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Critiques de Tzvetan Todorov (84)
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L'esprit des Lumières

Excellente synthèse, claire et érudite (qui a failli perdre une étoile à cause de son ton un peu trop « actualisant »)

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Les Lumières ? Quelques vagues souvenirs du lycée vous reviennent, l'Encyclopédie, vos lectures de Voltaire, Diderot ou encore Montesquieu ? L'Esprit des Lumières, de Tzvetan Todorov, se chargera de vous rafraichir la mémoire de manière très efficace, en vous donnant les clés et les enjeux de ce mouvement intellectuel, politique et artistique si particulier qu'il en est venu à « désigner non plus une doctrine historiquement située mais une attitude à l'égard du monde »(p. 141).



Après en avoir rappelé le projet général en introduction, puis les dérives, détournements et critiques qu'ont pu en faire les penseurs des siècles suivants, l'auteur décrit et analyse successivement les idées importantes des Lumières : autonomie (ainsi que laïcité et vérité), humanité et universalité. Ces chapitres sont un approfondissement conséquent des thèmes évoqués dans l'introduction, T. Todorov y déploie une culture et une érudition impressionnantes, citant nombre d'auteurs et de livres (appareil de notes exhaustif et précis), parfois totalement inconnus du grand public mais venant fort bien appuyer sa démonstration. Le propos se montre totalement accessible, sans aucun jargon d'aucune sorte, limpide et clair.



L'auteur fait par ailleurs, comme rappelé en 4e de couverture, de nombreux parallèles avec l'actualité, confrontant les valeurs des Lumières avec notre histoire plus récente. C'est ainsi qu'il traitera, au détour du récit, plus ou moins brièvement, des totalitarismes et des communismes du XIXe et XXe siècle, des débats sur la religion musulmane, de l'avortement, des programmes scolaires, de la colonisation, du créationnisme, de l'idée perdue de vérité, de la torture, etc., etc.



Cet ancrage de l'esprit des Lumières dans une actualité plus ou moins récente constitue aussi selon moi le petit défaut de l'ouvrage. En effet, T. Todorov se montre parfois un peu trivial dans ses exemples (Chirac, Fabius), quand il n'est pas à revers des idées qu'il prône (il rappelle la nécessité de la tolérance envers la liberté d'expression d'autrui mais qualifie la politique de l'extrême-droite d' « abject[e] », p. 118) ou un peu hors-terrain (quelles compétences a-t-il en économie lorsqu'il affirme que « les machines [...] fabriqu[ent] du chômage », p. 25). On aurait aimé que l'auteur se concentre exclusivement sur le siècle des Lumières tant il excelle dans l'art d'en résumer les enjeux et débats. Ces reproches sont bien évidemment très minimes comparés à la qualité générale du livre.



Signalons le dernier chapitre, Les Lumières et l'Europe, vraiment très intéressant, qui s'attache à montrer que les caractéristiques du territoire européen au XVIIIe siècle, à savoir sa diversité d'États, de mœurs, de politiques, de langues, de pensées, etc. (comme les cités grecques de l'époque antique), ont clairement été le terreau qui a fait naître les Lumières, et ce d'une manière réciproque. « Sans l'Europe, pas de Lumières ; sans les Lumières, pas d'Europe » (p. 139). L'auteur, de conclure, que le travail des Lumières est à recommencer tous les jours, tel Sisyphe portant son rocher, sans l'aspect absurde d'une telle tâche.



En bref, je vous recommande fortement ce petit ouvrage sur les Lumières, qui a le mérite d'en résumer de manière claire et précise ses enjeux. Une lecture qui ne pourra vous être que bénéfique !
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Introduction à la littérature fantastique

L’ouvrage fait 184 pages et contient une bibliographie contenant toutes les œuvres mentionnées.

Le texte ne présente aucune difficulté de compréhension. Todorov se fait plutôt pédagogue, n’utilise pas de jargon insupportable. Surtout, le raisonnement suit un cheminement bourré de cailloux partout : dans les chapeaux des chapitres, puis dans le corps du texte ensuite, en résumé enfin, à la fin de chaque grand point étudié. Il propose également une étude pointue des œuvres qu’il mentionne, n’hésitant pas à les résumer, à citer des passages entiers, puis à les interpréter pour inclure ces exemples dans sa démonstration.

Car c’est de ça qu’il s’agit : une démonstration, déroulée avec une rigueur scientifique. Hypothèses, observations, étude des différents paramètres et risques, correction si nécessaire, puis établissement d’une théorie.



D’abord, à titre personnel, je n’ai pas lu les autres ouvrages de théorisation sur le sujet (Todorov cite Caillois, Ostrowski, Scarborough…). Si cet ouvrage fait toujours référence, il est cependant daté dans son propos, subtilement lié à son époque et ses courants de pensée. Mais je n’ai pas lu d’ouvrages postérieurs qui auraient proposé quelque chose de nouveau sur le sujet. Difficile pour moi donc de remettre cette Introduction en perspective avec d’autres ouvrages, d’en dresser une critique éclairée.



Cependant, plusieurs questions me sont venues :

- le champ d’étude : 99% XIXémiste, français et anglais. Deux problèmes à cela :

Todorov fait naître le fantastique avec Le diable amoureux de Cazotte fin XVIIIè, et indique que le XIXè est l’âge d’or du genre. C’est selon moi un biais de l’époque, considérant toujours le XIXè comme LA référence.

Argument peut-être entendable mais pas suffisant pour justifier le corpus d’étude. De ce fait, je pense que l’étude mériterait une mise à jour pour vérifier si le postulat de Todorov tient toujours la route avec d’autres œuvres, antérieures et étrangères.

- Une lecture très psychanalytique. Ca se ressent particulièrement dans les thématiques du « je » et du « tu » : rien que les titres de ces deux réseaux thématiques en disent long. J’avoue avoir été assez perplexe à la lecture du blabla sur le désir sexuel comme franchissement des limites et contournement par les auteurs de la censure morale, leur permettant d’exprimer tous les penchants sous couvert du Diable.

- La question des genres. D’accord avec Todorov pour dire qu’une œuvre n’est pas un électron libre, et qu’on ne peut pas faire fi des inspirations, similitudes et rapprochements avec d’autres œuvres, une époque, un contexte, des idées. Malgré tout, la poésie et l’allégorie comme genres, j’avoue que ça me laisse perplexe.





En somme, un bon rafraîchissement de la thèse de Todorov sur la littérature fantastique, mais à remettre en perspective avec d’autres textes théoriques antérieurs et surtout postérieurs, puis à confronter à un corpus d’étude plus étendu et surtout récent. Il serait intéressant de voir comment les œuvres postérieures ont peut-être étendu le genre et fait bouger ses frontières.
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L'esprit des Lumières

Ce livre donne de bons repères sur l'esprit des Lumières (autonomie, humanisme, universalité), ses dérives possibles (moralisme ou scientisme), son intérêt dans un monde fragmenté mais globalisé (mettre l'accent sur le commun de l'espèce humaine plutôt que sur ses différences.

