Citations de Maxence Fermine (943)
Ainsi, le pinceau n’est pas une simple tige de bois. C’est le doigt qui prolonge la main. P 69
Ce tsigane n'était peut-être pas un excellent violoniste, il n'avait certainement jamais appris à jouer autrement qu'à l'oreille, mais il possédait une force d'âme si intense que chaque note arrachée à l'instrument semblait venir de son cœur.
La jeune femme emprisonnée sous la glace semblait fragile et tendre comme un rêve. L'éclat de sa chevelure d'or resplendissait comme un flambeau. Ses paupières, bien qu'elles fussent voilées, laissaient transparaître le bleu glacier de ses yeux, comme si l'usure de la glace avait rendu diaphane la peau ténue protégeant son regard. Son visage était blanc comme la neige.
Yukiko la regarda, sans rien dire, subjugué par sa beauté.
Longtemps après sa mort, l'atelier de feu Antonio Stradivari vibrait de son exceptionnelle énergie.
Ce sont ces vibrations, impalpables pour le commun des mortels, mais présentes pour quelques âmes sensibles, que je percevais chaque fois que je pénétrais dans l'antre du maître. Tandis que Francesco ne voyait dans cet encombrement d'instruments épars, dans ces tables d'harmonie, ces éclisses, ces volutes disséminées dans l'atelier qu'un fatras de pièces de bois destinées à créer un objet produisant un son, si singulier fût-il, j'y décelai, moi, le miracle d'équilibre qui permet de créer le son qui relie le monde humain au monde céleste.
Écrire, c’est avancer mot à mot sur un fil de beauté, le fil d’un poème,
d’une œuvre, d’une histoire couchée sur un papier de soie.
Il finit par s'asseoir sur le tabouret et joua quelques notes. Deux ou trois accords mineurs improvisés sur la trame mélancolique qu'il avait en lui et qu'il tissait de ses doigts fluides. Cela donnait des ouvrages d'une éphémère beauté, des tapis de notes destinées à émouvoir le silence puis à s'en aller flotter vers les nuées.
Voilà ce que jouait Amazone Steinway. Pas seulement de la musique. Ce qu'il avait dans le cœur s'exprimait là, au moyen des quatre-vingt-quatre touches noires et blanches du clavier.
Quand on vit un moment de grâce, faut toujours que quelqu'un ou quelque chose vienne briser votre bonheur. On peut rien y faire. C'est la vie qui veut ça.
Comment se nouent certains liens. Pourquoi, soudain, certaines étreintes surviennent. Tout cela relève d'une alchimie trop complexe pour tenter d'être expliquée par des mots.
La calligraphie japonaise ressemble à un souffle. Le souffle du dragon. Elle consiste à peindre l'instant avec une force inouïe et une délicatesse extrême .
C’est le moment de dire l’indicible. C’est le moment de voyager sans bouger. C’est le moment de devenir poète.
Venise est belle, elle regorge d'or, de bijoux et de tableaux, de palais, de silence et d'eau.
Ce fut un voyage vers le soleil de son cœur. La pureté du monde et de sa lumière s'offrait à son regard. En marchant lentement sur le chemin, Yuko ressentit une joie pure et étincelante. Il était libre et heureux. Il emportait pour seul bagage l'or de sa foi en l'amour et en la poésie.
La source jaillissait de la roche comme par magie.
Elle coulait là depuis mille ans.
Une eau venue de nulle part.
Et pourtant, elle était là, comme un miracle au milieu du désert.
Elle était là, la vie.
Ce qui m'étonna le plus, en entrant dans Venise, ce fut ce sentiment de légèreté qui s'empara de tout mon être, cette exaltation des sens, cette soudaine joie de vivre et d'aimer.
Le chiffre sept est un chiffre magique.
Il tient à la fois de l'équilibre du carré et du vertige du triangle.
Lorsqu’il la vit, Yuko la trouva si belle qu’il en trembla. Le haïku qu’il calligraphiait avec soin sur un parchemin de soie en ressentit un vertige. La plume de Yuko glissa sur le papier et forma un signe étrange. Un ligne droite entrecoupée d’une virgule. Comme le dessin d’une funambule sur un fil de beauté. Yuko se tourna vers la jeune femme et lui sourit. Sans prononcer un mot elle s’approcha de lui et glissa sa main sur son épaule. Puis elle se pencha sur l’œuvre du jeune maître et dit : — C’est sans doute le plus beau portrait qui ait jamais été fait de ma mère.
Car l'amour est bien le plus difficile des arts. Et écrire, danser, peindre, c'est la même chose qu'aimer. C'est du funambulisme. Le plus difficile, c'est d'avancer sans tomber.
Les deux hommes se sentaient si proches que le silence aurait suffi à expliquer tout le reste.
Deux mois plus tard. le vieil homme revenait à l’attaque.
- Combien de feuillets pour la partition ?
Johannes s’entendit répondre le plus sérieusement du monde :
- Cent soixante-sept.
- Combien de notes ?
- Dix-sept mille six cent vingt-trois, sans compter les soupirs.
- Et combien en avez-vous déjà composé ?
Johannes ne répondit pas.
En vérité, plus il composait son opéra, plus celui-ci devenait imaginaire.
P56
Parfois, le soir, Johannes prenait son violon et jouait pour ses compagnons. Surtout pour les blessés et les mourants. Le prêtre venait quelquefois réclamer ses bons offices pour soulager un agonisant. C’étaient alors des moments de tristesse profonde que la musique atténuait à peine.
Bientôt, il décida d’accompagner les brancardiers sur le champ de bataille. Au sommet d’une colline, il jouait pour les blessés à la clarté de la lune, caressant l’idée que les morts eux-mêmes étaient en mesure de l’entendre.
Lorsqu’il fut remis de sa blessure, il réintégra son corps d’armée. Il y retrouva le monde des vivants, celui des hommes robustes et sains, faits souvent d’acier trempé. Des hommes que les horreurs de la guerre avaient rendues insensibles.