

Madame de Franval s'en remet à Clervil , ecclésiastique familier de la famille qui entend stupéfait Franval dire: « Oui, Monsieur, j'aime ma fille, je l'aime avec passion, elle est ma maîtresse, ma femme, ma soeur, mon amie, ma confidente, mon unique Dieu sur la terre…Je lui ai développé les roses de l'hymen à côté des ronces qu'on y trouve. »

Clervil souhaite que Franval, qu'il qualifie ouvertement de protecteur et apologiste de l'inconduite et de l'adultère, s'éloigne des sentiers obliques.

Mais Valmont est un rusé : il va demander des compensations à Franval : Eugénie elle-même. Mais Eugénie, la perfide qui a renié celle qui l'a portée en son sein, et qui outrageant les grâces qui l'embellissent malgré elle et réunissent ce qui peut enflammer le vice et révolter la vertu, tente de séduire Clervil.

Valmont pourra-t-il mener à bien ses luxurieux desseins ? Franval supportera-t-il de voir sa fille maîtresse dans les bras d'un autre ?

Cette nouvelle publiée en 1800, issue du recueil « Les Crimes de l'Amour », explore la question de l'éducation, et sur un ton provocateur et dans un style somptueux, s'avère subversive, lançant un défit à la morale bourgeoise.

Il n'est pas douteux qu'une part de ce roman est autobiographique quand on sait que Le Marquis de Sade entretint durant des années une liaison scandaleuse avec sa belle-soeur.

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Les 120 journées de Sodome

Attention: répertoire absolu de la perversité.

Sade a été sorti manu militari de sa cellule du château de Vincennes en oubliant contraint et forcé le "rouleau" de papiers cousus qui constituait son manuscrit, sans quoi il l'aurait terminé et nous ne nous retrouverions pas, au tiers du volume, avec une série de notations non historiées, mais néanmoins percutantes par leur rude brièveté... et exténuantes pour l'âme par leur délire énumératif.

parce que Sade ce ne sont pas que les galipettes pyramidales compliquées des premières "journées".

les deux tiers restants sont d'un autre bois.



Mon passage préféré? (de mémoire, fleeeemme de tirer le bouquin de son étagère)."Il le sodomise en lui ouvrant le crâne avant de lui remplacer la cervelle par du plomb fondu" à égalité avec "il lui coupe les quatre membres et le sodomise tous les jours. il le laisse plus d'un an ainsi."

Ouais, ouais...

en fait c'est quand on lit ça qu'on réalise:

-pourquoi Sade était "surréaliste dans le sadisme" (dixit André Breton)

- pourquoi Sade n'est pas adaptable sur écran : question de budget et d'endurance au ridicule (Nonobstant l'ami Pasolini, qui ne s'est d'ailleurs pas frotté au geste précité)

- pourquoi il faut éviter de passer la majeure partie de sa vie en prison sauf à vouloir s'échauffer la cervelle de frustration sexuelle entre deux gavages de pâtisseries au chocolat et dix séances journalières d'introduction de godemiché en cire (voir les bios de Sade).

- pourquoi l'âme d'un homme est complexe (celui qui écrivait ces horreurs était contre la peine de mort et, devenu "conventionnel", avait risqué sa tête d'aristo en votant contre la mort du bon Louis.)

- et pourquoi il ne faut pas abuser de l'ami Donatien.

Moi je ne me suis jamais remis de la lecture des 120 journées. au moins ça m'a confirmé que je préfère réserver l'usage de mes petits fesses roses à des gens sains.

A ranger dans sa collection de livres extrêmes donc.



Le rouleau a depuis été exposé à la BNF... des pattes de souris surserrées pour économiser le papier, illisibles.

Sacré Sade dont la tombe demeure introuvable, quelque part du côté du château de Lacoste...
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Ernestine

.les juifs sont plein de thunes.

.les blondes sont débiles.

.les roux puent.

.les serpents sont méchants...les gros chiens aussi.

.les musulmans sont des terroristes.

. Poutine est un con... son pote Coréen aussi.

.les noirs en ont une grosse.

.moi, une petite.

