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Citations de Ursula K. Le Guin (1085)


- J'ai toujours dit, déclara Pae, que des filles techniciennes convenablement dirigées pouvaient décharger les hommes de bien des fardeaux dans n'importe quelle situation de laboratoire. Elles sont plus adroites et plus rapides que les hommes pour tous les travaux de répétition, et plus dociles - et s'ennuient moins facilement. Nous pourrions libérer plus facilement certains hommes pour des tâches intéressantes, si nous utilisions des femmes.
- Pas dans mon laboratoire, en tout cas, dit Oiie. Laissons-les à leur place.
- Pensez-vous que les femmes soient capables de travaux intellectuels originaux, Dr Shevek ?
- Eh bien, ce sont plutôt elles qui m'en ont jugé capable. Mitis, dans le Nord, était mon professeur. Ainsi que Gvarab; vous la connaissez, je crois.
- Gvarab était une femme ? dit Pae avec une franche surprise, et il éclata de rire.
Oiie ne paraissait pas convaincu, mais choqué.
- On ne peut pas le savoir d'après vos noms, bien sûr, dit-il froidement. Il est important pour vous, je suppose, de ne pas faire de distinction entre les sexes.
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Kimoe essaya d'expliquer le mot statut, n'y parvint pas, et revint au premier sujet.
- N'y a-t-il vraiment aucune distinction entre le travail des hommes et celui des femmes ?
- Eh bien, non, ce serait une base très catégorique pour la division du travail, ne trouvez-vous pas ? Une personne choisit son travail en fonction de son intérêt, de son talent, de sa force... qu'est-ce que le sexe vient faire là-dedans ?
- Les hommes sont plus forts, physiquement, affirma le docteur avec une assurance professionnelle.
- Oui, souvent, et plus grands, mais qu'est-ce que cela peut faire quand nous avons des machines ? Et même quand nous n'avons pas de machines, quand nous devons creuser avec une pelle ou porter quelque chose sur le dos, les hommes travaillent peut-être plus vite - les plus forts - mais les femmes travaillent plus longtemps... J'ai souvent souhaité être aussi résistant qu'une femme.
Kimoe le dévisagea, si choqué qu'il en oubliait les convenances.
- Mais la perte de... de tout ce qui est féminin... de la délicatesse... et la perte de la dignité masculine... Vous ne pouvez certainement pas prétendre que, dans votre travail, les femmes sont vos égales ? En physique, en mathématique, ce qui concerne l'intellect ? Vous ne pouvez pas prétendre vous abaisser constamment à leur niveau ?
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Shevek s'arrêta, le col de sa chemise encore sur le nez. Puis il émergea complètement, s'agenouilla et ouvrit la poubelle. Elle était vide.
- Les vêtements sont brûlés ?
- Oh, ceux-là sont des pyjamas bon marché, pour le service... on les met et on les jette, cela coûte moins cher que de les faire nettoyer.
- Cela coûte moins cher, répéta Shevek d'un air méditatif. Il avait prononcé ces mots à la façon d'un paléontologue regardant un fossile, un fossile datant d'au moins une strate.
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C'était en fait un lieu de quarantaine. Le mur n'entourait pas seulement le terrain d'atterrissage, mais aussi les vaisseaux qui descendaient de l'espace, et les hommes qui se trouvaient à bord de ces vaisseaux, et les mondes d'où ils arrivaient, et tout le reste de l'univers. Il enfermait l'univers, laissant Anarres en dehors, libre.
Vu de l'autre côté, le mur entourait Anarres: toute la planète se trouvait à l'intérieur, comme un immense camp de prisonniers, coupée des autres mondes et des autres hommes, en quarantaine.
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"Par une chaude après-midi d'été, les six chats de la ferme d'Overhill musardaient dans la cour de la grange, somnolant ou se racontant des histoires, bâillant après les papillons ou ronronnant au soleil.

Chaque jour, Alexandre Furby, qui vivait à la ferme, venait rendre visite aux cinq habitants de l'ancien pigeonnier de la grange : Thelma et Roger, Harriet et James, sans oublier leur petite soeur, Jane.

Ce fut elle qui se redressa la première.

