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Critiques de Paolo Rumiz (155)
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L'ombre d'Hannibal

À dire vrai, je savais peu de choses sur Hannibal. Quelques images d’Épinal tout au plus. La traversée des Alpes. Les éléphants. D’interminables parties de cache-cache avec les légions romaines. Une tranche d’histoire brumeuse avant Jésus Christ…

Quel plaisir de lecture, ce livre de Paolo Rumiz qui parle avec fascination, presque avec amour du grand Hannibal ! Quelle joie de se cultiver, d’apprendre, d’ouvrir des portes donnant sur des mondes inconnus de cette manière aussi peu orthodoxe.

Pas de cours magistral, mais plutôt une longue discussion avec une personne cultivée et fantasque à la terrasse ombreuse d’un café en buvant un bon verre de vin (peut-être plus d’un) ; mais plutôt une course au trésor, palpitante, échevelée, avec son lot de surprises et de déconvenues.

Nous allons accompagner Paolo Rumiz qui a décidé de poursuivre pas à pas le mythe. Une épopée légendaire. « Vingt mille kilomètres parcourus depuis l’Afrique par l’Espagne, la France jusqu’à l’Italie, et au-delà en Arménie et en Turquie… »

Avec pour unique référence les écrits de Polybe et de Tite Live, il va essayer de retrouver les parcours par où ce diable d’homme est passé avec son immense armée et ses éléphants, reprenant la géographie d’il y a 2000 ans où les routes n’existaient pas, où les fleuves ne suivaient pas le même chemin qu’aujourd’hui.

Il a de géniales intuitions quand il remarque qu’Hannibal suit la route prise par Hercule. À se demander si l’homme ne cherchait pas à soigner sa légende… Il tordra le cou à de fausses vérités… Celles pour appâter les touristes, car Hannibal, avec son étrange don d’ubiquité, est passé partout. Celle des fascistes italiens qui montraient du doigt cet ancêtre des juifs fourbes, cruels et corrompus.

Il a approché l’homme, ce solitaire incompris sans ami et sans femme, ce vrai meneur d’hommes, ce génial tacticien, cet éternel victorieux qui finira pourtant vaincu.

La guerre entre Carthage et Rome n’est pas seulement un conflit entre deux cités, entre deux armées. C’est une lutte sans merci entre deux mondes, et chacun sait que le perdant disparaîtra à tout jamais de la surface de la terre.

Sacrés Romains quand même ! Après toutes ces raclées infligées par ce démon d’Hannibal, ils refusaient toujours la défaite… Imaginez en quinze ans de guerre, l’équivalent d’un Azincourt, puis d’un Waterloo, puis d’un Sedan, avec en prime un petit Dunkerque… Et Rome, malgré les apparences de la débâcle, refusant de mettre un genou à terre… C’est ce caractère trempé dans l’acier, cette intransigeance surhumaine, qui vainquirent le grand Hannibal. C’est après la bataille de Cannes, sa plus grande victoire militaire, à une dizaine de jours de marche à pied de Rome qu’il comprit qu’il avait perdu la guerre…

Les romains ont beaucoup appris d’Hannibal et de leurs échecs successifs. Ils ont imité ses ruses, ses stratégies d’enveloppement, ses offensives éclairs. C’est un peu grâce à lui que Rome s’est sentie la force de se lancer à la conquête du monde connu.

De ce livre formidable, j’ai retenu une phrase. Je ne sais plus si elle est de l’auteur ou d’une autre personne : « Les dieux n’existent pas, ce sont des hommes qui ont laissé derrière eux des souvenirs impérissables ». Hannibal, à n’en pas douter, était un de ceux-là.

A lire absolument, quand bien même Hannibal ne vous passionne guère. A lire pour la démarche entreprise par l’auteur ; à lire pour le rêve…

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Comme des chevaux qui dorment debout

Paolo Rumiz est un écrivain voyageur, ancien reporter de guerre. Il se dit «  fils de la frontière », né à Trieste, ville aujourd'hui italienne, à la charnière du monde latin, germanique et slave.



Son livre se met en marche à la première personne dès le départ, lorsque l'auteur décide de partir sur les traces de son grand-père, officier de la Première guerre mondiale, engagé sous le drapeau de l'Empire austro-hongrois à l'époque où Trieste n'était pas encore italienne. Après l'armistice de 1918 et la réorganisation territoriale de l'Europe suite au démembrement de l'Autriche-Hongrie, ces soldats triestins tombent en disgrâce puisqu'ils n'ont pas combattu du bon côté, dans l'oubli, le sujet est tellement tabou que plus personne ne les évoque.



Paolo Rumiz veut sortir de l'ombre ces «  caduti » ( soldats tombés pendant la Grande guerre ), convoquant leur mémoire en un requiem de cette Europe défunte. Il est obnubilé par la volonté de créer une réelle armistice des peuples au delà des frontières nationales.



«  Je ne veux ni goulasch, ni amatriciana, ni bière, ni vin. Ou alors un banquet avec les quatre à la fois. Ici on voyage dans ce no man's land. Et les nations, on s'en fout éperdument. »



On le suit donc sur le terrible front de l'Est, en Galicie, territoire aux confins de la Pologne et de l'Ukraine.

Ce reportage road-movie est très érudit, parsemé de références à l'histoire géopolitique et culturelle de la Mitteleuropa ( Europe centrale ), une lecture très exigeante donc. Je m'y suis souvent perdue par manque de repères initiaux, j'ai trouvé parfois les pages longues, mais j'ai trouvé la réflexion passionnante sur notre Europe.

Il n'est pas uniquement question de la Première guerre mondiale, ce n'est qu'un point de départ pour évoquer les heures sombres de l'Europe : le génocide juif ashkénaze durant la Deuxième guerre mondiale, la guerre des Balkans en Yougoslavie à partir de 1991, la crise ukrainienne et de façon générale, la faillite de l'Union européenne aujourd'hui.



