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Citations de Roger Caillois (171)


En outre, chaque réveur, le temps de son rêve, sécrète un univers. De la sorte, l'homme est tout ensemble créature et créateur. L'idée de Borges est ici que tout créateur est la créature d'un autre créateur et qu'aucune cause prétendue première ne saurait échapper à cette loi de récurrence infinie.
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Créer, c'est pour Dieu, tirer quelque chose du néant ; pour le poète, pour l’artiste, c'est ajouter au monde par une opération, on aimerait presque dire, par une manipulation appropriée, portant sur les sons, les couleurs, les formes ou les mots.
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L'obsession du labyrinthe s'étend sur plusieurs millénaires, elle a nourri de symboles les rêveries des mystiques, elle continue, sous une forme mineure et avilie, de séduire une foule oisive et frustrée, avide de vertige et de mirage. La nécessité d'une création récurrente correspond à une aporie métaphysique permanente.
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Il se constitue au sein de la société des groupes qui semblent délibérément se séparer d'elle, qui lui sont étrangers, sinon hostiles essentiellement, mais qui sont beaucoup plus sociétés qu'elle et pour ainsi dire sociétés pures. D'où vient qu'ils prennent naissance ? Quel ressort mystérieux pousse les hommes à former ces alliances si étroites qu'ils y sacrifient leurs biens et leur indépendance même ? Dans ces sortes de sectes, en effet, rien ne prime l'intérêt supérieur de la communauté et tout est sacrifié à sa cohésion. Dans la société, il ne saurait normalement en aller de même. Chaque individu y jouit d'une large autonomie. La plupart de ses actes laissent les pouvoirs indifférents. Il vaque en paix à ses affaires et organise sa vie à son gré. Peut-être convient-il d'apercevoir dans cette clémence-même, dans cette absence de tension, la raison qui conseille à des natures ardentes de rechercher un climat plus rude. Elles se lassent de la tiédeur qui les entoure et veulent échapper au sort uniforme qui paraît les attendre.
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Naguère, il m’est arrivé d’utiliser l’image du cours d’eau résurgent pour illustrer les duplications et les échos que je croyais percevoir entre les formes et les démarches de la nature à travers ses différents règnes. Aujourd’hui, sachant que je fais partie du même univers, je n’ai aucun scrupule à me découvrir soumis à un destin identique et moi-même quelque fleuve Alphée. À mon tour, je me sens redevenir rivière aux bords prochains. J’aborde un nouveau rivage. Je retrouve l’existence exiguë et personnelle, dont j’avais conservé contre courants et marées une mémoire lancinante. Je demeure assurément imprégné de sel, d’iode, d’algues et de l’immensité indistincte des eaux marines, en la circonstance de l’ébriété des mots, des controverses, des spéculations labyrinthiques, des vains édifices de la pensée.

Le fleuve Alphée
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Les disciples ardus de Pythagore.
Naturellement, ce ne sont pas les disciples qui sont ardus, mais la science qu’ils apprennent. Borges affectionne cette figure de rhétorique (l’hypallage) et l’emploie fréquemment. Il est remarquable que, utilisée comme il fait de façon abrupte et déconcertante, elle introduit dans la phrase une amorce de labyrinthe grammatical.
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Dédicace


Extrait 5

  L’homme leur envie la durée, la dureté, l’intransigeance et l’éclat, d’être lisses et impénétrables, et entières même brisées. Elles sont le feu et l’eau dans la même transparence immortelle, visitée parfois de l’iris et parfois d’une buée. Elles lui apportent, qui tiennent dans sa paume, la pureté, le froid et la distance des astres, plusieurs sérénités.
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Dédicace


Extrait 3

  Elles ne sont taillées à l’effigie de personne, ni homme ni bête ni fable. Elles n’ont connu d’outils que ceux qui servaient à les révéler ; le marteau à cliver, pour manifester leur géométrie latente, la meule à polir pour montrer leur grain ou pour réveiller leurs couleurs éteintes. Elles sont demeurées ce qu’elles étaient, parfois plus fraîches et plus lisibles, mais toujours dans leur vérité : elles-mêmes et rien d’autre.
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Dédicace


Extrait 2

  L’architecture, la sculpture, la glyptique, la mosaïque, la joaillerie n’en ont rien fait. Elles sont du début de la planète, parfois venues d’une autre étoile. Elles portent alors sur elles la torsion de l’espace comme le stigmate de leur terrible chute. Elles sont d’avant l’homme ; et l’homme, quand il est venu, ne les a pas marquées de l’empreinte de son art ou de son industrie. Il ne les a pas manufacturées, les destinant à quel usage trivial, luxueux ou historique. Elles ne perpétuent que leur propre mémoire.
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Dédicace


Extrait 1

  Je parle de pierres qui ont toujours couché dehors ou qui dorment dans leur gîte et la nuit des filons.