- Thelma ! demanda-t-elle soudain. Pourquoi avons-nous des ailes ?"
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S'il est facile de décrire une série de causes et d'effets, il en va tout autrement de la cessation de causes et d'effets. Pour ceux qui vivent dans le cours du temps, la séquence est la norme et le seul modèle, tandis que la simultanéité leur apparaît comme un fouillis, un irrémédiable chaos, et la description de ce chaos comme une entreprise irrémédiablement chaotique. Comme les membres de l'équipage n'avaient plus de perception stable de l'ensemble qu'ils formaient, ni de la capacité de communiquer leurs perceptions, la description de leurs perceptions individuelles demeure le seul fil sur lequel se guider à travers le labyrinthe de leur désarroi.
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Tu sais, dit Shan, à l'époque de la Ligue, au début des voyages à vitesse luminique, on envoyait des vaisseaux dans des galaxies très éloignées pour explorer le plus de mondes possibles et les équipages ne rentraient qu'au bout de plusieurs siècles. Peut-être même certains d'entre eux sont-ils encore très loin d'ici. D'autres ne sont rentrés qu'au bout de quatre, cinq ou six siècles, et tous étaient devenus fous -- complètement fous ! Fit-il, et il garda un silence solennel pendant quelques instants. Mais en réalité, ils l'étaient déjà au départ, reprit-il. Ils étaient déséquilibrés. Il fallait l'être pour vouloir faire l'expérience d'un tel décalage temporel. Tu parles d'un critère de sélection pour un équipage ! Conclut-il en riant.
-- Et nous, sommes-nous équilibrés ? Demanda Oreth. Moi, en tout cas, j'aime l'instabilité. J'aime ce travail. J'aime le risque, j'aime prendre des risques ensemble, avec mon équipage. Jouer gros ! C'est ce qui donne tout son sel, toute sa saveur à l'aventure...
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Nous sommes convaincus que, dans un climat de discussion, de libre critique et de recherche mutuelle de la vérité, nous pouvons aboutir ensemble à un protocole d’accord sur une question qui nous intéresse tous.
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Les gens disaient ce qui servait leurs buts, quand ils discutaient sérieusement ; sinon ils parlaient pour ne rien dire. Quand on s’adressait à une jeune fille, on n’était jamais sérieux. On tenait la gent féminine soigneusement à l’écart des sales vérités, pour que leurs âmes pures ne s’entachent d’aucune trivialité ni souillure.
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Des images affreuses lui sautèrent aux yeux : sous le choc, son intérêt s’en trouva ravivé. Des humains tenant la tête de leur prochain pour leur insuffler de l’air dans la bouche ; des schémas des os de la jambe ou des veines du bras ; des photos couleur, sur un magnifique papier glacé, de gens arborant qui, de petits boutons rouges sur les épaules, qui, d’énormes rougeurs sur les joues ou d’horribles pustules sur le corps entier, le tout accompagné de légendes mystérieuses : Éruption allergique. Rougeole. Varicelle. Mariole. Non, ce n’était pas mariole, mais variole. Elle étudia attentivement les reproductions, se hasardant parfois dans le texte de la page opposée. Elle comprit qu’il s’agissait d’un ouvrage de médecine que le docteur, et non pas son père, avait dû oublier sur la table la veille au soir.
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En tant que fille d’oligarque, elle avait évidemment appris à lire et à écrire. En plus des leçons de récitation, elle avait recopié des maximes morales, et savait même rédiger un billet d’excuse ou d’invitation de sa drôle d’écriture en arabesque, avec les salutations et la signature qui se détachaient en hautes lettres droites. Mais à l’école ils utilisaient des ardoises et des cahiers retranscrits à la main par les professeurs. Elle n’avait jamais touché un livre de sa vie. Les livres étaient trop précieux pour servir aux écoliers ; il n’y en avait que quelques douzaines dans le monde entier, conservés dans les Archives.
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Tout acte de défi ou de violence est un piège et doit être refusé en tant que tel, nous sommes d’accord, mais nous voulons nous libérer. Les Chefs essaieront de nous en empêcher, par tous les moyens à leur disposition, y compris la force physique, mais la force est l’arme du faible. Si nous avons confiance en nous et en notre idéal, si nous tenons bon, la puissance qui nous menace s’évanouira comme les ombres de la nuit quand le soleil se lève.
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Ils plaisantèrent et bavardèrent, la petite fille brune hurla de rire, les cheveux blonds de Kasimir retombèrent sur ses yeux, les deux garçons de onze ans se disputèrent, l’homme maigre et souriant s’assit, une guitare à la main, et se mit aussitôt à jouer, penchant sur son instrument son visage au nez en bec de corbeau. Sa main droite avec laquelle il pinçait les cordes était légèrement estropiée ou déformée. Tout le monde se mit à chanter, sauf Stefan qui, la gorge douloureuse, ne connaissant pas leur répertoire et n’ayant pas envie de chanter, garda un silence morose. Le Dr Augeskar entra. Il serra la main à Kasimir et d’un seul coup l’éclipsa, comme un roi de haute stature à côté d’un héritier improbable et fluet. « Où est ton ami ? Je suis désolé de ne pas avoir pu vous attendre à la gare, j’avais une urgence là-haut sur la colline. J’ai dû faire une appendicectomie sur la table de la salle à manger. C’était comme découper une oie de Noël. Va te coucher, Antony. Bendika, donne-moi un verre. Je te sers, Joachim ? Et vous, Fabbre ? Il servit le vin rouge et s’assit avec eux à la grande table ronde. Ils se mirent à chanter. Augeskar proposait les chansons et conduisait les autres de la voix ; il remplissait la pièce. Celle de ses filles qui était blonde coqueta avec lui, la plus jeune, une brune, éclata d’un rire aigu, Bendika taquina Kasimir, Bret chanta une chanson d’amour en suédois ; il était seulement onze heures du soir. Le Dr Augeskar avait, sous ses sourcils blonds, des yeux gris et clairs. Stefan croisa leur regard. « Vous avez pris froid ? » (« Une semaine à la campagne »)

