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Critiques de Olivier Rolin (272)
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Jusqu'à ce que mort s'ensuive

Intrigué par un court passage digressif des Misérables, Olivier Rolin a entrepris une enquête remarquable, qu’il qualifie humblement de « note en bas de page » du célèbre ouvrage. « Les livres servent à en susciter d’autres » écrit-il. Le sien est d’une précision chirurgicale, fruit d’une documentation titanesque, et nous plonge en plein souffle révolutionnaire au XIXe siècle.





Au début du cinquième tome des Misérables, celui où Gavroche tombe sous les balles des gardes nationaux, Victor Hugo fait une digression sur les « deux plus mémorables barricades » qu’ait connu l’histoire sociale, non pas pendant l’insurrection républicaine de 1832 qui sert de cadre à son roman, mais plus tard, lors de la révolte ouvrière de juin 1848, peu après la proclamation de la IIe République. Barrant l’entrée du faubourg Saint Antoine et l’approche du faubourg du Temple d’une hauteur atteignant de deux à trois étages, ces « Charybde » et « Scylla » furent édifiées par deux chefs révolutionnaires, selon Hugo des antithèses l’un de l’autre – l’herculéen et tonitruant Frédéric Cournet, ex-officier de marine, et le « maigre, chétif, pâle » ouvrier Emmanuel Barthélemy, « une espèce de gamin tragique » –, qui, proscrits à Londres, finirent par s’entretuer en duel trois ans plus tard. C’est en l’occurrence le malingre qui eut raison du colosse.





Olivier Rolin qui, ancien militant d’extrême gauche investi dans l’organisation de sabotages, enlèvements et intimidations dans les années 1970, a écrit depuis sur la perte et la nostalgie de l’idéal révolutionnaire, était sans doute prédisposé comme personne à relever l’aparté de Victor Hugo et à s’intéresser de plus près à ces deux meneurs insurgés qui ont marqué le grand homme avant de tomber dans l’oubli. Son souci d’exactitude lui fait explorer d’une façon quasi maniaque la moindre trace, si ténue soit-elle. La littérature – Hugo, Balzac, Sue, Gauthier, Dickens et bien d’autres –, mais aussi la peinture, l’aident à superposer lieux et atmosphères d’alors à ceux et celles d’aujourd’hui. « La recherche de ces traces qui sont, avec la littérature, ce qui reste d’une ville disparue, est une activité d’essence mélancolique, mais qui ne va cependant pas sans une excitation d’autant plus grande qu’elles sont minuscules. »





Parfois, les informations manquent, ou se contredisent, le génie hugolien n’étant pas le dernier à prendre des libertés avec les détails réels pour parfaire son matériau romanesque. Scrupuleuse, la narration annonce ses limites, avance ses hypothèses, avoue ses erreurs, le tout dans une reconstitution qui reste fluide, se teinte d’humour, et surtout réussit à redonner vie à ses deux personnages historiques, sans les dénaturer, avec une intensité d’autant plus impressionnante que les indices sont rares, disséminés, et que les réunir relève de l’exploit. Et puis, l’on sait depuis le début que ces deux-là vont en venir à la confrontation. Attendue dans un certain suspense, cette partie du récit, avec le duel, la fuite, d’autres coups de feu meurtriers, une arrestation mouvementée et une exécution capitale n’a rien à envier aux péripéties d’un polar, captivant, immersif, véridique.





C’est admiratif que l’on referme cet ouvrage intéressant, modestement construit avec les copeaux laissés par le temps à travers lieux et littérature, et qui parvient magistralement à faire revivre dans toute leur authenticité les figurants d’un grand roman classique.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Jusqu'à ce que mort s'ensuive

Spin-off des Misérables.

Cette idée de raconter les destins tragiques de deux figurants du monument littéraire du Père Victor était enthousiasmante.

Barthélémy, ouvrier blanquiste fanatique (à différencier des amateurs de blanquette) et Cournet, officier de marine placardisé en soute, participent activement aux insurrections parisiennes de Juin 1848, pratique aussi récurrente à l'époque que les grèves SNCF pendant les vacances scolaires aujourd'hui.

Le roman retrace le parcours trouble et chaotique des deux protagonistes au sang chaud qui n'ont rien d'imaginaire, qui se détestent et vont finir par se défier dans un duel à Londres entre exilés. Cette trame rappelle forcément « le Duel» de Conrad mais le roman d'Olivier Rolin tient mal la comparaison, faute de rythme et d'incarnation.

Si le chroniqueur de jadis impressionne par le travail de recherche autour de ces deux personnages oubliés par l'histoire, le récit souffre pour moi d'une maladie chronique : l'intrusion de l'auteur, pique-assiette de l'histoire.

Je me demande encore quel est l'intérêt de consacrer des pages entières aux repérages du romancier dans le Londres et le Paris d'aujourd'hui à la recherche de traces du passé. En 2024, les barricades de 1848 ont été levées. Quelle surprise ! Haussmann et Hidalgo sont passés par là. L'inventaire des kebabs, des couloirs de bus et des opticiens aux officines invasives ne présentent pas un grand intérêt pour l'histoire (j'exagère à peine) et le brouillard Londonien peine à masquer la modernité de la City. Ces passages, qui se voulaient être des passerelles du récit, se muent en barricades qui cloisonnent le roman et tiennent le lecteur à distance. J'appelle cela du remplissage. C'est comme si Tesson avait fait un selfie au moment du passage de la Panthère des Neiges.

C'est dommage car les truculences de Cournet, le parcours criminel de Barthélemy et les révoltes Hugoliennes éclairent avec minutie les agitations politiques de l'époque. Les apparitions de l'auteur sont de trop. L'ombre des citations Victor Hugo suffisait : « Parfois, insurrection, c'est résurrection. »

Olivier Rolin est un écrivain qui baroude autant dans l'espace que dans le temps. Non, Je ne parle de l'Ariège. Ce que les gens peuvent être méchants.

J'avais pourtant apprécié ses précédents romans car j'ai un petit faible pour les écrivains voyageurs, métier qui sur le papier, est plutôt sympa.

Après, il faut séparer le pèlerin introspectif qui partage ses ampoules au pied et sa crise existentielle sur les chemins de saint Jacques de Compostelle dans des gîtes qui puent les pieds, des vrais baroudeurs dont la plume dessine l'âme de peuples méconnus ou de terres inconnues.

Il est venu le temps des barricades (je confonds peut-être mes classiques…)

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Baïkal-Amour

Un grand voyage en train à travers la Sibérie, depuis Krasnoïarsk jusqu'à Komsomolsk-sur-l'Amour, plus de 5000 kilomètres dont 4300 environ sur la Grande Ligne Baïkal-Amour (Baïkal-Amour Magistral).



Des visions de la forêt et des villes avec en filigrane les péripéties meurtrières de la construction de cette ligne (BAM) dans laquelle périrent des dizaines de milliers de prisonniers déportés, zeks, prisonniers de guerre, japonais et espagnols également.