«  Maintenant je me vois comme dans un film. (...) Il sort à ciel ouvert, s'étend dans l'herbe. Il se dit in petto : mais enfin, c'est quoi, ce voyage que je fais ? Il s'est aperçu que plus il parle des morts, plus il s'enfance dans la compréhension du présent. Qu'il lui semble clair depuis ce bastion en décomposition, le destin malheureux de l'Ukraine. Comme il lit aisément le réveil dislocateur des nations et la balkanisation de l'Europe. Tout est déjà écrit. Il murmure : « Quels imbéciles nous faisons, nous qui n'avons pas d'anticorps de la mémoire, aplatis sur l'éphémère, farcis du néant , malmenés par une actualité anxiogène. Combien elle nous manque, l'Histoire. Et plus il pénètre les raisons de la dissolution de son vieil empire, plus lui apparait fulgurante, à l'époque actuelle, la décadence de la fédération de peuples à laquelle il appartient. »



Sous ce récit très intellectuel et cérébral, la chair palpite souvent , notamment lorsqu'il retrouve des écrits laissés par ces soldats triestins de 14-18, les lignes se muent en chant des morts. Comme si le fait de déambuler, de sentir la terre, le soleil, les champs de Galicie faisaient réapparaître la mémoire des morts, la rendant sensible. Le style de Paolo Rumiz n'est pas du tout neutre et journalistique comme on pourrait l'atteindre, il est au contraire très travaillé, fait d'envolées lyriques très maitrisées. La fin est superbe, une lettre écrite à fils puis son grand-père, presque bouleversante dans cette intimité qu'il accepte de partager avec le lecteur.
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L'ombre d'Hannibal

C'est un magnifique voyage auquel nous convie Paolo Rumiz. Accompagné de Tite Live et de Polybe nous marchons sur les traces d'Hannibal. Partant de Carthage à Carthagène, traversant les Pyrénées puis le Rhône pour rejoindre les Alpes uniquement servis par les informations de nos guides antiques, nous parcourons les paysages sur les sentes secrètes de l'histoire perdue avec en filigrane des indications millénaires à décoder.



Mais il y a aussi les rencontres avec les gens du pays, les historiens, les géologues, les passionnés et il y a ce que nous racontent les noms des lieux, des villes et des cols et les légendes qui jalonnent ce long chemin vers Rome. Sous la plume de Paolo Rumiz c'est le paysage qui se transforme pour rendre au lecteur toute l'histoire des temps passés. Ainsi, les autoroutes disparaissent pour céder la place aux voies romaines, les villes s'effacent pour laisser place aux marécages...



Héraclès aurait ainsi guidé les pas de notre héro, symbole de l'opposition à la domination: 90 000 fantassins 12 000 cavaliers, 40 éléphants, 20 000 km parcourus, les Pyrénées, les Alpes Franchies, voila qui donne une idée de la grandeur de la tâche accomplie rendant éternel le nom d'Hannibal.



C'est après une discussion entre amis dans les Alpes que Paolo Rumiz se décide a s'engager dans cette quête de la redecouverte d'un passé dont les traces se perdent avec les générations. La tâche n'est pas aisée car tant de choses ont changé en 22 siècles, même la direction des rivières... Sans évoquer les effets de la main de l'homme sur le paysage. En plus de ces considérations topographiques, lorsque l'histoire peut servir les intérêts politiques, on perçoit que les chemins qui pourraient nous mener à la réalité historique sont semés d'embuches et que les infimes indices encore exploitables ne sont plus que des probables et en rien des certitudes. Le voyage sur les traces d'Hannibal prend ainsi la tournure d'une véritable enquête.



Une lecture passionnante qui remet au jour des anecdotes dévorées par le temps et un travail d'investigation qui révèle la tâche immense qui consiste à retrouver les traces véritables du passé.
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La légende des montagnes qui naviguent

c’est le 5eme livre de Rumiz que je lis. Il a été traduit par Béatrice Vierne. Si un coq saluait le soleil depuis le Peloponnese. Ah! Patras. Patrick Leigh Fermor. j’ ait lu un de ses livres sur sa ballade jusqu’en turquie jusqu’au mont Athos dans la nuit et le vent.

Les coqs Grecs, les Alpes dinariques modifient l’usage du monde. L’aspromonte qui est le grand phare de plus en plus féminin rencontre les Dieux en exil. Comme dans une caisse à savon, j’ai franchi le seuil invisible de la raison. Le logos paraît retrouver un sens. Dans les jardins de Cappadoce, loin d’où règne le mensonge ou reignait les anachorètes enracinés dans leurs églises rupestres. Hendecasillable un neverin noires comme des dos de cachalots comme le Sinai l’Ucka, la porte du milieu. j’entends les ovlades sauter hors de l’eau.

La Méditerranée est une mer de montagnards. peuplee de bergers devenus des capitaines de vaisseau avec le bruit de la bora. La montagne navigue sur la Semmering. La Bora fendait le bois comme une lame. Avec des loirs en folie avec une inclinaison excessive, elles sont née des menbres . de Tom Asparsyte et de Medee. Uun beau non-lieu

, ou on se fait plumer. , couronne d’épines.. Il pleuvait des fleurs acacia . Il aime parler de la grande Guerrea à nous de pédaler en austro- hongrois comme des chevaux qui dorment debout. Frigoli Haider serrait des paluches. La faim noire ne me cherche paske pense à un voyage au Maroc. l’été, c’est trop fatiguant. Prends l’Anabase.

ll suffit qu’un hélicoptère tombe pour qu’on ait des funérailles nationales. Les récits de chasse de Léon Tolstoi. Il manque une carte de Claudio Magris. La Jurka de mon père. Ryszard Kapuscinki entre en fibrillation. Je garde en souvenir les gens du voyage qui nous interrogèrent au col du Brener pour savoir où était l’Italie, j’étais avec des copains, c’était donc au moins 20 ans avant ce livre, mais j’étais en voiture. Les plats à la Arcimboldo semblent prolonger l’hiver. l’avocat de l’ours, travailler sur l’ours c’est travailler dans le social. Ortles, il faut se priver de toute distraction et rester seul. Le roi des infiltres du signor K sur le pont de Mostar. je repense à Milan et au départ du train pour Brindisi, les gens qui montent par les fenêtres. Le leonardo de Vinci brinquebale. La vieille route de Goethe ou Otzi joue à la momie. Gemutlich ouate. Les routent chantent écrivait Chatwin. J’ai du mal à imaginer le parcours.

Les montagnes ont commence à naviguer. Spluga, le pas des ours avec sa toppling comme Bouvier. Refuge antiatomique de l’armée suisse. Le sachertorte le pequod flotte sur la mer-archeozoique vers le canton

de Schwyz. Dans le trou du saint gothard. Les bois de robiniers du Tessin, un autre shangri-la. les tempêtes de sable du taklamakan. Kapellmeister. je pense à un voyage au Maroc. Le soir tombe sur la Padanie ou à Mississippi sur le Po.

Les camaldules jouent à la bristola. Igoumenitsa je m’en souviens pas. Je me rappelle seulement la mer qui me semblait noire et l’Albanie.
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On dirait que l'aube n'arrivera jamais

En temps normal,c’est un luxe d’avoir la nostalgie d’une quarantaine. Alors il nous arrive de la regretter. Le mur est resté dans les têtes et s’est transformé en xénophobie. c’est le 7eme livre de Rumiz que je lis. confinement à saint Giorgio Maggiore de Venise. Encore Venise. Acqua Alta de novembre 2019. Je me sens en décalage par rapport aux dates qu’il donne. Que d’italiens entre Rumiz et Cognetti. Le confinement empêche une échappée littéraire. J’appartiens à une catégorie à risque.

