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Critiques de Tzvetan Todorov (84)
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L'esprit des Lumières

Quand j’ai vu la couverture du bouquin et le titre, je me suis dit que ça allait certainement parler de libertinage, de partouzes, de cul, enfin ce genre de conneries… quéquette ouais… juste une petite branlette philosophique à la bougie…



Tu parles d’un plan Q pourri, depuis la veille j’imaginais déjà ma soirée du lendemain en train de me trifouiller romantiquement la pleureuse sur le cul des bourgeoises illuminées par le jus sentimental d’un courant de pensée lubrique…



Mais sans jus, pas de courant, et sans courant pas de lumière…



Électrisé par autant d’émotions, la pleureuse s’est pliée de dégout par tant de vérités assenées à coup de bon sens… je ne lui connaissais pas cette « moue », d’habitude si pleine d’entrain toujours prête à relever la tête pour transpercer l’adversité… aujourd’hui elle a flanché dans une main ferme et décidée…



La nature est ainsi faite, l’humain est à l’image de ses dérives, incapable de contrôler ses vices, sombrant dans la fatalité d’une bêtise universelle à défaut d’une éducation humaniste, ignorant le plus important, égaré dans l’ignorance et baignant dans l’indifférence la plus totale…



Finalement il a fini par être tard, j’ai éteint la lumière pour plonger au plus profond de moi à la recherche de l’excitation qui ravivera la flamme d’un espoir pas encore perdu : j’ai fermé les yeux pour ne faire qu’un avec mon sommeil et là : un Q est apparu, le Q perdu d’un allemand illuminé, lui et tous ses potes avisés de l’époque étaient là, mais le désir alphabétique a vaincu mes songes philosophiques et mon abstinence orgasmique est remontée à la surface, j’ai senti la pleureuse s’étirer relevant la tête prête à exploser… et le réveil à sonné me susurrant à l’oreille :



« ALLEZ DEBOUT, ALLEZ DEBOUT, ALLEZ DEBOUT, ALLEZ DEBOUT, ALLEZ DEBOUT…. »



« Ahhhhh putain de sa race… c’est repartie pour une journée de boulot… mais d’abord je vais pisser, ça urge bordel… »



Chienne de vie…



Merci Junie pour cette lecture



A Plus les copains

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La littérature en péril

Suite à l'usage abusif que j'ai commis en me servant de "Critique de la critique" pour exprimer mes opinions sur la question, bafouant le travail de chercheur d'un expert en littérature, je me devais de découvrir les écrits de M. Tzvetan Todorov, sans me laisser impressionner par ce nom imprononçable.

Je remercie le hasard qui m'a fait croiser son chemin, car j'ai enfin compris, avec " La Littérature en péril" pourquoi le programme de Français du lycée m'était souvent un calvaire, alors que je me plongeais allègrement dans le bain de la littérature, par pur plaisir et non pour obtenir une bonne note au bac.

Au lycée, on se contrefiche de réfléchir sur le sens des oeuvres étudiées; on les dissèque, on les autopsie, on les passe à la moulinette, on en fait de la chair à pâté, on se tape de la sémiotique, de la rhétorique, de la pragmatique, et autres joyeuseté.

Après quoi, on se demande pourquoi l'élève moyen déteste Stendhal, Hugo et autres "classiques" qui deviennent un pensum détestable.

En conclusion, ce livre est hautement instructif, il aborde des tas d'autres sujets, et je l'ai lu comme on boit du petit lait.

M. Todorov, je vous aime.
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Éloge du quotidien : Essai sur la peinture h..

Qu’est-ce qu’une période bénie en peinture ? Celle qui va transformer notre regard? Todorov a la réponse parfaite : celle où même les peintres de second rang produisent des chefs-d’œuvre. C’est ce que j’aime chez lui: cet art de la formule qui va droit au but, cette concision qui nous épargne les circonlocutions d’une pensée en train de se former et qui semble couler de source, comme la conversation bienveillante d’un ami qui en sait beaucoup plus que nous mais qui ne nous estime pas moins pour autant.

Hors notes, 150 pages, donc, y compris des reproductions en noir et blanc qu’on s’avisera plutôt de retrouver en couleur sur le web, 150 pages et 9 chapitres qui nous racontent comment la peinture hollandaise du XVII° siècle a bouleversé nos représentations.

L’éloge du quotidien qu’elle a prôné s’explique par le protestantisme de ce petit pays commerçant qui délaisse les valeurs aristocratiques pour celles, plus humbles, de la famille. Contrairement aux catholiques qui valorisent la clôture sacrée du monastère, eux pensent que Dieu est partout, surtout dans les intérieurs bien tenus que la lumière et le dallage rendent semblables à des églises.

Le livre progresse par la remise en cause de chaque conclusion. Après nous avoir prouvé que la peinture hollandaise s’expliquait par le protestantisme Todorov nous démontre qu’il ne s’agit pourtant pas de promouvoir les humbles par la représentation factuelle de leur existence. En fait de réalisme, elle ne propose qu’un petit nombre de sujets dont l’aspect allégorique saute rapidement aux yeux, comme cette cuisinière qui s’attaque aux oignons avec mortier et pilon sous l’œil coquin d’un assistant. Voilà donc un tableau qui nous rappelle à nos obligations, et veut nous éloigner de jouissances terrestres trop vaines pour nous satisfaire vraiment.

Sauf que, ajoute immédiatement l’auteur, la plupart des tableaux ne sauraient se réduire à un didactisme rigide. Parce que leur sens est souvent mystérieux et surtout parce leur vertu esthétique l’emporte sur le vice moral qu’ils sont censés condamner.

