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Critiques de Pierre Louÿs (129)
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La femme et le pantin

Une fois de plus, un homme « mûr » s'éprend d'une jeunette qui profite de lui. Ce thème largement exploité dans la littérature se lit avec plaisir sous la plume de Pierre Louÿs. L'auteur troque donc sa Grèce antique coutumière contre l'Espagne fin-de-siècle, qui sert ici de décor. Le pauvre homme éperdument amoureux est près à faire toutes les concessions et subir tous les outrages pour obtenir les faveurs de la belle. Les descriptions du corps de la jeune Concha n'ont d'ailleurs rien à envier à celles d'Aphrodite ou de Bilitis. Nous sommes cependant, dans ce roman, moins dans l'érotisme que dans la passion. C'est un peu convenu à mon goût mais on suit avec une réelle curiosité l'évolution de cette relation amoureuse. Je me souviens également de la très provoquante Marlène Dietrich dans le film éponyme de Josef von Sternberg.
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La femme et le pantin

Très bien écrit !



J'ai découvert Pierre Louÿs avec Trois filles de leur mère et je me suis dit que ce livre serait un peu du même acabit. Bon ok, érotique si c'est le mot qui convient..

Pas du tout évidemment. Et c'est pourquoi Pierre Louÿs est un immense écrivain ! Récit de voyage de la fin du 19eme siècle, j'ai lu la version illustrée notamment par le tableau de Goya 'Le Pantin'. Qui illustre parfaitement le récit. L'histoire est particulièrement prenante. On est fasciné par cet homme qui tombe sous l'emprise de cette très jeune femme cruelle et manipulatrice. On souffre avec lui, on voudrait qu'il arrête les frais, mais sans cesse il revient à elle. La tension est intense et le récit haletant.

J'ai adoré !
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La femme et le pantin

Quatre ans après les chansons de Bilitis, Pierre Louÿs publie en 1898 ce roman à l’écriture âpre, fluide et acérée. Plus d’un siècle plus tard, on lit cette histoire terriblement actuelle avec autant d’intérêt. Il s’agit de la trajectoire d’une femme fatale, qui inspira un grand nombre de cinéastes : Jacques de Baroncelli en 1928, Joseph von Sternberg – avec Marlène Dietrich – en 1935, Julien Duvivier avec Brigitte Bardot en 1959, Luis Bunuel en 1977 avec Carole Bouquet et Fernando Rey.

André Stevenol est un beau jeune homme qui vient chercher l’aventure à Séville, pendant la Feria. Il croise le regard brûlant de Conchita Perez, qui lui donne aussitôt rendez-vous. Elle aussi est en chasse …. Entre-temps, il rend visite à un riche espagnol de ses amis, célèbre coureur de jupons, qui le met en garde contre cette femme qui, plusieurs années durant, l’a fait atrocement souffrir. Don Mateo Diaz lui conte ses malheurs. Cependant, l’appel du désir – ou du danger – sera le plus fort.

Aujourd’hui, pour ceux qui ont lu les livres de Marie-France Hirigoyen, le cas est clair : il s’agit d’une classique situation d’emprise, la prédatrice présentant les caractéristiques d’une personnalité perverse narcissique. Elle provoque ses amoureux jusqu’à la violence physique et les tient en son pouvoir maléfique jusqu’à leur ruine morale et financière. Entre ses mains, ils deviennent des pantins, comme dans le tableau de Goya où l’on voit quatre jeunes filles faire sauter en l’air, dans un drap noué aux quatre coins, une marionnette à taille humaine.

Après s’être glissé dans la peau d’une amoureuse douce et lascive, Pierre Louÿs passe ainsi de l’autre côté du miroir, dans la tête d’une tourmenteuse consciente de son pouvoir, bien décidée à sortir, par tous les moyens, de sa condition. Un objectif très à la mode dans cette période de bouleversements économiques et sociaux du tournant du siècle, qui vit les plus modestes filles devenir de richissimes courtisanes.

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La femme et le pantin

C'est dans le but d'entendre ma culture littéraire classique que je me suis dirigée vers ce petit roman qui nous conte la naissance d'ube obsession du narrateur pour une jeune femme rencontrée lors d'un carnaval à Séville. Certes, je ne suis pas une grande fanatique des écrits que les écrivains ont produit au cours du 19ème siècle pour y exprimer leur admiration pour l'Espagne, mais qui sait, celui-ci aurait pu être différent...

Si j'ai apprécié l'élégance de la plume de l'auteur en revanche l'histoire m'a laissée complètement de marbre. Ce récit ressemble beaucoup au Carmen de Mérimée dont je suis loin d'être une admiratrice... Cette impression de réchauffé rajouté au manque d'intérêt ou d'empathie pour les tourments du personnage me font dire que ce ne sera pas une lecture marquante. Et il est probable qu'il aille rejoindre les "vite oubliés" même si le livre n'est pourtant pas mauvais.