Il constitue un plaidoyer pour la tolérance et le respect des différences sans renoncer à la recherche d'un universalisme non surplombant.
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Mémoire du mal, tentation du bien. Enquête sur ..

Tzvetan Todorov est né en Bulgarie en 1939, arrivé en France en 1963, docteur en psychologie en 1966, puis chercheur au CNRS en 1968 où il fait l'ensemble de sa carrière ; il y dirige le Centre de recherches sur les arts et le langage. C’est un essai très éclairé qui exige attention et réflexion à chaque ligne. De plus, la structure littéraire est assez apprêtée pour un essai qui traite le sujet du bien et du mal (concept manichéen ou dualité antagoniste), illustré par les idéologies meurtrières qui ont endeuillés le XXème siècle, soit le nazisme (fascisme) et le communisme. Il développe l’analyse du totalitarisme opposé à la démocratie dont il nous présente les fondements de l’un et l’autre système politique.

Les œuvres témoignages d’auteur(e)s ayant participé à la dénonciation des systèmes, des survivant(e)s de la Shoah, des camps d’extermination nazis et du goulag soviétique, ouvrent chacun un de ses paragraphes d’analyse. Vassili Grossman (la comparaison), Margarete Buber-Neumann (la conservation du passé), David Rousset (les usages de la mémoire), Primo Levi (passé présent), Romain Gary (les périls de la démocratie) et Germaine Tillion (début de siècle). D’où l’intérêt d’avoir déjà lu ces auteurs pour bien appréhender les références historiques.

P130 : "chacun des 2 régimes garde sa spécificité : la mort devient un but en elle-même".

En réalité, le titre de cet essai colle parfaitement à la réalité car les représentations du mal et ses effets, dont la conséquence en nombre de morts pendant ce XXème siècle en sont la dominante. La tentation du bien demeure une valeur de la morale que les auteurs cités dans l’ouvrage et dont il se réfère, ont érigé en combat politique et d’intérêt public tout au long de leur vie. Cela a donné lieu à des procès (gagnés), des écrits, qui certains nous sont parvenus parfois tardivement (Vassili Grossman) pour cause de saisie, qui ont permis aux historiens et aux lecteurs curieux et passionnés, de constater que l’humain, tout au long de l’histoire, n’a cessé d’exploiter et de manipuler par la terreur, la souffrance et la mort d’autres humains, voire des peuples, en les maintenant sous asservissement et obscurantisme pour assouvir des pulsions de pouvoir, conséquences de psychopathologies, entre autres ! A quand le salut ?

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Les Abus de la mémoire

"Les régimes totalitaires du XXème siècle ont révélé l'existence d'un danger insoupçonné auparavant: celui de l'effacement de la mémoire."



La mémoire peut être abusée, manipulée pour servir à un objectif précis malsain ou non. Ainsi, le Reich millénaire fit " la guerre contre la mémoire" (Primo Lévi).

D'aucuns reprochent également aux pays occidentaux de "contribuer à leur tour au dépérissement de la mémoire" et ce, d'une manière plus douce mais non moins redoutable au travers des vaines jouissances de l'instant.



La mémoire résulte d'un double processus d'oubli et de conservation : une sélection donc. Un choix qui doit pouvoir s'opérer démocratiquement et ne pas résulter d'impératifs ( Loi Gayssot).

La mémoire n'occupe pas en règle générale, une position dominante.



La mémoire repose donc sur différents usages, Tzevtan met l'accent sur une dichotomie entre la mémoire littérale et la mémoire exemplaire.



La première consisterait à élever l'événement dans toute sa singularité, le rendant inaccessible à la comparaison avec d'autres faits historique.

La seconde permettrait à l'inverse de considérer l'évènement dans sa généralité (en le marginalisant) afin d'en tirer une leçon.

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La Vie commune : Essai d'anthropologie générale

Dans cet essai d"anthropologie générale" appuyé sur la philosophie, la psychologie, la psychanalyse ou la littérature (on en aurait souhaité davantage) et placé sous le patronage de Rousseau, Tzvetan Todorov explore l'intériorité humaine à l'aune de notre "incomplétude originelle" (édition originale de 1995, chapitre III, page 108), disqualifiant les conceptions individualistes les plus courantes et la morale inspirée du christianisme ou de Kant, en passant par les moralistes français.

L'auteur distingue d'abord ce que sont "être, vivre, exister" (chapitre III) en montrant combien "la reconnaissance de notre existence" est à la fois "la condition préliminaire de toute coexistence" et "l'oxygène de l'âme" (page 74).

Il pose ensuite qu'autrui est toujours déjà là : "L'affectif ne précède pas le cognitif : le soi ne vient pas avant autrui" (page 79).

Todorov définit justement notre "théâtre intérieur" en analysant les trois personnages qui l'animent : "le soi, le maître de la reconnaissance, l'objet du désir" (chapitre IV, page 146).

Développant l'idée selon laquelle "[n]os désirs sont étendus, notre force est presque nulle" (Émile, livre V), il s'attarde enfin avec clarté, nuance et bonheur sur différentes combinaisons de ces trois instances.

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La littérature en péril

Le titre de l'oeuvre nous renseigne sur la constat établi par l'auteur et connu par tous : la littérature est en péril . Un péril qui prend sa source dans la méthode d'enseignement pratiquée en France du secondaire au supérieur.



Une méthode consistant à prendre les oeuvres littéraires non pas pour en découvrir le sens et en approfondir la connaissance de la condition humaine mais pour en dégager les grands axes : le genre littéraire utilisé afin d'en établir la critique. En résumé, l'étude des oeuvres passerait désormais davantage par la forme que par le fond.



La conséquence depuis les années soixante est frappante, la littérature est devenue une discipline au sens étroit du terme, avec ses approches et son dogmatisme ( le mouvement "structuraliste"). L'enseignement ne consiste donc qu'à se reproduire en son propre élément.



Cette analyse est d'emblée rapportée par l'auteur, c'est efficace: on retrouve l'esprit de synthèse de Todorov. Néanmoins, l'auteur se disperse et étudie par analogie à la littérature, l'art. Il se livre à une critique de la transformation de la conception de l'art devenue purement esthétique où le seul fait d'exposer un urinoir (Marcel Duchamp) dans un musée suffit à l'élever à cette catégorie. La clarté manque parfois, et il n'est pas aisé de comprendre où l'auteur veut véritablement en venir. le sujet du livre a été finalement traité dès la première partie.



En conclusion Tzvetan Todorov nous livre son éloge de la littérature et la nécessité de reprendre l'étude de l'œuvre en elle-même sans s'égarer dans la pure démonstration critique. Elle permet de découvrir la condition humaine et d'ouvrir nos horizons.



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Éloge du quotidien : Essai sur la peinture h..