Une vision également de l'ère stalinienne et de la chape de plomb qui pesait sur l'Union Soviétique et donc des cimetières, oubliés, détruits, exclus des mémoires.



Heureusement aussi une vision de la nature sibérienne, de ses plantes, arbres, animaux, couchers de soleil sur la glace du Baïkal ou lever de celui-ci tout à l'est à bord du bateau vers l'île Sakhaline.

Des réflexions sur le voyage que l'on partage si on aime comme l'auteur s'abandonner dans ses bras et ressentir ce plaisir triste lorsqu'il prend fin.



Et de belles références littéraires avec Tolstoï, Nabokov, Soljénitsyne, Tchékov, Vladimir Arséniev, tous ces chantres des grands espaces et des événements qui les ont habités.

de l'âme de cette immensité.

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A y regarder de près

Douze textes ciselés, précis en accord avec la beauté parfois inquiétante des gravures qui les illustrent et concourent à faire de ce livre un bel objet que l'on prend plaisir à contempler, caresser et déguster.

On apprend beaucoup sur l'artichaut, l'asperge, l'os de seiche etc... car Olivier Rolin sait se faire naturaliste et observateur attentif et passionné en sachant aussi faire appel à tous les sens et en exciter la volupté quand il trousse magnifiquement une girolle que les russes appellent "lissitchka", petite renarde qui est aussi le nom qu'il donne à une femme aimée à laquelle ce recueil est d'ailleurs dédié ; ou lorsque sous "une coque mal dégrossie", l'huître ouverte laisse apparaître "des délicatesses de soie froissée, froncée de velours noir, des falbalas pâles, des dessous chics" qui lui rappelle "le libertinage et les jeux galants" du Verrou de Fragonard.

Un livre complet à garder près de soi quand on veut retrouver une belle écriture travaillée et un auteur qui vous fouette l'imagination en compagnie de l'entomologiste Jean-Henri Fabre, de Perec et Francis Ponge, de peintres tels Fragonard, Renoir, Manet ou Picasso, et qui conclut son texte sur la Cétoine par cette phrase à la beauté mélancolique que tout lecteur devrait s'empresser de faire mentir : "Les pages des livres sont des pétales que ronge le scarabée vert de l'oubli".



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Le météorologue

Il n'était pas un opposant politique, ni un propriétaire terrien, encore moins un intellectuel contestataire. Pourtant, comme des millions d'autres, Alexeï Féodossiévitch Vangengheim a été victime de la Terreur stalinienne, déporté en 1934 aux Solovski.

Comment un noble acquis à l'idéal communiste, qui a renoncé à ses privilèges pour soutenir le prolétariat révolutionnaire avec un enthousiasme indéfectible s'est retrouvé condamné pour sabotage et déporté dans un camp de la mort ?

A l'appui de maigres archives, Olivier Rolin évoque, sans s'appesantir, les motivations qui ont fondé la condamnation d'un scientifique qui voulait seulement se consacrer à l'étude du climat pour soutenir l'agriculture et l'ouverture des voies maritimes du nord. Peu d'éléments décisifs viennent éclairer cette interrogation mais en même temps quelle réponse rationnelle donner lorsque la folie paranoïaque à la tête de l'État s'est achevée avec l'exécution des bourreaux et autres exécutants de la politique de Staline ?

L'auteur soulève bien quelques indices comme

Mais le portrait exhumé laisse un sentiment d'abomination, confirmant s'il en est encore nécessaire la cruauté du régime qui assassinait sans discernement, crucifiant toute une classe d'intellectuels à l'heure où émergeait un fort élan pour les idées novatrices. Si Olivier Rolin nous gratifie d'un texte mélancolique et désordonné alimenté par de nombreuses réflexions personnelles, c'est pour souligner les désillusions de la plus grande révolution du XXe pour un auteur russophile qui semble n'avoir pas totalement renoncé à l'utopie. Ou du moins qui a reçu en héritage «le désespoir né de la mort» de cette utopie.



On peut facilement imaginer que ce type de récit pourrait sauver de l'oubli une infinie quantité d'anonymes ensevelis dans les charniers de Sibérie. Et Rolin a su exploiter et donner au tragique le visage lisse d'un innocent sacrifié bien qu'il n'ait étrangement jamais remis en cause sa foi envers l'idéal soviétique. Mais le météorologue tire sa force et son émotion des dessins et correspondances adressés à la fille du scientifique, suscitant la minuscule pulsation d'amour dans cette vie broyée par une machine implacable.

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Jusqu'à ce que mort s'ensuive

Y aurait-il derrière la plume d'Olivier Rolin un docteur Jekyll et un mister Hyde ?

Le premier aurait eu une idée lumineuse, il aurait travaillé son sujet et eût envie de raconter deux édifiants destins croisés ; et l'autre n'aurait eu de cesse que de l'interrompre par d'interminables digressions et d'oiseuses remarques.

"Jusqu'à ce que mort s'ensuive" est un essai historique et littéraire d'Olivier Rolin, paru en janvier 2024 à la prestigieuse collection "Nrf" des éditions "Gallimard".

Il s'agit ici d'un arrêt sur image opéré sur un passage des Misérables du grand Victor Hugo.

La perspective était tentante et originale.

Un duel s'est déroulé entre deux hommes qui se haïssaient, deux révolutionnaires français en exil en Angleterre : l'ouvrier mécanicien Emmanuel Barthélémy et l'officier de marine Frédéric Cournet.

Qu'a pu-t-il bien se passer entre ces deux hommes qui tous les deux étaient sur les barricades lors de la révolution de 1848 ?

Malheureusement l'auteur de l'essai, Olivier Rolin a décidé d'en être aussi un des personnages centraux.

Il s'y impose, joue des coudes entre Hugo, Balzac et quelques autres.

Il s'y met en scène, par exemple, à l'école communale de la rue de l'Amiral-Roussin où il se souvient de ses retards et de l'apparition du stylo Bic, ou bien à la citadelle de Cascais où il rédigea une partie de son livre "Extérieur monde".

Au début, c'est agréable à la lecture.

Mais très vite les remarques et les digressions deviennent envahissantes et finissent par polluer un récit qui finalement va en perdre tout intérêt.

Ce livre résonne comme une excellente émission de radio qui du fait de parasites serait devenue inaudible.

Peut-être ne suis-je pas à niveau ?

Mais cela m'a semblé confus et désordonné.

Le propos d'Olivier Rolin passe du réel à la fiction sans aucun préambule, du coq à l'âne, d'un personnage à un autre sans qu'ils n'aient été vraiment présentés.

Il interrompt par exemple le récit d'une évasion pour nous suggérer ce que l'on doit penser de chacun des évadés !

Tonnerre de Brest !

Ne serait-ce pas un peu fort de café ?

Par contre l'explication de la "curieuse" similitude entre le bonnet de bagnard et le "phrygien" se trouve dans "le bonnet rouge", ce curieux roman en vers de Daniel de Roulet paru en août 2023 aux éditions "Héros-Limite".