Un rendez-vous raté, malheureusement !
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La femme et le pantin

Quand un libertaire devient libertin, c'est un régal !
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La femme et le pantin

Voilà un auteur aux mœurs flaubertiennes qui m’intrigue, selon l’appétissant portrait qu’en dresse M. Carcassonne dans sa préface qui débute de façon toute personnelle, mais que, comme tant d’autres, je n’achevai pas parce qu’au seuil du roman elle s’apprête à déflorer toute l’intrigue – et pourquoi n’en font-ils pas des postfaces, plutôt ?! D’un style sans ambages, mu par l’entraînement des faits, exact quoique sans atermoiements et en cela moins puissant parce que le défaut de parure signale en général un manque de profondeur – récit dédié au rythme de la progression, une volonté plutôt qu’une lacune, 150 pages enlevées et efficacement agaçantes, sur un thème proche du Carmen de Mérimée.

Mateo, riche, s’éprend d’une espagnole mineure, Concepción, vierge, et pauvre, d’une beauté presque scandaleuse de candeur et de cambrure. Elle réussit sans mal à se faire désirer, et, partant, enchaîne les tentations, obtenant de l’homme beaucoup d’argent en refusant toujours à se donner, ajournant sans cesse « par pureté » le moment de ce trop symbolique engagement. La torture de frustration et d’indécision que subit dès lors Mateo, en alternances de promesses et de fuites, le contraint alternativement à toutes les fureurs et à tous les repentirs, car lui et le lecteur ne savent vraiment qu’aux dernières pages si Concha est sincère dans ses vœux chastes ou si elle se joue odieusement de lui. Cela crée un mouvement permanent de flux et de reflux, où le report incessant des échéances sexuelles contribue chez Mateo à un sentiment bouillant d’injustice contrebalancé pourtant par les témoignages troublants de la tendresse suggestive de la fille : cet imbroglio fait certes de l’homme un pantin, mais on ignore s’il s’agit du pantin d’un être machiavélique ou de celui de ses propres désirs. L’argent qu’il offre sert perpétuellement à prouver son attachement et doit ainsi être pris par elle en tout honneur, c’est néanmoins aussi à quelque degré une variété d’achat dont elle est en droit de s’indigner : les deux attitudes, paradoxales et sises de part et d’autre d’une frontière ténue qu’un détail peut venir traverser, alternent en des crises dont on s’interroge, Mateo le premier, si elles consistent en des simagrées ou des indignations sincères.

Les souffrances du jeune homme, certes, proviennent de son tempérament qui capitalise sur des paroles et qui légitime des mouvements de refus : il est faible, au fond, et il tient, on ne sait pourquoi ou plutôt : encore ! suivant une convention amoureuse d’une moralité inutile, à n’aller pas faire penser à sa fiancée qu’il est particulièrement sensuel et que son corps l’attire – mais pourquoi se fasciner pour une danseuse pieuse, alors ? c’est la contradiction qui lui coûte ! Et puis, par un jeu opportuniste ou hasardeux, c’est lorsque la force de conviction sacrificielle de Mateo est le plus vulnérable, quand il s’est trouvé si déçu et mécontent, si scandalisé, qu’il jure d’abandonner définitivement la fille à ses retournements inqualifiables et révoltants parce qu’il a tout perdu et n’a plus rien à péricliter, qu’elle trouve le moyen de revenir et de le tenter non tant même par ses sensualités que par ses explications : on rencontre que plus Mateo engage dans sa relation (de promesses, de temps, d’argent, d’émotions), plus il est sous le pouvoir de Concha : historique méthodologie de la femme pour s’approprier les ressources d’un homme, quelle qu’y soit la part de sa conscience. À chaque réinvestissement dans la relation amoureuse, Mateo perd de l’individu et disparaît dans une variété irrationnelle du caprice où naturellement la femme se trouve en grande supériorité : il ne manquerait plus que Mateo s’effondre dans la bouderie et se mette à pleurer ! Et voici un combat, un duel, comme une envoûtante tauromachie où il suffirait à la bête de laisser exprimer sa fureur sans discontinuer – il finirait par pourfendre –, au lieu de quoi ses inquiétudes et ses doutes, la sorte d’hypnose qui le tient captif de cette absurde tauréador gesticulant et si costumé pour ne pas dire trop vêtu, le soupçon vague qu’au juste la danseuse ne lui veut pas de mal, lui donne le dessous, implacablement : le taureau, qui se voit pourtant le plus puissant, n’ose pas user de sa force, l’imbécile ! Il atermoie et devient songeur ; on se sert de lui – c’est l’histoire condensé de la femme et de l’homme. Au comble de ce rapetissement de la virilité, le récit connaît un dénouement surprenant autant que logique, où chacun retrouve la place dont il n’aurait jamais dû déchoir.

Un beau conte moral sur le mélange des sexes, en somme, et presque un apologue. Il est vrai que son enseignement serait, chez un lecteur plus mature et plus mâle que ce pauvre pâle adolescent d’homme qu’est Mateo, encore limité, contenu dans l’idée que le désir et l’amour ne gagnent rien à des prétextes de romantisme et à l’écoute des doctrines ; c’est tout de même, chez un auteur qui, semble-t-il, multiplia les libertinages et se targuait de n’avoir jamais supplié une femme plus d’une heure, une leçon pitoyable sur la manière dont un homme doit conserver son intégrité en s’empêchant de recourir à de spirituelles passions.
Lien : http://henrywar.canalblog.com
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La femme et le pantin

