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Citations de Téa Obreht (41)


- Il y a des blessures qui affectent, le temps d'autres gens, Misafir. Parfois, les gens se remettent de leurs blessures, mais le temps, lui, ne le peut pas. Parfois, c'est l'inverse qui se passe. Parfois les blessures sont si graves qu'il est impossible de s'en remettre
- Et pourquoi pas ?
- Parce que les hommes ne sont que des hommes. Et vivre équivaut généralement à blesser autrui

Page 253.
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Les joncs bruissaient et s'agitaient furieusement chaque fois qu'il les touchait. Sur la rive opposée, elle voyait des silhouettes familières; le rebord déchiqueté de la mesa, au-dessus de laquelle les étoiles par millions formaient des volutes; les flancs des falaises, veinés de filons de minerai et hérissés ici et là de jeunes fourrés, dont les ombres se mêlaient les unes aux autres. Tout paraissait un peu insolite, à l'exception de la rivière.
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Mais le poil du chameau est le plus doux de toute la Création. Ses paupières sont ornées des cils les plus fins que Dieu ait jamais tissés. Le chameau est vigoureux des oreilles à la plante des pieds. Son coeur appartient à son cavalier. Et sa haute taille lui offre tout l'horizon à contempler.
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La piste se rétrécissait entre de hautes falaises, puis s'élargissait parmi les imbrications noires d'un ancien lit de rivière avant de sinuer, sur quatre cents mètres environ, entre des peupliers jusqu'à la rive en contrebas. Ne restait à présent presque rien du cours d'eau, à l'exception de la vase luisante de septembre et des empreintes laissées par les quelques rares salamandres qui avaient réussi à échapper à Toby.
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Donovan m’avait dit un jour que le monde abritait deux sortes de gens : ceux qui donnaient un nom à leur cheval et ceux qui s’en abstenaient.
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La guerre nous avait contraints à prendre des décisions en nous appuyant sur des circonstances étrangères à notre quotidien, et nous ne parvenions pas à nous détacher de cette sorte de privilège que nous ne demandions qu'à expier.
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Il y avait quelque chose d'impérissable dans les souvenirs d'enfance de mon grand-père. Toute sa vie, il s'est rappelé la chaude atmosphère de la boutique de l'apothicaire et le grand ibis rouge, sévère et muet dans sa cage. La boutique incarnait un ordre sublime, une symétrie fascinante, que le simple fait de rentrer chez soi avec le nombre requis de moutons ne suffisait pas à combler. J'imagine mon grand-père, une chaussette en tire-bouchon, en train d'observer devant le comptoir les étagères chargées de bocaux à n'en plus finir, les flacons bombés de médicaments, en se délectant de leurs promesses sereines de bien-être.
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Dans la pratique, je ne l'ai pas fait baptiser du tout. Mon nom, ton nom, le sien. En fin de compte, tout ce qu'on veut, c'est que quelqu'un nous regrette quand vient l'heure de nous mettre en terre.
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Le bonheur de l'existence est toujours maigre, et le peu que nous en trouvons n'intéresse personne.

Page 352.
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Quand toutes les machinations se passent sous le couvert de l'obscurité, même les plus ineptes d'entre nous sont capables de s'en tirer à bon compte, je suppose.

Page 346.
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Elle en vint à se dire que toute vie doit nécessairement, et à dessein, se nourrir d'illusions.
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Dans l'esprit de mon grand-père, le diable recouvrait bien des notions. Le diable, c'était Leši, le lutin rencontré dans les prés, qui vous réclamait des pièces de monnaie -envoyez le promener et il mettra la forêt sens dessus dessous au point que vous n'y retrouverez plus votre chemin. Le diable, c'est aussi Crnobog, le dieu cornu qui convoquait les ténèbres. Quand vous faisiez des bêtises, vos aînés vous envoyaient au diable. Vous-même n'aviez le droit d'envoyer quelqu'un au diable que si vous étiez bien, bien plus âgé que lui. Le diable, c'était enfin le fils cadet de Baba Roga, qui caracolait sur un cheval noir dans le bois et que l'on connaissait sous le nom de Nuit.
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La guerre chamboula tout. Une fois dissociées, les composantes de notre ancien pays perdirent leurs caractéristiques de jadis, du temps où elles formaient les parties d'un tout. Ce qui nous était jusque-là commun -les monuments, les écrivains, les scientifiques et les anecdotes-, nous dûmes nous le répartir et nous le réapproprier. Il nous fallut renoncer à tel lauréat du prix Nobel qui leur revint à eux, et baptiser notre aéroport du nom de notre savant fou, banni de notre patrimoine commun. Pendant ce temps-là, nous nous répétions que tout finirait tôt ou tard par rentrer dans l'ordre.
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... ce n'est pas en vous dépéchant d'arriver que vous ferez un bon voyage.
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Mon grand-père caressant le chien, s'écriait d'une voix de marionnette d'émissions pour enfants :
"Tu es un chien toi. Tu es un chien toi. Tu sais où tu es. Tu es un chien toi." La langue du chien lui sortait alors de la bouche et il se mettait à geindre. Au bout de quelques heures je lui dis : "mince alors grand-père, j'ai pigé que c'était un chien."