En réalité, le secret des peintres hollandais est de se tenir sur le fil ténu qui éloigne les Anciens, désireux de peindre ce qui est beau, des Modernes, prompts à inventer la beauté: eux ne l’inventent pas, ils la révèlent. Et dans cette société férue d’efficacité qui est désormais la nôtre, ils veillent à ce que nous n’oubliions pas le temps suspendu où nous habitons pleinement le monde, où notre vie banale nous comble et nous suffit.
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Éloge du quotidien : Essai sur la peinture h..

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Heureuse idée ! Mon interview Babelio récente sur les « livres d'art » m'a incité à fouiller à nouveau dans ma bibliothèque. J'ai ressorti deux livres d'art exceptionnels de Tzvetan Todorov. Je parlerai du second « Éloge de l'individu » une prochaine fois.

La couverture reliée insérée dans un coffret est tellement belle que l'on ne peut résister à l'envie immédiate d'ouvrir « Éloge du quotidien – Essais sur la peinture hollandaise du 17e siècle ».



Un rappel historique s'impose : En ce début de 17e siècle, le dernier grand peintre religieux italien le Caravage, dont les clairs-obscurs ont eu un impact considérable sur la peinture italienne finissante, vient de mourir en 1610. Les grandes périodes picturales italiennes et flamandes des 15e et 16e sont terminées.

Le siècle d'or hollandais va prendre la place…



Au 17e, la République des Provinces-Unies protestante est à son apogée et domine l'Europe, aussi bien dans les domaines économiques et sociaux, que littéraire, scientifique et artistique. le commerce est florissant. La marine néerlandaise sillonne les routes maritimes mondiales avec ses navires de la Compagnie des Indes.

Les maîtres italiens continuent d'influencer la peinture dans les grands centres artistiques d'Haarlem, Utrecht, Amsterdam ou Delft. L'Église catholique n'est plus commanditaire. le choix des thèmes religieux s'altère et un grand marché de l'art libre s'installe. Pour la première fois, ce n'est plus l'histoire sainte, la mythologie grecque ou l'histoire qui deviennent le thème central du tableau, mais la vie quotidienne des gens. Quoi de mieux pour ce peuple néerlandais, sédentaire, que la demeure familiale comme modèle idéal ? Les acheteurs, bourgeois aisés, apprécient la peinture des artistes qui se spécialisent : il en résulte une demande accrue de portraits, paysages, natures mortes et peintures de genre qui, de dimensions réduites, s'accrochent plus facilement dans les salons. L'art est présent partout et l'on peut même, parfois, trouver des tableaux dans les plus humbles demeures.



La peinture intimiste néerlandaise, saynète de la vie quotidienne appelée aussi peinture « de genre », est certainement le courant le plus intéressant et le plus original du 17e siècle hollandais : des scènes d'intérieur nous font pénétrer dans les maisons bourgeoises, participer aux travaux ménagers, à la vie de famille : jeunes femmes à leur toilette, lisant une lettre d'amour, jouant du virginal ou brodant. Parfois un militaire tente de séduire une dame, un couple profite d'un moment de griserie amoureuse, ou des fêtards boivent et s'amusent.

La peinture est sans prétention, simple : la banalité quotidienne…



Quelques-uns des plus grands peintres de l'histoire mondiale de la peinture s'épanouissent dans cet âge d'or : Rembrandt, Vermeer et Hals rayonnent, accompagnés par un bouquet de peintres exceptionnels ayant des influences stylistiques et thématiques proches.



Personnalité artistique puissante, Frans Hals, plus âgé, exerce une influence sur ses cadets. « Quel plaisir de voir un Frans Hals ! », écrivait Vincent van Gogh. Dans une lettre à son ami Émile Bernard, il consacre un long passage au peintre de Haarlem : « Jamais il n'a peint de Christ, d'Annonciations aux bergers, d'anges ou de crucifixions et résurrections, jamais il n'a peint de femmes nues voluptueuses et bestiales. Il a fait des portraits, rien que cela. Cela vaut bien le Paradis du Dante et les Michel-Ange et les Raphaël, et les Grecs même. »



Rembrandt reste le génie, le plus admiré : « On ne peut voir un Rembrandt sans croire en Dieu », continue Van Gogh.



Quelques peintres représentent le plus souvent des scènes d'intérieur avec peu de personnages : Gérard Dou « La cuisinière hollandaise », Gérard Ter Borch « Jeune femme à sa toilette », Frans van Mieris « Femme à son miroir », et Gabriel Metsu « L'enfant malade ».

Une femme, Judith Leyster, est la plus représentative dans cette peinture hollandaise.



Je ne me lasse pas de ce peintre ! : Jan Steen. La brasserie qu'il géra pendant plusieurs années à Delft a dû lui inspirer ces scènes de beuveries, d'orgies, de paillardises qui sont du plus grand comique dans ce siècle puritain…



Pieter de Hooch est le peintre novateur de cette nouvelle peinture de genre hollandaise représentant la vie populaire dans des scènes familiales d'intérieurs bourgeois ouverts sur des cours illuminées où des enfants s'amusent. Sa sensibilité et son style sont proches de Vermeer avec lequel il est voisin à Delft.