J'ai beaucoup aimé le début du roman, j'ai trouvé l'écriture juste et les propos vraiment intéressants. Mais arrivée au récit de Don Mateo... je ne sais pas. C'était un peu long et redondant, le personnage féminin (j'ai déjà oublié son nom, ah oui, Concha) est assez captivant au départ et j'ai bien aimé le mystère autour d'elle, mais ensuite dernier tiers j'ai trouvé ça pénible à lire, j'avais envie que ça se termine et qu'on repasse au présent de l'histoire.
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La femme et le pantin

La femme et le pantin/Pierre Louys



« J'arrive : la grille était fermée aux barres. Je sonne : après quelques instants, Concha descend, et me sourit. Elle portait une jupe toute rose, un petit châle couleur de crème et deux grosses fleurs rouges aux cheveux. A la vive clarté de la nuit, je voyais chacun de ses traits. Elle approcha de la grille, toujours souriante et sans hâte : " Baisez mes mains ", me dit-elle. La grille demeurait fermée. " A présent, baisez le bas de ma jupe, et le bout de mon pied sous la mule. " Sa voix était comme radieuse. Elle reprit : " C'est bien. Maintenant, allez-vous-en. "

Ainsi s’exprime Mateo la victime de la perfide Conchita, contant ses mésaventures à son ami André.

Cet extrait à lui seule résume parfaitement l’atmosphère de ce bref roman à l’érotisme léger, paru en 1898.

L’histoire commence avec le jeune et beau André Stevenol de passage à Séville pour y trouver l’aventure. Son chemin croise celui de la belle Conchita Perez qui lui fixe un rendez-vous. Entre temps il rencontre un de se amis Mateo, qui le met en garde contre cette femme qui l’a fait souffrir.

Il lui raconte les mois de tortures morales que la gamine d’alors lui a infligées.

« Si vous connaissez la paix, les nuits calmes, la vie insouciante, tout ce que nous appelons le bonheur, n’approchez pas Concha Perez ! »

Dans un style subtile et fluide, Pierre Louys nous fait vivre les affres de Mateo, la quarantaine environ, que la rencontre de la jeune Conchita âgée de 15 ans, une prédatrice, va rendre fou d’amour et de jalousie. Allumeuse et même plus, elle se dérobe au moment crucial après avoir dévoilé tous ses charmes au pauvre Mateo et l’avoir mis en ébullition.

Et Mateo de conclure :

« Après ce qui s’était passé, je n’avais que trois partis à prendre : la quitter, la forcer, ou la tuer. »

À lire pour savoir comment Mateo et André s’en sont sortis !



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La femme et le pantin

Selon Lacan "le désir est l'écart entre la demande ( inconsciente ) et le besoin (conscient ), mais d'Epicure à Lacan en passant par Platon, Nietzsche, Spinoza.. les définitions fluctuent ! le roman de Pierre-Félix Louÿs auteur reconnu pour son gout pour une sensualité et un érotisme élégants s'est inspiré des mémoires de Casanova pour raconter les " affres " d'un homme de 40 ans dévoré de désirs envers une jeune andalouse de 15 ans !

1896 : c'est le carnaval à Séville, et au milieu de la foule, des oeufs remplis de papillos ( confetti ), des voitures, des rires et de la liesse générale : André Stévenol entrevoit une jeune femme : Concha ! Mais le lendemain, sur son chemin il croise don Mateo qui va lui raconter son histoire " d'amour " avec elle....

Concha Perez travaille à la Fabrica de cigares comme " Carmen " dans l'opéra de Bizet : elle est jeune, belle, sensuelle et provocante mais elle veut se faire désirer par ce riche andalou ! Elle va se refuser à lui, l'aguicher et profiter de son ascendant sensuel pour en faire sa marionnette !

Trois versions ont été filmées à ce sujet :

*en 1935 par Josef von Sternberg avec Marlène Dietrich dans le rôle de Concha * en 1959 : par Julien Duvivier avec Brigitte Bardot et enfin * en 1977 par Luis Bunuel avec Carole Bouquet !

Le roman est assez décevant par rapport au film que j'avais vu à la TV avec Bardot !
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La femme et le pantin

Nous voilà en 1896, à Séville, au Sud de l'Espagne avec André Stévenol, un français qui vient à peine de débarquer dans ce petit coin de paradis, et qui se trouve être en plein carnaval. Dès son arrivée, il est littéralement subjugué voire hypnotisé par la beauté d'une jeune-femme, qu'il aperçoit à travers la foule en délire. C'est un coup de foudre pour lui, et fera tout pour la revoir. D'ailleurs, il la retrouve puisqu'elle lui donne même rendez-vous le lendemain.



Mais entre-temps, il rencontre, Matéo, un noble sevillan. Tous les deux vont discuter un peu et, André tout heureux va lui parler de son fameux rendez-vous avec cette jeune-femme au doux nom de Doña Conception Garcia, plus connue sous Concha ou Conchita.

Matéo est tellement sous le choc, qu'il ne peut faire autrement que de lui raconter son histoire. Son histoire d'amour à sens unique. Lui, pantin de Conchita.

Lui, fou amoureux d'elle au point d'en être aveuglé par toutes ses manipulations, sa personnalité perverse et j'en passe. La nana est complètement givrée. Se servir à ce point là de l'autre, c'est juste abusé et malgré tout ça, Matéo espérait encore et encore avec toujours de faux espoirs au final. Un jouet. Son pantin.