Une agréable réflexion sur le genre du quotidien et le sens de la peinture hollandaise lors d'un de ces moments de grâce que fut là-bas l'art pictural au XVIIème siècle : une invitation à démêler, avec Tzvetan Todorov, ce qui relève de la psychologie, de la morale et de l'esthétique, ainsi qu'à retrouver "le sens et la beauté de nos gestes les plus élémentaires".



L'essai pratique les allers et retours entre des considérations générales et des analyses rapides mais fines de tableaux de Steen, de Hooch, Dou, Maes, Ter Borch, Metsu, Leyster, Rembrandt ou Vermeer, entre autres nombreux peintres, dont certaines oeuvres sont reproduites, en couleur, aux éditions Adam Biro de 1998 en tout cas.
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La littérature en péril

« La littérature en péril », Tzvetan Todorov (Flammarion, 90p)

Il est toujours intéressant d’avoir un point de vue de quelqu’un qui a une double culture sur n’importe quel phénomène national, ici la littérature plus spécifiquement française. Tzvetan Todorov, d’origine bulgare, mais parfaitement intégré à la société et au monde intellectuel français nous livre donc un regard critique sur ce qu’il perçoit de l’état de la littérature dans notre pays. Pour lui c’est assez simple, ceux qui font le monde littéraire (les critiques, les éditeurs, et au final les auteurs), perdent, pour une grande partie d’entre eux, le sens profond de la littérature. L’auteur, dans un langage accessible, a une bonne manière de poser des questions simples, et sa thèse est assez claire. A trop vouloir s’attacher à une analyse didactique, technique, méthodologique, le monde littéraire risque de perdre de vue l’essentiel, c’est que la littérature peut donner un sens à la vie, celle de l’auteur comme celle du lecteur. Or aujourd’hui « les études littéraires ont pour but premier de nous faire connaitre les outils dont elles se servent. » Alors que « le lecteur non professionnel (…) lit ces œuvres non pas pour mieux maîtriser une méthode de lecture, ni pour en tirer des informations sur la société où elles ont été créées, mais pour y trouver un sens qui lui permette de mieux comprendre l’homme et le monde, pour y découvrir une beauté qui enrichisse son existence. » Et c'est lui qui a raison. « De quelle manière faut-il s’y prendre pour déployer le sens d’une œuvre, et révéler la pensée de l’artiste ? Touts les méthodes sont bonnes, pourvu qu’elles restent moyen au lieu de devenir fin en soi. »

Il ancre son point de vue dans une approche historique, s’intéressant à la création des musées au XVIIIème siècle, à l’esthétique des Lumières, au romantisme. Et il prend ses distances avec une forme de littérature moderne tournée vers l’autofiction ou le récit de vie, quand l’auteur est le sujet même de son propre texte (que pensait-il d’Annie Ernaux, je ne sais pas).

Un petit ouvrage intéressant.



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La tentation du bien est beaucoup plus dang..

Le titre est génial. Les deux auteurs qui ont fait l'expérience de la souffrance infligée par les idéologies mortifères du XXe siècle (nazisme, communisme) arrivent à cette même conclusion. Les régimes totalitaires du siècle dernier ont voulu imposer – par la force – le Bien à tous, avec les résultats que l'on connaît. Pourtant, plusieurs conceptions du bien peuvent cohabiter, comme la vision humaniste le suggère. Tous les êtres humains méritent le même respect, quels que soient leurs modes de vie et leur vision du monde.

À lire absolument pour comprendre mieux ce qui est arrivé et prendre de la distance par rapport au présent.
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La Vie commune : Essai d'anthropologie générale

L'objet de cet essai est de « traiter non, comme on le fait d'habitude, de la place de l'homme dans la société, mais, à l'inverse, de celle de la société dans l'homme » (p. 10), en d'autres termes, des implications de l'affirmation généralement admise que l'homme est un être social.

L'auteur part d'une étude de l'histoire de la philosophie dans laquelle il est souvent question d'une tension entre une nécessité actuelle de la dimension sociale de l'homme et une origine imaginée-imaginaire qui serait solitaire et pré-sociale. Contre une tradition remontant à l'Antiquité, revigorée par Montaigne mais surtout caractéristique des contractualistes anglais, contre La Rochefoucauld qui est abondamment cité, mais grâce à une lecture plus complexe que cette que l'on fait habituellement de Rousseau, d'Adam Smith et de Kant, Todorov pose les jalons de sa théorie que l'homme ne peut se concevoir que dans sa sociabilité. La dernière partie de cet exposé historico-philosophique est entièrement consacrée à Freud, héritier de Hegel, et donc à une psychanalyse qui, malgré la multiplicité de ses approches, s'avère plutôt conservatrice dans sa conception de l'« anthropologie intersubjective ».

Le chap. II prend comme point de départ également la théorie freudienne de la pulsion de mort, pour poser une tripartition - « trois paliers » - de l'humain : Être, vivre et exister. La démonstration de cette structure se fonde sur l'ontogenèse, c-à-d. l'évolution des individus depuis l'enfance, sans que les trois paliers n'aient une quelconque succession évolutive : par contre est introduite la notion fondamentale de l'ouvrage, à savoir la « reconnaissance ». Cette notion est approfondie considérablement dans le chap. III qui lui est entièrement consacré, notamment dans l'analyse de « palliatifs » qui se développent lorsqu'elle est lacuneuse ou imparfaite ; ce chap. se clôt sur l'élément dialectique de la reconnaissance : le « tour de rôle ». (Je précise qu'une extraordinaire coïncidence imprévue m'a amené à m'occuper de la très élaborée théorie de la « (lutte pour la) reconnaissance » en philosophie politique par Axel Honneth : bien que les deux penseurs ne se citent pas, la lecture récente des deux me permet d'établir de nombreuses et très jouissives complémentarités ; par la clarté et la généralité des propos, ma préférence va sans équivoque à Todorov.)

Le chap. IV apporte un élément de complexification dans l'interaction entre le je et l'autrui par l'idée qu'il existe une « multiplicité interne » de chaque personne, une idée qui en vérité remonte elle aussi à l'Antiquité. Dans ce chap. sur les « théâtres intérieurs », l'auteur se vaut surtout de la littérature, en particulier de Proust et de l'ouvrage autobiographique de Karl Philipp Moritz intitulé Anton Reiser ; mais naturellement la psychologie jungienne (avec ses concepts de « persona » et d'« imago ») y trouve aussi sa place. Enfin le chap. V pose assez brièvement une autre balise conceptuelle, à savoir la notion d'« accomplissement » : j'ai retenu et extensivement cité surtout l'exemple constitué par la lecture.

Plutôt que de parler d'un « Essai d'anthropologie générale », je songerais à un humanisme de la relation, un thème que Todorov a exploré de différentes manières dans plusieurs de ses ouvrages, et qui ne cesse d'être d'une extrême actualité.







Table [et appel de cit.]