Il est donc difficile de garder le cap dans cet essai d'Olivier Rolin.

Plus grave, son propos m'a paru à certains petits passages comme artificiel, comme fabriqué pour l'occasion sans que cela en vaille vraiment la peine.

Mr Rolin aurait pour la première fois parcouru les notes annexes d'Histoire d'un crime, les ayant négligées jusque-là en raison de leurs caractères minuscules qui répugnaient à ses yeux.

Allons bon !

Pourtant, il y a du style et de l'idée dans cet essai.

Je suis passé à un doigt d'y être captivé car Olivier Rolin possède son sujet et le manipule à son gré.

Il aurait peut-être fallu qu'il en enlève un de ses personnages, en l'occurrence lui-même.

Hugo ceci, Hugo cela ...

Hugo n'a pas assisté à la scène.

Hugo patati, patata ...

Mais en page 89, Olivier Rolin a demandé pardon à Hugo d'avoir douté d'eux.

De qui ?

D'eux !

N'en doutons pas, de manière "chateaubrianesque" (p62) et Outre-Tombe, le grand Hugo a dû s'en sentir soulagé ...



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Vider les lieux

Dernière acquisition chez mes camarades, à leur Librairie Caractères » / Issy [ Ces derniers prenant une retraite bien méritée] – 4 mai 2022



Une lecture aussi étonnante que jubilatoire….GROS, Gros coup de coeur !



L'écrivain, Olivier Rolin, quelque peu ébranlé par une brusque sommation de son propriétaire pour « vider les lieux » , rue de l'Odéon, de son appartement où il vit depuis 37 ans...et pour couronner le tout, cette brusque nouvelle survient en pleine pandémie !



« Notre » écrivain s'attèle à ce déménagement...Comme sommé par les circonstances de faire le point d'une vie d'écriture et de voyages ; Au fil du démontage de sa vaste bibliothèque et de l'emballage dans les cartons, voilà notre narrateur noyé dans les souvenirs, les rencontres, les Livres lus et écrits, etc.



Il se raconte, narre son parcours, égrène mille anecdotes en saisissant tel objet ou tel livre….



Un voyage gigantesque, fastueux, idéal, même inespéré pour faire connaissance avec l'oeuvre de cet homme de Lettres ; ce que je souhaitais faire depuis un long moment. Je connaissais toutefois sa passion pour la Russie et les voyages, mais l'écrivain-voyageur a copieusement arpenté la Planète !



Impossible de rendre la profusion extraordinaire de cet ouvrage qui n'est fait que des passions multiples d'Olivier Rolin : La Littérature, Les Voyages, Les Livres, l'Ecriture, les Rencontres, La Russie, Les conférences autour des écrivains aux quatre coins du monde, les femmes, les paysages… et ces fabuleux voyages en train, les plus longs possible, de préférence ! Etc.



« Pourquoi raconter ça ? Je pourrais répondre, comme Michel Leiris dans -Biffures-,qu'un déménagement est "une fin du monde au petit pied",qui justifie bien qu'on y consacre quelques pages.Ce n'est jamais que notre monde personnel,d'accord,mais on y tient, on n'en a pas tellement d'autre.Notre petit tas de secrets,nos pleurs,nos joies,c'est là, entre ces murs décrépits,qu'il s'amoncelait. (p.15) »



Lecture des plus joyeuses et « nourrissantes » car Olivier Rolin nous fait partager généreusement tous ses coups de coeur littéraires ; nos piles (PAL) de curiosités, d'envies vont augmenter très « dangereusement »et avec Bonheur !



Biee sûr, les émotions fortes, les pincements de coeur, les nostalgies affleurent au fil du récit… comme tous les bouleversements émotionnels inhérents à tout déménagement, où on laisse inévitablement un peu de soi, dans le lieu que l'on quitte !...



La longue vie des objets liés à des personnes aimés, des souvenirs forts, que l'on essaye de ne pas « bazarder » à la légère, où on tente de leur faire poursuivre « leur vie » dans d'autres maisons amies…



Un très, très beau livre, puissant, personnel , universel, dynamique, jubilatoire, un brin de mélancolie, qui exprime tant , à travers Un « simple » déménagement ; Eh bien non, ce n'est pas simple un « déménagement », à un certain âge…comme on peut le constater au fil de ce récit.



Ce qui induit inexorablement comme une sorte de « bilan de parcours », de Vie , comme le déroulement d'un film , avec ses noirs, ses blancs, ses couleurs, ses ralentissements, ses pauses, ses rebondissements, ses suspens,etc.!



J'ai en attente depuis un certain temps un autre texte de lui, offert par une amie, à l'occasion d'un anniversaire : « Tigre de papier »… et je viens d'emprunter à ma bibliothèque de recherche, « le Météorologue » découvert en même temps que je lisais un ouvrage de Prilépine sur les Iles Solovki, il y a quelques semaines….J'aurai certainement préféré faire ces recherches et ces lectures en d'autres temps !!...



Toutefois, ce texte "Vider les lieux" m'a fait "rencontrer" de la plus belle façon un écrivain captivant et passionné, des plus communicatifs dans ses élans et curiosités insatiables [*** j'ai même fait abstraction de mon agacement habituel pour l'utilisation trop fréquente des "parenthèses", ce que fait allègrement, notre écrivain....; pour dire "mon enthousiasme" sans réserve !]

Je viens de solliciter la "Réserve Centrale" des Bibliothèques de la Ville de Paris, pour emprunter au plus vite, un autre livre, possédant quelques échos avec celui-ci: "Paysages originels"....



Je ne peux que vous renvoyer aux nombreuses citations que j'ai "déposées"... tant, tout m'a enthousiasmée, d'une manière ou d'une autre. Je ne peux m'empêcher de joindre un extrait en conclusion.... qui nous emporte en VOYAGE....au pays de toutes les curiosités et de la LITTERATURE !...



"J'aime les cartes j'en rapportais de chaque voyage, quand on pouvait encore voyager. Les boîtes qui les contiennent sont étiquetées par continent,Asie,Afrique,etc.( c'est ma façon discrète d'être maître du monde...)

J'éprouve à les regarder le même vertige que celui qui m'avait incité, il y a longtemps à entreprendre-L'Invention du monde-.: ce lieu,là, sur lequel je mets le doigt-le village d'Arouan,par exemple, sur ce trait fin qui monte presque verticalement de Tombouctou à Taoudeni (eau salée) (...) , il existe vraiment, concrètement, en ce moment. Si petit qu'il soit,des gens y font quantité de choses,y ont une foule de pensées. (..)

C'est le monde.J'aime les cartes.Un coin de mon âme est géographe." (p.83)

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Veracruz

Beauté fascinante de ce livre habité par une passion dévorante, brûlante, un livre qui ressemble aux tragédies antiques. Un livre en rouge et noir, torride ; rouge comme le sang, sang des blessures, sang de la vie qui circule, bouillonne, et noir comme la mort qui rode et hante tous les plis de la nuit où se love une femme enfant, une femme serpent, une femme qui est toutes les femmes.