Ce qu'il y a de pire, c'est ne pas s'en rendre compte ou de s'en rendre compte et ne pas réagir



J'ai trouvé l'histoire totalement fabuleuse avec une plume tout autant délicieuse.

Mais lire un livre dans la catégorie "les classiques érotiques" on s'attend tout de même à voir un chouïa, un tout petit, little passage érotique. Vous serez déçus, car il n'y a pas de ça. Seulement quelques passages avec des bisous. Mais pas grave, Conchita est tellement folle qu'on oublie tout ça. Pis la fin..... holala. Pitoyable.



Je découvre donc pour la première fois de ma vie, Pierre Louÿs et, j'espère avoir l'occasion de voir le film.

C'est un livre que je vous recommande chaudement !

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La femme et le pantin

Ceux qui avaient été séduits par les poèmes de Bilitis (Je ne parle pas du film...) seront déroutés à la lecture de ce livre. On est toujours dans un univers sensuel, voire érotique, mais bien plus âpre, plus dur et chargé d'intrigues.

Pierre Louÿs reste pour moi un écrivain étonnant, qui livre une oeuvre intéressante mais je ne sais toujours pas vraiment où il voulait aller.

C'est un poète, un esthète, certainement, mais je ne suis pas sûr d'avoir saisi la cohérence de son oeuvre...
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Le crépuscule des nymphes

«On sait qu'Aphrodite fut d'abord une mince plaquette éditée en 1893 sous le titre de Chrysis. Pendant qu'il ébauchait ainsi son immortel roman, Pierre Louys préparait un recueil de sept nouvelles antiques, puisées à la même source limpide, glorifiant les mêmes voluptés, composées avec le même souci d'art et de perfection. En 1893, il publia Léda à cent-vingt-cinq exemplaires. Puis, avec une égale indifférence pour le public, il fit paraître à tirage limité, pour ses amis, Ariane, La Maison sur le Nil, Byblis. La cinquième de ces précieuses nouvelles, Danaé, ne fut même jamais éditée en librairie et ne parut que dans un numéro du Mercure de France. Dès 1894, Pierre Louÿs annonça les deux derniers inédits (La Sirène, l'Amour et la Mort d'Hermaphrodite) qui allaient clore cet éblouissant cortège de beautés nues ; ils ne furent jamais composés.

Le titre général devait en être tout d'abord l'Heptaméron d'Amarillys. L'auteur préféra un moment Les Sept Douleurs. Enfin, il s'arrêta à celui que nous avons pris aujourd'hui et qui résume avec tant de bonheur toute la grâce et la troublante mélancolie de ses héroïnes.

Pour la première fois, le Crépuscule des Nymphes présente au public, en édition collective, l'oeuvre la plus caractéristique d'un écrivain qui a toujours négligé la gloire et que la gloire ne cesse de poursuivre.»



C'est ce qu'on peut lire en présentation des éditions Montaigne en 1925, relayé par Agnès Vinas sur le site internet « Méditérannées » et dont j'ai copié la couverture.



C'est effectivement dans la droite lignée de Aphrodite ou Bilitis. On y retrouve tout ce qui fait le style de Pierre Louÿs. Sa ré-interprétation de l'antiquité grecque émaillée d'érotisme voluptueux continue de me ravir. Plus largement, il s'inscrit parfaitement dans l'esprit culturel « fin-de-siècle », à la suite de plusieurs écrivains, peintres, sculpteurs… Les connaissances qui suivent les découvertes archéologiques de cette époque permettent aux écrivains d'articuler des récits où se mêlent un regard sur les sociétés et mythologies antiques avec un érotisme de plus en plus débridé, que le public affectionne. On assiste au même courant dans les arts plastiques où, par exemple, les peintres orientalistes excellent. Les nus de Chasseriau ou de Delacroix s'inscrivent dans cette mouvance. Rodin n'est pas en reste.

De nos jours, encore, des esprits chagrins sont prompts à s'indigner de ces récits érotiques ou parfois pornographiques. C'est se priver d'un grand plaisir littéraire. A notre époque faussement puritaine, où l'on rend les clients des prostituées pénalement responsables mais où l'on ne compte plus les sites pornographiques, où une sexualité non conventionnelle est encore considérée comme déviante, il serait salutaire de faire le point sur la notion de morale. Dans un autre domaine, on accepte facilement que notre capitalisme exacerbé, octroie des dividendes indécents aux actionnaires de certaines entreprises, alors qu'on laisse plusieurs millions de français vivre sous le seuil de pauvreté. Vraiment, interrogeons-nous sur ce qui fonde notre morale !

Les sociétés antiques ne se posaient pas cette question. La liberté de moeurs y était acceptée voire encouragée. Je vous encourage à lire ou relire des auteurs comme Pierre Louÿs. Vous verrez, c'est très salutaire. Pour ceux qui aiment ce style, bien sûr.