À Delft, le siècle d'or dérive lentement au fil de l'eau des canaux. Johannes Vermeer va amener la peinture hollandaise à son plus haut niveau. Harmonie, calme, sérénité… le peu de toiles conservées du sphinx de Delft sont connues dans le monde entier : « La Femme à la balance » en Vierge attire dès le premier regard ; une lumière dorée enveloppe la « Vue de Delft » ; « La Laitière » verse le liquide blanc dans une cruche, pendant qu'une jeune femme hésite à ouvrir une « Lettre d'amour » ; « La jeune fille à la perle », éblouissante, nous fait face, souriante.



Les peintres hollandais du 17e ont connu un état de grâce qui tient à l'interprétation du monde. L'artiste hollandais trouve le sens de la vie dans la vie elle-même, et non nécessairement dans un répertoire constitué de formes. Il peut montrer la beauté dans un simple geste que personne n'avait sublimé jusque-là : une jeune femme ajuste son collier de perles ou soulève les plateaux d'une balance ; compas à la main, un scientifique observe par la fenêtre.



Cet ouvrage, avec ses nombreuses représentations de tableaux, est magnifique.



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L'esprit des Lumières

Pour Tzvetan Todorov, le salut de notre civilisation passe par les Lumières!



Pas les sunlights d'Hollywood ni les ampoules halogènes qui marchent au nucléaire, je veux parler de l'aveuglante clarté du discours des Philosophes de l'Encyclopédie. S'appuyant sur les textes de ces derniers ainsi que sur le cours des évènements historiques depuis la Révolution, il démontre brillamment que les valeurs défendues par les Intellectuels des Lumières gardent leur caractère universel.

L'individu qui s'est affranchi des idéologies politiques comme de la morale religieuse doit respecter la liberté de conscience et d'opinion de son voisin.

La démocratie ne doit rien imposer par la force, elle se doit d'être tolérante et d'accepter la diversité, de considérer la pluralité comme une source de richesse.

Respect des idées, des croyances, respect de la personne humaine: rien n'est définitivement acquis dans ce domaine, tant les exemples de totalitarisme, d'intégrisme et de violence d'Etat sont nombreux à l'heure actuelle. Tzvetan Todorov en a lui-même été victime, puisqu'il a dû quitter son pays, la Bulgarie, en 63.

Il ne manque pas de souligner que la Révolution Française, malgré sa devise de liberté et de fraternité, a conduit à l'échafaud des artisans de cet esprit des Lumières, tels que Lavoisier, Condorcet ou Olympe de Gouges.



Il cite le clairvoyant Condorcet déclarant: "En général, tout pouvoir, de quelque nature qu'il soit, en quelque mains qu'il ait été remis, de quelque manières qu'il ait été conféré, est naturellement ennemi des Lumières."



Un texte publié en 2006, exempt de tout chauvinisme et qui met en avant la singularité des peuples qui composent l'Europe, celle de Fréderic de Prusse et de Catherine II, celle de notre belle Communauté riche de toutes ses cultures et de ses échanges sans frontières.
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La littérature en péril

Quels sont les périls qui guettent la littérature aujourd'hui?

C'est fondamentalement la question que se pose Todorov tout au long de ce court livre. Sa réponse principale tient essentiellement en un argument: on privilégie trop la forme des romans, la façon dont ils sont écrits, au dépens du fond, du contenu qui est, comme l'affirme volontiers l'auteur, la raison d'être de toute bonne littérature. Cette réponse simple et de bon sens fait cependant dresser l'oreille de ceux qui savent que Todorov doit une grande partie de sa notoriété à la diffusion en France des formalistes russes et qu'à leur suite il est devenu un champion de l'analyse théorique des textes français, (prouesse qui est à saluer de la part d'un auteur dont la langue maternelle est le bulgare!); Il nous apprend d'ailleurs qu'il est un spécialiste de cette approche de la littérature car, dans les pays sous le joug communiste de sa jeunesse, c'était " l'une des rares voies qui permettaient d'échapper à l'embrigadement général". Heureusement, il nous précise que la connaissance de la littérature n'est pas une fin en soi, la vraie et bonne littérature c'est d'abord une expression artistique de l'homme et que son analyse ne vient qu'en renforcer et en approfondir le plaisir qu'on en retire.

Mais pour lui, le péril demeure non pas dans la disparition du livre ou de la lecture mais dans la perte de la transmission (principalement par l'école) du plaisir de la lecture et de l'apprentissage artistique qu'elle constitue. En effet, l'enseignement semble en faire un système de codes à déchiffrer, une sorte de science et non une des voies essentielle de connaissance de l'être humain.
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Éloge du quotidien : Essai sur la peinture h..

Magie de la peinture hollandaise

De la bibliographie pléthorique de Tzvetan Todorov, je ne connais que ce court essai sur la peinture hollandaise. Un livre en points seuil, d'une édition banales, avec des illustrations en noir et blanc médiocres...Autant dire que vous ne vous sentirez pas au Rijksmuseum....Et pourtant voilà un livre brillant, un concentré d'intelligence pure, qui permet de comprendre l'éclosion d'une peinture si originale, dans cette société protestante si différente alors des sociétés catholiques du moins dans le domaine de ce que l'on pouvait ou non représenter sur le plan artistique...Après, il faut bien reconnaitre que cela aurait pu mériter une édition un peu plus luxueuse (moins cela n'aurait pas été facile...).

Quand je pense que je possède dans ma bibliothèque une édition luxueuse du Da Vinci Code (l'erreur est humaine -on ne se moque pas), on doit pouvoir faire le même type de choses avec un livre qui parle de Vermeer...

(les choses sont toutefois bien faites car ledit livre s'avère bien pratique pour compresser des feuilles de papier qui gondolent !).