.les livres De Sade, ne sont que débauches, perversions, tortures, et patati, et surtout...et patata :)



Vous l'aurez compris, les clichés ont la vie dure !

{ et pourtant, parmi tous ces clichés, une vérité est parvenue à se glisser... saurez-vous la débusquer ? }

°°°°°°°

Dans cette nouvelle, tirée du recueil "les crimes de l'amour", datant de 1800, aucune paire de menottes, pas de baîllon, pas de coup de fouet, ni bondage, ni contraintes, non! Ici, les perversions sont d'une tout autre nature.

Il s'agirait plutôt de domination sociale.



. le riche et puissant, Comte Oxtiern, à la seule vue, de la jeune et belle Ernestine, à décidé, tout bonnement, de la posséder et d'en jouir à sa guise.

. de son côté, la veuve Scholtz, grosse fortune de Suède, a quand à elle, jetée son dévolu sur le jeune et fringant Herman, âgé de 22ans.

. Mais voilà, il y a un hic !

Ernestine et Herman s'aiment et se sont promis l'un à l'autre depuis leur tendre enfance. Ils s'aiment d'un amour absolu, et pas question pour eux, de céder aux avances des deux nobles.



Mais peux t'on se refuser aux puissants sans déclancher les foudres ?



°°°°°°°

Quelle Maestria, Marquis !

J'ai tout aimé dans cette nouvelle : le raffinement de l'écriture (un régal pour la lecture à voix haute), écriture qui m'avait déjà ébloui lors de ma lecture "d'Eugénie de Franval" ; la construction machiavélique du plan et du piège tendu au tourtereaux ; le tacle, tout en finesse, à la noblesse et la justice.

Bien ouej, Alphonse !



°°°°°°°

Bien évidemment, dans cette nouvelle, tout n'est pas rose.

C'est même plutôt, diaboliquement tordu, et une fois de plus... extrêmement Soft...



ÂMES SENSIBLES S'ABSTENIR !!!





Je vous avais prévenu !

Quel malade ce Sade ! :-))

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La philosophie dans le boudoir

Livre à la mesure de la réputation du Marquis de Sade, digne d’être classé X et par moment très choquant ou dérangeant. Pour autant, ce n'est pas tant les scènes sexuelles qui font le livre, mais les parties philosophiques tellement radicales et opposées à toute forme de norme sont intéressantes. Le Marquis de Sade fait penser au fond à un anarchiste, un penseur révolutionnaire. Les passages ou le Marquis s’attaque à la religion sont prodigieux. Et autant l’avouer, son anticonformisme, sa soif de liberté sont admirable.
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Eugénie de Franval

« Instruire un homme et corriger ses mœurs, tel est le seul motif que nous nous proposons dans cette anecdote »



Un texte dérangeant qui résonne d’autant plus fort à l’ère du #metoo. Une odieuse fable sur « l’émancipation de la femme », l’inceste et la manipulation patriarcale.



Portrait d’un monstre égoïste. Sade nous dépeint un homme cruel, « sadique » prêt à tout pour ne pas être seul, pour se sentir aimé, pour que le monde tourne autour de lui, pour satisfaire ses viles envies quitte à détruire son entourage.



Portrait de la naïveté, de la corruption. Sade nous raconte l’amour absolu d’une fille pour son père, le désir de plaire, de se plier à ce qu’il attend d’elle, finement manipulée, corrompue. #filleapapa



Portrait de l’inceste. D’autant plus pernicieux que celui ci est travaillé depuis la naissance de l’enfant. Un dessein sous les années dont les fruits se récoltent aisément et sans contraintes lorsqu’ils sont mûrs. Horreur



« … et c’est dans les leçons même de la sagesse qu’ils trouvent de l’encouragement au mal »



Sade choque ses contemporains, violente l’amour, expérimente la question de l’éducation, fout en l’air les valeurs morales, se moque de l’église et du quand dira t-on avec une écriture raffinée, qui nous offre une magnifique leçon de français !



Quelle découverte… Je comprends aujourd’hui d’où lui vient cette réputation sulfureuse. #balancetonauteur

Un texte encore très actuel qui nous offre l’histoire tragique d’un amour scandaleux.