J'oubliais de signaler que c'est sur la version Wikisource que j'ai lu ce texte. Dans cette version, en deuxième partie du "Crépuscule des nymphes", quelques courts récits regroupés sous le titre "Lectures antiques", reprennent plusieurs écrits pas toujours très connus. L'objectif de l'auteur était de faire connaitre ces textes et ces auteurs au grand public de l'époque. On retrouvera donc de courts récits oubliés de Procope, Nossis, Aristophane ou encore Pindare.
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Le nom de la femme

Les dames de louys
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Les aventures du roi Pausole

Réjouissant
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Les aventures du roi Pausole

"Attention, roman euphorisant !" clamait le petit papier ornant la couverture de ce livre, en librairie. Voilà la manœuvre commerciale éhontée à laquelle se sont livrées les éditions Garnier Flammarion. Et ça a marché : j'ai saisi le livre, contemplé l'illustration, lu la quatrième de couverture ... (Pour les voir, il suffit de cliquer ici) Et me voilà partie avec. J'ai gardé le petit papier, afin d'orner certains livres avec, dans de viles manœuvres d'auto-persuasion.

Et alors ? Au bout du compte ? Eh bien, ce fut une très agréable (et surprenante) découverte. Pour un roman publié en 1900, Les aventures du roi Pausole garde un ton très XVIIIème : conte à portée philosophique, dont l'intrigue se résume en deux lignes et qui fournit le prétexte à des digressions et autres conversations livrées d'un ton léger et badin, quand ce n'est pas un peu polisson ... On se croirait parfois chez Voltaire (d'ailleurs cité à titre parodique) ou chez Diderot. Cependant, Pausole se présente comme un ouvrage contemporain, le roi du pays de Tryphème est contemporain et voisin d'Emile Loubet, président français de l'époque. C'est juste que son pays ne figure pas sur les cartes, il est trop prospère pour ça ... Cela pourrait attirer les touristes ... Alors les géographes ont préféré laisser ce pays en bleu, dans la Méditerranée - comme les critiques littéraires montent des "conspirations du silence" contre les "œuvres fortes", ne manque pas d'ajouter l'auteur. Et à Tryphème, ce pays imaginaire si proche de la France, règne un roi débonnaire qui souhaite avant tout le bonheur de son peuple, en proix au démon de l'incertitude. C'est pour cela qu'il a 366 femmes : une pour chaque jour de l'année, et une prévue pour les années bissextiles. Cela lui évite de se confronter à la perspective d'un choix ... Souverain double, Pausole accorde et recommande une grande liberté de moeurs à tous ses sujets, et le code pénal de Tryphème se résume à deux articles : "Ne nuis pas à ton voisin. Cela étant bien compris, fais ce qu'il te plaît." On ne fait pas plus simple et plus compliqué. En cela, le personnage du roi illustre bien les problèmes complexe que sous-tendent ces déclarations : tandis que les Tryphémoises se promènenent avec pour tout vêtement un mouchoir sur la tête et des mules aux pieds, il interdit cette tenue à sa fille ; de même, alors que mariage et monogamie ne sont pas particulièrement recommandés dans son pays, il est interdit aux femmes de son propre harem de voir des hommes, hormis la seule nuit par an qu'elles passent en compagnie du roi. Cependant, Pausole règne sans se questionner, faisant justice sous un cerisier plutôt que sous un chêne (parce que cet arbre fait autant d'ombre qu'un autre et qu'en plus, il donne de bons fruits) jusqu'à ce que son petit monde s'écroule.
Lien : http://carnets-plume.blogspo..
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Les aventures du roi Pausole

Je l'ai lu dans la version avec les sublimes aquarelles de Carlègle, qui ne sont pas du tout pornographiques, mais plutôt espiègles et provoquantes, un peu comme le texte de Pierre Louÿs. Il s'agit d'une parodie de conte philosophique, un peu à la Candide, mais où la thèse principale, défendue jusqu'à la caricature est le libertinage, et plus largement la liberté. C'est d'une drôlerie et d'une méchanceté jubilatoires. J'y retrouve la liberté de ton absolue qu'on peut aimer dans le Maître et Marguerite de Boulgakov, par exemple, et qui me fait mourir de rire. Je vois aussi beaucoup du Diable Amoureux de Cazotte, avec ce personnage du page Giguelillot en fou du roi et poète qui manipule tout le monde, un peu à l'instar de Scapin. Je comparerais également ce livre au Baron Perché, d'Italo Calvino, qui est également une parodie du conte philosophique, bien que l'ouvrage de l'Italien, dont le point de départ est moins déjanté, est nécessairement moins drôle. Je vais essayer de récupérer l'édition Briffaut car j'ai adoré les dessins.
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Les aventures du roi Pausole

Les aventures du Roi Pausole / Pierre Louÿs

Le Roi Pausole était un souverain absolu mais débonnaire et rêveur. Il régnait, en cette fin du XIXe siècle, sur son royaume de Tryphême depuis vingt ans sans soucis et sans manières. Il rendait la justice sous un cerisier, amoureux qu’il était de ce fruit délicieux. Deux règles étaient à respecter dans le pays : ne pas nuire à son voisin et cela bien compris, faire tout ce qu’il plaisait à chacun. La règle : rendre la vie un peu plus facile et douce en laissant chacun libre d’accomplir tout ce qui ne fait de mal à personne. En résumé, ne fais pas le mal et vis à ta guise. Le Roi se voulait être le premier législateur qui se soit donné pour principe de ne pas ennuyer les gens. Il répétait souvent que la popularité est une lourde charge, mais fou qui rechignerait contre elle !

