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Critiques de Valery Larbaud (45)
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Sous l'invocation de saint Jérôme

J'ai lu ce texte, fin 2012, dans l'édition de 1953 des Oeuvres complètes publiées chez Gallimard (tome VIII emprunté à la médiathèque « Grand'rue » de Mulhouse). C'était dans le cadre d'un cours de traductologie à l'ITIRI de Strasbourg. J'ai gardé quelques notes éparses, contenant surtout des bribes de texte et le souvenir d'une rédaction assez complexe, mais très intéressante pour qui prend goût aux théories de la traduction.

La première partie (« Le patron des traducteurs ») débute par une présentation de Saint-Jérôme, auteur d'une grande partie de la Vulgate et « chef d'une communauté latine en terre de langue étrangère » puisqu'il a passé la seconde moitié de sa vie à Bethléem.

En commentant le style de Saint Jérôme, l'auteur constate la présence de belles constructions poétiques chez celui qui a traduit par amour, pour se consoler, mais aussi « contre » des gens, mettant ainsi au service de ses colères et de ses rancunes de polémiste son art de traducteur. le grand principe de Saint-Jérôme était qu'il faut rendre plutôt le sens que les mots des textes, autrement dit l'illustration ingénieuse de la maxime « Non verbum e verbo, sed sensum exprimere de sensu ».



Dans le chapitre « Droit et devoirs du traducteur » Larbaud insiste sur le sentiment de responsabilité : ne pas trahir, éviter d'un part le mot à mot insipide et infidèle à force de servile fidélité, et d'autre part la « traduction ornée ». Il s'agit donc pour le traducteur de saisir et recréer « l'impression esthétique voulue par le poète ». Se pose donc la question comment être à la fois l'interprète de l'autre et nous-même ? Nous « ne voulons pas plus, mais pas moins », au risque, sinon, de défigurer complètement le texte.



Dans le chapitre « Joies et profits du traducteur », Larbaud affirme que les débuts même du plaisir de la lecture coïncident avec une certaine forme de plagiat, conscient ou inconscient, qu'il qualifie de « primitif instinct d'appropriation ». Dès lors, la traduction apparaît comme un moyen de jouir des « objets de beauté » et devient « une forme de la critique : la plus humble, la plus timide, mais aussi la plus agréable à pratiquer ». Je suis parfaitement d'accord. Traduire donc, pour accroître sa richesse intellectuelle, enrichir sa littérature nationale et honorer son propre nom.



Dans ce contexte, le traducteur dispose des « peseurs de mots », pour peser « jusqu'aux virgules ». le métier de traducteur est un commerce intime et constant avec la Vie, une vie que nous ne nous contentons pas d'absorber et d'assimiler comme nous le faisons avec la Lecture, mais que nous possédons au point de l'attirer hors d'elle-même pour la revêtir peu à peu, cellule par cellule, d'un nouveau corps qui est l'oeuvre de nos mains.



L'auteur rappelle, en évoquant diverses théoriciens de la traduction que Paul Valéry, par exemple, compte parmi ceux qui n'ont pas publié de traduction, mais qui ont exprimé d'importants avis sur l'art de traduire.



Qui dit responsabilité et métier, dit aussi conscience professionnelle. Celle-ci imposerait selon Larbaud de corriger les contresens (je pense quant à moi que les faiblesses du texte d'origine doivent être gardées) et de concevoir donc la traduction comme « une belle et constante école de vertu ». « Qui dit traducteur, dit serviteur de la vérité », car « en tant que texte à traduire, l'édifice verbal ayant un sens précis, il est vérité, et la déformer ou la mutiler, c'est offenser la vérité ».



J'ai apprécié aussi la manière dont sont listés les plaisirs de la traduction : « la rare volupté des recherches étymologiques, le fait d'avancer toujours vers plus de certitudes, entrevoir quelque chose des secrets de Babel ».



Pour le traducteur, les mots de la langue écrite sont des « guirlandes, bouquets et brassées de paroles à porter, avec le blé et les grappes, aux autels du Dieu qui emplit de joie la jeunesse éternelle des âmes, et leur inspire le langage avec le chant ». Ainsi, la langue maternelle, on la conserve comme « on conserve les portraits des aïeuls et l'argenterie familiale ».



Avec du recul, je pense que ce texte est un incontournable pour qui s'intéresse à la traduction littéraire. Et puis, Larbaud écrit dans un style très agréable.
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Ce vice impuni, la lecture (domaine anglais)

Entrer dans ce livre, c'est une chance inattendue.