I. Coup d’œil sur l'histoire de la pensée :

- Les traditions asociales [cit. 1]

- La découverte et sa réduction [cit. 2]

- Survivances modernes [cit. 3]



II. Être, Vivre, Exister :

- Au-delà de la pulsion de mort [cit. 4]

- Les trois paliers

- L'origine des individus



III. La reconnaissance et ses destinées :

- Modalités [cit. 5]

- Stratégies de défense sociale

- Obtenir la sanction

- Une reconnaissance de substitution

- Les renoncements [cit. 6]

- Le tour de rôle



IV. Structure de la personne :

- Multiplicité interne

- Une rencontre à Montjouvain

- L'équipe minimale [cit. 7]



V. Coexistence et accomplissement :

-L'accomplissement de soi [cit. 8]

- Les sentiers étroits [cit. 9]

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Éloge du quotidien : Essai sur la peinture h..

Magie de la peinture hollandaise

De la bibliographie pléthorique de Tzvetan Todorov, je ne connais que ce court essai sur la peinture hollandaise. Un livre en points seuil, d'une édition banales, avec des illustrations en noir et blanc médiocres...Autant dire que vous ne vous sentirez pas au Rijksmuseum....Et pourtant voilà un livre brillant, un concentré d'intelligence pure, qui permet de comprendre l'éclosion d'une peinture si originale, dans cette société protestante si différente alors des sociétés catholiques du moins dans le domaine de ce que l'on pouvait ou non représenter sur le plan artistique...Après, il faut bien reconnaitre que cela aurait pu mériter une édition un peu plus luxueuse (moins cela n'aurait pas été facile...).

Quand je pense que je possède dans ma bibliothèque une édition luxueuse du Da Vinci Code (l'erreur est humaine -on ne se moque pas), on doit pouvoir faire le même type de choses avec un livre qui parle de Vermeer...

(les choses sont toutefois bien faites car ledit livre s'avère bien pratique pour compresser des feuilles de papier qui gondolent !).

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Éloge du quotidien : Essai sur la peinture h..

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Heureuse idée ! Mon interview Babelio récente sur les « livres d'art » m'a incité à fouiller à nouveau dans ma bibliothèque. J'ai ressorti deux livres d'art exceptionnels de Tzvetan Todorov. Je parlerai du second « Éloge de l'individu » une prochaine fois.

La couverture reliée insérée dans un coffret est tellement belle que l'on ne peut résister à l'envie immédiate d'ouvrir « Éloge du quotidien – Essais sur la peinture hollandaise du 17e siècle ».



Un rappel historique s'impose : En ce début de 17e siècle, le dernier grand peintre religieux italien le Caravage, dont les clairs-obscurs ont eu un impact considérable sur la peinture italienne finissante, vient de mourir en 1610. Les grandes périodes picturales italiennes et flamandes des 15e et 16e sont terminées.

Le siècle d'or hollandais va prendre la place…



Au 17e, la République des Provinces-Unies protestante est à son apogée et domine l'Europe, aussi bien dans les domaines économiques et sociaux, que littéraire, scientifique et artistique. le commerce est florissant. La marine néerlandaise sillonne les routes maritimes mondiales avec ses navires de la Compagnie des Indes.

Les maîtres italiens continuent d'influencer la peinture dans les grands centres artistiques d'Haarlem, Utrecht, Amsterdam ou Delft. L'Église catholique n'est plus commanditaire. le choix des thèmes religieux s'altère et un grand marché de l'art libre s'installe. Pour la première fois, ce n'est plus l'histoire sainte, la mythologie grecque ou l'histoire qui deviennent le thème central du tableau, mais la vie quotidienne des gens. Quoi de mieux pour ce peuple néerlandais, sédentaire, que la demeure familiale comme modèle idéal ? Les acheteurs, bourgeois aisés, apprécient la peinture des artistes qui se spécialisent : il en résulte une demande accrue de portraits, paysages, natures mortes et peintures de genre qui, de dimensions réduites, s'accrochent plus facilement dans les salons. L'art est présent partout et l'on peut même, parfois, trouver des tableaux dans les plus humbles demeures.



La peinture intimiste néerlandaise, saynète de la vie quotidienne appelée aussi peinture « de genre », est certainement le courant le plus intéressant et le plus original du 17e siècle hollandais : des scènes d'intérieur nous font pénétrer dans les maisons bourgeoises, participer aux travaux ménagers, à la vie de famille : jeunes femmes à leur toilette, lisant une lettre d'amour, jouant du virginal ou brodant. Parfois un militaire tente de séduire une dame, un couple profite d'un moment de griserie amoureuse, ou des fêtards boivent et s'amusent.

La peinture est sans prétention, simple : la banalité quotidienne…



Quelques-uns des plus grands peintres de l'histoire mondiale de la peinture s'épanouissent dans cet âge d'or : Rembrandt, Vermeer et Hals rayonnent, accompagnés par un bouquet de peintres exceptionnels ayant des influences stylistiques et thématiques proches.



Personnalité artistique puissante, Frans Hals, plus âgé, exerce une influence sur ses cadets. « Quel plaisir de voir un Frans Hals ! », écrivait Vincent van Gogh. Dans une lettre à son ami Émile Bernard, il consacre un long passage au peintre de Haarlem : « Jamais il n'a peint de Christ, d'Annonciations aux bergers, d'anges ou de crucifixions et résurrections, jamais il n'a peint de femmes nues voluptueuses et bestiales. Il a fait des portraits, rien que cela. Cela vaut bien le Paradis du Dante et les Michel-Ange et les Raphaël, et les Grecs même. »



Rembrandt reste le génie, le plus admiré : « On ne peut voir un Rembrandt sans croire en Dieu », continue Van Gogh.



Quelques peintres représentent le plus souvent des scènes d'intérieur avec peu de personnages : Gérard Dou « La cuisinière hollandaise », Gérard Ter Borch « Jeune femme à sa toilette », Frans van Mieris « Femme à son miroir », et Gabriel Metsu « L'enfant malade ».

Une femme, Judith Leyster, est la plus représentative dans cette peinture hollandaise.



Je ne me lasse pas de ce peintre ! : Jan Steen. La brasserie qu'il géra pendant plusieurs années à Delft a dû lui inspirer ces scènes de beuveries, d'orgies, de paillardises qui sont du plus grand comique dans ce siècle puritain…



Pieter de Hooch est le peintre novateur de cette nouvelle peinture de genre hollandaise représentant la vie populaire dans des scènes familiales d'intérieurs bourgeois ouverts sur des cours illuminées où des enfants s'amusent. Sa sensibilité et son style sont proches de Vermeer avec lequel il est voisin à Delft.



À Delft, le siècle d'or dérive lentement au fil de l'eau des canaux. Johannes Vermeer va amener la peinture hollandaise à son plus haut niveau. Harmonie, calme, sérénité… le peu de toiles conservées du sphinx de Delft sont connues dans le monde entier : « La Femme à la balance » en Vierge attire dès le premier regard ; une lumière dorée enveloppe la « Vue de Delft » ; « La Laitière » verse le liquide blanc dans une cruche, pendant qu'une jeune femme hésite à ouvrir une « Lettre d'amour » ; « La jeune fille à la perle », éblouissante, nous fait face, souriante.