Ceux qui préparent la voie aux fascismes. Ce livre a été traduit par Béatrice Vierne. Les pandémies sont la norme et que les stratégies datent de l’antiquité. Chère antiquité. Nous avons oublié le prévisible. Ce carnet de non-voyage me plait . Tou loulous de service et les gakis et encore la bora. Le Carogna virus me poursuit. Je ne sais pas le dire en Holderlin a écrit la ou croit le danger croit aussi ce qui sauve. Essenine . Salvini, je connais ce nom mais je ne vois pas qui il est. je pense à Conte et à la danse macabre. La Divine comédie de Dante me transperce. Nous commençons à puer comme nos brebis. J’aime Boris Pahors.. Rumiz exagère toujours un peu.

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Aux frontières de l'Europe

33 jours, 6000 kilomètres…un voyage tout au long de l’Europe, de son point le plus septentrional, à sa pointe la plus australe. Une Europe dans son sens longitudinal, entreprise à la verticale, des déserts glacés du Grand Nord finlandais aux reflets d’encre de la Mer Noire, de l’océan Arctique au golfe de Syrte, depuis Rovaniemi en Laponie finlandaise jusqu’à Odessa en Ukraine.



Superbe invitation au voyage que celle proposée par l’écrivain-voyageur italien Paolo Rumiz, à la découverte de l’espace Schengen qui réunit symboliquement et administrativement les deux « Europe », de l’Est et de l’Ouest, depuis le déclin de l’empire soviétique.

Le long de cette mouvante et fluctuante frontière, le périple entrepris par Rumiz avec sa compagne Monika, s’est effectué en toute légèreté, de la manière la plus rudimentaire, comme une errance en dehors du temps : sac-à-dos, marche à pied ou utilisation des transports en communs, principalement le train mais aussi l’autocar, la péniche, l’autostop, plus rarement le taxi. L’expédition s’est faite au plus près des gens. Miraculeux hasard des rencontres, moments intenses de fraternité et de partage, merveilleux échanges entre individus qui, au terme de ces 33 jours à « zigzaguer sur la fermeture éclair de l’Europe », fera dire à Rumiz que ce voyage, véritable bain d’humanité, ce n’est pas lui qui l’a fait mais toutes les personnes qu’il a pu rencontrer, du pêcheur de crabes géant à l’éleveur de rennes, de l’écrivain solitaire vivant au milieu des lacs de Carélie à la vieille Liouba et ses chèvres en laisse, et des pèlerins, des moines, des contrebandiers, des paysans…principalement de braves gens prompts à offrir, à partager, à communiquer.

Et c’est un véritable bonheur que d’écouter le conteur triestin raconter cette virée en terre slave où la beauté des lieux, les paysages grandioses, l’auguste majesté de certains sites, succèdent aux rencontres insolites et tendres, aux moments d’euphorie ou de mélancolie, aux interrogations sur le devenir de cette vieille Europe qui se débat entre tradition et modernité, entre une jeune génération la tête emplie des étoiles illusoires de l’Occident et une vieille garde récipiendaire des vestiges d’un temps voué peu à peu à l’oubli.

Une Europe où le rideau de fer est certes tombé depuis plusieurs années mais où la séparation entre Est et Ouest est encore très nette, notamment dans les mentalités, si peu enclines aux échanges à l’Ouest et si ouvertes et hospitalières à l’Est.

Ainsi, c’est toute l’âme slave qui se découvre dans cette traversée, sa fougue et sa générosité, sa grandeur et sa rudesse, sa bonhomie bougonne et son sens du partage, « l’âme d’un grand peuple qui a souffert et aimé » mais qui se trouve happé depuis la fin de l’ère communiste par un capitalisme mortifère où tout se vend, s’achète, se ressemble, s’uniformise dans une morne lividité ennuyeuse. « L’Occident est l’endroit où le bâillement règne en maître. »



En triestin qui a vécu longtemps aux carrefours des influences par la situation géographique et le passé historique de sa ville d’origine, Paolo Rumiz a cherché ce qu’était, dans l’Union européenne d’aujourd’hui, la frontière dite Schengen. Il a trouvé bien des lignes de démarcation, plus ou moins prononcées selon les états et ce n’étaient pas des frontières uniquement nationales mais plutôt de ces bornes invisibles qui séparent les hommes et les peuples entre eux, qui planent comme une menace diffuse et se propagent telle une ombre maléfique hélas bien réelle : pauvreté, mafia, nationalisme, religiosité exacerbée, migration des populations, disparitions des espèces…les barbelés sont loin pourtant la tension est souvent palpable.



Mais que d’aventures, que de rencontres, de paysages et de découvertes dans ce voyage aux confins de l’Europe !

Les étendues de neige et de forêts des territoires de Borée, les mines de la péninsule de Kola, les lacs et les fleuves de Carélie, les lagunes et les dunes de Courlande… Finlande, Russie, Estonie, Lituanie, Pologne, Ukraine, serpentent en un slalom vertigineux aux côtés d’une multitudes de nations qu’on serait bien en peine de désigner sur une carte : Livonie, Mazurie, Polésie, Podolie, Ruthénie…des lieux périphériques gorgés d’ailleurs, des terres sauvages et méconnues, des « fusions d’ethnies » résumant l’immensité de ce que fut l’empire soviétique» : Mongols, Caucasiens, Sibériens, Grecs de Crimée, Circassiens…



Paolo Rumiz n’a aucun mal à nous entraîner à ses côtés dans ses belles pérégrinations où se déploie un incroyable éventail de panoramas, de lumières, de parfums et de visages. Il allie avec brio la beauté poétique et enflammé du style, la ferveur enjouée du voyageur émerveillé et curieux, la précision de l’entomologiste, le goût de l’observation du scientifique et le sens de l’anecdote du journaliste, pour nous faire naviguer avec bonheur tout le long de cette Europe verticale qui, au-delà d’une route jalonnée de rencontres denses et inoubliables, s’est aussi inscrite autour de deux mots clés, ceux-là même répétés par la vieille Liouba comme une litanie: « zemlya » et « voda », la terre et l’eau, symbole de genèse et de régénération, à l’origine de tout ce qui existe.

Terre et eau qu’il nous faut à tout prix protéger dans cette vaste Europe de la mixité qui unit et réunit des êtres qui « évoluent tous à l’intérieur de la même histoire, écrite il y a bien longtemps ».

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Le phare, voyage immobile

Paolo Rumiz nous dit qu’il lui a suffi de retranscrire sans les retoucher les notes qu’il a prises qui composent ce « voyage immobile » : « … je m’aperçois qu’au cours de ses journées, je m’en suis tenu au moment présent d’une manière absolue, comme je ne l’avais peut-être jamais fait de ma vie… J’ai scandé ces heures solitaires comme une horloge à balancier, et c’est pourquoi le journal que j’ai rempli n’a aucun besoin d’être retravaillé.