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Critique de la critique

Je ne sais pas de quoi parle ce livre mais il me sert de prétexte pour critiquer les critiques : c'est à dire ceux qui ne maîtrisent pas la syntaxe et l'orthographe, ceux qui enfoncent des portes ouvertes et nous révèlent que Proust est génial, que Baudelaire est un grand poète et que Faulkner est un peu compliqué, ceux qui se croient obligés de nous conter par le menu de quoi ça cause, avec en prime leurs états d'âme et leurs préjugés, l'énumération des faits et gestes de tous les personnages, et bien sûr la fin de l'histoire.

Une critique, bordel, c'est une prise de position, une opinion, une analyse, un regard personnel, un engagement, une pensée, pas un résumé de texte de classe de troisième.

Une critique, on y met son coeur et ses tripes, on vibre, on s'émeut, on se pâme ou on gerbe, c'est du vitriol ou de l'encens, mais pas de la tisane pour mémée.

"Critiquez, il en restera toujours quelque chose !" si seulement c'était vrai!
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Introduction à la littérature fantastique

Je me sers de ce livre, qui est le plus connu, pour saluer l'homme qui vient de disparaitre, TZVETAN TODOROV, un de ces émigrés qui ont enrichi notre littérature, nos idées, notre humanité. Son oeuvre est considérable et je me réjouis de pouvoir continuer à la découvrir. Originale et riche, sa contribution à la pensée contemporaine est dénuée de pédantisme mais nous entraine vers de nouvelles réflexions sur la langue et la culture.

Je l'en remercie sincèrement.
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Insoumis

Todorov se place en biographe et expose la vie d’une petite dizaine de personnalités hors du commun. Certaines très connues (Mandela, Soljenitsyne), d’autres moins (Etty Hillesum, Snowden). S’il choisit ces personnes, c’est parce qu’elles ont toutes ce même point commun : celui de l’insoumission. Insoumission, se battre contre l’ennemi ou se battre contre son propre camp. Et c’est peut être encore plus méritoire de le faire contre son camp. C’est parce que certains d’entre nous, pas forcément les intellectuels, ont cette singulière force de caractère, d’agir en leur âme et conscience pour la liberté, pour l’autre, pour rendre la vue au peuple qu’ils peuvent renverser tout un régime autoritaire. Ils sont prêt à renoncer à leurs droits, à se priver de leur vie, à se sacrifier pour un seul but, apporter la vérité, dénoncer les agissements des uns.

Snowden, c’est celui qui travaillait à la CIA et à la NSA et qui a révélé au monde entier que les américains espionnaient très largement le monde entier (et à leur insu). Du coup, il a du fuir son pays, sa famille doit être bien espionnée. Il a juste fait cela parce qu’il devait le faire, en son âme et conscience. Dire la vérité. Dire la vérité n’est pas un crime. Pour les Etats-Unis d’Amérique, si. Snowden passera sa vie en prison ou sera peut être assassiné s’il retourne chez lui. Ben oui. Aussi simplement que cela. L’humanité, dans sa sagesse, a toujours eu du mal à énoncer clairement la vérité. N’importe quelle nation a ses casseroles et je pense qu’aucune n’ait le courage de les affronter.

« L’échec n’est jamais intégral. Ce qui a existé dans la pensée et la volonté des hommes ne s’évanouit avec leur disparition. Aucune cause n’est définitivement perdue : telle une torche, elle peut passer d’un individu à l’autre. » p244

Bref, Todorov écrit ici un bien beau livre. Des valeurs, du courage, des prises de position efficaces sans faire dans la facilité. Et il ne reprend pas à son compte les vies des autres cités dans son ouvrage, il en glorifie même les existences. Je ne m’étais pas rendu compte par exemple du courage extraordinaire de Snowden. Je connaissais celui de Soljenitsyne ou de Mandela mais pas ceux de Etty Hillesum ou de Shulman… Mais c’est qui celui-là ?

Le courage, l’insoumission, n’a pas de frontière ni d’époque. On vit tous dans des sociétés différentes, inégales mais il existe certainement un petit homme ou une petite femme qui vit pour les autres, qui s’insurge contre certains despotes et qui lutte, malgré le danger, malgré la menace.

Un beau livre, je sais, je l’ai déjà dit mais il le mérite sincèrement.

Battons nous pour un monde meilleur et arrêtons de regarder notre nombril.

Merci à masse critique et aux éditions Robert Laffont, Versilio et de vives félicitations à son auteur, Todorov.

Hip hip hip Hourra….

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La littérature en péril

Constatant que les programmes des études littéraires en France font la part belle aux outils dont elles se servent plus qu'au contenu des dites œuvres, Todorov s'intéresse aux méthodes utilisées dans d'autres disciplines, et parcourt l'histoire pour comprendre comment tout cela a dévié de son cours de départ. Il n'est pas question de jeter le bébé avec l'eau du bain, mais de ne pas confondre la fin et les moyens. On s'amusera à retrouver ces conceptions dans la littérature contemporaine, parfois tentée par le formalisme, le nihilisme ou du solipsisme (une des variantes étant l'auto-fiction).



"La littérature peut tout. Elle peut nous tendre la main quand nous sommes profondément déprimé, nous conduire vers le autres êtres humains autour de nous, nous faire mieux comprendre le monde et nous aider à vivre. (...)

Le lecteur ordinaire, qui continue de chercher dans les œuvres qu'il lit de quoi donner sens à sa vie, a raison contre les professeurs, critiques ou écrivains qui lui disent que la littérature ne parle que d'elle-même, ou qu'elle n'enseigne que le désespoir."