C'est être présenté à Valery Larbaud, son auteur, un généreux homme de lettres qui, au fil de sa plume, trace pour son lecteur un sillon fait d'élégante littérature.

Ce livre est composé de deux parties totalement inégales.

La première, longue d'une vingtaine de page, a pour titre "Ce vice impuni, la lecture".

Elle sonne comme la brillante préface qu'elle n'est pas.

La seconde partie forme le corps de l'ouvrage.

Elle a pour titre "Domaine anglais", et réunit, en trois grands chapitres, quelques agréables aventures d'un lecteur continental parmi les littératures de langue anglaise.

Valery Larbaud est ce lecteur continental qui se fait critique littéraire pour l'occasion ...

Un joli poème de Logan Pearsall Smith annonce la couleur : la lecture est un vice raffiné et impuni, une égoïste, sereine et durable ivresse.

Au possesseur d'une culture littéraire étendue, on dit qu'il est un lettré.

A quoi ce terme de lettré s'oppose ?

On le tait poliment.

Derrière la couverture de papier ou de carton, se laissent entrevoir des trésors inépuisables, se cachent des mondes merveilleux qui éveillent nos consciences, notre réflexion et notre imagination.

Le chemin, qui transforme le lecteur en lettré, est pavé d'embûches, semé d'obstacles.

Qu'est-ce qu'un lettré ? Comment le devenir ?

Telle est la question posée ici, résolue aussitôt et, non sans un fin humour, dissertée brillamment à l'envi par Valery Larbau.

Son livre est un peu difficile d'accès.

Mais il rend généreusement plus que ce que sa lecture a coûté.

Le "Domaine Anglais", c'est l'Angleterre, les États-Unis et l'Irlande.

Valery Larbaud nous y présente Coventry Patmore, Samuel Butler, Thomas hardy le dramaturge, Digby Dolben, William Ernest Henley, Walt Whitman et James Joyce ...

Il y feuillette quelques une de ses notes sur Francis Thomson, sur Edgar Allan Poe et sur James Stephen ...

Il y ouvre "Fortune", un nouveau roman de Joseph Conrad, un manuel littéraire d'Arnold Benett, "Tandis que j'agonise" un roman de William Faulkner et surtout deux romans, "Tono Bungay" et "Mariage" d'Herbert Georges Wells ...

Entrer dans ce livre, c'est une chance inattendue.

C'est redécouvrir que la Culture est fille du plaisir, et non pas du travail ...







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Fermina Márquez

Certaines lectures restent vivantes, prégnantes dans nos esprits, d’autres meurent, d’autres s’éloignent et s’endorment.

J’avais lu Fermina Marquez il y a fort longtemps ( à 16, 17 ou 18 ans , l’année est incertaine) je n’ai conservé aucun souvenir de l’histoire, seul le titre évoquant un certain exotisme et son auteur étaient bien présents dans ma mémoire.

Récemment j’ai eu à relire la transcription d’une conférence, le nom de Valéry Larbaud (1881-1957) y apparaissait ( mal orthographié en Largot!) . J’ai eu envie de relire ce roman paru en 1911, classé en 1950 parmi les douze meilleurs romans de langue française publiés entre 1900 et 1950 par le jury du Grand prix des meilleurs romans - prix littéraire français unique - alors qu'aujourd'hui, il est presque oublié, peut être parce qu'il ne répond plus tout à fait à la sensibilité actuelle.

Ce roman se déroule dans le collège Saint-Augustin, lieu inspiré par le collège de Sainte-Barbe des Champs à   Fontenay-aux-Roses où Valery Larbaud y fut pensionnaire d'octobre 1891 à juillet  1895. C'est un établissement cosmopolite qui accueille de nombreux élèves étrangers riches , notamment d'Amérique latine.

Quand Fermina Marquez, jeune colombienne, accompagnée de sa tante, Mama Doloré, et de sa petite soeur Pilar vient rendre quotidiennement visite à son frère Paco , pensionnaire dans cet établissement , la vie des collégiens et lycéens va en être chamboulée. Chacun va tenter sa chance auprès de cette adorable jeune-fille : le fort en thème, Joanny Léniot, timide, terne, d' une physionomie peu agréable, avide de gloire scolaire, le bellâtre émancipé , Santos Iturria, de Monterrey  le tout jeune Caille Moûtier, âgé de treize ans... Ces adolescents seront plongés dans un tourbillon de passions et la vie reprendra son cours...