Il nous décrit l’environnement géographique où il a choisi de passer trois semaines mais se refuse à nous donner les coordonnées exactes du lieu où s’élève « son phare » et sa nationalité. Les quelques indices qu’il sème ne m’ont pas permis malgré la curiosité qu’il a ainsi alimentée de le découvrir. Finalement c’est mieux car le mystère reste plus grand quand il nous évoque tout ce qui naît en lui à son contact.



Un phare voué à des enchantements ensorceleurs quand il est pris dans une union étroite et passionnée avec les différents vents qui le font gémir, chanter, pleurer, donnant ainsi l’impression de se tordre sous leurs coups de boutoir qui en font une caisse de résonance conductrice de voix, celles des âmes peut-être…



Si cette réclusion à l’intérieur d’un espace restreint enflamme l’imagination et peut faire naître des visions et alimenter des peurs surtout la nuit, elle exacerbe aussi la vigilance et l’observation fine de tout ce qui vit dans l’île et au large.

Elle engendre un attachement au moindre évènement ou geste de la vie quotidienne et à ceux qui la peuple, les deux gardiens avec lesquels il déguste parfois de bons petits plats qu’eux ou lui concoctent (produits frais issus de la mer, asperges sauvages..) arrosés de malvoisie, l’âne borgne comme le phare qu’il décide de baptiser « Kyclops » grand amateur de citrons, une unique poule rescapée d’un ancien poulailler décimé par les goélands.



Le phare ce n’est pas seulement une clôture, c’est aussi un observatoire fabuleux sur l’environnement maritime, les cargos et bateaux de croisière qui croisent au large. Et quand la nuit offre un ciel dégagé, c’est alors l’illimité qui fait irruption « une extraordinaire fenêtre ouverte sur le cosmos ».



« On m’a dit : « Tu vas t’ennuyer. » Et voilà que je me retrouve sans un seul moment de calme. J’avais peur de ne pas savoir quoi écrire, et à présent je découvre que je n’ai pas assez de cahiers.(…) si on est curieux, on n’a pas assez de temps pour enregistrer tout ce qui vous environne. On passe son temps à courir partout, comme un damné. p 71



Comment pourrait-on oublier l’adieu à la lumière des goélands :

« Le piaulement par lequel les goélands saluent la mort de la lumière commence une demi-heure avant le coucher du soleil, accompagné par un tohu-bohu de vols concentriques autour de la bosse centrale de l’île.

(…) j’assiste à un spectacle inoubliable. Quand le soleil touche la mer et se teinte de bronze, il y a un hurlement général qui se prolonge jusqu’à sa disparition totale, dans un concert toujours plus violent de plaintes dantesques. Puis, le piaulement s’atténue très vite et bientôt le silence descend sur l’île du Cyclope dans son entier. » p 63 64



L’auteur (et le lecteur) auquel ce lieu a donné « un autre regard » s’en éloigne à regret.

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On dirait que l'aube n'arrivera jamais

C'est le premier livre que je lis sur le confinement. C'est d'ailleurs pour cela que ce « Carnet de non-voyage », composé de chroniques quotidiennes parues dans la « Repubblica » pendant le confinement, a attiré mon attention. Je connaissais déjà Paolo Rumiz par quelques uns de ses livres de voyage. Et je voulais savoir ce qu'un écrivain voyageur comme lui pouvais bien faire de ce temps d'enfermement. Comme me disait un ami voyageur, « on est des oiseaux migrateurs à qui on a coupé les ailes. » En plus il est de Trieste, peut-être la ville italienne que je préfère. Mais je dois avouer ma déception face aux très nombreuses répétitions et redondances dans les propos. Tous les sujets de prédilection de l'auteur y passe : la société de consommation, l'inconséquence des dirigeants italiens, les manquements de l'Union Européenne, l'écologie… et de nombreux lieux communs sur la pandémie et la claustration forcée, que l'on a aussi vécue en France et ailleurs. Mais, pouvait-il en être autrement ? Rumiz s'occupe comme il peut. Il reste en contact internet avec ses nombreux amis à travers le monde, avec ses enfants et petits enfants, fait la cuisine, prie, sort sur le toit de l'immeuble pour regarder la mer et écouter le vent, raconte ses rêves, relate ce qu'il a fait avant et ce qu'il fera après le confinement, ce qu'il souhaiterait pour le bien de tous, et termine en souhaitant une prise de conscience pour un monde meilleur. Bon ! Rien de très original ! Peut-être que ça passe plus facilement si ces chroniques sont lues quotidiennement et séparément, ce pour quoi elles ont été écrites. Car les dernières pages ont eu vraiment beaucoup de mal à passer, malgré bien souvent la justesse des propos et toutes les bonnes intentions de l'auteur pour réveiller les consciences. A noter également, une traduction parfois approximative.
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La légende des montagnes qui naviguent

Pour les passionnés des Alpes, notamment Italiennes, Paolo Rumiz invite ses lecteurs sur 16 grands itinéraires de la Slovénie ( Ljubljana) aux Apennins, à réaliser à pied à cheval ou en Topolino.



Parti pour s'échapper du monde, et revenu avec un pavé de 461 pages aux caractères serrés, il faut en avoir des choses à dire !

Paolo Rumiz, en décapant les Alpes, puis les Apennins, des vieux clichés, avec ce regard obstiné du journaliste besogneux, a laissé une trace, de près d'un million de signes pour dessiner " La légende des montagnes qui naviguent". Cette navigation terrestre loin de vous plomber devient un enchantement, au fil du temps le pavé s'allège !



L'ouvrage est « condensé » en 16 chapitres, 8 pour balayer les Alpes puis 8 pour les Apennins, deux livres en un. Écrivain voyageur, il vous ballade, et vous séduit, il s'empare de vous et ne vous lâche plus avant la pose du chapitre suivant.

Les trois chapitres que j'évoque donnent une idée de cette chevauchée.

"De la mer à la Drave", la Slovénie, le chapitre s'ouvre sur un bref aperçu des multiples guerres qui ont émaillés son histoire : "On hissait le drapeau blanc, fini ? Çà paraissait impossible". Rêve ou cauchemar, les slovènes firent le tour complet des nationalités européennes. Mais c'est où ce pays ?



La suite comme un hommage à Brautigan, nous promène parmi des ours insaisissables, trop nombreux, ingérables, solitaires et individualistes, gourmands insatiables ( cf citations). On abandonnera les plantigrades pour découvrir la vraie personnalité de Jörg Haider très bon grimpeur, mais "sa belle prestance s'alliait à une moralité douteuse" p 52.

On retrouvera au long de ce récit cette lucidité du journaliste peu enclin à édulcorer ses critiques.