Le petit plus : sa fine analyse de la place de la femme à cette époque.



Note de Sade en fin de livre :

« Si les pinceaux dont je me suis servi pour te peindre le crime, t’affligent et te font gémir, ton amendement n’est pas loin, et j’ai produit sur toi l’effet que je voulais. Mais si leur vérité te dépite, s’ils te font maudire leur auteur… Malheureux, tu t’es reconnu, tu ne te corrigeras jamais. »

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Les 120 journées de Sodome

Pour être honnète, je n'ai lu qu'une cinquantaine de pages, et j'ai feuilleté le reste. Ca m'a suffit ! Que dire ? Que ce livre m'a donné la nausée ? Je ne sais pas si les personnages décrits ont vraiment existé, si ce livre est un témoignage de la réalité, ou le simple délire d'un esprit assez torturé (pour ne pas dire plus).

Ecrire ceci aujourd'hui enverrai son auteur directement devant le tribunal correctionnel : incestes, viols, pédophilie, torture, meurtre, juste dans l'introduction, peut-être qu'on y trouve ensuite d'autres délits et d'autres crimes.

Je place ce livre au même plan que Mein Kampf : ne pas le publier le propulserai au rang de mythe, d'ouvrage fantasmé, qui circulerait quand même sous le manteau. Alors que là, tout un chacun peut se faire sa propre opinion. Peut-être manque-t-il un avertissement en préface, comme c'est le cas dans l'autre ouvrage.

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Les infortunes de la vertu

Les infortunes de la vertu est un conte philosophique écrit par Sade en 1787, pendant son emprisonnement à la bastille. Il y aura deux variations postérieures à cette première mouture. La seconde date de 1791 et s’intitule Justine ou Les malheurs de la vertu. La dernière est publiée en 1797 sous le titre La nouvelle Justine ou les Malheurs de la vertu. Chaque nouvelle version gagne en épaisseur et en détails sordides. Il faut dire que la pauvre Justine en subit des outrages. Contrairement à sa sœur Juliette, libertine et immorale, elle souhaite par-dessus tout rester vertueuse. Dénuée de toutes ressources suite au décès de ses parents, elle va successivement tomber entre les mains d’un marchand cruel, d’une mère maquerelle, d’un adepte de la luxure parricide, d’un chirurgien sadique, de prêtres libidineux amateurs d’orgies et d’un faux-monnayeur esclavagiste. Rien que ça !

A chaque rencontre, la jeune femme creuse un peu plus le sillon de l’infortune, à chaque rencontre elle veut mettre en application une forme de vertu (pudeur, pitié, honnêteté, bienfaisance) et s’en trouve punie. Le texte se répète de façon mécanique et le lecteur sait d’avance qu’en sortant d’une terrible épreuve Justine va plonger la tête la première dans une nouvelle séquence encore plus traumatisante. Le message est clair, la vertu est une soumission à Dieu et aux hommes qui n’apporte dans son sillage que le malheur.

Cette redondance dans les situations rend la lecture monotone et sans surprise, à tel point que l'on finit par ne plus éprouver la moindre compassion à l'égard de cette cruche de Justine dont l'obstination à vouloir le bien exprime une candeur godiche. Devant tant de naïveté et de manque de lucidité face aux réalités d'un monde sans pitié pour les vertueux, le lecteur n'a qu'une seule envie, lancer avec force et conviction un tonitruant : Voyons Justine, un peu de vice, que diable !


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Les 120 journées de Sodome

Cet ouvrage fut écrit dans la prison de la Bastille « Toute cette grande bande a été commencée le 22 octobre 1785 et finie en trente-sept jours », inscrit-il sur son rouleau.

Aire du rouleau : 12,10 x 0,115 x 2 = 2,783 m².

Ce sont de mètres carrés d’horreur et le mot est faible. Mais le style est délicat et même très beau. Comme dirait Philinte :

Ah ! qu'en termes galants ces choses-là sont mises ! Ces choses-là je devrais dire ces horreurs-là !

Durant mes années 20 j’avais été traumatisé par le film de Pasolini « Salò ou les 120 jours de Sodome » adaptation du rouleau de Sade sur fond de fascisme italien. Je pensais être assez solide pour lire l’original. Et bien non toujours traumatisé ; c’est une horreur.