C'est un narrateur omniprésent qui relate le quotidien de ces jeunes pensionnaires.

Un roman sur l'adolescence qui nous fait partager la vie de ces jeunes pensionnaires privilégiés par leur statut social , à la fin du 19e siècle.



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Les poésies de A.O. Barnabooth

Il y a ce paradoxe majeur dans "les poésies d'A.O. B." à savoir qu'elles sont écrites par le double imaginaire du poète mais composées de souvenirs de voyages très personnels, de vécu débordant la à la forme et la métrique plus que personnelle... paradoxe irréductible donc où se trace un paysage à la fois cosmopolite et intime.

De cette expérience de dédoublement, de l'exil perpétuel mais voulu décrit dans les vers, de ce sentiment de rejet par la condition financière très favorisée de Barnabooth (et l'auteur) ressort une fort sentiment de solitude.

Impossible de démêler un quelconque vrai d'un visiblement faux. Tout est sincère et signé de vent.

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Enfantines

Ce recueil de Valéry Larbaud intitulé "Enfantines" comporte huit nouvelles, dont six dédicacées à une figure du monde littéraire : Léon-Paul Fargue, André Gide, Francis Jourdain, Gaston Gallimard, Régis Gignoux, Marcel Ray et une à Marcelle Jeanniot, la fille du peintre Pierre Jeanniot.

L'auteur semble posséder un accès magique à l'univers enfantin. Ces textes, teintés d'un léger voile de nostalgie, comme si les enfants eux-mêmes avaient la prescience de vivre une éternité fragile qui ne leur sera donnée qu'une fois, sont pleins d'images vivaces et subtiles. Les enfants sont d'impitoyables petits explorateurs, des poètes à la fois durs au mal et si fragiles, à la capacité d'émerveillement illimitée. Immortels dans l'âme, ils affrontent la mort avec le stoïcisme de qui est sûr de survivre. Tout est en germe dans leur affects bouillonnants, la vie ne fera qu'éliminer une multitude de petits bourgeons.

J'ai retrouvé à cette lecture des impressions depuis longtemps évanouies, comme celle d'observer à la loupe le monde alors à ma portée, ainsi que cette capacité imaginaire liée à la soif de donner un sens à tous les évènements bruts révélés, trop à la fois, trop riches.

Valéry Larbaud avait conservé sur lui la clé de l'enfance, et il en a fait ici un usage merveilleux.
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Fermina Márquez

Une muse délicate et certainement idéalisée (ou pas), un portrait du narrateur « en jeune élève » aussi, un livre en tout cas, où le latin côtoie la remarque d'un précédent lecteur, en marge de la page 115 (de l'édition de poche) en anglais : « GET RICH OR DIE TRYING! », où le français est à apprendre...
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Les poésies de A.O. Barnabooth

Écrits et publiés pour la première fois en 1908 sous le titre étrange de "Poèmes par un riche amateur", "Les poèmes de A.O Barnebooth" - hétéronyme de Valéry Larbaud - (Barnebooth est la contraction de la ville de de Barnes, située près de Londres et de Booth, nom d'une chaîne de pharmacie anglaise) restent une oeuvre assez particulière.



A.O Barnebooth, nous dit Valéry Larbaud, est un riche rentier, un jeune homme au caractère volontiers irrévérencieux, cynique. Érudit polyglotte, il est aussi un grand voyageur. Ses poèmes retracent les nombreux voyages qu'il a faits, ils sont les souvenirs, les rêveries et les aspirations de son auteur. Sous sa plume, il décrit une réalité d'apparat, sa vie fastueuse mais qui ne va pas sans un certain désenchantement, une idéalisation qui compose avec la gravité, une intimité qui touche à l'universel, au doute métaphysique. Les poèmes sont surtout la marque d'un rejet des classes dominantes de l'époque dont son auteur (Valéry Larbaud également) est issu, une vive condamnation de cette hérédité d'esprit et de moeurs, de cette élite refermée sur elle-même.