"De Chiavenna au Tessin", Paolo Rumiz nous invite à prendre la mesure du sol, celui qui nous porte, jusqu'aux vallées les plus profondes, et découvrir l'étendue vivante du sous sol, gangrené de tunnels, qui affleurent par endroits, avec les grondements sourds de ces monstres mécaniques, qui pour être restés trop longtemps sous terre viennent vous terrifier, tel " le hurlement de la mer archéozoïque" p159.

C'est un autre visage de la suisse que hennit notre cheval errant, une modernité qui s'accommode mal des zones retirées, comme si les Alpes suisses formaient la plaine du Pô.



Le canton qui a donné naissance au pays, le canton de Schwyz, a voté à 70% contre l'Europe. En Suisse l'on dit « si tu n'est pas sage je t'envoie dans le canton de Schwyz ».p 164.

Depuis le col enneigé de la Furka, "je lis, que 150 mercédes vont et viennent tous les jours entre la France et la Suisse, toujours les mêmes, elles appartiennent à la mafia. La police le sait , mais ne peut rien faire". p 168 .



La Suisse mérite sans aucun doute la palme de l'ambiguïté, c'est du moins le sentiment qui se dégage du pavé lancé par Paolo Rumiz, dans un Léman de bon sentiments, la vache qui rit aux étrangers meurtris.



Échappons aux monstres des tunnels, à la caporalato ( exploitation des immigrés) et préparons nos carcasses à affronter les Apennins, et esquiver une chaîne d'ouvrages gigantesques.

Il fallait repartir de zéro, retrouver les fossés, les impasses, éviter les embrouilles avec le moyen de transport le plus lent qu'il fut, une guimbarde pour attelage, un solide bijou de technologies, née en 1936, la Topolino Fiat »la souris », capable de rouler comme l'Oural par + ou – 30°, dépassant rarement les 30km à l'heure (l'Oural la moto mythique de Sylvain Tesson).

"De Savone au val Trébia" le 1er chapitre dans les Apennins.

Pas de concessions aux lignes droites, aux ronds-points, choisir la via buissonnière, à la recherche des routes perdues, Paolo Rumiz, fait appel à un guide sorti des monts chauves, un berger, esthète, aquarelliste et amoureux de la petite reine, Albano Marcarini est ce personnage démodé, qui seul peut traverser les Apennins sans croiser un gendarme ou une autoroute.

Albano Marcarini dans "la brouillasse du col de Faiallo, fait le point à l'aveuglette, un guide de 1896 à la main" ! Ce livre est à l'image de Marcarini , changer de braquet, voir, s' imprégner avant qu'il ne soit trop tard, la nature sauvage démultipliée encore là pour ceux qui savent couper le contact.

Après la lecture de ce récit exceptionnel, je ne regarderai plus mon Marcarini de la même façon. Ce vélo sur mesure d'une trentaine d'années, me semble encore digne d'aller flâner aux Apennins, et fuir la modernité ou l'éprouver.

C'est avec un talent fou que Paolo Rumiz se déploie dans ce pavé ; merci à masse critique de rendre ce livre accessible, la traduction est pleine d'humour, humour grinçant pour toutes les absurdités déployées par les hommes. Il nous parle beaucoup de l'aveuglement des élites comme des biens pensants.

Il nous fait découvrir des personnages hors du temps.

A lire sans chercher une suite logique aux chapitres, ils sont indépendants.

Bravo à masse critique et à Arthaud, pour cette belle navigation.



http://alter1fo.com/chevauchee-topolino-alpes-italiennes-16-itineraires-110785

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Le phare, voyage immobile

Il a suffi du titre « Le phare, voyage immobile » pour être intriguée et avoir envie de découvrir ce récit, pour lequel l'auteur, Paolo Rumiz, journaliste et écrivain voyageur italien, a reçu le prix Nicolas Bouvier en 2015. (Je ne devrais pas user du terme "écrivain voyageur", je crois qu'il n'aime pas cette appellation).

Qui n'a pas -en effet- imaginé, au moins une fois dans sa vie, d'aller vivre sur une île, séjourner dans un phare ? …ne serait-ce que pour quelques jours, si ce n'est pour toujours ?

Je ne crois pas que mes origines finistériennes et mon enfance passée près de la mer, à moins d'un kilomètre d'un phare, soient l'unique raison à un tel rêve. Une île, loin de la civilisation et du bruit, c'est tout un imaginaire : ce sont les romans d'aventure de Stevenson, HG Wells, en passant par Thoreau et les nouveaux romans de nature writing.

Rumiz choisit pour vivre ce voyage immobile, le phare d'une petite île de la Méditerranée, encore habitée par deux gardiens. Un phare dont il taira d'ailleurs le nom et les coordonnées pour en sauvegarder un peu de son mystère et de sa beauté.

De ce journal tenu durant son séjour, il en ressort un incroyable récit dans lequel il décrit avec minutie le travail des gardiens, leurs tâches quotidiennes, souvent difficiles, l'isolement et le bruit du vent à en rendre parfois fou (Petit aparté : durant la lecture, j'avais l'impression d'entendre tellement ce vent que ça a un peu calmé mon envie de long séjour).

Il part à la découverte de toute la faune et la flore vivants sur cette île : les goélands, l'âne, les chats en passant par la poule apeurée (c'est en effet la seule survivante d'un poulailler car -faute de ne plus avoir assez de poissons du fait de la pêche intensive- les goélands se sont rabattus sur les poules) (Pauvre poule ! ) Et, bien sûr, le soleil, tous les vents, les tempêtes et la mer.

On lui avait dit qu'il allait s'ennuyer à mille marin de la civilisation, enfermé dans un phare, en plein milieu de nulle part.

Tout à l'inverse, il profite de toutes ses heures et de sa solitude, loin d'internet. Il prend pleinement conscience de chacun de ses gestes, de ses regards et savoure ainsi chaque instant rendu riche et tangible.

Il réalise combien ce lieu et cette atmosphère amènent à des réflexions profondes, à une immersion intérieure, à une curiosité exacerbée, à des envies d'écriture et de lecture. Il contemple les vagues, les couchers de soleil, la puissance des éléments, parfois déchainés, écoute les lamentations du vent et les chants de la mer.

Il sait mieux apprécier les repas préparés avec ce qu'offrent la nature et l'île : les poissons, les câpres sauvages, les tomates du potager. Rumiz nous fait saliver lorsqu'il prépare du pain, les poissons pêchés par les gardiens et, plus encore, son risotto accompagné d'un petit verre de malvoisie.

Il nous fait voyager en racontant les loups des mers, les dieux de la mythologie, les légendes et ses propres périples. Et en parlant -bien entendu- des phares qu'il connaît et admire, comme l'Ar-Men sur l'île de Sein, le Fasnest en Irlande, celui des falaises de Cabo da Roca au Portugal et tant d'autres encore.