Je résume : Trois parties :

- Sexe orienté comme son titre l’indique

- Scatologie, caca pour être simple, caca comme mets principal

- Tortures infâmes

Ce que j’en retiens c’est que seuls les hommes sont capables de tels atrocités, perversités ; les femmes en sont les victimes. Et puis terminé l’image des gentils libertins, ce sont des pervers.

Mais le style est éblouissant. Cela ne suffit pas.

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La Marquise de Gange et autres romans histo..



Le Marquis de Sade (1740-1814) était un écrivain et humaniste du siècle des Lumières, grand Défenseur de la liberté, sans limites et sans morale religieuse.

Son œuvre, qui est à la fois la théorie et l’illustration de ce qu’on désignera par « le sadisme », forme un ensemble de sa vision philosophique . Même si on ne considère pas ses textes comme proprement philosophiques.

Son œuvre est habituellement séparée en deux : il y a, d’un côté, l’œuvre publique et reconnue par l’auteur et, de l’autre, l’œuvre clandestine, sulfureuse.

Connaître la vie de Sade est une condition sine qua non pour comprendre son œuvre. Toutes ses œuvres.



Le livre qui nous intéresse est un recueil de textes historiques de Sade.

3 héroïnes pour trois époques, des ambiances et des décors différents mais une vision et des réflexions communes animent ses romans.

J’affectionne particulièrement ces textes.

La grande Histoire devient moyen d’action, de rébellion.



Sade est un auteur qui extériorise, toujours.



La même ardeur mais avec des dosages différents d’audace.

Le flamboyant est une nécessité pour lui.

Sade n’écrit pas de façon isolée et solitaire. Sa vision et ses œuvres occupent tout l’espace.

Je vous conseille ce livre, pour compléter vos connaissances, ou, seulement pour surmonter un tabou qui vous priverait de la connaissance d’un homme sulfureux à l’écriture limpide et singulière.

Une porte d’entrée pour comprendre la totalité des écrits du marquis.


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Oxtiern ou les Malheurs du libertinage

Même si c’est une partie de son œuvre peu lue et peu appréciée, Sade a écrit une vingtaine de pièces de théâtre dans différents genres (comédie, tragédie historique, opéra comique etc). Ses premières œuvres sont d’ailleurs des pièces de théâtre. Il a fait des nombreuses démarches pour faire jouer ses pièces, qui ne l’ont été qu’à titre exceptionnel. Il n’y a que deux d’entre elles qui ont été représentées dans des théâtres professionnels de son vivant : Le suborneur en 1792, retirée de l’affiche après une seule représentation et cet Oxiern donnée en 1791 au théâtre Molière, qui a été jouée deux fois, et qui a été reprise en 1799 à Versailles où Sade travaillait comme souffleur, la pièce a été éditée à ce moment-là. C’est la seule pièce de l’auteur à avoir été publiée de son vivant. Les rares critiques de la pièce ne sont pas complètement négatives, mais mettent en question la noirceur du personnage titre.



La pièce s’inspire d’une nouvelle de Sade, Ernestine, écrite avant la Révolution et qui fait partie d’un ensemble, Les crimes de l’amour. La fin de la nouvelle est toutefois très différente. Dans la pièce, Oxtiern, un noble suédois, fait enlever Ernestine, une jeune fille de bonne famille, et emprisonner son fiancé sous des fausses accusations. Au début de la pièce, les personnages arrivent dans une auberge, en route vers un château dans lequel Oxtiern entend cacher Ernestine pour pouvoir abuser d’elle tranquillement et sans risques. Suit une intrigue assez compliquée et invraisemblable, entre Fabrice, l’aubergiste, qui se rendant compte de ce qui se passe, va aller faire délivrer le fiancé, et le père d’Ernestine qui vient par hasard dans la même auberge. Au final, Ernestine a le projet de se battre en duel avec Oxtiern déguisée en homme. Oxtiern, qui a découvert son intention, prévoit de la faire combattre dans l’obscurité du petit matin avec son propre père. Dans la nouvelle (que je n’ai pas lue) le plan « marche » et le colonel tue sa fille. Mais dans la pièce, le complot est découvert et c’est le méchant qui finit mort. Ernestine peut convoler avec son fiancé sorti de prison. C’est donc une sorte de fin « morale » et « heureuse », Oxtiern étant châtié pour ses méfaits.