Ce petit livre (90 pages fort accessibles, mais riches et denses) est une ode à la littérature et réjouira le lecteur ordinaire en le conduisant sur des pistes de réflexion.
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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La littérature en péril

Historien et essayiste contemporain d'origine bulgare, Tzvetan Todorov, peu enclin dans sa jeunesse à "se plier aux exigences de l'idéologie regnante", jugeant son amour de la littérature limité par le régime totalitaire, a préféré fuir la censure et habiter Paris "de l'autre côté du rideau de fer" en 1963 où il a réalisé des traductions russes pour le compte du CNRS.

La littérature en péril revient sur son passé de fils de bibliothécaires, baigné dés son plus jeune âge dans la lecture; réfléchit sur l'enseignement;s'émaille de différentes références littéraires et philosophiques et surtout (ce qui m'a intéressée en tant que lectrice assidue mais non enseignante) évoque les principales raisons (non restrictives sous peine de mise en péril) qui font que lire est bon pour tous.

Elargir le champ de vision grâce à des vécus différents,intéresser à des cultures différentes,donner l'accés à des notions de morale,aider à vivre et à mieux vivre,rendre humain,faire éprouver des sensations et émotions,faire rêver,manier des concepts,favoriser la liberté d'expression,faire vivre des expériences singulières,permettre de rencontrer d'autres individus,de se construire à travers une image cohérente du monde pour l'adolescent,de nuancer et complexifier pour l'adulte,connaître l'être humain, de communiquer,favoriser l'abstraction,stimuler l'imaginaire,tirer vers le haut: voilà en gros les points développés par Tzvetan Todorov qui n'a "rien vécu d'aussi dramatique que Charlotte Delbo".

Ignorant tout de Charlotte Delbo, je ne retiendrai que le mot vécu.

Vécu, oui il s'agit bien de vie, le vrai lecteur vit ses lectures, pense ce que l'écrivain lui propose, d'où l'importance de ne pas mettre la littérature en péril.

Un essai très intéressant et fort complet que j'espère,dés lecture, comparer avec le non moins intéressant Pourquoi lire? de Charles Dantzig.

La littérature en péril appartient à la collection Flammarion Café Voltaire qui tente, à travers ses essais, de faire revivre le célèbre Café Voltaire de l'époque, lieu "où l'on boit,où l'on cause,où l'on rêve" où se réunissaient des intellectuels français pour un brassage d'idées lumineuses.

Tzvetan Todorov est l'auteur (entre autres) de Introduction à la littérature fantastique, Mémoire du mal,tentation du bien et d'une autobiographie intellectuelle.
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La littérature en péril

Un ouvrage court et passionnant de Tzvetan Todorov qui se lit très facilement et qui permet aux spécialistes comme aux non-spécialistes de développer ou de voir naître une véritable réflexion sur la littérature : son rôle, sa place, ce qu'elle est de façon intrinsèque, etc.

Je vous en recommande donc la lecture !
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Introduction à la littérature fantastique

Qu'est-ce que la littérature fantastique? Entre théorie et exemples, Todorov propose un portrait intéressant. Le fantastique est une hésitation, une expérience de la limite, un entre-deux, entre le réel et le surnaturel, entre le merveilleux, où tout est possible sans que l'on ne s'en étonne, et l'étrange, où ce qui semblait surnaturel trouve une explication rationnelle. Il se passe quelque chose qui ébranle l'ordinaire et celui à qui cela arrive perd pied. Devient-il fou? Est-ce le monde qui le devient? Y a-t-il quelqu'un d'autre? Qu'est-ce que c'est? ça se transforme, la femme devient cadavre, la statue prend vie, les objets bougent. Souvent, le fantastique permet de dire des tabous, de les exposer tout en les condamnant. La sexualité exacerbée ou sortant de l'ordinaire éveille des diables et des sorcières. Aujourd'hui, le fantastique est-il mort? Todorov le pense. Le fantastique est un genre du dix-neuvième siècle. L'absurde, qui lui succède, n'est plus hésitation. Il est regard habitué sur l'étrange, malaise face à un monde dont on sait qu'il peut être dément.
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Les ennemis intimes de la démocratie

Avant de lire Les ennemis intimes de la démocratie, je ne connaissais l'auteur que de renom : universitaire reconnu, historien des idées, au départ théoricien de la littérature au côté de Genette, spécialiste de Benjamin Constant et en couple avec Nancy Huston. Je savais vaguement qu'il venait d'un pays de l'Est, il a en effet vécu les vingt-quatre premières années de sa vie sous le régime totalitaire de la Bulgarie. J'avais très envie de lire un jour un de ses essais, son vécu autant que ses centres d'intérêt m'y poussait.

Si je devais résumer à ma façon, j'ai pu voyager dans le temps et dans l'espace et constater que les idées de Saint Augustin et de Pélage (contemporain du premier), d'hétéronomie (soumission à la loi) ou d'autonomie de l'individu se transmettent en épousant de nouvelles formes comme des gènes d'ancêtre.. Il n'est plus question d'autorité divine mais des racines communes innervent par exemple le « messianisme politique » qu'il s'agisse de communisme ou de néolibéralisme.Les exemples de l'histoire proche ou lointaine sont annotés et précis et l'on parcourt ainsi les siècles.

J'ai trouvé ce concept de « messianisme politique » particulièrement juste, s'appliquant tant à des régimes totalitaires qu'à des « démocraties », j'ai senti la force de la « conscience aigüe de ce paradoxe : tout ce mal était accompli au nom du bien, était justifié par un but présenté comme sublime » lorsque Todorov cite exceptionnellement son propre vécu, et pensé au Zéro et l'infini de Koestler ainsi qu'aux Justes de Camus quant à ce même paradoxe.