Le lecteur qui n'a pas autant voyagé, qui ne connait pas tous les termes techniques marins, tous les dieux grecs et latins, qui pense à Saint-Nicolas surtout comme celui qui offre des friandises aux enfants alors qu'il est aussi le patron des marins et navigateurs, pourrait se sentir impressionné par l'érudition de l'auteur. Et être vite plombé, largué, coulé.

Mais ce voyageur sait nous embarquer avec lui, nous amarrer à ses récits et récifs, nous hypnotiser par ses mots tels le chant des sirènes, en nous parlant des spectacles merveilleux qu'il contemple chaque jour. Et on le croit (tant il nous enchante !) lorsqu'il nous raconte combien il a été heureux pendant ces quelques semaines ! Il nous a fait rêver de voyages et d'un ailleurs, tout comme les gardiens des phares, ces gardiens des lumières.

Par ces passages empreints de poésie, d'embruns et de beauté, comme il fut agréable de faire ce voyage immobile avec cet écrivain. J'ai pensé à lui en regardant cet été le coucher de soleil près du phare que je connais depuis que je suis haute comme 3 pommes. Et même sans verre de Malvoisie avec moi, cette soirée-là avait un goût encore plus délectable que les fois précédentes.

J'ai rêvé de ces moments de solitude, entourée de la mer, plongeant mes yeux dans l'horizon. J'ai rêvé d'un tel voyage immobile.

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Aux frontières de l'Europe

Belle découverte que ce livre (conseillé par Dominique»ivredelivres) et surtout cet auteur qui devient un ami, un de ces amis chaleureux qui, après s’être mis à l’aise, vous conte à son retour, au coin du feu, à vous qui êtes là en attente, toutes les anecdotes et les belles rencontres, souvent émouvantes, qu’il a faite.

Un ami qui sait transmettre ce qu’il voit et sent, que vous pourriez écouter des jours durant.


Il commence par chambouler votre façon de voir car il va faire «l’Europe à la verticale» comme le lui fait remarquer, en contemplant la carte qu’il a dessinée avant son départ, «Rambo» un géant des forces spéciales de l’armée russe rencontré au cours d’une soirée fort arrosée chez le père Léonide un pope qui a appartenu lui-aussi aux forces spéciales.


En zig-zag de la Mer de Barents à Odessa sur la Mer Noire, en compagnie de Monika son amie polonaise, il parcourt à pied, en voiture et en train quelques 6000 kilomètres.
Ce qu’il recherche c’est l’âme de l’Europe dans tous ces oubliés de territoires aux frontières fluctuantes, habitants délaissés, ignorés de ces régions perdues dont les noms nous sont souvent inconnus ou que nous ne savons où situer mais qui font rêver : Ruthénie, Podolie, Polésie, Courlande etc... 


«Partout, je trouvais les épaves des frontières mouvantes d’anciens empires p 20
 Le peu qui reste de l’âme européenne habite ici, près des oubliés. Les russes, les slaves, les juifs qui ne sont plus là ; peut-être les Tziganes. p 214


Cet homme nous devient proche et sait rendre proche ces terres des confins de l’Europe qu’il a parcouru et surtout les hommes qui sont venus à sa rencontre, la beauté des liens qui se nouent spontanément et restent présents dans la mémoire des uns et des autres par leur force émotionnelle.

Comment pourrait-on oublier :


La beauté douloureuse et poétique de la presqu’île de Kola : 


"C’est ainsi, sur la péninsule de Kola : l’enfer côtoie le paradis. Il y a peu d’endroits où l’on peut lire aussi clairement la souffrance de la terre." p 79
"Les terres boréales sont pleines d’âmes : les bouleaux, de la taille d’arbustes, qui se raréfient au-dessus de six cents mètres d’altitude, se tordent dans le vent comme des âmes à la frontière du néant. Kola est une terre de visions extrêmes, nuits blanches et légendes noires. p 81



Le Lac Peïpous «endroit mystérieux peuplé d’une fascinante minorité orthodoxe, les Vieux-Croyants, les Amish du monde slave.» p 175



Alexandre avec «au fond des yeux quelque chose de tendre et dur à la fois», rencontré dans le train qui mène à Kem où Paolo Rumiz et Monica vont embarquer pour les îles Solovki. Alexandre «au sourire d’une douceur embarrassant» a séjourné dix ans dans un orphelinat et sort de deux ans de prison et leur offre un chapelet qu’il a fabriqué. Rencontre brève mais intense qui les laissera «les jambes coupées par la tristesse» quand il leur faudra abandonner à la gare de Kem l’orphelin au coeur tendre qui a mal tourné.



L’eau de vie d’orge de Rita et Volodia (recette et dégustation p211)



Lilia qui veille sur le vieux cimetière juif, «Je ne vis pas avec les morts. Je vis avec les vivants et pour les vivants. Pour ceux qui reviennent et ils sont nombreux. Et puis ce passe-temps donne un sens à ma vie.....p 274



Et bien d’autres encore...
Laissez-vous posséder par la magie du conteur Paolo Ruiz qui vous dit : «La France est peut-être douce, mais la Podolie l’est encore plus. Vous n’en avez jamais entendu parler ? Ça ne fait rien, allez-y donc. C’est en Ukraine, au-delà des Carpates. L’une des nombreuses régions perdues lors de la simplification perpétrée au cours de la première moitié du XXème siècle en Europe centrale.»p 312

Les numéros de page font référence à l'édition folio
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L'ombre d'Hannibal

L'écrivain voyageur Paolo Rumiz ne part pas pour fuir son prochain mais pour se rapprocher de ceux qui ont fait le monde. Et le héros que va poursuivre l'italien est le fameux Hannibal Barca qui a vécu au deuxième siècle avant J-C.



Décidé à suivre "l'ombre d'Hannibal" de Carthagène en Espagne jusqu'en Tunisie, dans sa "Dumbo" Rumiz est subjugué par ce général qui faillit faire vaciller l'aigle de Rome.



Dire l'histoire n'est pas réservé qu'aux seuls spécialistes. Si certains préfèrent les archives d'autres s'intéressent au passé par le mouvement.

Avec Tite-Live et Polybe en poche, l'auteur suit les traces ténues du téméraire Hannibal, de la Sardaigne où démarra la deuxième guerre punique puis se rend à Carthagène où là le général soulèva une armée pourvue d'éléphants.

Chez les Celtibères le guerrier à l'esprit vengeur suivit la côte espagnole pour atteindre les Pyrénées orientales .

Rumiz n'est pas seul en voyage. Il est en compagnie de l'archéologue Bartoloni qui l'aide à trouver les minces indices du passages d'Hannibal. S'ensuivent les traversées des villes et villages , la constatation de paysages changeants et de l' amnésie des italiens pour un homme qui a humilié leurs ancêtres.