Les peintres hollandais du 17e ont connu un état de grâce qui tient à l'interprétation du monde. L'artiste hollandais trouve le sens de la vie dans la vie elle-même, et non nécessairement dans un répertoire constitué de formes. Il peut montrer la beauté dans un simple geste que personne n'avait sublimé jusque-là : une jeune femme ajuste son collier de perles ou soulève les plateaux d'une balance ; compas à la main, un scientifique observe par la fenêtre.



Cet ouvrage, avec ses nombreuses représentations de tableaux, est magnifique.



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Éloge du quotidien : Essai sur la peinture h..

Qu’est-ce qu’une période bénie en peinture ? Celle qui va transformer notre regard? Todorov a la réponse parfaite : celle où même les peintres de second rang produisent des chefs-d’œuvre. C’est ce que j’aime chez lui: cet art de la formule qui va droit au but, cette concision qui nous épargne les circonlocutions d’une pensée en train de se former et qui semble couler de source, comme la conversation bienveillante d’un ami qui en sait beaucoup plus que nous mais qui ne nous estime pas moins pour autant.

Hors notes, 150 pages, donc, y compris des reproductions en noir et blanc qu’on s’avisera plutôt de retrouver en couleur sur le web, 150 pages et 9 chapitres qui nous racontent comment la peinture hollandaise du XVII° siècle a bouleversé nos représentations.

L’éloge du quotidien qu’elle a prôné s’explique par le protestantisme de ce petit pays commerçant qui délaisse les valeurs aristocratiques pour celles, plus humbles, de la famille. Contrairement aux catholiques qui valorisent la clôture sacrée du monastère, eux pensent que Dieu est partout, surtout dans les intérieurs bien tenus que la lumière et le dallage rendent semblables à des églises.

Le livre progresse par la remise en cause de chaque conclusion. Après nous avoir prouvé que la peinture hollandaise s’expliquait par le protestantisme Todorov nous démontre qu’il ne s’agit pourtant pas de promouvoir les humbles par la représentation factuelle de leur existence. En fait de réalisme, elle ne propose qu’un petit nombre de sujets dont l’aspect allégorique saute rapidement aux yeux, comme cette cuisinière qui s’attaque aux oignons avec mortier et pilon sous l’œil coquin d’un assistant. Voilà donc un tableau qui nous rappelle à nos obligations, et veut nous éloigner de jouissances terrestres trop vaines pour nous satisfaire vraiment.

Sauf que, ajoute immédiatement l’auteur, la plupart des tableaux ne sauraient se réduire à un didactisme rigide. Parce que leur sens est souvent mystérieux et surtout parce leur vertu esthétique l’emporte sur le vice moral qu’ils sont censés condamner.

En réalité, le secret des peintres hollandais est de se tenir sur le fil ténu qui éloigne les Anciens, désireux de peindre ce qui est beau, des Modernes, prompts à inventer la beauté: eux ne l’inventent pas, ils la révèlent. Et dans cette société férue d’efficacité qui est désormais la nôtre, ils veillent à ce que nous n’oubliions pas le temps suspendu où nous habitons pleinement le monde, où notre vie banale nous comble et nous suffit.
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La littérature en péril

Essai enrichissant de moins de 100 pages qui nous permet de réfléchir sur les cours de français reçus durant l'adolescence. Mais également sur les critiques littéraires de professionnels ou d'amateurs. Lors de l'étude d'un classique, faut-il privilégier l'analyse du fond ou de la forme ? Je conseille !
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La Peur des barbares : Au-delà du choc des ci..

Pourtant fervent lecteur de Tzvetan Todorov (confer la liste ci-dessous), car grand spécialiste, et à juste titre dénonciateur des régimes Totalitaires : Communiste et Nazi ; je suis extrêmement surpris de constater, ici, l’indulgence, voire l’angélisme dont l’auteur fait preuve vis-à-vis de l’Islam.



En effet, Tzvetan Todorov analyse, comme dans ses autres ouvrages, de manière très érudite, les notions de : Culture, Civilisation, Barbarie, etc..



En revanche, en ce qui concerne l’Islam : malgré, d’une part, la foultitude d’attentats terroristes Islamistes dans le monde ; et d’autre part, l’accroissement exponentiel ces dernières décennies, du prosélytisme Islamique : communautarisme, signes et revendications religieux en tous genres de la part de nombreux musulmans dans notre sphère Républicaine laïque Française et Européenne ; Tzvetan Todorov, lui, ne semble pas s’en inquiéter outre mesure.



Alors : ultra-tolérance naïve (ce que je ne peux imaginer de la part d’un si grand Penseur) ? Espoir vain, de la notion de Totalitarisme qui serait née avec le Communisme, et morte avec le Nazisme ? « Bien-Pensance » inutile, mais dans l’air du temps ? Déconnexion entre la théorie et la Réalité ? Ou bien, finalement, peut-être un peu de tout cela à la fois !



En tout état de cause, j’espère que, pour le bien de l’Humanité, son immense connaissance des Cultures et de la Nature Humaine, lui donnera raison. Et que, ce que NOUS ferons de ce 21ème siècle, nous conduira plutôt : vers l’évolution des Civilisations, que vers…, la Barbarie !



Confer également, d’autres ouvrages tous aussi passionnants de Tzvetan Todorov :



– Face à l’extrême ;



– Mémoire du mal, Tentation du bien : enquête sur le siècle ;



– Les Abus de la mémoire ;



– L’Esprit des Lumières ;



– Le Nouveau Désordre mondial : Réflexions d’un Européen.
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Face à l'extrême

Dans ce formidable ouvrage, Tzvetan Todorov décrypte les différents sentiments ressentis par les prisonniers, à travers des témoignages de survivants et de tortionnaires, dans l’horreur des camps de concentration : Communistes et Nazis.



L’auteur décrit par exemple le fait que : nombreux sont les prisonniers qui ont « choisi » la dignité du suicide, plutôt que de se laisser sauvagement exécuter par leurs bourreaux.



On est également stupéfait de constater que les hommes qui perpétraient le MAL ABSOLU n’étaient, pour la plupart, ni des monstres fanatiques, ni des sadiques, mais des gens étonnement ordinaires adhérant à la politique inhumaine menée par l’Etat Totalitaire. Comme Tzvetan l’explique, page 139 :



« On s’est souvent demandé comment des « gens ordinaires », « bons maris et pères de famille », avaient pu accomplir tant d’atrocités : qu’était devenue leur conscience morale ? La réponse est que, grâce à cette captation des fins dernières, à cette restriction des hommes à la seule pensée instrumentale, le pouvoir totalitaire pouvait obtenir qu’ils accomplissent les tâches qui leur sont prescrites sans avoir besoin de toucher à la structure morale de l’individu. Les gardiens responsables d’atrocités ne cessent pas de distinguer entre le bien et le mal, ils n’ont subi aucune ablation de leurs organes moraux ; mais ils pensent que cette « atrocité » est en fait un bien, puisque l’Etat – détenteur des critères du bien et du mal – le leur dit. Les gardiens sont non pas privés de morale, mais dotés d’une morale nouvelle ».



