Voilà 12 ans que ce roman prenait les poussières dans ma biblio, alors que je voulais lire assez vite… Hem, la faute est réparée. Mais je regrette d’avoir traîné aussi longtemps à le lire.
Voilà un roman noir comme je les aime : addictif, serré, violent, parlant de faits réels, de faits de sociétés. En une soirée, j’avais déjà dévoré la moitié de ses 410 pages, sans voir le temps passer.
Contrairement à un thriller pur race, qui se contente d’action et de scènes de crimes inventives, ce roman noir n’a jamais manqué de profondeur et est resté collé à la terrible réalité de l’Histoire du Guatemala, avec les milices, les viols de dizaine de milliers de femmes, les massacres, les assassinats et les vols d’enfants pour les vendre à des gens qui ne savent pas en avoir et qui ont les moyens. Et non, tous les adoptants ne savaient pas que les bébés avaient été volés à des mères.
Dans ce roman noir, plusieurs fils narratifs ont lieu, sans que l’on sache si ensuite, ils vont se croiser. D’un côté, nous suivrons Victor Hugo Hueso, officier des pompiers municipaux, qui va enquêter sur le rapt d’un enfant guatémaltèque et de l’autre, nous suivrons la quête d’un couple d’Américains qui, désirant adopter un enfant, vont se tourner vers les réseaux d’adoption en provenance du Guatemala, suite à de multiples échecs avec d’autres pays.
L’Histoire violente du Guatemala est parfaitement incorporée dans le récit et l’auteur n’en fera pas des tonnes pour nous expliquer toute l’horreur des massacres, des injustices et des viols dont ont souffert les femmes (et les jeunes filles), qui, se retrouvant enceintes de leurs tortionnaires (elles étaient leurs esclaves), ont vendu leurs bébés, amorçant à ce moment-là la pompe et mettant en route un engrenage qui ne s’arrêtera plus ensuite : il fallait des bébés à vendre. Avant, ils exportaient des bananes, ensuite, ils exportèrent des enfants.
Il ne se privera pas non plus pour dénoncer le travail d’esclaves que font subir les multinationales aux femmes, les faisant bosser durant des heures, en leur donnant juste de quoi ne pas s’endormir à leur poste de travail… Non, ce n’est pas du Raide Bull, ce sont des pastilles et non, ce ne sont pas des Valda… Vous m’avez compris ? De la drogue, pour ceux qui seraient mal réveillés. Et elles sont payées des clopinettes et pas question de monter un syndicat ou de parler de grève.
C’est un roman très noir qui explore la face cachée et sombre du Guatemala, qui nous plonge dans les quartiers miséreux, où les flics n’osent pas aller. De toute façon, les flics sont des pourris, corrompus jusqu’à la moelle, comme tout le système du pays, chacun prélevant son écot sur le dos des autres, telles des tiques sur le dos d’un chien.
Non, pas d’éthique dans ce système, le Guatemala étant décrit par ses habitants comme un Moloch qui dévore ses propres enfants. La population se fait parfois justice elle-même, lynchant une personne en l’accusant d’avoir tué une gamine (après enlèvement), alors que cette personne porte en elle la vie. La logique fait toujours défaut à la foule enragée, c’est bien connu. Elle veut du sang.
Le monde décrit dans ces pages est terrible, horrible, merdique, sombre, mais au moins, à la fin, l’auteur nous offre une loupiote d’espoir, une petite flamme brillante qui nous fait refermer le livre avec un petit sourire de joie. Et croyez-moi, il faisait du bien.
Un roman noir sans concession, qui parle d’Histoire et de squelettes dans les placards, de violences faites aux femmes (c’est toujours pour nous), aux enfants, tandis que les hommes boivent, ne foutent rien, frappent leurs femmes, tout en les laissant trimer à l’usine. Bref, une société dans laquelle il vaut mieux être un mec qu’une meuf. Un magnifique roman, qui frappe où il faut et qui vous remuera les tripes.
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