Tout au long des pages, des images se succèdent qui mêlent présent et souvenirs, réalité prosaïque et grandeur historique. Les textes sont pleins d'exaltation, de lyrisme mais aussi d'ironie, de cynisme. Outre la très belle écriture, c'est sans doute ce refus chez le poète des rêves trompeurs que procurent l'argent, des convenances d'une élite refermée sur elle-même, ce voyage fait jusqu'au bout de soi, de sa condition d'homme, qui rend ce recueil des Poèmes de A.O Barnebooth si singulier et si attachant. 

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OEUVRES COMPLETES. Tome 8

Ce tome VIII comprend entre autres articles et essais un texte sur la traduction intitulé « Sous l'invocation de Saint Jérôme », dont le chapitre seize « J'ai deux amours » a attiré mon attention. Au sujet de la chanson lancée en 1932 par Joséphine Baker : « J'ai deux amours / Mon pays et Paris, /Par eux toujours / Mon cœur est ravi. » Valéry Larbaud en note la genèse collective. Le style plutôt académique reste très agréable de par l'enthousiasme du propos.
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Les poésies de A.O. Barnabooth

Valéry Larbaud en tant que poète peut-être immédiatement comparé à Thomas Chatterton, en particulier pour sa précocité avec d'excellents premiers vers dès sept ans, également pour sa démarche artistique, en créant un faux personnage littéraire, comme ce double imaginaire, héros fantasmagorique de son recueil de voyage : les poésies de A.O Barnaboth, enfin, pour la critique caustique du monde dans lequel il évolue, celui des riches occidentaux. La poésie de Larbaud ou Barnaboth est géniale, tellement le jeu de mimétisme patronymique et poétique est subtil, s'entrelaçant délicieusement pour troubler le lecteur dans un labyrinthe inextricable telle une odyssée homérique sans fin. Pour bien appréhender la poésie de Larbaud, il faut s'imaginer l'homme, dandy fantasque, aux goûts raffinés, mais sans la prétention et le mépris de sa classe envers les âmes simples. Car l'auteur est un être ouvert, aux sentiments pétris d'un cosmopolitisme sincère, désireux de connaître le monde et les cultures qui ne sont pas les siennes. Cet amoureux des voyages, sur des paquebots de luxe, cultivé, polyglotte, se veut aussi le chantre d'une révolution individuelle, sorte d'anarchie bourgeoise capricieuse pour un monde meilleur, de progrès et d'universalité, mais attention, ne nous leurrons pas, Larbaud alias Barnaboth, reste marqué par sa classe sociale, offrant dans ses vers transfigurés son amour de l'art poétique et des autres grands noms de la rhétorique versifiée, ainsi qu'un désabusement décadent sur la société qui l'entoure, l'entrainant dans une métaphysique recherche de lui-même, énigme insoluble d'une finalité existentielle plus générale sur l'avenir de l'homme, restée sûrement sans réponse et trouvant un ultime réconfort empreint d'exotisme dans ses périples aux quatre coins du monde.
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Fermina Márquez

Ce livre, publié par Gallimard en 1926, était considéré comme un livre phare de cette époque. C'est encore un "classique". Il garde à mes yeux beaucoup d'attrait dans cette peinture de jeunes adolescents qui veulent devenir des hommes et qui tombent à genoux devant cette icône qu'est Fermina Marquez. Bien sûr on évolue ici au milieu d'une jeunesse dorée : tous les parents de ces jeunes gens sont richissimes et il semble que le monde leur est déjà acquis. Mais les pauvres stratagèmes de Joanny sont dépeints par Larbaud sans complaisance et avec pas mal d'ironie, voire d'auto-dérision puisque le narrateur, s'il reste ici purement spectateur des agissements de ses congénère, ne peut être dissocié d'eux.



Malgré tout, je trouve qu'il reste à la lecture de ce livre comme un petit parfum de naphtaline, dont il est difficile de se débarrasser.
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Fermina Márquez

Récit d'une belle écriture fluide qu'on peut lire en une seule journée. Mais il n'en reste pas grand-chose après lecture. « Vanité, tout est vanité », a-t-on envie de dire en fermant le livre.



Une riche et belle jeune fille, Fermina Marquez, venue d'Amérique du Sud, va semer le trouble auprès des jeunes collégiens.

Le meilleur élève du collège, J. Leniot, va tenter de la séduire par défi ou par bravade afin de se venger des autres élèves qui le méprisent et le jalousent, pour finir lui-même par tomber amoureux et se prendre un râteau, tandis que Santos, du genre beau et séduisant avec du panache, obtiendra les faveurs de la jeune fille sans aucun effort.