Et, sur la notion de responsabilité individuelle, Tzvetan Todorov nous éclaire encore, page 143 :



« Non, les hommes ne sont jamais entièrement privés de la possibilité de choisir. La personne est responsable de ses actes quelles que soient les pressions qu’elle subit, autrement elle renonce à son appartenance humaine ; toutefois, quand les pressions sont vraiment grandes, le jugement doit en tenir compte ».



Suit une intéressante analyse sur le degré de responsabilité morale de la part : des populations témoins de ces persécutions et de ces déportations. L’auteur cite, ici, Evguenia Guinzbourg (survivante du Totalitarisme Communiste) Vertige (le) et Le Ciel de la Kolyma, tome 2 : Le Vertige, pages 157 et 158 :



« Il ne suffit pas pour retrouver la paix de se dire qu’on n’a pas pris une part directe aux assassinats et aux trahisons. Car qui a tué ? Pas seulement celui qui a frappé, mais aussi tous ceux qui ont apporté leur soutien à la Haine. Peu importe de quelle manière. En répétant sans réfléchir des formules théoriques dangereuses. En levant sans rien dire la main droite. En écrivant lâchement des demi-vérités (II, 188) ».

« De cela les habitants des pays totalitaires sont bien responsables ».



Ensuite, Tzvetan Todorov dissèque la schizophrénie des bourreaux, dans les camps de concentration, qui tentent de se dédouaner de leurs monstruosités, page 183 :



« Toute pensée des fins est écartée ; il n’est question que des moyens, et encore de moyens appropriés à une partie du processus seulement ».



Egalement, page 185 :



« Aucun des éléments de la chaîne (bien plus longue en réalité) n’a le sentiment d’avoir la responsabilité de ce qui est accompli : la compartimentation du travail a suspendu la conscience morale. La situation, n’est légèrement différente qu’aux deux bouts de la chaîne : quelqu’un doit bien prendre la décision – mais il suffit d’une seule personne pour cela, d’un Hitler, d’un Staline, et le destin de millions d’êtres humains bascule dans le macabre ; cette personne, qui plus est, n’a jamais affaire aux cadavres, au concret. Et quelqu’un doit bien donner le coup de grâce – cette personne perdra le repos intérieur jusqu’à la fin de ses jours (qui risque de toutes façons d’être très proche), mais elle n’est, pour le coup, vraiment coupable de rien ».



Et encore, page 187 :



« Dans un régime totalitaire, la schizophrénie sociale, la séparation de la vie en sections imperméables, est un moyen de défense pour qui garde encore quelques principes moraux : je ne me comporte de façon soumise et indigne que dans tel fragment de mon existence ; dans les autres, que je juge essentiels, je reste une personne respectable. Sans cette séparation je ne pourrais fonctionner normalement ».



Puis, Tzvetan Totorov traite de l’effroyable thème de la dépersonnalisation ou déshumanisation, pages 192 et 193 :



« D’autres techniques sont moins brutales, mais non moins efficaces. Les détenus sont privés de leur nom et dotés d’un numéro ; or le nom est la première marque de l’individu. En parlant d’eux, les gardiens évitent d’employer des termes comme « personnes », « individus », « hommes », mais les désignent comme « pièces », « morceaux », ou se servent de tournures impersonnelles. Stangl continue de le faire dans ses entretiens avec Sereny, plus de trente ans après les faits : « tout était terminé » (pour désigner un assassinat collectif), « un transport était classé », etc. (182). « Il était interdit d’employer le mot « mort » ou le mot « victime » parce que c’était exactement comme un billot de bois », se souviennent deux fossoyeurs de Vilno (Lanzman, 24). Une note secrète, concernant les modifications à apporter dans les camions qui servent de chambres à gaz mobiles, à Chelmno, datée du 5 juin 1942, donne particulièrement froid dans le dos : les êtres humains à tuer sont toujours désignés comme « le chargement », « les pièces », ou pas désignés du tout : « quatre-vingt-dix-sept mille ont été traités » (Kogon et al., III-IV) ».



Et puis, page 193 :



« Enfin toute inclusion des individus dans une catégorie plus abstraite contribue à les dépersonnaliser : il est plus facile de traiter de manière inhumaine les « ennemis du peuple » ou les « koulaks » qu’Ivan et Macha ; les juifs ou les Polonais, plutôt que Mordehaï et Tadeusz. Les communistes se comportent ainsi jusque dans les camps nazis. Elles ne demandaient pas : « Souffres-tu ? ». Ou bien : « As-tu de la fièvre ? » mais : « Es-tu membre du Parti communiste ou non ? » (Buber-Neumann, Milena, 230). La réduction de l’individu à une catégorie est inévitable si l’on veut étudier les êtres humains ; elle est dangereuse dès qu’il s’agit d’une interaction avec eux : en face de moi je n’ai jamais une catégorie mais toujours et seulement des personnes ».



Une oeuvre extraordinaire d’analyses et de réflexions profondes sur la MORALE et pour tenter de comprendre : POURQUOI des êtres humains peuvent engendrer le MAL ABSOLU !



Confer également, d’autres ouvrages tous aussi passionnants de Tzvetan Todorov :

– Mémoire du mal, Tentation du bien : enquête sur le siècle ;

– Le Nouveau Désordre mondial : Réflexions d’un Européen ;

– Les Abus de la mémoire ;

– L’Esprit des Lumières ;

– La Peur des barbares : Au-delà du choc des civilisations.
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Le nouveau désordre mondial. Réflexions d'un Eu..

Comme toujours, Tzvetan Todorov, nous propose un petit livre très dense en réflexions et analyses. En voici quelques exemples :



D’abord, il nous détaille les nombreuses raisons possibles de la guerre en Irak par les Etats-Unis, autres que celles qui nous sont officiellement présentées.



Puis l’auteur analyse les fragiles rapports d’équilibre qui existent entre démocratie, idée voire idéal pour ne pas dire idéologie. Le tout chapeauté par des puissances militaires, qu’il faut savoir maîtriser.

En effet, lors d’un conflit entre Etats, pour amener un pays à la raison : mieux vaut passer par la négociation, voire l’enlisement momentané d’une situation, plutôt que d’avoir recours à la force armée, certes, plus rapide et plus « efficace », mais conduisant, dramatiquement, souvent à la souffrance des populations.



Pour Tzvetan Todorov l’intervention militaire doit servir essentiellement dans le cas de la légitime défense. Quant au droit d’ingérence, lui, ne peut intervenir à l’encontre de la souveraineté nationale d’un autre pays, uniquement dans le cas d’un risque avéré de : génocide (exemple récent de la tragédie du Rwanda en 1994).



Une autre notion complémentaire est que : le droit doit prévaloir sur la force. Mais il est plus facile d’appliquer cette « méthode » dans son propre pays, qu’entre pays, car souvent (page 84) :



« Les Etats privilégient l’intérêt particulier au détriment de l’intérêt général ».