Bien sûr je ne me doutais pas que, à peine quelques années plus tard, je rappellerais à tous les chiens croisés dans la rue qu'ils étaient des chiens, avant de leur demander s'ils savaient où ils étaient.
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Mais à présent que le pays vivait sa dernière heure, il semblait évident à mon grand-père - autant qu'à moi d'ailleurs - que le cessez-le-feu nous avait donné l'illusion du retour à la normale mais pas la paix. Quand un combat vise un objectif précis - se libérer d'un jougs, défendre un innocent -, on peut espérer le mener à terme. quand le combat consiste à démêler son identité -son nom, ses racines, son attachement à tel monument ou à tel événement -, il n'aboutit qu'à la haine et à la longue et lente avancée de ceux qui s'en nourrissent et qui en ont été gavés, délibérément, par leurs prédécesseurs. Dans ce cas-là, le combat n'en finit jamais, il se poursuit par déferlantes, et parvient encore à surprendre ceux qui espéraient avoir terminé de lutter.
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Quand elle sortit de la maison, Harlan mettait pied à terre. Ce n’était pas un bel homme – mais, comme le disait Desma : « Après l’avoir vu, on s’en remet. » Il avait les cheveux clairsemés, un front haut et large ainsi qu’une dentition plus large encore. La première fois que Nora l’avait rencontré, c’était un après-midi; il venait de remporter un combat à mains nues qui lui avait couté deux molaires. Un coup avait repoussé ses incisives droit dans leur gencive. Seulement vêtu d’un pantalon crotté et arborant un plastron de sang séché, il avait demandé qu’on lui apportât une cuiller. Moss Riley s’était exécuté. Harlan, aux yeux de tout le monde, l’avait placé à l’arrière de ses dents, qu’il avait repoussées vers l’avant et remises en place avec un craquement évoquant la chute d’un arbre – et qui fit perdre connaissance à un témoin au moins de cette scène. Sans qu’on sût comment, et de manière improbable, les dents avaient réussi à recouvrer leur santé et leur magnificence d’origine. Harlan avait de petits yeux noirs et vifs renfoncés dans un visage creux, et cette configuration, vue dans son ensemble, lui donnait toujours un petit air farouche. Sa nouvelle barbe, qu’il avait subitement commencé à faire pousser en septembre, adoucissait un peu ses traits anguleux. Mais elle ne lui allait pas.
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Tout homme qui vit n'est-il pas un mort en sursis?
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Tout ce qu'il faut savoir pour comprendre mon grand-père tient en deux histoires : celles de la femme du tigre et de l'homme-qui-ne-mourra-pas.
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Notre éloignement du théâtre des combats nous donnait l’impression de mener une vie normale. Cependant, les règles nouvellement instaurées provoquèrent un changement d’attitude que n’avait pas prévu l’administration. Les responsables pensaient : ordre, contrôle, terreur et soumission - ils eurent droit au laisser-aller généralisé et à la folie douce. Sur le capot de voitures stationnées le long du boulevard en une file qui n‘en comptait parfois pas moins d’une dizaine, des adolescents prirent l’habitude de boire toute la nuit au mépris du couvre-feu. Il arrivait à des commerçants de fermer leur boutique à l’heure du déjeuner, d’aller au café et de n’en revenir qu’une semaine plus tard. Un jour qu’on se rendait chez le dentiste, on l’apercevait justement en bras de chemise chez un voisin, une bouteille de vin blanc à la main, alors on se joignait à lui, ou bien on rentrait à la maison.
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