Et avant tout, livre d'un écrivain qui sait avec virtuosité captiver et entraîner le lecteur à sa suite, lui faisant perdre ses repères comme lui les perd en se remémorant sa rencontre inattendue et solaire à Veracruz avec Dariana et ses interrogations en lisant les 4 cahiers, reçus après sa disparition subite, où il cherche des indices qui lui permettraient, en la reliant à ce qu'il découvre, de la retrouver :



« J'avais été invité à l'université de l'État à prononcer des conférences sur Proust. À la grande surprise de mes hôtes, et même à leur indignation, qu'ils s'appliquaient cependant à ne pas trop montrer, feignant d'attribuer à mon sens de l'humour cet inacceptable manquement aux usages, j'avais donné pour titre à mon cycle de conférences « Proust m'énerve » (Proust me pone nervioso). (En vérité, Proust ne m'énervait pas, ou du moins il ne faisait pas que m'énerver ; mais m'expliquer plus sur ce point m'écarterait de mon propos.) Au cours d'une soirée avec tequila et mariachis, à laquelle mes collègues m'avaient convié, et où je m'ennuyais un peu, parut Dariana, et je compris aussitôt qu'il m'avait suffi de la voir une fois pour ne l'oublier jamais. »





« La tonalité très sombre et même cruelle des quatre récits, correspondant si peu à l'allégresse qui éclatait dans la personne gracieuse de Dariana, semblait réfuter l'hypothèse qu'elle en fût l'auteur. Cette objection cependant n'en était pas vraiment une. Ce serait avoir une idée bien simpliste de la littérature que de penser qu'elle reflète sans détour, sans malice, la personnalité de l'écrivain. Il faut une grande naïveté, une ignorance des ruses de l'écriture pour croire ce genre de platitude, qu'enseignaient encore de vieux professeurs du temps que j'étais étudiant. La littérature est une tromperie sans fin. »





Et l'on mord sans regret et même avec jubilation à l'hameçon avec lequel il nous maintient et semble nous tirer progressivement hors de l'eau pour nous y rejeter aussitôt.

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Le météorologue

En 2010, alors qu’il est invité à participer à une conférence à l’université d’Arkhangelsk, Olivier Rolin, passionné par la Russie depuis toujours décide de prendre l’avion pour aller visiter un monastère sur les îles Solovki. Il vient souvent faire des conférences dans ce pays auquel il est attaché depuis l’époque de l’URSS, ayant été lui-même maoïste dans sa jeunesse.

Il est attiré par ces îles tant sur le plan géographique, le nord de la Russie, l’immensité de la Sibérie que sur le plan historique.



Ce monastère a été le premier goulag mis en place. Il apprend lors de sa visite, « qu’il y a avait existé, dans le camp, une bibliothèque de trente mille volumes, formée directement ou indirectement par les livres des déportés qui étaient, pour beaucoup d’entre eux, des nobles ou des intellectuels… » C’est ainsi que naît, d’ailleurs, l’idée de lui consacrer un film.



Au cours de sa visite, il tombe sur un album, reproduction de lettres qu’il envoyait à sa femme Varvara et à leur fille Eléonora, âgée de quatre ans quand il est déporté, dessins, herbiers, devinettes, et fait ainsi la connaissance de leur auteur : Alexeï Féodossiévitch Vangengheim, déporté aux Solovki en 1934. Cet album, hors commerce a été publié par Eléonora, à la mémoire de son père.



Tout au long de ce livre, il va nous raconter la vie de cet homme, né en Ukraine, d’origine noble, qui quitte tout pour épouser le Communisme et se consacrer corps et âme à la reconstruction de son pays en épousant la cause de la Révolution. Alexeï est météorologue et ses prédictions permettent aux avions de décoller ou atterrir dans de bonnes conditions ou aux bateaux de se frayer un passage dans la mer gelée.



Ce que j’en pense :



J’ai eu envie de lire ce livre après avoir vu le film "Solovki, la bibliothèque disparue" qui m’avait beaucoup intéressée.



On assiste à l’emballement d’Alexeï pour le communisme ; il est membre du Parti, fait partie des gens influents dont le travail est reconnu car ses prévisions peuvent être d’une grande aide pour l’agriculture socialiste que Staline dans sa folie veut collectiviser en éliminant les propriétaires terriens (des bourgeois, ou des nobles) ce qui aboutira à la famine en Ukraine provoquant la mort de trois millions de personnes…



Alexeï Féodossiévitch Vangengheim a des idées novatrices, il fait établir un cadastre des vents (il a la vision d’une forêt d’éoliennes, car « l’énergie du vent n’est pas seulement énorme sur notre territoire, écrit-il en 1935 mais elle est renouvelable et inépuisable… le vent peut transformer les déserts en oasis » et il envisage même « un cadastre du soleil » (quel précurseur !!!)

Un jour, où il devait se rendre au théâtre avec sa femme, il est arrêté. Un de ses collaborateurs vint d’avouer qu’il existe une organisation contre-révolutionnaire au sein du service d’Alexeï et qu’il en est le chef. Leur but : saboter la lutte contre la sécheresse en falsifiant les prévisions météorologiques.

Après un simulacre de procès, il est condamné pour sabotage économique et espionnage, à dix ans de camps de rééducation par le travail.



Oliver Rolin a divisé son livre en quatre parties. Dans la première, environ la moitié du livre, il évoque la vie d’Alexeï jusqu’à son arrivée aux Solovki. Dans la deuxième partie, on découvre la vie au Monastère et le courrier qu’il envoie à sa famille et aux autorités. La troisième partie est consacrée à la fin du voyage. Et enfin, dans la dernière Olivier Rolin reprend la parole et livre son interprétation des évènements.



On fait le parallèle bien-sûr avec les atrocités nazies, les deux tyrans, dictateurs fonctionnent de la même façon faisant régner la terreur ; Hitler a fait périr des millions de gens parce qu’ils étaient juifs, ou simples opposants, Staline a fait mourir son peuple, les paysans qu’il détestait, les intellectuels, et tant d’autres, car l’antisémitisme est omniprésent aussi.

Tous deux ont exploité le culte de la personnalité et, on peut dire qu’ils ont fait des émules ; tout deux aussi ont déporté, assassiné des personnes et les goulags russes sont aussi bien organisés que les camps d’extermination nazie. Ce vingtième siècle a imposé la terreur par ses dictateurs le vingt-et-unième siècle débute par des guerres de religions qu’on croyait d’un autre âge…



L’écriture d’Olivier Rolin est belle, avec beaucoup de rythme et on dévore ce livre avec passion. Parfois, il faut faire une pause pour s’aérer l’esprit car certaine scènes sont dures, notamment la troisième partie mais tout cela a existé. La description des paysages, de la Sibérie, des aurores boréales sont tellement vivantes qu’on a l’impression de faire partie du voyage, d’être penché par-dessus l’épaule d’Alexeï pour le voir dessiner. Les dessins sont exposés à la fin du livre, avec des herbiers géométriques, arithmétiques d’une belle précision.



