Citations de Patrick Lapeyre (129)
Et plus il avance dans cette obscurité en tâtonnant le long des parois, plus il oublie bien entendu le chemin du retour.
Parce qu'il existe des chagrins dont on ne revient pas.
Depuis des années, Cooper est prisonnier d'un après-midi.
Elle s'est approchée de lui en le fixant avec des yeux impressionnants, des yeux intelligents et tristes comme il n'en a jamais vu de sa vie, et il a baissé la tête en se serrant contre elle et en récitant intérieurement un acte de contrition.
Même s'il sait que ce n'est la faute de personne.
Puisque l'amour est sans solution.
Il y a peut-être des filles qui disparaissent pour avoir un jour le plaisir de revenir, suppose-t-il après coup en cherchant sa serviette.
Blériot a acquis ce pouvoir étrange d´être à la fois
présent et absent sans entraînement ni travail
particulier, uniquement en écoutant par hasard
un morceau de piano pendant qu´il observait les
volets de ses voisins.
Le caractère de sa mère est toujours aussi problématique et l'atmosphère à la maison aussi pesante, lui résume son père à travers les grésillements du téléphone, comme s'il lui parlait d'un pays tropical où il pleut tout le temps.
Il ne parvient pas à y croire. Il se regarde d'ailleurs droit dans la glace pour voir s'il a l'air d'y croire, mais non, il a les yeux de quelqu’un qui n'y croit pas.
Ensuite, il se sent soudainement calme, presque détaché, comme si, par un effet de dissociation, il était moins dans le moment présent que dans le souvenir de ce moment, et que tout ce qu'il voyait était déjà imprimé sur une planche de photos argentiques.
Tandis qu'il cligne des yeux tourné vers la fenêtre, Blériot éprouve deux sentiments contradictoires, dont il se demande, en y réfléchissant, si le second, l'excitation, n'est pas une sorte d'écran ou de leurre destiné à le distraire du premier, qui n'a pas de nom, mais qui pourrait ressembler à une sorte de pressentiment et de peur de souffrir.
Puis il se soulève sur les mains pour continuer à la regarder, et quand il se met à bouger lentement, attentivement, et que commence cette étrange opération d'absorption, qui est un défi aux lois de la physique - puisqu'en principe deux corps ne peuvent exister simultanément en un même point - les yeux de Nora deviennent d'une limpidité irréelle, presque lunaire.
Où je suis ? répète-t il, parce qu’il a l’habitude de penser lentement – si lentement qu’il est en général le dernier à comprendre ce qui se passer dans sa propre vie.
Il redescend donc la rue en suivant sa pente, sans se soucier de savoir où il va, parce qu’il y a des circonstances où quoi qu’on fasse on va toujours nulle part.
Si, à l’échelle géologique, tous les instants d’une vie ne forment après coup qu’un seul instant, qui résume tous les autres, Vicky aimerait que ce soit celui-là, celui où elles écoutent tête contre tête la musique de REM sur le quai d’une gare, en été, quand les portes de la vie sont encore grandes ouvertes.
Pourtant les longs tête-à-tête, les nuits qu'on passe ensemble, les promenades à deux pendant les premiers mois permettent normalement de pressentir la part de bonheur ou de malheur que l'autre lui apportera. (p.48)
Blériot ne sait pas quand ils ont commencé à s'éloigner l'un de l'autre. Le jour où il s’en est aperçu, c'était déjà fait. (p.46)
Sa femme et lui sont donc globalement dans le même espace, vivent dans la même temporalité, dormant tantôt ensemble - dans la chambre de Sabine-, tantôt chacun à son étage, et pourtant on dirait qu'ils vivent dans deux mondes différents, infiniment éloignés. (p.42)
Peut-être parce que certains événements attendus trop longtemps - deux ans et deux mois dans son cas - excèdent notre pouvoir de réaction, en débordant notre conscience, et ne sont plus ensuite assimilables que sous forme de rêves. (p.12)
Elle respirait si calmement en dormant qu’on aurait cru qu’elle avait la faculté d’augmenter le silence de la chambre.
A cet instant, il paie pour qu'elle reste avec lui, pour qu'elle cesse de lui mentir, pour qu'il cesse de penser qu'elle lui ment et pour que leur vie ait encore un sens. Tout est compris dans l'addition.
Le temps que la chanson se termine, toute trace de tristesse ou d'amertume a disparu de son esprit. On dirait que le processus de désagrégation de leur couple a été stoppé comme par magie. Il ne faut plus rien toucher.