Sans identifier dictature et démocratie, les outils nous sont donnés pour « saisir » ce qui dans nos démocraties tend, de l'intérieur, à transformer celles-ci dès lors qu'un principe se met à peser davantage entre le peuple, la liberté et le progrès (populisme, ultralibéralisme et messianisme). Ainsi, il est aisé de voir que oui, « la logique des surhommes convient bien à la logique ultralibérale » et qu'il est nécessaire voire vital pour la démocratie de faire son autocritique et de cesser de montrer du doigt un danger soit-disant étranger à elle même (Hitler, le fanatisme religieux, etc...) pour préserver, un tant soit peu, de véritables valeurs.Vaste programme.



Je remercie les éditions Robert Laffont et Babelio qui dans le cadre de l'opération Masse-critique m'ont permis ce voyage dans le monde des idées pour un humanisme lucide.
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Les ennemis intimes de la démocratie

Les ennemis intimes de la démocratie s'apparente à un ouvrage vulgarisé de philosophie politique, attaché à identifier les racines profondes des dérives de notre système économique et politique. S'apparente car il s'agit tout à la fois d'un essai de polémiste traitant l'actualité à la lumière de l'histoire des idées. J'en retire donc une impression en demi-teinte, tant le déséquilibre entre ces deux aspects est flagrant. Autant la mise en perspective des déchirements politiques du XXème siècle par la controverse entre Saint Augustin et Pélage, est passionnante, autant l'application aux dérives du néolibéralisme ou du populisme fait souvent dans la superficialité. Autant la relecture de Condorcet, Constant ou Hayek est éclairante, autant la critique de la pensée de Friedman témoigne d'une méconnaissance évidente. Autant l'auteur nous enrichit de l'histoire du messianisme politique, de la filiation entre les penseurs de la révolution française et les néoconservateurs de la Maison Blanche, autant son analyse des nouvelles techniques de management relève de la caricature de sociologie de comptoir. Auguste Comte disait des philosophes qu'ils étaient les "spécialistes des généralistes", on préférera ici Todorov philosophe qu'essayiste, politologue ou économiste.
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La conquête de l'Amérique - La question de l'au..

En publiant La conquête de l'Amérique. La question de l'Autre en 1982, Tzvetan Todorov mêlait dans un même essai histoire, anthropologie et linguistique. Naturellement, la question de la découverte de l'Autre est une question complexe et, ainsi que l'indique Todorov dans la préface, elle pourrait susciter la publication de bien des tomes savants, tant cette question, essentielle dans la compréhension de l'Homme, touche à des domaines très variés des sciences humaines. Pour donner un cadre à sa recherche, Todorov en limite les cadres spatio-temporels. Il choisit pour cela un épisode historique, exemplaire et éloquent par son caractère extrême (au sens où, jamais, dans l'Histoire, la découverte de l'Autre ne fut si totale, et n'eut de conséquences aussi violentes) : la conquête de l'Amérique, au seizième siècle, par les Espagnols.



Le titre, déjà, est évocateur. Todorov parle de la conquête de l'Amérique, et non de la découverte des Américains. Le mot même d'Amérique renvoie évidemment à une vision ethnocentrée sur l'Europe. Voilà donc, résumée en un titre, la thèse de Todorov : la prise de possession du grand continent américain a été permis par le langage, celui-ci représentant un mode de communication mais aussi un système de pensée. C'est la supériorité communicationnelle des Espagnols qui leur permet, plus que leur supériorité technique, de s'imposer face à des populations pourtant plus nombreuses et déjà organisée. Todorov organise son argumentation en quatre parties (Découvrir, conquérir, aimer, connaître) qui sont toutes autant d'actions qui mettent en interaction le je avec autrui.



Par la découverte, Todorov montre que Colomb (orthographié sciemment en Colon par l'auteur : manière de montrer que le patronyme du découvreur était en lui-même un programme idéologique : coloniser et évangéliser) prend possession de terres en même temps que de ses habitants. Point de curiosité pour les autochtones, ici, mis au rang des animaux et des arbres (on utilisera volontiers, par conséquent, le terme de naturels pour désigner les Indiens caraïbes). Volontiers admirateur de la beauté de la nature, Colomb se fait herméneute (c'est-à-dire interprète des textes religieux) pour justifier se découverte, et la normaliser. La rencontre de Colomb avec les Indiens n'en est pas vraiment une. Loin de s'intéresser à l'Autre, Colomb l'enferme déjà dans des a priori strictement européens : ainsi la nudité est-elle synonyme d'ingénuité, et le cannibalisme de sauvagerie. Le mythe du bon sauvage, qu'il faut tout de même éduquer, prend ici ses racines ; les Indiens, ignorant la propriété privée, étonnent positivement par leurs pratiques de partage mais s'attirent la réputation de voleurs, sitôt qu'ils agissent pareillement avec les Européens.