Ce livre rend un bel hommage à cet homme ordinaire, qui n’était pas un politicien, pour bien prouver que cela pouvait arriver à n’importe qui. Olivier Rolin rend aussi hommage à la littérature russe, notamment un auteur qui est dans ma PAL depuis un moment : Vassili Grossman, qui évoque cette période dans son œuvre (« Vie et Destin »), ou Bounine (« La vie d’Arséniev ») et d’autres.



Évidemment, ce livre est un coup de cœur et je vous le conseille vivement, ainsi que le film.

Note : 9,2/10

Et voici le lien avec le film, cela vous donnera une idée…

https://www.youtube.com/watch?v=pZtpHbF0wLE


Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Le météorologue

Invité à parler à l’université d’Arkhangelsk en 2010, Olivier Rolin décide de rejoindre en avion l ‘archipel des Solovki où se dresse un monastère :

« C’était la beauté du lieu, tel que je l’avais découvert sur des photographies, qui m’avait poussé à entreprendre ce voyage. Et en effet, à peine sorti de la petite aérogare en planches badigeonnées de bleu, à la vue des murailles, des tours trapues et des clochers (d’or…) du monastère-forteresse allongé sur un isthme entre une baie et un lac emmitouflés de neige, j’avais compris que j’avais eu raison de venir là. La même beauté que le mont Saint-Michel, sauf que c’était tout le contraire : un monument monastique et militaire, et carcéral, au milieu de la mer – mais se déployant dans l’horizontale, quand le mont s’élance à la verticale. Et puis, ici, pas de foule, pas de pacotille touristique. »



Ce lieu magnifique est devenu, à partir de 1923, l’un des premiers camp du Goulag.

Olivier Rolin va y rencontrer un homme, un homme qui n’est pas un héros « Le météorologue », Alexeï Féodossiévitch Vangengheim, déporté aux Solovki en 1934.

Pourquoi lui, parce qu’une vieille dame, mémoire de l’île, va lui montrer un album, édité par Eleonora, la fille de cet homme qui avait 4 ans à l’époque, composé des reproductions des lettres qu’il lui envoyait et des herbiers, des dessins « une aurore boréale, des glaces marines, un renard noir, une poule, une pastèque, un samovar, un avion, des bateaux, un chat, une mouche, une bougie, des oiseaux… Herbiers et dessins étaient beaux, mais ils n’étaient pas composés seulement pour plaire à l’œil, ils avaient une fin éducative. À l’aide des plantes, le père apprenait à sa fille les rudiments de l’arithmétique et de la géométrie. »





J’avais été bouleversée par le film intitulé « Solovki - La bibliothèque disparue » diffusé sur Arte où Olivier Rolin part à la recherche de traces de la bibliothèque du goulag des îles Solovki, 30 000 volumes dont des livres rares rassemblés par les déportés, disparue après la fermeture du camp en 1939.



Vous pouvez le revoir sur you tube avec le lien suivant : http://www.youtube.com/watch?v=hJ_CFsNYZmg 




Ce livre, qui en est l’aboutissement, rend un bel hommage, à travers le destin tragique d’un des leurs, aux millions d’hommes qui ont été broyés par le régime totalitaire stalinien qui pourtant avait tout fait pour effacer leur mémoire.

Olivier Rolin leur redonnent dignité et vie. Il nous fait croiser bon nombre d’entre eux auxquels il restitue leur identité et des poètes et des écrivains, eux connus.

Et sa conclusion après ce voyage nous concerne tous, nous qui étions si près et avons préféré ne pas voir :

« Il y a dans Voyage au pays des ze-ka un dialogue entre un ingénieur soviétique et le détenu Margolin. « Aujourd’hui, dit ce dernier, je sais exactement ce que j’éprouve en face de l’Union soviétique : c’est la peur. Avant d’arriver dans ce pays, je n’avais jamais eu peur des hommes. Mais l’URSS m’a appris à avoir peur de l’homme. » Phrase à quoi fait écho une autre, de Nadiejda Mandelstam : « De tout ce que nous avons connu, le plus fondamental et le plus fort, c’est la peur […] La peur a brouillé tout ce qui fait d’ordinaire une vie humaine. » Cette peur immense, diversement reflétée, subie, affrontée, dépassée, dans des centaines de milliers de regards, nous ne nous en sommes guère souciés. Nous nous alarmons aujourd’hui à bon droit des risques de voir de l’inhumain reparaître en Russie, mais nos alarmes seraient plus crédibles si nous avions prêté attention à ce qui dans l’histoire de ce pays fut humain, et cette humanité fut d’abord celle des victimes. »

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Le météorologue

En 2010, l'auteur est invité à l'université d'Arkhangelsk, dans le nord-ouest de la Russie.



Il en profite pour visiter un monastère sur les îles Solov-ki.

Il apprend, qu'en ces lieux, se trouvait le premier goulag .Il abritait une grande bibliothéque de 30 000 volumes, en partie constituée par les dons des détenus eux -mêmes, notamment un album composé de dessins et croquis que Vangengheim a envoyés à sa fille de quatre ans..point de départ du livre.....Le-meteorologue Alexeï Féodossiévitch Vangengheim, Ukrainien, tourne le dos à ses origines nobles pour épouser la cause communiste et met son savoir scientifique au service de son pays avec l'espoir "de construire le socialisme".



Au cours d'un simulacre de procés, il est accusé et désigné comme "saboteur" contre révolutionnaire. Arrêté en 1934 et condamné à dix ans de camp de rééducation par le travail il enverra des dessins , des herbiers, des devinettes à Eléonora, sa très jeune fille .......

L'auteur restitue avec beaucoup de minutie la détention de ce scientifique.

Olivier Rolin s'est beaucoup documenté, a beaucoup lu, ponctue son récit de références littéraires, de procés -verbaux ou d'extraits des lettres du détenu destinées à sa femme, le tout écrit dans un style à la fois dense, intense et fluide..

Certaines scènes sont difficiles, d'autres d'une grande beauté.

Le personnage de Vangengheim apparaît touchant, homme visionnaire mais ordinaire à la fois, sans véritable charisme, qui garde la foi dans un système qui l'a anéanti......

Combien de milliers de vies brisées, arrêtées, éliminées pendant cette épuration abominable ?

Combien de milliers de victimes disparues dans un silence impressionnant ?

Comment un régime pouvait broyer toute personne qui n'adhérait pas à son idéologie ou pire, toute personne dénoncée même à tort ?

Grâce à l'auteur, Scientifiques, Poétes, Artistes, tous condamnés à l'oubli ressuscitent !

Un ouvrage difficile, certes mais indispensable, intéressant, enquête, biographie, documentaire à la fois , un dépaysement total dans ces solitudes glacées, un formidable et bel hommage à ces millions de personnes, de toutes classes sociales victimes du régime Stalinien.