Fermina servira à son premier prétendant un discours mystique assez indigeste, auquel elle croit, jusqu'à ce qu'elle comprenne qu'il ne lui sert qu'à masquer sa passion amoureuse pour Santos.

Joanny Léniot par fierté laissera la place à son rival en prétextant prendre des cours d'aquarelle.

Ambition, désir de gloire, orgueil et passion se chevauchent et les sentiments changent plus vite que l'air du temps.

On retient néanmoins le regard sans concession et non dénué de lucidité de l'adolescent sur les adultes :

« Ils tiraient vanité de n'avoir jamais rien désiré de chimérique, c'est-à-dire rien de grand, dans toute leur existence [...] Ils avaient traversé la vie en silence, pareils aux animaux, que la nature a inclinés vers la terre et qu'elle a faits esclaves de leurs appétits grossiers... »



Le narrateur omniprésent (sans doute l'auteur) reviendra sur les lieux plusieurs années plus tard : Leniot, le jeune homme dévoré d'ambition est mort à l'armée et Santos s'est mariée avec une belle blonde.

On ne saura même pas ce qui est arrivé à Fermina Marquez.

Rien qui puisse laisser une trace indélébile dans cette histoire sinon la beauté de l'écriture.





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Les poésies de A.O. Barnabooth

Borborygmes et voyages exotiques, les mots de Larbaud, simples, nus et divers, se lisent avec un sourire ou un regret, pas plus, modestes évocations d'un monde en dérive et d'un homme qui s'y attache. Cendras sans aventure ou Appolinaire sans extravagance, Larbaud coule de source, photographe des petits moments et des petits êtres, une mendiante qui danse, quelque part en Espagne, un femme russe qui porte des seaux d'eau, ou un fumoir anglais qui met dans la tête une chanson de François Morel. Ne demandons rien de plus à la poésie. Ainsi, elle suffit, loin de son ordinaire prétention à dire plus qu'elle ne peut.

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Amants, heureux amants...

Le regroupement des trois nouvelles d’Amants, heureux amants… n’est pas dû au hasard. Elles déclinent le même thème des hésitations amoureuses dans la vie d’un jeune oisif parisien du début du 20e siècle. Dans une vie qui ne comporte plus aucun obstacle social ni économique, les héros de ces différentes nouvelles ne peuvent s’empêcher de faire turbiner leur cervelle. Leurs neurones jettent leur dévolu sur le moindre cancan et toute demoiselle qu’ils jugent convenable devient la proie de machinations diaboliques qui ont pour but de raviver une vie ternie par l’opulence. Là où il n’y a pas de problèmes, il semble que l’homme s’ennuie et dépérisse. Ce qui est magnifique avec les histoires sentimentales, c’est que le nombre de tourments qu’il est possible de susciter à base d’adultères, de mensonges, d’hésitations et de bravades d’interdits est presque infini. Et Larbaud s’en repaît.



Derrière ses personnages masculins, jeunes riches et oisifs, qui voyagent d’une ville à une autre sans se soucier du lendemain, on découvre en effet le reflet de l’existence de l’écrivain. Les mises en scène de ses textes représentent ses propres interrogations et traduisent les tiraillements qu’il ressent lorsque, coincé dans une époque conservatrice et puritaine, il affronte avec violence l’irrationalité des passions qui s’éteint avec la vie de couple mais se ranime à la vue d’une charmante paire de jambes.



Ces nouvelles ont mal vieilli, que ce soit au niveau de la forme comme en ce qui concerne le fond. Le style est prétentieux, bariolé de références antiques et de babillage italien qui font la plus grande gloire d’un esprit marqué par la vanité. Le résultat sonne aussi faux et guindé que les plans tordus qu’imaginent les héros de ces textes, persuadés qu’une vie pleine de complications sentimentale saura redonner de la vigueur à leur triste existence de privilégié. Difficile de s’attacher ou de s’identifier à ces beaux parleurs dont la vacuité semble immense. Une fois leurs misérables histoires d’amour achevées, que leur reste-t-il ? Rien… Ils continuent d’errer de par le monde avec des airs de grands seigneurs à qui tout est dû. Si leurs réflexions sur les conventions qui dominaient la vie amoureuse au début du 20e siècle pouvaient alors être novatrices et perturbantes, aujourd’hui, elles font figure de provocations faciles. Ce n’est pas que les conventions régnant en ce domaine aient complètement disparu actuellement, mais on comprend que derrière la contestation des valeurs bourgeoises, Larbaud ne cherche pas à rénover une pensée étriquée pour le bien-être général mais pour son bien-être exclusif, afin de pouvoir profiter au mieux de jeunes fleurs et d’en jouir complètement jusqu’à épuisement de leurs ressources. Le tout se dissimule derrière un ton emprunté et galant qui ne survivrait sans doute pas à la prise de recul critique ou à la dérision.