Le Roi Pausole avait trois qualités selon lui : la paresse, le plaisir et la bienfaisance. Il aimait défiler entre les haies brunes de dix-huit cents jeunes filles nues versant un fleuve de roses rouges sur ses pas. Et il avait un gros défaut : l’irrésolution, procrastinateur en chef, si bien qu’il maintenait son existence dans le circonspect et le provisoire tant il redoutait le définitif. Il écartait de son esprit par un artifice salutaire toute inspiration éventuelle de gérer les affaires publiques, lesquelles étaient confiées au Grand Eunuque, Taxis, véritable maréchal du palais, un être fourbe et antipathique incarnant l’ordre moral et citant la Bible à tout propos. Le Roi Pausole savait être généreux avec les claquedents et tolérant avec les bélîtres.

Trois cent soixante -six femmes peuplaient le harem du palais et toujours aussi irrésolu dans ses choix, le Roi se laissait presque toujours circonvenir nuitamment par la plus hardie. La demeure du Roi était celle de la paix, du repos, du bonheur tranquille et de l’égalité des heures. Chaque Reine avait des droits égaux qui s’affirmaient une fois par an. Ainsi Pausole connaissait l’art d’échapper à tous les regrets en changeant la définition du bonheur sous la dictée des circonstances.

Le Roi Pausole apprend un beau matin que sa fille, la blanche Aline, a quitté clandestinement le palais alors qu’elle n’a que quatorze ans. Autant la chance était douce au roi Pausole de rencontrer par les chemins de jeunes vierges sans vêtements, autant il emprisonnait sa malheureuse enfant. Déçue par l’intolérance de son père si large d’esprit à l’égard des mœurs de ses sujets, elle s’est enfuie accompagnée d’un inconnu…

Un inconnu qui n’est autre qu’une travestie, Mirabelle la belle danseuse, séduite par la blanche Aline elle-même émue par le charme de sa dance et qui voit en Mirabelle une amie chère et complice. Troublante Mirabelle qui fille androgyne se fait occasionnellement passer pour un homme travesti en fille ! Elle enlève la blanche Aline…

Et d’aventure en aventure et d’escapade en escapade, à dos de mule durant les sept kilomètres séparant son palais de la grande ville, accompagné de son page, son Grand Eunuque et quelques-unes de ses femmes, le Roi Pausole se demande chaque jour dans quelle folie il s’est lancé en partant à la recherche de sa fille.

Au fil des jours, le Roi Pausole voit les choses de façon plus clémente et permissive et songe même à permettre aux pages d’entrer dans le harem, allant jusqu’à fermer les yeux sur ce qui se passerait alors.

Ira-t-il jusqu’à dire à sa fille qu’il l’aime assez pour la rendre plus heureuse que lui ? Le tempérament du Roi laisse augurer une issue heureuse…Peut-être l’émancipation ?

Un conte malicieux et subversif au style merveilleusement ciselé par Pierre Louÿs. Un moment de bonheur et de fantaisie, raillant tour à tour la bureaucratie, l’autorité abusive et le puritanisme. Une utopie libertine, vibrante exaltation du plaisir et de la sensualité, tour à tour satirique et enjouée, toujours avec délicatesse.



Extrait des paroles du roi Pausole : « Les lois de notre pays permettent aux romanciers de proposer en exemple tous les crimes de leurs personnages mais non point le détail de leurs voluptés, tant le massacre est aux yeux du législateur un moindre péché que le plaisir. »

« L'importance des révolutions se mesure à l'intérêt que peut avoir le gouvernement à retarder leur réussite. Il n'y a jamais eu qu'une révolution improbable avant le succès et inconcevable dans le souvenir, c'est celle qui vous a donné la liberté religieuse, parce qu'en renonçant au droit divin , le pouvoir s'est privé d'un soutien fondamental qui lui avait assuré jusque - là une stabilité plusieurs fois séculaire. »





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Les aventures du roi Pausole

Bien moins connu que sa sublime « Aphrodite », « Les Aventures du Roi Pausole » est néanmoins à compter parmi les plus grandes réussites de Pierre Louÿs. Bien qu'il ne s'inscrive pas tout à fait dans la série des ouvrages inspirés par l'Antiquité chère à cet écrivain, « Les Aventures du Roi Pausole » évolue dans un royaume imaginaire d'inspiration antique, Tryphême, situé entre la France et l'Espagne. La principauté d'Andorre y a sans doute servi de modèle géographique.

Le Roi Pausole est une sorte de roi fainéant, dont l'activité consiste principalement à manger, dormir et faire l'amour. Occasionnellement, il rend la justice sous un cerisier afin de départager ses sujets qui viennent régler un contentieux. Il se réfère pour cela au Code de Tryphême, l'unique loi qui régit le royaume, et qui ne compte que deux articles :

I – Ne nuis pas à ton voisin.

