Citations de Michel Tournier (1085)
Un livre ça se fait comme un meuble, par ajustement patient de pièces et de morceaux. Il y faut du temps et du soin.
L'étonnement fut à son comble quand on apprit que Mme Oiselin prêtait son bébé au curé pour faire le petit Jésus de sa crèche vivante.
Au début tout alla bien. Le petit Oiselin dormait à poings fermés quand les fidèles défilèrent devant la crèche, les yeux affûtés par la curiosité. Le bœuf et l'âne - un vrai bœuf, un vrai âne - paraissaient attendris devant le bébé laïque si miraculeusement métamorphisé en Sauveur.
Malheureusement il commença à s'agiter dès l’Évangile, et ses hurlements éclatèrent au moment où le curé montait en chaire. Jamais on n'avait entendu de voix de bébé aussi éclatante.
-Voyez-vous, dit-il , l’avantage des tempêtes, c’est qu’elles vous libèrent de tout souci. Contre les éléments déchaînés, il n’y a rien à faire. Alors on ne fait rien. On s’en remet au destin.
Que ma mémoire fonctionne comme le cadran solaire qui n'indique que les heures ensoleillées.
"L'avantage des tempêtes, c'est qu'elles vous libèrent de tout souci. Contre les éléments déchaînés, il n'y a rien à faire. Alors on ne fait rien. On s'en remet au destin."
(Capitaine de la Virginie)
Je suis dans une situation difficile parce qu'un homme a normalement deux contrepoids pour assurer son équilibre. D'une part sa famille, d'autre part sa profession. Je l'ai perdue le 19 juillet.
Mon premier geste avec un enfant inconnu, c’est de lui poser la main sur la nuque, un peu plus bas que la nuque. Frêle ou musculeuse, frisée ou rase, cambrée ou ployante, cette racine essentielle est la clé à la fois de la tête et du corps. Elle me dit incontinent quelle résistance ou quels abandons je peux attendre. Le geste n’engage à rien et peut être rétracté sans bavures. Mais il peut aussi s’épanouir tout naturellement, prendre possession du dos, gagner les épaules, descendre jusqu’aux lombes, point d’équilibre pour le soulèvement de terre, l’enlèvement, le port.
Ile de Speranza, située dans l'océan Pacifique, entre les îles Juan Fernandez et la côte orientale du Chili.
p40
J'ai toujours été scandalisé de la légèreté des hommes qui s'inquiètent passionnément de ce qui les attend après leur mort, et se soucient comme d'une guigne de ce qu'il en était d'eux avant leur naissance. L'en deçà vaut bien l'au-delà, d'autant plus qu'il en détient probablement la clé.
" Avoir le coeur gros": j'aime cette locution qui laisse entendre que le chagrin n'est pas un manque, mais un plein au contraire,un trop-plein qui déborde de souvenirs,d'émotions et de larmes.
Certes il y avait aussi des bonbonnes de vin et d’alcool, mais Robinson était abstinent, il n’avait jamais goûté à une boisson alcoolisée, et il entendait bien se tenir à cette résolution. La grande surprise de la journée fut la découverte dans la partie arrière de la cale de quarante tonneaux de poudre noire, une marchandise dont le capitaine ne lui avait pas soufflé mot, de peur sans doute de l’inquiéter
Un poète, un romancier, un novelliste, un conteur ne donne au lecteur que la moitié d'une oeuvre, et il attend de lui qu'il écrive l'autre moitié dans sa tête en le lisant ou en l'écoutant.
Une bonne, une très bonne nouvelle m’est apportée et me soulève de joie. Peu après, elle est démentie. Il n’en reste rien, absolument rien. Pourtant si ! Par un étrange phénomène de rémanence la joie qui m’a envahi et qui s’est retirée a laissé derrière elle une nappe heureuse, comme la mer en refluant abandonne des flaques limpides où le ciel se reflète. Il y a quelqu’un en moi qui n’a pas encore compris que la bonne nouvelle était fausse, et qui continue absurdement à jubiler.
Imaginer une oeuvre, c'est déjà commencer à la créer.
Le scandale est bien souvent dans le regard sans amour que nous portons sur notre prochain.
Je sais maintenant pourquoi le pouvoir absolu du tyran finit toujours par le rendre absolument fou. C'est parce qu'il ne sait qu'en faire. Rien de plus cruel que ce désiquilibre entre un pouvoir-faire infini et un savoir-faire limité. À moins que lel destin ne fasse éclater les limites d'une imagination indigente, et ne viole une volonté vacillante.
La pureté est l’inversion maligne de l’innocence. L’innocence est l’amour de l'être, acceptation souriante des nourritures célestes et terrestres, ignorance de l’alternative infernale pureté-impureté. De cette sainteté spontanée et comme native, Satan a fait une singerie qui lui ressemble et qui est tout l’inverse : la pureté. La pureté est horreur de la vie, haine de l’homme, passion morbide du néant. Un corps chimiquement pur a subit un traitement barbare pour parvenir à cet état absolument contre nature. L’homme chevauché par le démon de la pureté sème la ruine et la mort autour de lui. Purification religieuse, épuration politique, sauvegarde de la pureté de la race, nombreuses sont les variations sur ce thème atroce, mais toutes débouchent avec monotonie sur des crimes sans nombre dont l’instrument privilégié est le feu, symbole de pureté et symbole de l’enfer.
Rien de plus dangereux que l'agacement quand on doit vivre seul avec quelqu'un. C'est une dynamite qui disloque les couples les plus unis.
Ce qui complique tout, c'est que ce qui n'existe pas s'acharne à faire croire le contraire.
La parole humaine se situe à mi-chemin du mutisme des bêtes et du silence des dieux.