Seul avantage de ces textes ? Ils présentent le mérite d’être brefs. Peut-être est-ce là la manifestation d’une portée critique de Larbaud sur ses écrits. Comprenant que ses personnages ne méritaient pas que l’on s’attarde sur eux plus de cinquante pages, il aura préféré, très judicieusement, couper court à leurs réflexions creuses en les abrégeant par des points de suspension salutaires.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Fermina Márquez

Une histoire sur l'adolescence à la façon du Grand Meaulnes et dont le titre me rappelle "Manon Lescaut" : le personnage qui lui donne son nom est certes au centre de ce qui se passe, mais n'est pas du tout le personnage principal. C'est certes une très belle jeune fille, mais sans personnalité. Le texte de Valéry Larbaud s'attarde beaucoup plus sur son entourage, le cadre du collège et le déroulement de l'année scolaire. Quant aux autres protagonistes, son frère et sa soeur sont des enfants qui font partie du décor, le narrateur a la même position que dans le Grand Meaulnes. Les deux personnages principaux sont deux garçons "prétendants" de Fermina Marquez : l'un est un fantastique mégalomane, et l'autre noceur sans état d'âme. Il est donc difficile de s'attacher à l'un ou l'autre.

Pour clore cette lecture, j'attendais une fin surprenante ou émouvante, mais il n'y en a pas vraiment. Le narrateur se retrouve plusieurs années après devant la porte du collège qui a été fermé et revendu à des promoteurs. Nous savons que le noceur s'est marié avec une autre femme, que le mégalo est mort anonymement (tant pis pour ses rêves de gloire) mais quid de Fermina Marquez ?
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Les poésies de A.O. Barnabooth

En souffrance d'une comparaison diabolique avec les lectures parallèles...

Trouvé ça faiblard,

rien de folichon,

rien de patachon,

rien de ce que j'en espérais... Trop vanté par Dany Laferrière, j'en suis déçu. Trop déçu.

Parfois je me vois emporté par les discours passionnés qui rendent passionnant un sujet qui ne m'attire pas d'entrée de coeur, mais pas ici.

Suis resté à quai.

Et de penser que ma poésie n'est décidément pas de celles qu'on nomme comme telles.
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A.O. Barnabooth, son journal intime

Archibald Olson Barnabooth occupe la position, ô combien enviable - aux yeux du commun des mortels, d'homme le plus riche du monde. Pourtant... D'origine Sud-américaine, mais d'un cosmopolitisme défiant toute attache, l'homme a hérédité d'une fortune colossale, bâtie dans le commerce du guano. Pecunia non olet. Désirant se réaliser, il a tranché dans le vif pour se libérer de toutes attaches... en réalisant sa fortune, comprenez en ce débarrassant de toutes ses demeures, casinos, écuries privées, voitures, titres boursiers ... pour être libre selon lui et voyager léger. Problème : le jeune homme traverse une crise existentielle. La vie de poète dilettante, d'esthète, l'éternelle promenade de capitale en ville européenne, de boutique en magasin, de Palace en résidence éphémère, c'est amusant certes, çà étourdit un moment, mais tuer le temps çà n'est pas vivre, surtout quand tout vous est possible. Mais peut être que le problème vient de là, prendre place au festin de la vie, déjà rassasié, mais l'âme vide. Car quand on a guère de soif d'étude, d'ambition de réussite ou de doctrine comme mode d'emploi de l'existence, l'horizon peut sembler singulièrement restreint. Barnabooth a bien des velléités d'amour, mais ses conceptions en la matière, très traditionnelles, ne sont guère au goût de celles qu'il honorerait volontiers d'un mariage princier, et quant aux amitiés, transcendant les milieux, çà n'est finalement que des interludes peu satisfaisants, bien qu'il essaye de tirer une philosophie de vie des soliloques de ses connaissances.