[…]

Elles ne sont ni utiles ni renommées. Leurs facettes ne brillent sur aucun anneau, sur aucun diadème. Elle ne publient pas, gravées en caractères ineffables, des listes de victoires, des lois d’Empire. Ni bornes ni stèles, pourtant exposées aux intempéries, mais sans honneur ni révérence, elles n’attestent qu’elles.
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Mi Fou fut d'abord calligraphe. Il adopta la cursive dite d'herbe, technique dangereuse, hasardée, toute de brusquerie et d'inspiration. On affirme que cette écriture à la cadence rapide est « de la nature du vent » et qu'on la trace mieux en état d'ivresse. Mi Fou utilisait l'encre rompue, l'encre brûlée, l'encre accumulée. Le pinceau ne lui suffisait pas. Il lui arrivait de peindre avec des tortillons de papier, des débris de canne à sucre, des calices de lotus. Il peignait des paysages, il les peignait de moins en moins nets, de plus en plus dilués et comme bus par l'atmosphère. « Sa peinture avait la saveur des nuées », écrira plus tard Fou Pao-che, cité et approuvé par Chan Hao à la fin des Ming.
Ses œuvres ont presque toutes disparu. On dit qu'il peignit des tableaux qui ne représentaient rien ou qui paraissaient ne rien représenter.

(Pierres)
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Chacun se voue au destin de la cité et participe de sa grandeur. Il fait corps avec elle. Aussi n’est-il pas question qu’il prenne ses distances pour pouvoir la contempler ou l’étudier ou la juger. Il ne berce son imagination d’aucune songerie dont elle ne soit l’objet. Il n’est plus tourmenté par l’inquiétude ni énervé par la nostalgie. Comblé par la réalité, qu’irait-il demander à un monde imaginaire ? La création d’un pur chef-d’œuvre ne le sollicite pas encore.
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Comment l’intelligence se retire du monde pour se consacrer à ses jeux et comment la société introduit ses problèmes dans ceux-ci.
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Critiquer le marxisme, c’est insinuer que le parti communiste pourrait avoir tort. […] Voilà qui est intolérable. Voilà où se cache la trahison. Voilà pourquoi il importe de défendre le marxisme envers et contre tout. Qui, à la place des marxistes, ne jugerait de même et n’agirait semblablement ?
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Plutôt que Description du « marxisme », j’aurais dû l’intituler : Essai d’une description marxiste d’une idéologie promue vérité scientifique par une grande puissance ».
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Les sédentaires, réfugiés dans leurs demeures surchauffées, s’épuisent à ranimer leurs membres où le sang figé dans les veines ne circule plus. Ils soignent leurs crevasses et leurs engelures, -et frissonnent. Ils craignent de se risquer au-dehors où le nomade robuste, tête nue, dans la jubilation de tout son corps, vient rire au vent, enivré de cette violence glaciale et tonique, qui lui claque au visage ses cheveux raidis. […]
On reconnaîtra, lors de ces très basses températures, ceux qui ont bonne circulation à leur teint rose, à la fraîcheur de leur peau, à leur aisance, à leur allégresse de jouir enfin de leurs conditions de vie et de la haute dose d’oxygène qu’il faut à leurs poumons.
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Il n’en faut pas moins quitter, à la suite de Rimbaud, toute attitude d’adoration en face du désordre de son esprit. L'imagination ne fait pas d’aveux aussi facilement que le premier coupable venu, sous prétexte qu’elle est bourrelée de remords.
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En somme, dès l'instant où il ne peut plus être un processus de défense, le mimétisme ne peut être que cela. Du reste, la perception de l'espace est sans nul doute un phénomène complexe: l'espace est indissolublement perçu et représenté. A ce point de vue, c'est un double dièdre changeant à tout moment de grandeur et de situation (1): dièdre de l'action dont le plan horizontal est formé par le sol et le plan vertical par l'homme même qui marche et qui, de ce fait, entraîne le dièdre avec lui; le dièdre de la représentation déterminé par le même plan horizontal que le précédent (mais représenté et non perçu) coupé verticalement à la distance où l'objet apparaît. C'est avec l'espace représenté que le drame se précise, car l'être vivant, l'organisme, n'est plus l'origine des coordonnées, mais un point parmi d'autres; il est dépossédé de son privilège et, au sens fort de l'expression, ne sait plus où se mettre. On a déjà reconnu le propre de l'attitude scientifique (2) et, de fait, il est remarquable que la science contemporaine multiplie précisément les espaces représentés: espaces de Finsler, de Fermat, hyper-espace de Riemann-Christoffer, espaces abstraits, généralisés, ouverts, fermés, denses en soi, clairsemés, etc. Le sentiment de la personnalité, en tant que sentiment de la distinction de l'organisme dans le milieu, de la liaison de la conscience et d'un point particulier de l'espace ne tarde pas dans ces conditions à être gravement miné; on entre alors dans la psychologie de la psychasthénie et plus précisément de la"psychasthénie légendaire", si l'on consent à nommer ainsi le trouble des rapports définis ci-dessus de la personnalité et de l'espace.