II – Ceci bien compris, fais ce qu'il te plaît

Cette morale binaire et hédoniste fait le bonheur de tous les sujets du royaume. Une autre règle, tacite et non obligatoire, encourage, sans les obliger, les jeunes personnes des deux sexes à vivre totalement nus, car la nudité est la plus nécessaire des beautés qui enchantent l'oeil humain, de même que les rapports sexuels sont libres, recommandés et nullement assujettis au mariage. L'acte sexuel est à Tryphême une forme de convivialité que chaque jeune homme ou chaque jeune fille se doit d'accorder à n'importe quelle personne qui en exprime l'envie, y compris une personne de son sexe. La lubricité prend ici la forme d'une tendresse charnelle quasiment familiale, qui délivre chaque personne des tourments amoureux des jeunes années, puisque tout le monde est à tout le monde, et qu'il faut véritablement s'acharner pour demeurer chaste et solitaire.

Le Roi Pausole donne lui-même l'exemple en cultivant un harem de 365 vestales, qu'il honore chacune une fois par an, qui ont toutes un statut de Reine et qui vivent nues, nourries et choyées dans le gigantesque gynécée attenant au palais royal. Elles sont libres de demeurer et de partir quand elles le veulent, mais tant qu'elles font partie du harem, elles n'ont pas le droit de coucher avec d'autres hommes que le Roi. Fort heureusement, elles sont autorisées à s'aimer entre elles.

Ces 365 femmes sont placées sous la garde du Premier Eunuque, Taxis, le personnage le plus incongru de tout le royaume; un puritain protestant vêtu de noir, au physique austère et chagriné, qui tente vainement de maintenir l'Ordre au milieu de ces femmes en rut, et de pousser le Roi a faire évoluer son règne selon une morale plus puritaine et plus répressive, ce qui amuse beaucoup Pausole qui prend plaisir à rembarrer et à se moquer de Taxis. Ce dernier n'est d'ailleurs pas physiquement eunuque, c'est sa foi religieuse et sa morale puritaine qui font de lui le plus impuissant et le plus malheureux des hommes, le seul sujet de Tryphême qui y vive en Enfer. À Tryphême, sa fonction est moins celle d'un eunuque que d'un épouvantail, destiné à décourager les sujets du Roi de s'intéresser aux religions, sujets de discordes et de mésententes.

Taxis n'est pourtant pas le seul à mener une vie d'abstinence : le Roi Pausole, veuf, maintient sa fille unique Aline dans une aile secrète du palais avec jardin, où elle est véritablement retenue prisonnière, et ne voit personne excepté ses servantes. Il est vrai qu'Aline est encore jeune, et n'a que quatorze ans, mais déjà elle prend un plaisir malicieux à contempler dans la glace la beauté de son corps nu. Hélas, tout à fait innocente, protégée jalousement par son père de la loi qu'il fait pourtant régner sur ses terres, Aline ne connaît pas encore les plaisirs de la chair. Une rencontre tout à fait inattendue va lui permettre de fuir sa triste existence.

Une pièce de théâtre, donnée en l'honneur de la princesse Aline par une troupe de comédiens français de passage à Tryphême, va en effet éveiller tout à fait les sens de la jeune fille, qui se trouve fortement attirée par le jeune héros de la pièce. Après le baisser de rideau, elle trouve l'audace de rejoindre le comédien dans sa loge et de l'inviter dans sa chambre royale, en lui enjoignant de passer tout de même par la fenêtre car la princesse n'est pas autorisée à recevoir par la grande porte. Or, ce qu'Aline ignore, c'est que ce jeune comédien est en fait une jeune femme, Mirabelle, qui, comme cela se faisait dans le temps, joue sur scène des rôles de jeunes garçons. Néanmoins, n'ayant jamais vu que son père et ses servantes, Aline ne peut mesurer les différences qui existent entre les garçons et les filles, et Mirabelle lui plaît, point final. Par chance, Mirabelle est lesbienne, et elle est complètement sous le charme de cette jeune adolescente à peine pubère, qui lui inspire une attirance saine et un devoir d'initiatrice.

Elle rejoint Aline dans sa chambre, une fois la nuit tombée, et, encore hésitante, lui offre ses premiers baisers. Aline en est toute émerveillée, et prend une décision radicale : elle quitte le palais et part avec Mirabelle. Où qu'elles aillent, elles seront heureuses ensemble.

La disparition de la princesse est révélée le jour suivant au Roi Pausole, qui se retrouve tiraillé entre son désir impérieux de retrouver sa fille chérie et une sorte de paresse à prendre des décisions, car pour le Roi Pausole, régner, c'est d'abord se laisser vivre et ne s'occuper de rien. Pour se motiver, il emmène avec lui Taxis, "Diane à la Houppe", sa reine du jour avec laquelle il a passé la nuit, et un jeune page, Giguelillot, que Taxis a fait arrêter le matin même car il était parvenu à s'introduire dans le harem. Alors que Taxis incite le Roi Pausole à punir sévèrement le jeune criminel, Pausole se dit qu'un jeune homme aussi malin et déterminé lui sera bien utile pour retrouver sa fille, et il l'embarque dans sa quête.

Il n'existe ni véhicules, ni machines à Tryphême, car tout cela est très ennuyeux. Les fuyardes vont donc à pied et le Roi Pausole à cheval, avec son équipage. Mais la poursuite va être très, très longue, même si elle ne s'étalera que sur 7 kilomètres, car Pausole et Giguelillot s'arrêtent ponctuellement pour dévorer des festins et lutiner toutes les jeunes filles bien disposées que les deux hommes rencontreront sur leur chemin – et il y en a vraiment beaucoup !...