Prenant la forme d'un journal intime, le présent récit est une manière de roman de formation. C'est un peu la vie hyperbolique de l'auteur lui-même, grand voyageur, qui n'eut guère à s'encombrer l'esprit de soucis financiers, ni à vivre des lettres. Et cependant, Valéry Larbaud est un remarquable écrivain, à la plume alerte et brillante, étant doué d'un vrai sens de la formule, du trait d'esprit, bref d'un style délectable. A la lecture du présent texte, on se dit que l'écrivain, éclipsé par ses illustres contemporains, Proust, Gide ou Valery, mériterait qu'on le sorte de l'oubli relatif dans lequel il subsiste, attendant l'hypothétique mais "fortuné" lecteur.
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Amants, heureux amants...

Larbaud fouille la complexité de l'âme humaine et de ses masques, tout en sachant que "Nous avons beau faire, nous ne pouvons être absolument naturels, et nous n'avons pas grand avantage à l'être".

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Les poésies de A.O. Barnabooth

Pour moi, Valéry Larbaud (1881-1957) n’était jusqu’ici qu’un nom: je ne connaissais rien de sa vie, ni de son œuvre. Je suis tombé par hasard sur l’une de ses œuvres et, du coup, je me suis informé à son sujet. Ce riche héritier très doué a vécu agréablement, voyageant beaucoup, avant d’être terrassé par une hémiplégie et par l’aphasie. Avant cet accident de santé, il fut un auteur et traducteur prolifique.

Le présent recueil de poèmes a été écrit sous un pseudonyme, mais A. O. Barnabooth est une sorte d’alter ego de Larbaud. J’ai découvert ces quelques poésies, très nettement influencés par le thème des voyages et de l'exotisme. Certaines m’ont bien plu. Valéry Larbaud me semble être à mi-chemin entre les poètes du XIXème siècle et ceux du XXème siècle (y compris le génial Apollinaire). Une belle découverte.



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Fermina Márquez

Un joli livre sur l'enfance, les histoires d'amour, de camarades et de classe. L'auteur se remémore ses souvenirs d'internat avec ses amis et leur amour commun pou la jeune Fermina, jeune fille riche et jolie mais pas très maligne. Il ne se passe pas grand chose dans ce livre, la description de Fermina est très belle et exotique mais certains autres passages sont un peu long. Bref il ne vous en restera pas un grand souvenir même si c'est agréable à lire.
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200 chambres 200 salles de bains

Héritier fortuné de la source de Vichy Saint-Yorre, et malade dès l’enfance, Valery Larbaud (1881 – 1957) passa une grande partie de sa vie, à demi-vécue, entre les quatre murs de sa propriété, et souvent dans des chambres d’hôtel.



La condition de l’auteur, tel un nomade sédentaire dans sa chambre d’hôtel – à condition que ce ne soit pas un hôtel de deuxième ordre -, ce lieu intermédiaire entre maison et hôpital, ce lieu de détachement où l’écrivain observe, tandis que «le monde avance sous ses yeux comme un fleuve qui coule», est subtilement décrite dans ce récit, mais aussi dans la belle et courte préface d’Alberto Manguel à ce petit texte de 1927.



«L’hôtel que choisit Larbaud, ou qui a choisi Larbaud, dans lequel il a écrit «200 chambres 200 salles de bains», est le centre du monde pour l’écrivain. Il dit l’aimer plus que sa maison natale, plus qu’aucune des maisons où son enfance a passé », comme on aime davantage, avec plus de passion, l’inconnue croisée par hasard dans une gare ferroviaire que les fidèles membres de sa famille qu’on ne connaît que trop. Pour aimer pleinement, nous avons besoin de savoir qu’il y a chez l’être aimé de dangereuses étendues de «terra incognita».»



Valery Larbaud écrivit ce texte dans la chambre d’un palace portugais, non loin de Coimbra, dont on peut aisément se représenter, avec les gravures de Jean-Émile Laboureur, les salons, les jardins et l’atmosphère de langueur qui y étreignit le convalescent.



J’apprécie cet état de suspension, de retrait que permet le séjour dans une chambre d’hôtel.

Ainsi, tout en regrettant la minceur du récit et sa conclusion abrupte qu’on dirait interrompue par une recrudescence de la maladie, j’ai aimé la finesse des observations de Valery Larbaud, et en particulier le portrait de la comtesse X…, cliente du palace, qui creuse ses dettes et mène la grande vie et qui, tout en redistribuant cadeaux et jouets autour d’elle, marche droit devant elle vers le précipice.

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