Citations de Philippe Besson (3451)
Je ne serais pas fichu de disserter sur le hasard et la nécessité. Je sais juste que le hasard nous a jetés l'un contre l'autre et que la nécessité nous a gardés collés l'un à l'autre, voilà.
Il faut arranger nos souvenirs. Sans ça, la vie n'est pas supportable.
C'est à raison que les bonnes gens lui reprocheraient son égoïsme. De toute façon, les bonnes gens ont toujours raison. Toutefois, elle s'en moque.
Luca lui a révélé qu'elle était encore vivante, encore capable d'emballement, de ferveur, de fièvre, de lâcher-prise. Et quand on a fait pareille découverte, comment continuer à vivre dans la torpeur, la facilité ? Ce n'est même pas une question de courage. C'est juste une question de respect de soi.
Accident inattendu. Accident délicieux néanmoins, et qui ne lui arrache pas un remords, ne provoque pas chez elle le moindre sentiment de culpabilité. Bien entendu, la chose la déconcerte mais elle ne lui accorde pas le statut - exigeant - de faute. Le péché, tout de même, ce serait autre chose.
Elle est sans amarres. L'unique attache est au livre en train de s'écrire.
Dans cette affaire, c'est encore Louise qui s'en tire le mieux. Elle est au centre de tout mais comme elle ne dit presque rien, elle ne court pas le risque de commettre des erreurs. Alors que les deux hommes, eux, les pauvres bougres, ils s'enfoncent gentiment sans qu'une main songe à les secourir. Ça n'est pas facile, des retrouvailles : il s'en doutait.
Je suis Thomas Sheppard, les gens m'ont toujours appelé Tom. Les gens, ce sont mes parents, les garçons qui ont grandi en même temps que moi, les vieux, les commerçants.
"Betty, à l'évidence est de ces gens qui estiment qu'on peut être heureux si on le décide, que la légèreté nous sauve, que ce n'est pas inconcevable d'être inconsolable et joyeux à la fois"
On a les héritages qu'on peut.
C'est cela la finalité exacte de l'écriture : ne plus se reconnaître soi-même, c'est la plus éclatante des victoires, c'est la mesure de la réussite.
Soudain, il lui revient qu'elle écrit parfois des livres prémonitoires. Elle invente des histoires et celles-ci finissent par arriver. C'est une chose extraordinaire. Plus d'une fois, ce qu'elle a créé a fini par advenir. Elle posséde un don de voyance. L'écriture, c'est ce don. Elle dit : "Je suis l'écrivain du pressentiment."
Elle a abandonné il y a longtemps le crissement de la plume contre le papier. Presque tout de suite, en fait. Dès le premier lmivre achevé. Elle a dit : c'est trop d'efforts, trop de fatigue ; il lui avait fallu des mois pour revenir de cet épuisement physique. Elle a appris la facilité du clavier, l'agilité de ses doigts, la fluidité de ça. Et puis, surtout, elle a découvert que toutes ses erreurs disparaissaient, qu'elles s'effaçaient d'elles-mêmes. Plus de ratures. Il lui a semblé que l'écriture était moins heurtée, moins hésitante, moins blessée. Ce n'est qu'une illusion, bien entendu, mais l'écriture n'est absolument rien d'autre qu'une affaire d'illusion.
Il faut arranger nos souvenirs. Sans ça, la vie n'est pas supportable.
Je n'ai cessé de me demander d'où ils tenaient cette attirance pour d'autres ciels, alors que le ciel est le même partout
Nous sommes ainsi faits : une fois qu'on nous a indiqué quel cadeau nous allons recevoir, nous ne brûlons que d'une seule envie, c'est de le recevoir, et au plus vite.
Les intimités les plus violentent demandent à être apprivoisées à nouveau dès lors qu'elles ont été quittées. Il faut refaire tout le chemin une fois qu'on s'en est écartés, repartir de zéro lorsqu'on a perdu la partie, ne serait-ce qu'une fois.
Il comprend un peu cette affaire de renoncement, le regret de ce qui n'a pas été accompli, ce deuil de la jeunesse.
Que m'importe qu'il n'ait pas souffert. Il est mort, c'est tout.
Tu vois, en dépit de mes affirmations, je n'en ai pas encore terminé avec l'espoir.
Quand l'histoire commence, on est dans la violence de l'été, l'extravagante violence des étés italiens. Le soleil tape si fort qu'il rend insoutenable au regard le blanc des façades alentour. Il fait aussi la pierre brûlante: impossible d'aller pieds nus. La mer au loin est étale, striée de reflets, on dirait des diamants. Et puis, il y a ce bleu, le bleu du ciel, partout, sans taches, électrique, tellement pur. Et pas un souffle d'air.