Fable utopiste et hédoniste, prônant l'amour libre et la libération sexuelle bien avant Wilhelm Reich, « Les Aventures du Roi Pausole » est une délicieuse fantaisie coquine, qui s'inscrit à la fois dans la lignée du « Décameron » de Boccace et dans celle de la littérature galante du XVIIIème siècle. Quelque chose de puissamment latin, méditerranéen, se dégage de ce roman polisson et jouissif, parfaitement immoral, qui viole impunément et avec une ironie permanente, tous les tabous de son époque, en fustigeant avec férocité la religion et la morale chrétienne, qui sont ridiculisées, bafouées, piétinées avec joie.

La joie est en effet le maître mot de ce roman, où tout est permis parce que c'est bien plus joyeux qu'en se bardant d'interdits. D'ailleurs, le roman se conclue sur le fait que le Roi Pausole n'était pas encore assez libéré, puisqu'il emprisonnait sa fille et se réservait l'exclusivité de son harem. Il décide donc d'offrir sa fille et toutes ses femmes à tous ceux et celles qui en veulent. Il abdique donc de ses privilèges, et renvoie Taxis dans sa France natale, puisqu'il est désormais inutile à Tryphême.

Bien que le roman abonde en allusions salaces, ce n'est pas à proprement parler un roman érotique, car Pierre Louÿs ne s'attarde point à décrire ce que chacun peut imaginer selon sa fantaisie. La licence ici est surtout dans les idées exprimées, dans la liberté des âmes et des corps, voire même dans le refus obstiné de céder au suspense, à une tension narrative ou à des éléments dramatiques. Même l'enlèvement de la princesse n'est qu'un prétexte à s'amuser et à faire l'amour. « Les Aventures du Roi Pausole » est un conte de fées pour adultes, et il a tout pour nous faire rêver, tant les fées y sont nombreuses et désirables, quoique souvent fort jeunes (entre 14 et 16 ans, en moyenne), blondes avec un teint de pêche et rougissant facilement. Les fantasmes de Pierre Louÿs ne sont pas nécessairement ceux de tout le monde, mais il faut être bien malhonnête ou bien coincé(e) pour ne pas les trouver adorables.

Quelques mots également sur l'illustrateur de la très belle édition de 1923, dans la collection des "Maîtres du Livre" des Editions Georges Crès & Co., dans laquelle j'ai eu le bonheur de lire ce roman : elle est abondamment illustrée par Fernand Siméon, dont le trait particulier, typique des "roaring twenties", a su se rapprocher de l'imagerie médiévale, offrant des vignettes aux allures de vitraux (hélas sans couleurs), mais de vitraux hautement coquins, où la nudité féminine y est célébrée comme des scènes de l'Évangile.

Enfin, aussi incroyable que cela puisse paraître, « Les Aventures du Roi Pausole » a été adapté au cinéma en 1933, avec dans le rôle du Roi Pausole le bedonnant et sympathique André Berley, dans celui d'Aline la charmante Josette Day, alors en pleine romance avec Paul Morand, dans celui de Taxis, Armand Bernard, qui fait une très convaincante prestation, et dans celui de la Reine Diane, Edwige Feuillère, pas encore dépoitraillée mais déjà bien dessalée.

En dépit de quelques jolis moments, le film peine à retrouver la jovialité, et surtout la sensualité du roman. Il est vrai qu'on ne pouvait pas déshabiller totalement 300 jeunes filles au cinéma en ce temps-là, et que le noir et blanc donne forcément quelque chose d'un peu sinistre à un décor antique, mais le réalisateur a aussi malheureusement choisi de donner à son film un caractère potache et infantile qui gomme toute l'ironie abrasive du récit de Pierre Louÿs pour en faire une farce très légèrement gauloise et politiquement correcte, l'histoire se terminant même par un absurde double mariage entre le Roi Pausole et la Reine Diane, et entre Aline et Guiguelillot (qui n'est pas un page mais un aviateur venu à bord d'un Canadair, puisque dans le film, Tryphême est une île). Le résultat est donc clairement décevant, le film manquant autant d'audace que de rythme et de moyens financiers, mais tout aficionado de ce magnifique roman y trouvera tout de même quelque contentement à voir ces antiques rêveries si audacieusement mises en images.
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Les aventures du roi Pausole

Et si on dessinait un pont ?

Plus j'y pense plus j'estime que par bien des aspects de l'interrogation morale, la Symphonie pastorale de Gide et son très austère narrateur peuvent être rapprochés de l'oeuvre grandguignolesque de Pierre Louys, ami de jeunesse de Gide, parue 18 ans avant: Les aventures du roi Pausole.

Rien à voir ni dans le style, ni dans le caractère. Mais lisez et voyez.

Deux grands livres en tous cas.

Vive l'amour.

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Les aventures du roi Pausole

O tempora, o mores ! Voilà un livre écrit au début du xxe siècle pour défendre les libertés et légales des sexes. Si jamais il tombait maintenant entre les mains fébriles d'un woke moralisateur il serait brûlé en place publique ainsi que son auteur en effigie. On réclamait son interdiction et l'interdiction d'en parler.
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