Par conséquent, le désarmement restera certainement éternellement une chimère, car même si la négociation est évidemment toujours préférable à la guerre, il est nécessaire de pouvoir se défendre contre tous les : terroristes, les fanatiques…



Bref, comme d’habitude, des sujets passionnants traités brillamment, de manières simple et concise.



Confer également, d’autres ouvrages tous aussi passionnants de Tzvetan Todorov :

– Mémoire du mal, Tentation du bien : enquête sur le siècle ;

– Les Abus de la mémoire ;

– La Peur des barbares : Au-delà du choc des civilisations ;

– L’Esprit des Lumières ;

– Face à l’extrême.
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Le siècle des totalitarismes

Après une passionnante introduction générale à ce livre reprenant des points clefs de l’étude des Totalitarismes, Tzvetan Todorov (Bulgare d’origine et directeur de recherche honoraire au CNRS) qui a vécu sous le Totalitarisme Communiste, rassemble ici différents Essais qu’il a écrit sur le captivant sujet du Totalitarisme.

Ayant pour ma part déjà commenté les Essais suivants : Face à l’extrême (https://totalitarismes.wordpress.com/2018/10/11/mon-commentaire-du-livre-de-tzvetan-todorov-face-a-lextreme/) et Mémoire du mal, Tentation du bien : enquête sur le siècle (https://totalitarismes.wordpress.com/2018/10/09/mon-commentaire-du-livre-de-tzvetan-todorov-memoire-du-mal-tentation-du-bien-enquete-sur-le-siecle/) ; je vais donc aborder ici les oeuvres de l’auteur que je ne connaissais pas.



En commençant par : Une tragédie française : Eté 44, scènes de guerre civile.

Dans cet original ouvrage, Tzvetan Todorov décrit le féroce conflit, voire la « mini » Guerre Civile déclanchée dans la petite commune de Saint-Amand-Montrond située dans le Cher, lors de la Seconde Guerre Mondiale.

En effet, à partir du 6 juin 1944, lorsque les Résistants et les Miliciens Français apprennent que le Débarquement des Alliés a commencé sur les plages de Normandie, ils se livrent à de terribles actes de représailles, de tortures et d’exécutions sommaires.

Avec d’un côté les Résistants-Maquisards dont l’objectif est de se sacrifier pour la Libération de la France contre le joug Totalitaire Allemand, et de l’autre, les Miliciens Pro-Nazis dont le but est de soutenir l’action de la Gestapo et de l’Armée Allemande pour exterminer les Juifs et les Communistes.



Un livre qui présente : la tragédie de Français qui luttent contre… d’autres Français, opposés sur des valeurs fondamentales.



Ce second commentaire porte sur des extraits du livre : L’homme dépaysé.

Un livre concernant les fondements du Totalitarisme :

– D’abord l’IDEOLOGIE Communiste comme l’éternelle vision utopique de la « société parfaite » de l' »avenir radieux », concrétisée par Karl Marx fondateur du mouvement Communiste au 19ème siècle ;

– Ensuite l’application de l’Idéologie qui passe par la TERREUR, dont l’auteur re-situe l’origine, page 457 :



« Le mérite d’avoir systématisé ces idées et de les avoir mises en pratique revient pourtant incontestablement à Lénine, fondateur du premier Etat totalitaire, et à ses camarades bolcheviques. Ce sont eux qui articulent ces quelques principes simples : l’intimidation de la population dans son ensemble (Trotski : la révolution doit être conduite comme une guerre, « en tuant quelques individus isolés elle en effraie des milliers ») ; cette fonction de terreur sera confiée à un organisme particulier, appelé à l’origine la Tcheka, la Commission extraordinaire (Dzerjinski : « Notre appareil a des ramifications partout. Le peuple le craint »). Le maintien de la terreur sera légitimé par une phraséologie guerrière : « lutte des classes », « dictature du prolétariat ». »



Tzvetan Todorov présente également un pilier essentiel sur lequel les régimes Totalitaires Communistes ont pu prospérer pendant des décennies. Il s’agit du contrôle TOTAL de l’Etat-Parti unique sur TOUTE la population, par la délation généralisée (confer également l’ouvrage visionnaire de George Orwell : « 1984 »), pages 463 et 464 :



« Les grands moyens de promotion sont simples : servilité avec les supérieurs et délation envers les autres. La délation n’est pas un travers personnel ou passager : elle est un facteur structurel de la société totalitaire. Pour le pouvoir, elle est la garantie que rien ne lui échappera : ses agents ne suffiraient jamais à la tâche. Puisqu’on doit surveiller la population entière, il faut que celle-ci se surveille elle-même. Pour les individus, c’est le moyen de monter dans l’échelle des pouvoirs : dire du mal de son prochain, c’est éliminer un rival (sans parler de la satisfaction immédiate qu’on tire à décider du destin d’autrui). Peu importe si la délation est pure calomnie ou si elle contient des éléments de vérité (ce qui n’est pas difficile : personne n’est entièrement satisfait du régime, donc irréprochable) ; l’important, c’est de nuire à ceux qui vous entourent. Le seul problème que pose la délation est que, accessible à tous, elle peut aussi vous prendre pour objet ; des clans d’entraide et de solidarité se développent alors, qui vous portent secours en cas de coup dur. »



La servilité au régime devient alors la règle et l’individu perd toute dignité et toute autonomie individuelle, comme l’explique fort bien l’auteur, pages 464 et 465 :



« Si l’on devait trouver un dénominateur commun aux traits caractéristiques de ces sociétés, ce serait leur opposition à l’autonomie de l’individu et au maintien de sa dignité. Dans une démocratie, l’individu a le sentiment d’agir en sujet autonome et par conséquent de rester un être digne lorsqu’il se conduit en fonction de ses propres décisions, c’est-à-dire de sa volonté. Peu importe que dans bon nombre de cas il s’illusionne et qu’il soit en réalité mû par des forces inconscientes en lui ou par des facteurs économiques et sociaux qui le transcendent ; le sentiment de dignité est le résultat de la représentation qu’il se fait de sa propre action, et son humanité même commence avec la possibilité de dire « non ». L’autonomie ne se confond pas avec la volonté de puissance illimitée : elle exige la liberté du sujet, non la soumission ou l’élimination des autres. Or tout dans la société totalitaire (et le terme est bien approprié à cet égard) vise à empêcher cette autonomie de l’individu, cette possibilité d’être la source de sa propre conduite. La vertu la plus grande, et la mieux récompensée, est la docilité ; le principe le moins toléré, l’insoumission.

La doctrine privilégie déjà, explicitement, le groupe au détriment de l’individu ; elle se donne les moyens de mettre ce dernier en échec, en le privant de toute autonomie économique. De là l’attaque contre la propriété privée, la nationalisation des moyens de production, la collectivisation des terres. De là, sur un autre plan, le souci d’endoctriner les enfants dès leur plus jeune âge (à travers l’école et les organisations parascolaires), la soumission au pouvoir central s’opposant à la solidarité familiale, source d’autonomie incontrôlable. »



Tzvetan Todorov décrit encore un autre pilier indispensable aux régimes Totalitaires : le camp de concentration. Qui sont alors les ennemis à enfermer par les régimes Totalitaires ?