Des strates historiques se déroulent durant le trajet poursuivant les mythes jusqu'à notre siècle.



Moins bourru que le polonais Stasiuk, moins contemplatif qu'un Tesson, j'ai découvert avec bonheur et une grande curiosité un grand homme de l'antiquité et un auteur qui s'est frotté à la chute du communisme et aux conflits en ex-Yougoslavie.

Un voyage ethnologique enrichissant qui m'a projeté dans le lointain passé grâce au talent d'observateur et d'écriture de Rumiz.

Un très bon essai qui emporte le lecteur auprès d'un fin stratège qui fit trembler Rome.
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È Oriente

Il s'agit de plusieurs récits et reportages, au départ rédigés pour plusieurs journaux. C'est avant tout un point de vue très italien sur le rapport de l'Italie avec ses voisins balkaniques. Exceptés les récits qui ouvrent et ferment le recueil, où l'auteur, à l'occasion de randonnées cyclistes, exprime ses idées sur la transformation du Frioul à l'occasion de l'entrée de la Slovenie dans l'espace Schengen, modifiant ainsi les relations de "voisinage", c'est bien de la transformation des Balkans au sortir du carnage de la décomposition de la Yougoslavie qu'il s'agit. Rumiz, comme Tesson, a le sens de la formule. C'est avant tout un journaliste reporter. Son but est de choquer les esprits pour rendre compte de situations qui pourraient paraître banales. Or, dans les Balkans, la banalité cache bien souvent de l'inavouable. Evoquant tour à tour la dislocation de l'empire austro-hongrois, du communisme, de la Yougoslavie et la prolifération des maffias locales issues du conflit, au fil de ses rencontres, il dénonce des situations personnelles comme métaphores de la situation générale.

Je me souviens du magnifique film du cinéaste grec Angelopoulos " L'éternité et un jour" où le protagoniste interprété par harvey Ketel parcours les Balkans en guerre à la recherche de bobines de film perdues. La poésie du film se retrouve dans les récits de Rumiz avec la même volonté de dénoncer.

En résumé, un très bon livre qui m'accompagne dans mon errance balkanique.

J'ignore si ce receuil existe en français. Ce serait une bonne chose car, en France, on a toujours du mal à situer cette région dans toute sa complexité.
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Le phare, voyage immobile

Voilà, je suis revenu, après avoir passé trois semaines sur cette île, d’1 kilomètre de long sur 200 mètres de large « au milieu de la Méditerranée ». Vous pouvez penser que je me suis ennuyé, et bien pas du tout, j’étais en bonne compagnie, celle de Paolo Rumiz, que je commence à connaitre un peu (L’ombre d’Hannibal et Aux frontières de l’Europe), des deux gardiens du Phare et d’une colonie de goélands.

Paolo Rumiz a l’érudition communicative et la curiosité contagieuse, alors tout y passe ; La faune (oiseaux de mer, âne non-bâté ...), la flore (y compris celle du potager), la cuisine (risotto et poissons), l’Histoire et les histoires (de marins surtout), la météo (les vents des quatre points cardinaux), le ciel et ses étoiles, la littérature (Derek Walcott) et la Lingua Franca que tous les marins et commerçants de la Méditerranée comprenaient jusqu’au 19ème siècle. Car la Méditerranée fût pendant des siècles « un pont », elle est aujourd’hui une frontière, une frontière meurtrière, l’actualité nous le rappelle chaque jour.

Paolo Rumiz ne nous dit pas où se trouve précisément cette île, il n’en donne pas le nom, mais curiosité oblige ... comme il nous donne quelques indices, avec mon vieil atlas ; je l’ai trouvé (Euréka !), Là ... ce tout petit point, mais je n’en dirai pas plus. Heureux qui comme Paolo, a fait un beau voyage, et son lecteur avec lui. Allez, salut.

P.S. : Ce bouquin est paru chez Hoëbeke dans la collection Étonnants Voyageurs dirigée par Michel Le Bris, et lorsque je vois la liste des titres et des auteurs de cette collection j’ai l’espoir de faire encore de beaux voyages.

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La légende des montagnes qui naviguent

Les Alpes, une chaîne de montagnes que huit nations se partagent. Entre celles qui ont tendance à l'oublier, celles qui y entretiennent un certain traditionalisme, celles qui la creusent, la percent, la détruisent et celles qui y voient un atout commercial et touristique évident, cette barrière naturelle de 1200 km a de quoi s'en faire.

Touchée de plein fouet par le changement climatique, la désertification, les désastres engendrés par les barrages et les tunnels routiers, cette chaîne n'en reste pas moins un lieu de légendes et d'histoire, peuplée heureusement de quelques irréductibles marginaux, poètes et révoltés gardant l'esprit de leur vallée.



C'est vers eux que le journaliste Paolo Rumiz va aller pour cueillir l'essence de ces habitants et de cette nature merveilleuse. Voyage chaotique, intemporel, véritable palimpseste d'expériences vécues, rêvées et de guerres qui se sont achevées, de combat avortés ou réussis et de vies qui ont filées.

Puis on aborde la colonne vertébrale de l'Italie, les Apennins, négligées en faveur des Alpes alors qu'elles parcourent le pays du Nord au Sud et sont source d'énergie pour le pays entier.

Rumiz a l'art de dégoter des personnalités fortes et atypiques tout en décriant une civilisation devenue folle, incapable aujourd'hui d'apprécier, de connaître pleinement la nature, sa faune et flore, sa beauté, sa richesse.

L'ouvrage est foisonnant, captivant et n'est qu'un exemple de ce qui se passe actuellement partout dans le monde et pas seulement dans les Alpes, pour de perfides raisons politiques, économiques et nationales.

A lire, à garder, merci Babelio et les éditions Arthaud pour cette découverte.

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Le phare, voyage immobile

Régulièrement, je me rêve vivant sur un îlot désert de toute présence humaine. Un morceau de terre plutôt rocheux, à la nature sauvage, sans âmes qui vivent. Un endroit coupé du monde, au calme, sans contrainte, avec du temps pour lire, pour écrire, pour penser.



C’est tout naturellement que mon choix s’est porté sur le livre de Paolo Rumiz, Le phare, voyage immobile lors de la dernière Masse Critique de Babelio.



Écrivain voyageur, Paolo Rumiz décide un jour de rallier une langue de terre rocheuse dominée par un phare quelque part au milieu de la Méditerranée, endroit qu’il garde délibérément secret. Son envie de préserver l’île apporte une sympathique petite touche de mystère. A noter que l’île n’est pas totalement déserte mais uniquement habitée par les gardiens du phare toujours en activité.