Un récit qu'il faut Lire !







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Hériter, et après ?

Réunir une flopée d’intellectuels et développer une notion, c’est le pari de ce livre. Réussi car s’appuyant sur une rencontre nommée Forum Philo ayant eu lieu en 2016 et réunissant ces contributeurs et bien d’autres sans doute... C’est donc bigrement intéressant, profond comme on peut s’y attendre, même si le niveau et l’intérêt que l’on peut porter à certains apports s’avèrent inégaux. Un petit trait d’humour : il manque juste la vision d’un économiste pour circonscrire entièrement le périmètre de l’analyse. Un Piketty ayant de remarquables idées sur la question aurait clôt l’affaire. Mais il est vrai que le focus de cet essai se situe plutôt du côté culturel et civilisationnel.

Du « legs » inquiet de Renouard pour qui la langue est primordiale : « à chaque fois que nous perdons une forme, un temps verbal, nous perdons une nuance dans la façon de dire le monde ; à chaque fois que nous adoptons sans examen un mot de l’anglobish, nous diminuons la capacité d’invention de la langue, qui est notre principal et plus précieux héritage, puisque c’est par lui que nous pensons » à l’engagement culturel de Chantal Del Sol : « Les théories postmodernes de l’individu sans héritage ne valent même pas la peine d’être récusées, tant elles sont hors-sol, et discourent sur un monde qui n’existe pas. La récusation de tout héritage particulier pour gagner la liberté entière (par exemple : nous ne lui apportons aucune croyance, il choisira quand il sera grand) est un leurre manifeste. L’enfant apprend à aimer à travers l’amour imparfait qu’il porte à ses parents, il apprend à croire en adhérant pour commencer aux croyances de ses parents, il apprend à parler à travers la langue dite maternelle, etc. Tout apprentissage se réalise à travers un héritage particulier, donc imparfait, partiel et partial, subjectif. »

en passant par Mona Ozouf et la révolution française qui souligne que « la nation est faite de la longue sédimentation des habitudes communes » ainsi que la très belle interrogation de Anne Cheng sur le cas contemporain de la Chine : « sur l’ère actuelle de la prétendue « post-modernité », force sera de constater que l’opération en cours de réappropriation du passé et d’invention d’une « spécificité chinoise » sert en réalité à entretenir l’amnésie d’un passé récent » , ce tour d’horizon des différents questionnements relatifs à ce que nous sommes, à ce que nous souhaiterions que nos enfants soient, aux systèmes d’organisation pouvant permettre cette dualité du passé/futur émancipatrice est vraiment très bien questionné ici.

La conclusion est laissée à Pierre Rosenvallon qui rappelle fort à propos : « L’Europe a été le continent des totalitarismes. Réfléchir à la démocratie, c’est donc réfléchir à cet héritage problématique, tant à cause du flou de ses définitions que du fait de ses perversions. Cela veut dire une chose fondamentale : personne ne possède l’idée de démocratie. Personne ne peut dire : je sais ce que c’est que la démocratie. ». Pour éviter le piège de la dictature, qui naît bien souvent d’une mauvaise interprétation de l’accomplissement ultime de la démocratie, Pierre Rosenvallon met en garde « Si on veut être un bon « apprenti » en démocratie, il faut donc être extrêmement vigilant et comprendre qu’une critique, même radicale, doit aller de pair avec la reconnaissance du fait que c’est à l’intérieur de ce système qu’il faut travailler et non pas contre lui. »

A bon entendeur salut !

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Extérieur monde

Je me suis accroché jusqu'à ce que je lise à la page 115, de la part de l'auteur lui-même, Olivier Rolin : "je sens que je perds des lecteurs". Là, effectivement, j'ai lâché prise. En terme scientifique, le module de la force centrifuge a dépassé celui de la force centripète. Le lecteur-électron de la galaxie librairie-de-quartier que je suis a été éjecté : Extérieur monde.



Objectif atteint, ne resteront que les plus forts, les vrais, ceux qui sont capables de s'accrocher au noyau de la planète Rolin, de rester concentré dans la tourmente. Je me suis accroché à tout ce qui pouvait passer à ma portée. Mais non. Il a eu raison de moi. Je ne suis pas de taille à suivre le globe-trotter dans ses pérégrinations extraites en fouillis des soixante carnets d'une vie de sédentaire de l'instabilité.



Après la page 115, j'ai papillonné. J'ai certes retrouvé quelques situations et paysages connus au hasard, page 227. Sarajevo. J'ai un peu bougé moi-aussi, mais je n'ai pas été jusqu'à lire Les Misérables au Pôle nord. En fait je n'aime pas me faire brinquebaler. Je préfère tenir le volant.



J'ai eu encore quelques tressaillements nerveux, mais quand on m'a demandé ce que je lisais, et que je n'ai su dire si j'étais au Soudan, à la Terre de feu, dans une librairie de Shanghai ou les bras d'une colombienne, alors là j'ai expiré.



Depuis les cieux où j'ai retrouvé le calme, j'adresse mes plus vifs regrets aux Éditions Gallimard et à Babelio, les remercie vivement pour m'avoir adressé cet ouvrage dans le cadre de l'opération masse critique. Je fais quand même le serment d'y revenir, mais à petite dose. J'aurai alors l'impression de tenir le volant.



Enfin chapeau quand même. Je confirme, le monde est trop petit pour lui. Extérieur monde.

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Bakou, derniers jours

Sur un postulat de départ original, connaitre l’endroit et l’année ou vous passerez de vie à trépas avouez que cela à de quoi intriguer. Et bien Lui, Olivier Rolin décide de s’y rendre à Bakou, même pas peur !!!, exactement dans la chambre de l’hôtel Apchéron ou doit avoir lieu le drame. Provoquer la mort ? Revoir défiler son existence en guise de testament littéraire ? Très vite, on s’aperçoit que ce postulat n’est qu’un prétexte. Rolin nous invite plutôt à une flânerie entre voyages, découvertes, rencontres, souvenirs. Le livre devient celui d’un voyageur, doté d’un talent de conteur incontestable. Rolin revient sur des personnages connus, sur des anonymes, sur des lieux originaux. Son style est agréable, érudit, sa ballade en Azerbaïdjan, une belle évasion. Sympathique assurément même si au final l’exercice peut paraitre un peu vain.

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Le météorologue

Terrorisme d'Etat contre un peuple.



En marge du contexte historique et géographique du Goulag des iles Solovki, dans la mer Blanche, Olivier Rolin s'est attaché à dresser le portrait d'Alexeï Vangengheim, zek parmi tant d'autres, sacrifié des purges staliniennes, fonctionnaire rigoureux mais sans grand charisme, ahuri de ce mauvais sort et de cette " erreur" qui le condamne à l'exil.

