"Ce livre, s'il brûle, ne peut brûler qu'à la manière de la glace." (C. Baudelaire, Notes sur "Les liaisons dangereuses", 1866)
Tout a été écrit sur ce chef d'oeuvre incroyable et bien mieux, certainement, que je ne pourrais ou voudrais le faire.
"(...) il veut le dire, et il ne le dira pas (...)"
Il s'agit d'un petit ouvrage d'apparence bien innocent mais qui, une fois entr'ouvert, nous fait plonger, en état d'apnée, dans les abysses du coeur humain. La nuit y est complète, le froid intense et le lecteur y subit des pressions insoutenables.
Comment lire sans frémir, entre dégoût et fascination, les discours tenus par Merteuil et Valmont dans leurs échanges épistolaires : les mots y sont des armes, les phrases des machines à souffrir ? Car, plus que ces fantoches de papier, c'est le style le véritable héros du roman : chaque lettre est un diamant facetté réfléchissant, dispersant et reflétant sa noire lumière.
Les livres peuplés de suborneurs pervers, de salopes magistrales, de bigotes séduites et abandonnées ou de petites filles dévoyées ne manquent pas mais aucun jamais ne leur avait prêté une telle voix et un tel talent.
Si le Vicomte de Valmont y atteint des sommets de cynisme, Cécile de Volanges des cimes de naïveté et la Présidente de Tourvel des abîmes de souffrance, la Marquise de Merteuil, cette gorgone, vengeresse de son sexe ("Il n'est donc point de femme qui n'abuse de l'empire qu'elle a su prendre!"), incarne à elle seule le Roman, l'art même du conteur ("Je suis mon ouvrage."). Insinuante, persuasive, trompeuse, elle mène son monde et le lecteur par le bout du nez. "Il faut vaincre ou périr. (...) je veux l'avoir, je l'aurai (...)".
Laclos nous a eu et nous aura encore longtemps.
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