1. Cf. L. Lavelle, La Perception visuelle de la profondeur, Strasbourg, 1921, p. 13
2. A la limite, pour la science tout est milieu.
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La mante religieuse (conclusion)
Il y a donc une sorte de conditionnement biologique de l'imagination, venu de déterminations fondamentales susceptibles d'intervenir chaque fois que l'intelligence ne dirige pas son libre jeu vers un but précis. Aussi agissent-elles également dans les mythes et les délires, pour prendre les pôles extrêmes de l'affabulation. Tant s'en faut d'ailleurs qu'elles rendent comptent intégralement du contenu des uns et des autres. Elles ne sont que des tendances, virtualités directrices. Aucun lien nécessaire et suffisant ne peut les orienter dans le choix des détails concrets dont elles sont besoin pour constituer une "imagination" proprement dite. Elles préforment seulement les lignes de force qui cristalliseront ceux-ci en thèmes et en motifs, puisant à satiété dans le particulier et l'anecdotique, utilisant les structures imposées par les données historiques et l'organisation sociale. Là est notamment l'erreur de la psychanalyse qui ne s'est tant ridiculisée dans la plupart de ses tentatives d'exégèse mythographique que pour avoir voulu trouver coûte que coûte dans les circonstances des récits ce qu'il fallait chercher dans leur schème dynamique: le ressort affectif qui donne au mythe son pouvoir d'emprise sur la conscience individuelle.
Le caractère collectif de l'imagination mythique garantit assez qu'elle soit de substance sociale, existant à la faveur de la société et en sa faveur. C'est là, certes, sont être propre, sa fonction spécifique. Mais son innervation, pour ainsi dire, est d'essence affective et renvoie aux conflits primordiaux suscités çà et là par les lois de la vie élémentaire. Le mythe représente à la conscience l'image d'une conduite dont elles ressent la sollicitation. Quand cette conduite existe ailleurs dans la nature, il trouve donc sa réalisation effective dans le monde objectif. De ce point de vue, on définirait les mœurs des mantidés comme un mythe en acte: le thème de la femelle démoniaque dévorant l'homme qu'elle a séduit par ses caresses. Phantasme pour l'homme, idée fixe de délire ou motif légendaire, cette situation est pour l'insecte la forme même de son destin.
De la réalité extérieure au monde de l'imagination, de l'orthoptère à l'homme, de l'activité réflexe à l'image, la route est peut-être longue, mais elle est sans coupure. Partout les même fils tissent les mêmes dessins. Il n'est rien d'autonome, rien d'isolable, rien de gratuit, sans cause et sans fin; le mythe même est l'équivalent d'un acte.
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Calcaire

Des fuseaux d'une netteté prodigieuse s'entrecroisent sur l'étendue entière du calcaire graphique. De toutes nuances entre chamois et brique. Ils dessinent de grandes sauterelles polygonales serrées et mêlées, élytres bruyants et longues pattes égarées, la tête de l'une accrochée à l'abdomen de l'autre.
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