Un homme qui ne fut pas un héros, mais un simple "bon" communiste, militant convaincu, gavé d'idéologie jusque dans la captivité, incapable de lucidité, d'esprit critique et de remise en question d'un système qui le broie.

Sa femme et sa fille ne le reverront plus et ne resteront de ce père disparu que quelques lettres, carnets et herbiers échangés pendant 4 ans de captivité, suivie de près de 20 ans de silence administratif.



Travail d'enquête, biographie, devoir de mémoire, ce roman-documentaire est l'ossature d'un destin, celui d'un homme paisible par son métier, porté par l'enthousiasme des espérances en l'avenir d'un peuple. La vie arrêtée, brisée, du météorologue est celle, démultipliée, de tous les morts des opérations de masse de la Grande Terreur des années 30, qui finirent pour la plupart dans les charniers, milliers d'individus exécutés par une idéologie ignominieuse qui aura mis à terre une utopie humaniste.



Un livre difficile, factuel, mais indispensable, par son érudition et sa documentation, par les personnages réels croisés, par une réflexion sur les modes de gouvernance et, pour ce qui me concerne, par le souvenir extraordinaire de la visite du monastère orthodoxe des iles Solovki, un site naturel d'une beauté et d'une sérénité bien éloignées de l'idée de prison et de répression. ( il ne reste d'ailleurs aucun trace du camp de travail, et je ne peux que regretter la lecture de ce livre quelques années après ma visite: cela aurait bien changé ma perception des lieux).

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Le météorologue

Emprunté à la Bibliothèque Buffon- Paris- mardi 31 mai 2022



“J'ai raconté aussi scrupuleusement que j'ai pu,sans romancer,en essayant de m'en tenir à ce que je savais,l'histoire d'Alexeï Féodossiévitch Vangenheim,le météorologue. Un homme qui s'intéressait aux nuages et faisait des dessins pour sa fille,pris dans une histoire qui fut une orgie de sang.(p.187)



Un ouvrage aussi flamboyant que terrifiant….que je viens de lire en 24 heures...et pourtant, il aura fallu des tours et des détours pour que ce texte parvienne jusqu'à moi !



Bouleversée, horrifiée comme tout un chacun (ou presque, j'imagine !) par l'attaque sauvage, en février 2022, de l'Ukraine, par son soi-disant “Grand-frère “, j'ai été faire des recherches plus approfondies sur l'Histoire de la Russie et celle de l'Ukraine, afin de tenter de “comprendre” ou de saisir les “obsessions de pouvoir” et de destruction vengeresse de Poutine, envers le peuple ukrainien….



de lectures en relectures d'écrivains russes dissidents (de toutes les époques: de la Révolution 1917, aux purges staliniennes dans les années 30...etc.), jusqu'à la découverte d'un auteur russe contemporain, Prilépine, qui, avec son magistral ouvrage; “L'Archipel de Solovki”, me propulsait dans l'un des tout premiers Goulags, créé sur une terre sacrée, abritant un monastère.



Cette réalité qui m'était totalement inconnue m'a fait poursuivre mes “prospections” sur ce lieu à la fois, qui fut lumineux, par sa bibliothèque phénoménale, constituée , en bonne partie, des livres des déportés eux-mêmes, des intellectuels, savant, artistes, penseurs, détenus dans ce lieu, qui y vécurent,travaillèrent, innovèrent, souffrirent et moururent, pour la majorité d'entre eux !!



Lieu contenant une immense partie des élites russes, qui fut le témoin d'horreurs indescriptibles…Une “machine de destruction et de mort”, à peine concevable !... Ainsi, en travaillant sur une sélection bibliographique sur le sujet, j'ai fait la connaissance du travail de recherche immense d'Olivier Rolin, sur ce lieu, à travers la destinée effroyable d'un savant-météorologue, qui, jusqu'au dernier moment voulut croire à cette Révolution… et croyait qu'on finirait par lui rendre justice !...



Ce texte m'aura, à lui tout seul, appris le maximum d'éléments du fonctionnement de ce vaste pays, qu'est l'URSS, du système de la Terreur, qui alla crescendo, avec les purges staliniennes ,sous la pression et les délires paranoïaques d'un seul homme ….



D'un ESPOIR gigantesque promis par le régime soviétique, qui finit par tomber dans des temps de barbarie et d'extermination inavouable de son propre peuple ! …



Une réflexion percutante sur L Histoire et le sens des Utopies...tout cela, à travers la destinée d'un seul homme, savant brillant, mais homme ordinaire qui ne voulait qu'un monde meilleur et qui y a cru jusqu'à la propre négation de sa propre vie et de son “meurtre”caché pendant près de 60 ans...



Olivier Rolin qui ne cache en rien ses propres anciennes “illusions” de jeune communiste convaincu n'en demeure pas moins d'une vive lucidité envers ces années...d'Espoir, de promesses, de propagande, puis de paranoïa absolue des gouvernants envers les leurs !



Je me permets d'insérer un extrait significatif, qui montre à quel point l'auteur,attaché malgré tou à cet immense pays, analyse la fracture créée par cet échec effroyable d'une “Utopie” , et des répercussions mondiales et pour l'histoire des hommes ?!



“Il n'y a pas d'autre épopée des temps modernes (c'est-à-dire des temps déjà passés) que celle de la Révolution, et il n'y a que deux Révolutions universelles, la française et, au vingtième siècle, la russe. Les habitants du vingt et unième siècle oublieront sans doute l'espoir mondial que souleva la révolution d'Octobre 1917, il n'empêche que pour des dizaines de millions d'hommes et de femmes, génération après génération pendant un demi-siècle et sur tous les continents, le communisme fut la promesse extraordinairement présente, vibrante, émouvante, d'une fracture dans l'histoire de l'humanité, de temps nouveaux qu'on appelait de tas de noms niais, l'avenir radieux, les lendemains qui chantent, la jeunesse du monde, le pain et les roses- les noms étaient niais, mais l'espérance ne l'était pas, et moins encore le courage mis au service de cette espérance-, et que la Russie soviétique parut à ces foules-là où le grand bouleversement prenait son origine, la forteresse des damnés de la terre. “ (p. 195)



Un grand livre inoubliable...que l'on a du mal à refermer, surtout que l'on ne peut le faire, que la gorge serrée et les larmes au bord des yeux menacent… quand on parcourt, et re-parcourt les dernières pages: les dessins, les devinettes, les lettres illustrées que ce “météorologue” adressait à sa fille, pour lui expliquer mille choses: les plantes et le climat, les Phénomènes naturels, Les animaux, en lui concoctant des herbiers...etc.

BOULEVERSANT, POIGNANT ...!



Un seul mot reconnaissant : MERCI à Olivier Rolin d'avoir sauvé la mémoire de cet homme et par là-même de tous les autres,sacrifiés ! et de nous l'avoir fait partager, dans ce livre somptueux et universel !