C’est un étrange objet que cette pièce, et si Sade n’en avait pas été l’auteur, elle aurait eu peu de chances de continuer à être éditée. J’ai lu pas mal d’avis et de commentaires, beaucoup de spécialistes ou amateurs de Sade ne voyant pas grand intérêt à son théâtre dans son ensemble. D’autres font des analyse en lien avec ses autres écrits et essaient de faire des lectures avec des intentions ou sens cachés, qu’il s’agirait de décoder en lien avec la pensée de Sade, compte tenu des exigences morales en vigueur au théâtre de son époque et de la nécessité pour l’auteur d’édulcorer sa philosophie pour être représenté. J’ai tout de même la sensation que c’est surtout intéressant pour les érudits spécialisés dans l’époque ou dans l’auteur.
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Les Crimes de l'amour



Bien qu'elles aient la cruauté en commun avec le gratin de son œuvre littéraire, ces nouvelles du Marquis de Sade s'en dégagent toutefois par l'absence formelle des descriptions ignobles qui firent la marque de l'auteur. Ainsi, le vice abominable n'est ici qu'évoqué pour permettre de mieux dépeindre l'affliction psychique des personnages. Si l'on peut regretter un moment que la radicalité ici bien amoindrie du Divin Marquis l'empêche de déployer pleinement son génie littéraire, on se console très vite avec la beauté de sa langue, la finesse de ses personnages et son sens du tragique absolument délicieux. Ses récits, chose surprenante par ailleurs, se montrent même plutôt émouvants.



Que dire alors de la pensée de Sade dans ce recueil ? Ces nouvelles s'inscrivent dans la pure lignée de la littérature sadienne en ce qu'ils sont à la fois des bijoux esthétiques et de véritables contes philosophiques. S'agirait-il d'un Marquis assagi, repenti, voire moraliste (!), souhaitant offrir à la littérature quelque chose de plus noble que ses immondes écrits licencieux ? Difficile à croire en sachant qu'il s'attelait au même moment à son chef-d'œuvre inachevé et abject Les 120 Journées De Sodome. Ne s'agirait-il pas plutôt d'un moyen d'étoffer sa pensée philosophique, ou au moins de la répéter sans risquer d'être corrompue par l'idée déformée que ses œuvres scandaleuses peuvent en donner ? Car loin d'être bêtement l'apologiste absolu des vices les plus choquants et insensés que la postérité fit de lui, Sade est surtout l'impitoyable pourfendeur de la morale de son temps, celle qui érigeait au rang des interdits autant de pratiques naturelles et inoffensives que d'actes violents et insupportables. Pour lui, cette vertu imbécile que l'on impose aux gens est non seulement aliénante, mais en plus rend ses victimes d'autant plus susceptibles de tomber dans la dépravation la plus basse ; d'où son obsession pour écrire des personnages vertueux, purs, cristallins, corrompus ou par des sadiques ou par la fatalité. Ainsi, en extirpant la philosophie sadienne du négatif de sa littérature, adopter la voie du vice serait la meilleure des manières de se prémunir de ses écarts.
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Histoire de Juliette ou Les prospérités du vice

Juliette ou les prospérités du vice / Volume I /Marquis de Sade

Justine, et Juliette la narratrice alors âgée de treize ans, furent élevées au couvent de Panthemont, un lieu réputé pour abriter de belles filles libertines. Leur amie Euphrosine âgée de quinze ans et une religieuse du nom de Delbène furent les initiatrices des premiers principes d’une morale libertine qui les corrompit rapidement. Mme Delbène âgée de trente ans était d’une beauté stupéfiante. Entrée au cloître à l’âge de douze ans, elle était encore enfermée lorsque les passions commencèrent à travailler son corps.