La conquête commence avec l'arrivée de Cortès au Mexique en 1519. Celle-ci a des raisons factuelles : supériorité de l'armement espagnol, choc microbien qui décime les Indiens (vu comme un soutien de Dieu à l'entreprise espagnole), habileté diplomatique de Cortès qui rassemble les ennemis des Aztèques. Mais la conquête réussit parce que les Espagnols, d'une part, réussissent mieux dans la communication inter-humaine (ce qui leur permet de s'allier avec des peuples précolombiens) et parce que les civilisations pré-colombiennes, d'autre part, parce qu'elles sont des sociétés de l'oral, obéissent à des rituels que les pratiques espagnoles ignorent complètement et, même, désorganisent. Les Aztèques favorisaient la communication avec le monde : la nature, et les dieux en particulier, sont leurs interlocuteurs privilégiés. Les Espagnols, eux, n'ignorent pas ce type de communication, mais le verbe succède à l'action alors que chez les Aztèques, il le précède. Autrement dit, les Espagnols voient dans la réussite de leur entreprise le signe que Dieu les soutient ; pour agir, les Aztèques attendent un signal des dieux. Le langage, ici, doit être compris comme système de pensée. Les Aztèques obéissent à de nombreux rites qui garantissent la mémoire sociale et interdisent, de fait, l'improvisation. En ce sens, les Espagnols montrent une capacité à l'adaptation supérieure aux Aztèques, particulièrement précieuse dans un contexte de conquête. La communication inter-humaine fait le reste : Cortès prend le temps de collecter l'information pour agir plus efficacement ; Moctezuma, lui, refuse de voir les signes de la communication humaine (refus des rapports, absence d'initiative). Le rapport au temps est ici, aussi, essentiel dans la conquête : temps cyclique chez les Aztèques (qui cherchent d'abord à intégrer cet événement exceptionnel qu'est l'arrivée des Espagnols sur leur sol dans leur chronologie qui, par nature, se répète), temps linéaire chez les Espagnols à visée eschatologique (le monde progresse vers une christianisation complète et heureuse pour l'humanité).



Face à l'Autre, deux attitudes existent : considérer l'Autre comme identique (en ce cas, le danger est de lui appliquer mes valeurs propres, vues comme valeurs universelles et non, comme elles le sont, subjectives) ou considérer l'Autre comme différent (et en ce cas, la différence s'accompagne d'une conception hiérarchisée de l'humanité ; de fait, l'Autre est un inférieur). Les conquistadors et ceux qui les accompagnent, dominicains et franciscains, abondent dans les deux sens. Dans les deux cas, le rapport à l'Autre est faussé puisque l'Autre n'est jamais compris dans son ipséité, car cela revient à remettre en question le je ; or, la remise en cause du christianisme est fondamentalement impossible, puisqu'il s'agit de la Vérité. L'Indien est ainsi toujours objectivé ; on permet ainsi d'en prendre possession (d'où l'esclavagisme) et l'on ne s'alarme pas de sa destruction (par les massacres, par la maladie, par les traitements inhumains, notamment en matière de travail forcé, par la destruction de ses cités). A cela, on trouve des justifications : le cannibalisme, le polythéisme, les sacrifices humains sont autant d'atrocités que l'arrivée des Espagnols permet d'abolir. Là encore, les Espagnols ne se remettent jamais en cause : la société à massacre vaut mieux que la société à sacrifices. Encore que : sous l'influence d'un Las Casas, certains religieux espagnols s'offusquent des traitements réservés aux Indiens, vus, là encore sans respect pour leur identité, comme des Chrétiens en puissance. L'assimilation, comme la hiérarchisation, conduit à nier l'Autre ; pour autant, elle conduit aussi à le reconnaître comme un égal (un égal tronqué, mais un égal quand même, qu'on ne peut traiter comme un objet). Sur ce sujet, la controverse de Valladolid, en 1550, permet de concrétiser les deux positions du camp espagnol. Aimer, ou ne pas aimer, ce n'est pas attribuer un statut de sujet à l'Autre : on peut aimer pour de bonnes ou pour de mauvaises raisons (notamment lorsque l'on projette sur l'autre ses propres désirs ; ainsi le fait Las Casas).



Avec la partie "Comprendre", on se rapproche le plus possible de la démarche la plus essentielle pour subjectiver l'Autre. Au milieu du 16ème siècle, certains religieux espagnols prennent conscience de la disparition des civilisations méso-américaines. L'évangélisation de ces populations, l'assimilation des élites et, surtout, la disparition pure et simple des populations amènent à l'anéantissement de civilisations entières. Il faut ici rappeler que la conquête de l'Amérique s'accompagne d'un génocide terrible : 70 à 80 millions de morts. Comprendre l'Autre, c'est s'interroger de trois façons : l'Autre est-il bon ou mauvais ? L'Autre m'est-il soumis ou lui suis-je soumis ? Que sais-je de l'identité d'autrui ? Les auteurs espagnols qui s'intéressent aux Indiens, comme Las Casas, Duran ou Sahagun, ont fait un travail précieux pour la connaissance des civilisations méso-américaines. Encore aujourd'hui, leurs travaux déterminent une grande partie des savoirs que l'on possède sur elles. Des trois œuvres, celle de Sahagun est peut-être celle qui répond le plus à l'objectivité intellectuelle : recueillant les témoignages des Aztèques et les retranscrivant dans leur langue, le nahuatl (certes typographié avec l'alphabet latin), il décrit sans interpréter (ce que fait Duran, et ce qui est très utile désormais) les signes de la civilisation aztèque.



L'intérêt de cet essai est multiple. On retiendra qu'il permet surtout de comprendre comment la conquête de l'Amérique a été rendue possible, et de comprendre aussi à quel point les conséquences de cette conquête furent logiques, car induites par ce qui en fut la base : le langage comme système de pensée. On pourrait croire au caractère inéluctable de cette conquête : ce serait oublier que c'est précisément adaptation aux circonstances qui a permis aux Espagnols cette conquête. Todorov livre là, plus qu'un essai historique, une œuvre de réflexion qui ouvre sur l'Autre : un modèle moral, en quelque sorte, comme un appel à la modération et à l'altruisme par l'exemple inverse.
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Insoumis

J'ai aimé la lecture de cette série de portraits d'insoumis aux origines et aux destins variés.

