Citations de Patti Smith (496)
Ce n’est pas si facile d’écrire sur rien.
C’est ce que disait le cow-boy au moment où j’entrais dans le rêve. Vaguement bel homme, intensément laconique, il se balançait dans un fauteuil pliant, le dos calé contre le dossier, son Stetson effleurant l’angle extérieur brun foncé d’un café isolé.
Incipit
L’air était carnaval, saisissement pur. J’ai ouvert la porte grillagée et je suis sortie. J’ai senti l’herbe crépiter sous mes pieds. Je sentais la vie - un charbon ardent jeté sur un coeur de foin.
L’esprit d’un enfant est pareil à un baiser sur le front - ouvert et désintéressé.
Je me suis assise sur mon porche de guingois et j'ai contemplé avec une joie de gamine mon jardin piqueté de pissenlits résistants. Le vent s'est levé et j'ai senti les effluves de la mer. J'ai verrouillé ma porte et refermé le portail tandis qu'un chat errant se glissait par une latte flottante.
Désolée, pas de lait aujourd'hui, uniquement de la joie. Je suis restée devant la palissade délabrée. Mon Alamo, ai-je dit. Ma maison avait désormais un nom.
Nous aussi, nous allions prendre les armes, les armes de notre génération-la guitare électrique et le microphone.
La complexité de mes émotions était si profonde qu'elle me portait au-delà du royaume des larmes.
Chaque jour est précieux, parce que nous respirons encore pour rester attentifs, chacun à notre façon, émus par la lumière qui tombe sur une haute branche, la table de travail le matin, la tombe d'un poète bien-aimé.
Pourquoi ne puis-je écrire des mots qui réveilleraient les morts ?
Soixante-dix ans. Un simple nombre, mais qui indique le passage d’un pourcentage significatif du temps alloué dans un sablier, sachant qu’on est soi-même l’œuf dont on mesure le temps de cuisson.
Le romantisme ne suffisait pas tout à fait à apaiser mes besoins de nourriture. Même Baudelaire devait manger. Ses lettres contenaient de nombreux cris de désespoir dus à son manque de viande et de bière brune.
La lune était sur la couverture du magazine Life, mais sur la couverture de tous les quotidiens c'était le brutal assassinat de Sharon Tate et de ses compagnons qui s'étalait. Les meurtres de Manson na cadraient pas du tout avec ma vision du crime empruntée aux films noirs, mais c'était le genre de nouvelle à enflammer l'imagination des habitants de l'hôtel. Pratiquement tout le monde était obsédé par Charles Manson. Au début, Robert a passé en revue le moindre détail de l'affaire avec Harry et Peggy, en revanche je ne supportais pas d'en parler. Les derniers instants de Sharon Tate me hantaient, j'imaginais son horreur quand elle avait su qu'ils s'apprêtaient à massacrer son enfant à naître. Je me suis réfugiée dans les poèmes que je gribouillais dans un cahier orange. En matière de tragédie, l'image de Brian Jones flottant sur le ventre dans une piscine était suffisamment insoutenable pour moi.
Ma réaction à cet aveu a été plus viscérale que je ne l'avais prévu….
Dans mon imagination livresque, l'homosexualité était une malédiction poétique - j'avais glané ces idées dans Mishima, Gide, Genet. Je ne savais rien de la réalité de l'homosexualité. Je pensais qu'elle allait irrévocablement de pair avec l'affectation et l'extravagance. Je m'enorgueillissais de ne pas porter de jugement, mais j'en avais une conception étroite et provinciale. Même en lisant Genet, je voyais ses hommes comme une race mystique de poètes et de marins. Je ne comprenais pas pleinement leur univers. Si j'aimais Genet, c'était en tant que poète.
Nous restions fidèles à notre serment, Robert et moi. Aucun de nous deux ne quitterait l'autre. Je ne l'ai jamais vu par le prisme de sa sexualité. Mon image de lui est demeurée intacte. Il était l'artiste de ma vie.
Je suis certaine que je pourrais écrire indéfiniment sur rien. Si seulement je n’avais rien à dire.
Un dessin blanc dépeignant l' air rejeté. Après le départ des oiseaux. L' angoisse blanche photographiée par Rimbaud alors qu'il franchissait le Saint-Gothard. La gaze dans laquelle pleurent les morts.
Un dessin blanc pour orner le mur d' un avant-poste, ou le café désert.
La contradiction est souvent la voie la plus évidente vers la vérité.
En toute chose existe un phénomène d'écoulement. Les photographies déversent leur histoire. Les livres déversent leurs mots. Les murs leurs sons.
Nous sommes rentrés chez nous, main dans la main. Pendant un instant, je suis restée en arrière pour le regarder marcher. Sa démarche chaloupée de marin m'avait toujours touchée. Je savais qu'un jour je m'arreterais et qu'il poursuivrait sa route, mais jusque-là rien ne pouvait nous séparer.
J'ai vu une beauté abîmée drapée de mousseline de soie loqueteuse, assise sur le bord d'un lit. Il m'a raconté son histoire. Je me suis tout de suite sentie en sécurité en sa compagnie. Il avait été danseur classique, mais n'était plus que morphinomane_ un mélange de Noureev et d'Artaud. Ses jambes étaient encore musclées, mais il lui manquait la plupart de ses dents. Comme il avait du être splendide avec ses cheveux d'or, ses épaules carrées et ses pommettes hautes . Je me suis assise sur le seuil de sa porte _ et j'ai été le seul public de sa performance onirique, qui consistait à longer le couloir d'un pas glissant, mousseline au vent, telle Isadora Duncan, en chantant_"Wild is the wind" dans une version atonale.
Il m'a raconté l'histoire de plusieurs de ses voisins, chambre par chambre, et de ce qu'ils avaient sacrifiés à l'alcool et à la drogue. Jamais je n'avais vu une telle accumulation de malheur collectif et d'espoirs brisés_ des âmes oubliées, qui avaient gâté leur vie.
Cette année-là les best-sellers étaient " Le jeu de l'argent" d'Adam Smith et "Acid test" de Tom Wolfe, ce qui représentait bien la polarisation rampante qui sévissait dans notre pays.
Je ne me reconnaissais dans aucun des deux.