"Les gardiens de phare sont des hommes durs, rivés à leur récif. Monarques absolus de leur territoire et pourtant, en même temps, reclus à l'intérieur de ses limites."



Outre l’aspect rêvé de l’expérience, Paolo Rumiz nous livre aussi ses doutes, ses inquiétudes, ses réflexions, laissant libre court à ses pensées comme on le ferait dans un carnet de voyage. La nature qui parfois n’hésite pas à reprendre ses droits est évidemment au cœur de ses préoccupations.



"Par cette soirée où il fait un temps de chien, à l'intérieur de cette lanterne à la merci des brisants, je sens mon univers à la dérive comme je ne l'ai encore jamais senti."



Quand les éléments se déchainent, de paradisiaque, il arrive que le lieu semble devenir hostile. La danse des goélands, un plat de poisson, le lever du jour ou un inoubliable coucher de soleil feront oublier tout ça. De son œil de cyclope, le monstre de pierre veille…


Lien : http://bouquins-de-poches-en..
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Le phare, voyage immobile

Véritable gageure, ce voyage immobile se lit en quelques heures. Le séjour dans un phare, quelque part en Méditerranée, est prétexte à beaucoup de réflexions intéressantes sur le voyage et l'écologie.

Pourtant, passée la curiosité des premiers chapitres liés à la vie dans le phare, les propos deviennent vite redondants et même l'évocation des souvenirs de l'auteur ne suffisent pas à combler l'absence de sujet réel. J'ai lu les derniers chapitres en diagonale, pressé d'en finir.
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Aux frontières de l'Europe

Excellente relation d'un voyage le long de cette frontière entre l'espace Schengen et la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine. On sent l'auteur très humain, proche de l'autre, recherchant le contact de cette altérité, comme pour s'y mettre à l'épreuve. J'envie cette capacité à se mettre au niveau de son interlocuteur, à s'en nourrir. Ce long voyage de l'Arctique à la mer Noire est l'occasion de se frotter aux cultures slaves traditionnelles qui persistent malgré les acculturations, à se laisser envahir par les démonstrations de foi, les exaltations de toutes sortes, et à rencontrer des personnages truculents, même dans leur banalité quotidienne. Des gens qui témoignent de leurs vécus, de leurs croyances. On retrouve le long de cette frontière tout un pan de vie qui tend à disparaître en Occident, sous les coups de boutoir uniformisants de l'Union européenne, comme le souligne fréquemment l'auteur. Ce voyage est aussi l'occasion de réflexions sur la politique, l'histoire, les cultures, la marche du monde…

Un grand livre de voyage, qui donne envie de partir visiter ces contrées.
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La légende des montagnes qui naviguent

Si "pour voyager il ne sert à rien de quitter son fauteuil, qu'il suffit de lire des livres", en voici un tout indiqué. Le candidat au périple se laissera embarquer avec enthousiasme dans la vieille guimbarde de Paolo Rumiz pour franchir cols et vallées, puisque c'est celui que propose ce voyageur impénitent dans son dernier ouvrage. Voyage à thème, comme ce journaliste italien à la plume experte les affectionne, pour dépeindre personnages et paysages de rencontre.



Le thème de la légende des montagnes qui naviguent, c'est la quête de l'authentique. Thème qu'on pourrait d'ailleurs appliquer à plusieurs des ouvrages de ce reporter qui n'avait pas craint en d'autre temps d'affronter le danger des zones de guerre et témoigner des comportements humains, entre héroïsme et exactions.



L'authentique, ce vieux fonds d'humanité, ne se trouve certes pas dans le tumulte de la civilisation urbaine moderne où des zombis connectés - on ne sait trop à quoi ou à qui, eux-mêmes le savent-ils quand ce n'est certainement plus avec leur vis-à-vis - évaluent le degré de bonheur à leur pouvoir d'achat. L'authentique, Paolo Rumiz va le chercher dans le visage sillonné de rides, le regard pénétrant de ceux qui ont choisi de s'accrocher au flanc de la montagne, de bavarder avec les marmottes et faire croire que la montagne vit encore en dehors des stations surpeuplées, quand la neige qui se fait parfois désirer, réchauffement climatique oblige, veut bien leur autoriser le frisson de la glisse.



La légende des montagnes qui naviguent est un récit de voyage. 8000 km au travers des Alpes. Il prend tour à tour des allures de fresque picturale, de roman historique, de diatribe politique ou de confidence superstitieuse quand son parcours l'entraîne dans les errements brumeux des vieilles légendes. Paolo Rumiz n'est jamais autant exaucé dans ses intentions que lorsque son étape lui donne l'occasion de rencontrer un des derniers mohicans qui, une fois la méfiance pacifiée, deviendra prolixe à lui conter la petite histoire dans la grande, du temps où le locataire de la montagne devait tirer sa subsistance de son troupeau, cohabiter avec l'ours et le loup, du temps aussi où les visées impérialistes des nations riveraines donnaient de la mouvance aux frontières.



Mais en leitmotiv de chaque chapitre, son ouvrage veut surtout être un plaidoyer écologique. Un blâme est décerné à cette espèce qui reste sourde aux avertissements que lui lance la nature meurtrie, comme par exemple la catastrophe du Vajont en 1953. Cette espèce qui s'entête dans la quête perpétuelle des plaisirs, fermant les yeux au désastre qu'elle provoque, car un "désastre qui dure des décennies ne fait pas sensation."



Seulement voilà, j'ai appris récemment un terme de vocabulaire qui me fera passer pour instruit. Ce terme c'est cinétose. Plus connu sous l'expression de mal des transports. Je vais quand même avouer pour conclure que 8000 kilomètres sur les routes de montagne, en passager d'une vieille guimbarde qui semble aller au gré des lubies de son guide, sans autre fil conducteur que faire admirer le paysage et dire leur nostalgie aux vieux qui déplorent le bon temps d'avant, ça peut faire languir le fond de la botte italienne. Là où se termine le voyage. 460 pages d'un parcours erratique dans les lacets des routes de montagne, cela aurait mérité quelques raccourcis, même si l'air y est pur sous la voute étoilée. Une carte eût aussi été la bienvenue pour se situer dans la myriade de noms de pays, de village qui émaillent ce récit. Heureusement qu'il y a "gougueule", c'est ti pas comme ça que vous l'appelez celui qui dirige vot' vie maintenant à vous autres qui êtes connectés dans la vallée ?

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Le phare, voyage immobile

Un livre pas bien épais (170 pages ) fait de chapitres qui sont autant de moments vécus par l'auteur.

Isolé en mer Méditerranée sur une petite île austère balayée par les vents et avec pour seuls compagnons les gardiens du phare et un âne, l'auteur vit son premier voyage immobile.

C'est un livre prenant, fait de phrases qui invitent au rêve et à l'évasion, même si les méfaits de notre civilisation ne sont jamais loin.

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