Rien de sensationnel peut être mais il est bon de rappeler leurs parcours et leurs personnalités exceptionnelles dans notre période de montée des populismes.

Aucun peuple n'est en effet à l'abri d'une infection par le mal.

Ces insoumis sont ceux qui suivent leur propre conviction morale et refusent de se soumettre à la contrainte , ce quel qu'en soit le prix à payer.

Certains d'entre eux sont très connus (Mandela, Soljenitsyne, Pasternak) d'autres moins (Shulman, Etty Hillesum). le récit de leur vie et de leurs idéaux que fait TODOROV est clair et concis.

En particulier, son rappel des écrits Germaine TILLION, cette très grande dame, sur la logique des "ennemis complémentaires" en Algérie éclaire toujours notre présent : elle désigne cette situation où chacun trouve la légitimation de sa propre violence dans celle d'autrui.

Mandela qui l'avait bien compris a su la contourner et a réussi à faire sortir son pays de l'apartheid sans guerre civile et sans débordements de violences.

Le conflit israelo-palestinien en est en revanche la parfaite illustration malgré ceux qui essayent de la combattre y compris contre leur propre camp (Shulman).

Bref quelques beaux portraits et quelques pistes de réflexions loin d'être inutiles
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Introduction à la littérature fantastique

Ce qui est remarquable dans cette œuvre est la manière dont Todorov exprime sa pensée. Évidemment, certains passages sont obscures et complexes. Mais quelle œuvre traitant de littérature ne comporte pas de tel passage? Todorov parvient cependant à exposer clairement sa thèse et son opinion, en proposant une nouvelle définition de certains genres littéraires (le fantastique ou le merveilleux par exemple). En plus d'avoir profondément marquée la théorie littéraire, il donne un second souffle à des genres bien trop souvent confondus où mal compris. Une grande œuvre donc.
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Nous et les autres

Depuis longtemps je savais que ma réflexion sur l'altérité ne pouvait absolument pas faire l'impasse sur ce summum incontournable.

Longtemps, plusieurs mois m'ont été nécessaires pour venir à bout d'un travail qui se rapproche de mon modèle de ce que devrait produire un intellectuel dans et pour la cité.

Longtemps, plusieurs années ont fallu à l'auteur pour réaliser cette étude sur la pensée philosophique française des rapports à l'autre, qui explique et balise les débats toujours d'actualité sur l'universalisme-relativisme, l'ethnocentrisme, le racisme, le nationalisme, l'exotisme, l'humanisme...

Longtemps, environ deux siècles et demi ont servi à cette diversité conceptuelle et morale d'une culture - française - pour s'étaler, laquelle, si elle a trop souvent péché par l'orgueil de se croire universelle, demeure particulière ; mais : "[...] tout comme on ne peut apprendre l'amour "universel" qu'en passant par l'amour de ses proches, on ne peut accéder à l'esprit universel que par la connaissance d'une culture particulière." (p. 336)

Todorov utilise une démarche de déconstruction analytique de penseurs dialoguant, de Montaigne à Lévi-Strauss, de Montesquieu à Segalen, souvent Rousseau, regroupés non chronologiquement mais autour de cinq thèmes :

1. L'universel et le relatif, 2. Races, 3. Nations, 4. L'exotique, 5. La modération.

De cette œuvre de déconstruction grâce à laquelle émergent les contradictions et l'élévation, les cruautés et la grandeur, les écarts entre idéaux et pratiques de presque tous, j'ai été contraint, par acceptation du vrai, de reconsidérer certains de mes auteurs de prédilection (Rousseau, Lévi-Strauss, même Gobineau et Tocqueville), alors que Todorov ne laisse effleurer qu'une très légère complicité préférentielle pour Montesquieu qu'il fait s'exprimer en dernier (honneur qui remonte au Sénat romain)... Mais alors, très très légère complicité... Au point qu'il est conscient, dans sa conclusion, "Un humanisme bien tempéré", où finalement il "prend à [son] tour la parole", que : "[le] lecteur a pu éprouver quelque irritation (ou fatigue) devant [sa] réticence à exposer de manière systématique [ses] opinions sur les sujets abordés." (p. 505) Choix méthodologique ? Posture d'intellectuel "étranger" (avec tous les guillemets possibles, car, dans une conception culturelle de la nationalité, allez trouver plus français que lui !) ? Et pourquoi encore avoir écarté une conclusion qui serait une véritable synthèse de cette pensée de l'altérité qui, il faut bien l'avouer, tout au long des siècles et ainsi déconstruite, montre bien davantage de xénophobie que de xénophilie (même dans son exotisme = valorisation de l'autre en tant qu'autre)...

Je n'insisterai pas, car il est toujours trop facile d'imaginer soi-même un texte différent de celui que de toute évidence aucun d'entre nous ne serait capable de réaliser, même en rêve. J'insiste au contraire sur la qualité de ces quelques vingt dernières pages de prise de parole conclusive de Todorov, dont j'appelle de mes vœux une diffusion maximum, même dans les débats de presse et à l'université : plus que dans d'autres ouvrages même successifs se rapportant peu ou prou à ce sujet, il y a été capable, en effet, de pousser son acuité raisonnante sur ces dilemmes irrésolus, comme le relativisme et l'universalisme ou l'humanisme et l'anti-humanisme, dont la résonance n'est trop souvent que bruit suraigu.

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