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Bric et broc

Un livre découvert et emprunté à l'atelier d'écriture Papiers de soi pour y cueillir des bribes de phrases vibrantes qui me parlent, m'interpellent, qui m'inspirent pour de futurs exercices de rédaction. Un recueil, "une boîte à outils, un florilège" de textes déjà publiés, peu ou prou remaniés ou inédits (conférences, commentaires, causeries, articles…) qui forment "un bric et broc" savant et original.

Je ne me souvenais pas avoir déjà rencontré cet auteur et pourtant j'avais lu Vera Cruz impressionnant par l'atmosphère quelque peu délétère obtenue par le choix des mots magnétiques, le tempo du récit, un roman d'une "nocturne lumière". Après cette nouvelle lecture je saisis mieux ce que j'avais ressenti et le pourquoi.
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Méroé



Quel dommage, je relis un livre que j’avais adoré : son titre, d’abord, évoquant le royaume de Kouch dont parle Hérodote, la Nubie, ou actuel Soudan : le pays des pharaons noirs qui ont construit les premières pyramides, ont colonisé l’Egypte du Nord, et en ont fait une terre très riche financièrement avec l’or de la Nubie, et politiquement unifiée.

Meroe ou la capitale de l’ancienne Egypte pendant sept siècles, du 3· avant notre ère au 4· siècle après, a été, nous dit Olivier Rolin, aperçue par Bruce, trop obnubilé par la recherche des sources du Nil pour s’y arrêter. Ensuite, le français Caillaud, émerveillé, dessine la nécropole, enfin, un italien, Giuseppe Ferlini « ferait entrer ce lieu incertain dans le monde incontestable du pillage et du recel : éventrant à coups de barre à mine et de dynamite, en 1834, quelques unes des pyramides afin de fourguer aux grands collectionneurs les parures d’or des pharaons noirs. »… dont les bijoux en or de la reine Amanishakhéto

qui ont abouti dans les musées de Munich et Berlin.

Pourquoi le locuteur de Meroe se retrouve t il au Soudan ? Pour fuir un chagrin d’amour, ainsi que pour rechercher le pourquoi de cette passion : à quoi ressemblait elle et d’ailleurs, de quelle couleur étaient ses yeux ? Il s’est fait plaquer, et les pauvres souvenirs qu’il a (sa manière de retrousser les lèvres, d’ajuster une mèche de cheveux derrière l’oreille, de se ronger les ongles) ne le calment pas. Il demande à un mannequin de reproduire ces gestes, l’utilisant comme ferait un photographe ou un réalisateur dont elle accepterait tout (gifles, humiliations diverses, droit de cuisage)

A la relecture, Meroe est un mélange de genre, entre les affres de la passion physique, la recherche dans d’autres femmes de celle qu’il a perdu, les notions archéologiques,( lors de la découverte de vingt mille tombes à Dongola, au nord de Meroe, l’archéologue lui demande de ne pas parler de ces sacrifices humains d’il y a quatre mille ans , de peur qu’Amnesty International ne fasse un rapport rétrospectif ! ) et l’histoire de Gordon, tué lors de son siège de Khartoum ; le tout noyé dans une écriture travaillée et fatigante d’être tellement travaillée, passant de but en blanc d’un thème à l’autre.

Olivier Rolin le sait, il dit lui même :

« Une superstition très anciennement ancrée en moi….. me portait à croire que chaque livre cachait en son sein un message crypté, différent pour chaque lecteur, adressé à lui à tout hasard mais généralement ignoré de lui »

Le message crypté doit être non seulement différent pour chaque lecteur, mais aussi différent aux différents moments de vie du lecteur.

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Le météorologue

Au final, Alexei Féodossiévitch Vangengheim, l’ukrainien oublié de tous, a laissé pour toutes traces, les belles planches éducatives envoyées à sa fille durant sa captivité sur les Iles Solovki, en 1934.

On les retrouve avec une vive émotion à la fin du livre, et enfin Le météorologue, victime du stalinisme, n’est plus un inconnu pour le lecteur bouleversé mais un homme attachant, un scientifique appliqué qui avait mis toute son énergie au service du socialisme en créant le premier service de météorologie soviétique au service de tous les secteurs économiques.

C’est au cours du tournage d’un documentaire, « Solovki - La bibliothèque disparue », qu’Olivier Rolin a découvert par hasard les planches dessinées avec amour par Alexei Féodossiévitch Vangengheim pour sa fille âgée de quatre ans lorsqu’il fut envoyé en captivé au goulag sur simple dénonciation comme « saboteur ».

Après une enquête minutieuse, Olivier Rolin fait le portrait de cet homme qui n’était ni un grand scientifique, ni un héros romantique mais un révolutionnaire convaincu, broyé par la folie stalinienne, et à travers lui, il rend hommage aux millions de victimes, emprisonnées et tuées dans un silence assourdissant.

A aucun moment il ne tente d’enjoliver les choses montrant la fidélité sans faille d’Alexei Féodossiévitch Vangengheim à Staline, comme le démontre ses nombreux courriers et surtout le dernier petit portrait en mosaïque de Staline envoyé à sa fille la veille de sa mort. Fidélité sincère à un idéal ou profil bas pour ne pas créer d’ennuis à ses proches et sauver sa peau, on ne le saura jamais…

Le style est fluide, Olivier Rolin ouvre de nombreuses parenthèses. Sa fascination pour la Russie, sa démarche documentaire, son regard très personnel sur les évènements, sa manière de s’emparer d’un destin particulier pour lui donner un rayonnement universel et porter sa réflexion, rappelle beaucoup la démarche littéraire d’Emmanuel Carrère même si de nombreux points les différencient. Et sa fascination pour les grands espaces glacées est restituée avec force, le dépaysement est total, assez effrayant.

Dans la dernière partie du récit Olivier Rolin analyse avec lucidité la grande claque donnée à une utopie : « L’histoire du météorologue, celle de tous les innocents exécutés au fond d’une fosse, sont une part de notre histoire dans la mesure où ce qui est massacré avec eux c’est une espérance »

Un récit indispensable…

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Le météorologue

Il n’est pas vain d’écrire sur ces régimes qui ont effacé d’un coup d’éponge la vie de centaines de milliers d’êtres humains. Il n’est pas vain de lire ces témoignages ou ces récits pour ne pas tomber dans la tentation de l’oubli ou l’indifférence. Pour ces raisons, il est bon de prendre le temps de lire le Météorologue d’Oliver Rolin, récit d’un homme ordinaire pris dans l’engrenage de la terreur stalinienne et qui jusqu’au bout ou presque fut convaincu d’avoir été victime d’une erreur. Olivier Rolin, séduit par les dessins envoyés par Alexeï Féodossiévitch Vangengheim à sa fille Eléonora, enquête sur cet homme mystérieusement disparu en 1937 après deux ans d’internement au camp des îles Solovki. Sa femme n’apprendra son décès qu’en 1956 mais sans connaître les circonstances et le lieu de sa mort. A travers ce récit, l'auteur rend hommage aux milliers de victimes à jamais disparues dans les vastes étendues de la Sibérie.
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