La réponse de l’auteur est à la fois simple et claire, page 474 :



« L’Etat totalitaire a besoin d’ennemis, or il n’en a pas (les individus qui osent le combattre sont rares) ; il s’emploiera donc à présenter comme des ennemis toutes sortes de personnes qui ne le sont pas. Pour y voir plus clair, on pourrait les regrouper en quelques grandes catégories qui seraient : les adversaires ; les non-conformistes ; les rivaux. »



Ensuite, Tzvetan Todorov analyse les raisons qui ont conduit à l’effondrement du Communisme. Suite notamment, au développement de la dissidence et au fait que le régime Communiste arrivant au terme de son « illusion paradisiaque », se craquelle ; et qu’à partir de l' »évènement » de la chute du Mur de Berlin en 1989, Mikhaïl Gorbatchev décide de ne plus réprimer les révoltes populaires, comme cela fut la barbare « tradition » pendant 74 longues années de Totalitarisme Communiste.



Enfin, l’auteur aborde l’important sujet du post-Communisme, celui de l’indispensable devoir de Mémoire envers les DIZAINES de MILLIONS de morts innocents, par la reconnaissance de l’immensité des crimes du Communisme et de ses dirigeants. Sujet juridiquement complexe car dramatiquement si vaste et touchant tant d’innocents sur tant de temps…



Un autre chapitre de ce livre très enrichissant, concerne les dissidents, en l’occurrence : Kravtchenko et David Rousset. En effet, dès 1946, ces deux personnalités ont largement contribué à dénoncer l’horreur des camps de concentration Nazis et du Goulag Soviétiques.

Pourtant, ils ont rencontré de nombreux obstacles de la part de sommités Françaises : Joliot Curie prix Nobel de physique, le dessinateur Jean Eiffel, Jean-Paul Sartre, Malraux, Margueritte Duras, et même de la part de certaines victimes des camps Nazis, elles-mêmes !, etc…, NIANT, et/ou voire pire : JUSTIFIANT l’existence du Goulag ou des Purges Staliniennes (Grande Terreur) des années 1930.

Incroyables ignominies Morales et Intellectuelles !



Puis dans le dernier chapitre du livre, Tzvetan Todorov revient en détail sur le procès de Paul Touvier dans la décennie 1990, accusé et condamné à la prison à perpétuité pour avoir été responsable, entre autres, de la fusillade de 7 Juifs, le 29 juin 1944 à Rillieux, près de Lyon.

Le procès tourne alors autour de plusieurs axes cruciaux, comme par exemples :

– Touvier était-il pleinement responsable de ses crimes ?

– A-t-il agit sur ordre des Nazis, ou seul ?

– Dans le cadre d’un procès si tardif : ces crimes peuvent-ils être considérés comme Crimes contre l’Humanité, ils seraient alors imprescriptibles ?

– Etc..



En résumé, un livre indispensable et puissant pour qui veut réfléchir sur le Totalitarisme, mais aussi sur des notions qui en découlent : la Morale, la Mémoire, l’Humanité et l’Inhumanité, le respect de la vie Humaine, le danger de l’Idéologie en tant que « Pensée Unique »…, et finalement une réflexion globale sur la Nature Humaine.



Confer également, d’autres ouvrages tous aussi passionnants, de Tzvetan Todorov :

– Mémoire du mal, Tentation du bien : enquête sur le siècle ;

– Le Nouveau Désordre mondial : Réflexions d’un Européen ;

– Face à l’extrême ;

– La Peur des barbares : Au-delà du choc des civilisations ;

– Les Abus de la mémoire ;

– L’Esprit des Lumières.
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L'esprit des Lumières

Tzvetan Todorov nous narre l’origine des Lumières au 18ème siècle. Il nous détaille tout au long de l’ouvrage, les fondamentaux dont-elles sont constituées, tels que :

– Le droit essentiel de tout être humain à la vie ;

– La démocratie et la laïcité ;

– La tolérance ;

– Le respect de la liberté individuelle de conscience et d’esprit critique par l’éloge de la Connaissance ;

– L’égalité Universelle des droits des hommes et des femmes entre eux et face à la loi ;

– L’égalité entre les Peuples ;

– Etc..



L’auteur dénonce les dérives et détournements de l’Esprit des Lumières à des fins dogmatiques, idéologiques, utopiques par certains individus, pays, régimes politiques, religions…

En effet, Tzvetan Todorov nous démontre, par exemple, que le Colonialisme aux 19ème et 20ème siècles, est une de ces dérives, pages 29 et 30 :



« L’un des reproches habituels qu’on adresse aux Lumières est qu’elles ont fourni les fondements idéologiques du colonialisme européen du XIXe et de la première moitié du XXe siècle. Le raisonnement est le suivant : Les Lumières affirment l’unité du genre humain, donc l’universalité des valeurs. Les Etats européens, convaincus d’être porteurs de valeurs supérieures, se sont cru autorisés à apporter leur civilisation aux moins favorisés qu’eux ; pour s’assurer de la réussite de leur entreprise, ils ont dû occuper les territoires où habitaient ces populations… »



L’autre dérive concerne bien évidemment, les deux grands régimes Totalitaires du 20ème siècle : le Communisme et le Nazisme, page 33 :



« Un autre reproche particulièrement grave adressé à l’esprit des Lumières est d’avoir produit, quoique involontairement, les totalitarismes du XXe siècle, avec leur cortège d’exterminations, d’emprisonnements, de souffrances infligées à des millions de personnes. L’argument se formule ici à peu près en ces termes : ayant rejeté Dieu, les hommes choisissent eux-mêmes les critères du bien et du mal. Enivrés par leur capacité de comprendre le monde, ils cherchent à le remodeler pour le rendre conforme à leur idéal ; ce faisant, ils n’hésitent pas à éliminer ou à réduire en esclavage des portions importantes de la population du globe. »



En conclusion, l’Esprit des Lumières sert souvent iniquement à « justifier » les barbaries du passé et d’éventuelles futures déviances de l’être humain.

Il ne faut pas confondre la fondamentale égalité entre les Hommes, et le soi-disant « Scientisme » idéologique qui, lui, est un danger pour la liberté individuelle et des Nations, au profit : des opportunistes extrémistes et pseudo-« sauveurs » de l’humanité en tous genres.



Confer également, d’autres ouvrages tous aussi passionnants, de Tzvetan Todorov :

– Mémoire du mal, Tentation du bien : enquête sur le siècle ;

– Le Nouveau Désordre mondial : Réflexions d’un Européen ;

– Face à l’extrême ;

– La Peur des barbares : Au-delà du choc des civilisations ;

– Les Abus de la mémoire.
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