La volupté étant, chez les femmes recluses, l’unique mobile de leur intimité, ce n’était pas la vertu qui les liait et dès l’âge de neuf ans elles avaient accoutumé leurs doigts à répondre aux désirs de leur tête. Et Mme Delbène d’enseigner à Juliette, qui vient d’arriver chez elle où se trouve déjà Euphrosine, toutes deux pratiquement nues par ce beau jour ensoleillé, que la pudeur, unique résultat des mœurs et de l’éducation, est une chimère. Certaines vertus n’ont d’autres berceau que l’oubli total des lois de la nature ajoute Mme Delbène, maîtresse tribade, qui invite alors Juliette à se déshabiller. On imagine la suite de ces caresses de femmes belles comme Vénus aux confins de la lubricité.

Avide de nouveauté et attirée par les hommes, Euphrosine disparaît alors que Juliette et Mme Delbène aspirent davantage à la félicité des plaisirs délicieux que les femmes se procurent entre elles. Au diable les conventions absurdes et les sots qui veulent s’y soumettre ! Au diable les exhortations de son entourage qui enjoignent à Juliette de s’éloigner de Mme Delbène. Il faut dire que la Supérieure a une conception de la morale très personnelle, basée sur la conscience, qui pour elle est une voix intérieure qui s’élève en nous à l’infraction d’une chose défendue, cette conscience n’étant l’ouvrage que du préjugé reçu par l’éducation, tant et si bien que ce que l’on interdit à l’enfant lui cause du remords dès qu’il l’enfreint, et qu’il conserve ce remords jusqu’à ce que le préjugé vaincu lui ai démontré qu’il n’y avait aucun mal réel dans la chose défendue ! Elle explique à Juliette en un long exposé que la véritable sagesse consiste à se livrer à ses vices avec précautions.

C’est alors que Mme Delbène organise une assemblée luxurieuse à six, quatre très jeunes nonnes âgées de treize à vingt ans venant rejoindre les deux comparses, pour une partie friponne et des plus libertines dont je passe les détails largement explicités dans le texte.

Après quoi, Mme Delbène se livre avec Juliette à un exposé sur la nature de Dieu et les longues digressions philosophiques se succèdent évoquant les croyances des uns et des autres et les religions, la conscience et la raison, la perception et la causalité, les rapports entre le corps et l’âme, la nature de l’âme si elle existe. Et de conclure que c’est sur un pareil tas d’absurdités conjecturales que l’on bâtit l’opinion merveilleuse de l’immortalité de l’âme !

« De toutes les religions établies parmi les hommes, il n’en est aucune qui puisse légitimement l’emporter sur l’autre ; pas une qui ne soit remplie de fables, de mensonges, de perversités, et qui n’offre à la fois les dangers les plus imminents, à côté des contradictions les plus palpables… Que de théologiens sont d’étranges raisonneurs ! Dès qu’ils ne peuvent deviner les causes naturelles des choses, ils inventent des causes surnaturelles, ils imaginent des esprits, des dieux, des causes occultes, des agents inexplicables…»

Et Mme Delbène d’entretenir longuement Juliette du néant de l’existence de Dieu et de celui du dogme de l’immortalité de l’âme.

Puis elle se livre à un plaidoyer philosophique contre la chasteté et pour l’adultère : il convient de se défaire de tous les préjugés sur le sujet des lubriques écarts !

« Nous allumâmes bientôt le feu des passions au flambeau de la philosophie… Il est aussi ridicule de dire que la chasteté est une vertu, qu’il serait de prétendre que c’en est une de se priver de nourriture…La chasteté n’est qu’une mode de convention dont la première origine ne fut qu’un raffinement du libertinage. »

Pour Delbène par ailleurs, une putain est une créature aimable, jeune, voluptueuse, qui sacrifiant sa réputation au bonheur des autres, mérite rien que par cela des éloges.

Et un autre plaidoyer contre le mariage suit avant que soit évoqué l’art de tromper son mari.

Plus tard, Delbène organise la défloration de la toute jeune Laurette et c’est Juliette, destinée à jouer le rôle de grand prêtre, qui est préposée au revêtement du membre postiche qui doit œuvrer, aidée en cela d’une troupe de tribades délurées. Fait suite une bacchanale dînatoire des plus torrides.