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Pendant sa convalescence, je passai le voir chaque jour. Il m’attirait. La dernière nuit avait été une de ces nuits dont seule la jeunesse peut avoir l’intuition – une nuit entière, d’un crépuscule à l’autre, à côtoyer la vie et la mort avec, au-delà des fenêtres, l’hiver, la forêt, et la nuit.
Je dis moi-même « forêt », tout comme le faisait Minna, pour parler de cette garde de quelques centaines d’arbres. Il y avait eu là une forêt autrefois. Elle avait couvert tout Valone Alte, comme les propriétés des Ileskar. Pendant un siècle et demi le déclin avait été continu. Il ne restait plus rien que le bosquet, la maison et une part dans la société betteravière Kravay, assez pour permettre de vivre à un Ileskar. Restait aussi Martin, le garçon au visage en lame de couteau, son serviteur en principe, quoiqu’ils partageassent le travail et la table. Martin était un drôle de corps, dévoué à Ileskar et jaloux. Je percevais dans cette dévotion une véritable pulsion, non pas sexuelle mais possessive. Cela ne me troublait guère. Il y avait quelque chose chez Galven Ileskar qui faisait paraître cela tout naturel. Il était naturel de l’admirer et de vouloir le protéger. (« La forêt d’Ile »)
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La nuit descendue des montagnes s’avançait sur la route neigeuse. L’ombre avala le village, la tour de pierre du Donjon de Vermare, le galgal au bord de la route. L’ombre tenait les encoignures des pièces du Donjon, siégeait sous la grande table comme au-dessus des poutres et attendait derrière l’épaule de chacun des hommes assis au foyer. (« Le galgal »)
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Ils savaient – ils n’y étaient pas pour rien – que le Dr Kereth pourrait tenter d’obtenir l’asile politique à Paris. Aussi, dans l’avion volant vers l’Occident, à l’hôtel, dans les rues, pendant les assemblées et même pendant qu’il lut sa communication devant la section de cytologie, il fut discrètement accompagné par des personnages obscurs et assidus, pouvant faire figure d’étudiants avancés ou de microbiologistes croates, mais n’ayant ni nom ni visage. Non seulement sa participation donnait un certain éclat à la délégation de son pays, mais son gouvernement en retirait quelque bénéfice : « Nous l’avons même laissé partir ! » Ils avaient donc tenu à sa présence là-bas. Mais ils le gardaient à l’œil. Il en avait l’habitude. Dans son pays exigu on ne pouvait échapper aux regards qu’en restant tout à fait immobile, en tenant au repos corps, langue et esprit. Il avait toujours été remuant et bien en vue. Aussi quand, tout d’un coup, le sixième jour, il se retrouva seul en pleine lumière, il resta interdit un moment. Suffisait-il d’enfiler une allée pour réussir à disparaître ? (« Les fontaines »)
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Elle ressortit ses bottes et sa pelisse, fit son sac à dos, et, à l'aube du jour convenu, alla à pied avec Akidan au lieu de rendez-vous. Le printemps hésitait à l'orée de l'été. Une obscurité bleutée emplissait les rues de la ville, mais là-bas, au nord-ouest, la grande muraille brillait en plein jour et son sommet laissait voir ses bannières radieuses de nuages. On va là-bas, se dit-elle, on va là-bas ! Et elle baissa les yeux, pour voir si elle foulait le pavé ou marchait sur l'air.
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Mes seigneurs, voici le fils de Morred.

Cette phrase ne suscita nulle fierté chez Arren, mais seulement une sorte de crainte. Il était fier de son ascendance, mais se considérait seulement comme un héritier princier, un membre de la Maison d'Enlad. Morred, de qui était issue cette maison, était mort depuis deux mille ans. Ses exploits étaient légendaires, mais n'appartenaient pas au monde présent. C'était comme si l'Archivage l'eût appelé fils d'un mythe, héritier de songes.
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A l'extérieur est gravé un dessin qui ressemble à des vagues, et à l'intérieur figurent neuf Runes de Pouvoir. La moitié en ta possession porte quatre runes et un peu d'une autre ; et il en est de même pour la mienne. LA cassure a coupé ce symbole juste au milieu, et l'a détruit. C'est ce qu'on appelle, depuis lors, la Rune Perdue. Les huit autres sont connues des Mages : Pirr, qui protège de la folie, du feu, et du vent, Ges, qui donne l'endurance, et ainsi de suite. Mais la rune brisée était celle qui liait les terres. C'était la Rune-lien, le signe de l'autorité, le signe de la paix. Aucun roi ne pouvait gouverner convenablement s'il ne le faisait point sous ce signe. Mais personne ne sait comment on l'écrivait.
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Ce fut le premier pas de Dan sur la voie qu'il devait suivre tout au long de sa vie, la voie de la magie, la voie qui l'amena par la suite à pourchasser une ombre sur terre et sur mer jusqu'aux ténébreuses côtes du royaume de la mort. Mais, à l'heure des premiers pas, la route semblait aussi large que resplendissante.
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