Nouvelles sur des passions amoureuses, jeux enfantins qui sont comme un résumé de la vie à leur niveau.
Juste superbement bien écrit, beau, intense et riche.
L'enfance par des points de vue et des émotions positives ou négatives très fortes.
Grande poésie dans la vision du monde, les descriptions.
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A l'âge que nous avons, tous les enfants sont laids et désagréables. Nous le savons bien : c'est ce que les grandes personnes appellent l'âge ingrat. C'est l'âge où nous sommes le plus vaniteux, le plus fermés, le plus sots ; et d'où les grâces de l'enfance commencent à nous quitter. Alors il y a comme un mur entre les grandes personnes et nous. (...) Nous commençons à découvrir qu'elles nous ont joué la comédie de l'austérité et du devoir, et nous prenons notre revanche. Et puis nous les voyons chacune dans son métier, dans son ornière, avec leurs affaires et leurs familles, et surtout avec cette chose mystérieuse qu'elle ne nomment presque jamais, mais qui entre dans toutes leurs pensées : l'argent ; l'argent : la machine dangereuse et compliquée dont nous n'avons ni le droit ni le pouvoir de nous servir. Cette machine, ils la possèdent en maîtres, et voici ce qu'ils en font : des carrières qui les déforment, des affaires qui sont un outrage à l'esprit, une famille où des enfants comme nous grandissent dans la sujétion, la crainte et l'ignorance de la vie. (...) Nous les méprisons, nous les détestons, nous les envions. Il est aisé de comprendre que nous ne leur sommes pas sympathiques.
Eliane ressemble à son père : elle a le teint blanc et rose des filles du Nord et les yeux bleus : c'est pourquoi sa mère s'écrie parfois en soupirant : " Ce n'est pas une fille que j'aurais voulu avoir avec ces yeux-là ! " Ce mot, et bien d'autres encore, et les caprices de la tyrannie maternelle, lui ont enlevé l'affection de cette fille.
elle m'avait jeté, de ses yeux bleus étoilés et dont le blanc même brillait, un regard brusque et plein de malice.
Avec nos cheveux aplatis sur nos têtes par un long peigne arrondi, et nos nattes repliées et enfermées dans une résille noire, vous n'imaginez pas comme nos visages paraissaient durs. Et nous étions en effet dures les unes pour les autres, et malheureuses. Moi, du moins, j'étais malheureuse dans cette pension de province.
Un soir se faisait avec des chants d'oiseaux, du calme et des cris lointains d'enfants; les ombres confiantes s'allongeaient, comme pour y dormir toujours, entre les pierres des escaliers et des balcons du vieux couvent.
[Rentrée littéraire 2022]
Entre 1942 et 1944, des milliers d'enfants juifs, rendus orphelins par la déportation de leurs parents, ont été séquestrés par le gouvernement de Vichy. Maintenus dans un sort indécis, leurs noms transmis aux préfectures, ils étaient à la merci des prochaines rafles.
Parmi eux, un groupe de petites filles. Mireille, Jacqueline, Henriette, Andrée, Jeanne et Rose sont menées de camps d'internement en foyers d'accueil, de Beaune-la-Rolande à Paris. Cloé Korman cherche à savoir qui étaient ces enfants, ces trois cousines de son père qu'elle aurait dû connaître si elles n'avaient été assassinées, et leurs amies.
C'est le récit des traces concrètes de Vichy dans la France d'aujourd'hui. Mais aussi celui du génie de l'enfance, du tremblement des possibles. Des formes de la révolte.
Cloé Korman est née en 1983 à Paris. Son premier roman, "Les Hommes-couleurs" (Seuil, 2010), a été récompensé par le prix du Livre Inter et le prix Valery-Larbaud. En 2013, elle a publié, toujours au Seuil, "Les Saisons de Louveplaine", puis "Midi" en 2018, et "Tu ressembles à une juive" en 2020.
Lire les premières pages : https://bit.ly/3wVw2Tu
Découvrir tous les romans de la rentrée littéraire des éditions du Seuil : https://bit.ly/3NQpKeq
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