La fête finie, l’infortune s’abat sur la famille de Juliette et de sa sœur Justine, si bien que Juliette et Justine doivent se séparer de Delbène et trouver de quoi survivre. Elles vont confier leur corps à Mme Duvergier, une maîtresse femme qui a des relations et organise de chaudes rencontres, entreprenant des choses que n’eussent jamais imitées ses compagnes, et qui faisaient à la fois frémir la nature et l’humanité. Et Mme Duvergier a parmi ses relations l’archevêque de Lyon qui a un penchant pour les petites de quinze ans mais dont, sectateur de Sodome, il use sans les déflorer au cas où. Juliette sera sa première victime et sera dévolue désormais à cette pratique de soumission avant de faire connaissance du couple Noirceuil dont le sinistre mari, un insigne libertin, a la terrible réputation d’homme « à tout faire » sous les yeux de sa femme, pauvre créature cruellement humiliée.

Avec un certain Dorval qui leur fait l’apologie du vol en considérant que les inégalités régnant dans le sociétés incitent au vol, Juliette et sa comparse Fatime se livre à des ébats visant à dévaliser les récipiendaires de caresses en tout genre.

« Si le fort a l’air de troubler l’ordre en volant celui qui est au dessous de lui, le faible le rétablit en volant ses supérieurs, et tous les deux servent la nature…La France n’était qu’un vaste repaire de voleurs sous le régime féodal… » ( !)

« Ce n’est pas le nécessaire qui rend riche, c’est le superflu ; on n’est riche, on n’est heureux que de ce superflu… » et mes vols me le donnent ajoute Dorval !! « Celui qui n’a que ce qu’il faut à ses besoins est pauvre. » conclut-il !

S’en suit un nouveau débat philosophique sur la vertu et le vice. Pour le narrateur, la vertu n’est dans l’homme que le second mouvement car il est incontestable que le premier qui existe en lui est l’envie de faire son bonheur au dépens de n’importe qui. En vérité, la vertu n’est que le résultat d’un asservissement à des lois qui varient de climat en climat et si le méchant respecte la vertu, c’est qu’elle lui sert. Ainsi si la vertu est jouissance, elle est vicieuse, car quelle différence d’émotion y a t il entre les plaisirs que donne la vertu et ceux procurés par le vice ?

Toujours au sujet de la vertu, il apparaît clairement qu’il y a danger à vouloir être vertueux dans un siècle corrompu et il vaut absolument mieux être vicieux avec tout le monde que d’être un honnête homme tout seul !

Juliette découvre que Noirceuil est encore plus monstrueux que ce qu’elle imaginait et ne l’aime que davantage si bien que Noirceuil lui offre le logis afin qu’elle règne sur la maison et soumette sa femme.

Mme Duvergier que Juliette vient consulter avant de rejoindre Noirceuil, lui donne quelques judicieux conseils et lui fait comprendre que les écarts les plus effrénés et les plus multipliés du libertinage, n’enlèvent rien à la délicatesse de l’amour. En règle générale, les lois doivent nous servir d’abri, jamais de frein : c’est la devise de Noirceuil qui donne des leçons de morale à Juliette à sa façon dans laquelle la débauche et le crime sont encensés. Et Juliette de répondre que plus de crimes Noiceuil dévoilera à ses yeux, plus d’encens il obtiendra de son cœur.

Accusée de vol dans des circonstances troubles, Juliette se retrouve en prison mais pas pour longtemps car Noirceuil a aussi le bras long et la faisant sortir compte bien lui rappeler à sa manière que la reconnaissance, c’est le sentiment du retour accordé à un bienfait. Il lui fait clairement comprendre que c’est pour lui seul qu’il agit en lui brisant ses liens, et non pas pour elle. Mais habilement, Noirceuil pour exprimer sa reconnaissance au ministre, conseille à Juliette d’en répandre les effets sur le ministre et non sur lui-même. Entièrement soumise, Juliette acquiesce. Riche à présent et voluptueusement installée dans son appartement, Juliette se jure que désormais ses égarements seront ses seuls dieux, ses uniques principes et ses lois.





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