Citations de Victor Hugo (8665)
La reine aimait beaucoup son lord stewart, William Cavendish, duc de Devonshire, qui était très imbécile. Ce lord, qui avait tous les grades d'Oxford et ne savait pas l'orthographe, fit un beau matin la bêtise de mourir. Mourir, c'est fort imprudent à la cour, car personne ne se gêne plus pour parler de vous.
On a tant abusé du regard dans les romans d’amour qu’on a fini par le déconsidérer. C’est à peine si l’on ose dire maintenant que deux êtres se sont aimés parce qu’ils se sont regardés.C’est pourtant comme cela qu’on s’aime et uniquement comme cela. Le reste n’est que le reste, et vient après. Rien n’est plus réel que ces grandes secousses que deux âmes se donnent en échangeant cette étincelle.
Ursus était remarquable dans le soliloque. D'une complexion farouche et bavarde, ayant le désir de ne voir personne et le besoin de parler à quelqu'un, il se tirait d'affaire en se parlant à lui-même. Quiconque a vécu solitaire sait à quel point le monologue est dans la nature. La parole intérieure démange. (...) Il avait cette faculté hermaphrodite d'être son propre auditoire. Il s'interrogeait et se répondait ; il se glorifiait et s'insultait. On l'entendait de la rue monologuer dans sa cahute. Les passants, qui ont leur manière à eux d'apprécier les gens d'esprit, disaient : c'est un idiot.
(...) Au-dessus des tours, en haut, bien loin au fond du ciel, on entendait de petits cris d'oiseaux.
Mais le prêtre n'écoutait, ne regardait rien de tout cela. Il était de ces hommes pour lesquels il n'y a pas de matins, pas d'oiseaux, pas de fleurs.
Phoebus s'écria : - Une bourse dans votre poche, Jehan ! c'est la lune dans un seau d'eau. On l'y voit, mais elle n'y est pas. Il n'y en a que l'ombre ! Pardieu ! Gageons que ce sont des cailloux !
Jehan répondit froidement : - Voilà les cailloux dont je cailloute mon gousset.
Et, sans ajouter une parole, il vida l'escarcelle sur une borne voisine, de l'air d'un Romain sauvant la patrie.
- La boue de Paris, pensa-t-il (car il croyait être sûr que, décidément, le ruisseau serait son gîte ;
Et que faire en un gîte à moins que l'on ne songe ?)
En examinant de plus près, il s'aperçut que le cercle était beaucoup plus grand qu'il ne fallait pour se chauffer au feu du roi, et que cette affluence de spectateurs n'était pas uniquement attirée par la beauté du cent de bourrées qui brûlait.
Dans un vaste espace laissé libre entre la foule et le feu, une jeune fille dansait.
La réduction de l'univers à un seul être, la dilatation d'un seul être jusqu'à Dieu, voilà l'amour.
Il se trouva que l'amour qui se présenta était précisément celui qui convenait le mieux à l'état de son âme. C'était une sorte d'adoration à distance, une contemplation muette, la déification d'un inconnu. C'était l'apparition de l'adolescence à l'adolescence, le rêve des nuits devenu roman et resté rêve, le fantôme souhaité enfin réalisé et fait chair, mais n'ayant pas encore de nom, ni de tort, ni de tache, ni d'exigence, ni de défaut ; en un mot, l'amant lointain et demeuré dans l'idéal. Toute rencontre plus palpable et plus proche eût à cette première époque effarouché Cosette, encore à demi plongée dans la brume grossissante du cloître. Elle avait toutes les peurs des enfants et toutes les peurs des religieuses, mêlées. L'esprit du couvent, dont elle s'était pénétré pendant cinq ans, s'évaporait encore lentement de toute sa personne et faisait tout trembler autour d'elle. Dans cette situation, ce n'était pas un amant qu'il lui fallait, ce n'était pas même un amoureux, c'était une vision. Elle se mit à adorer Marius comme quelque chose de charmant, de lumineux et d'impossible.
Comme l'extrême naïveté touche à l'extrême coquetterie, elle lui souriait, tout franchement.
Elle attendait tous les jours l'heure de la promenade avec impatience, elle y trouvait Marius, se sentait indiciblement heureuse, et croyait sincèrement exprimer toute sa pensée en disant à Jean Valjean : - Quel délicieux jardin que ce Luxembourg !
Marius et Cosette étaient dans la nuit l'un pour l'autre. Ils ne se parlaient pas, ils ne se saluaient pas, ils ne se connaissaient pas ; ils se voyaient ; et comme les astres dans le ciel que des millions de lieues séparent, ils vivaient de se regarder.
Il dort. Quoique le sort fût pour lui bien étrange,
Il vivait. Il mourut quand il n'eut plus son ange ;
La chose simplement d'elle-même arriva,
Comme la nuit se fait lorsque le jour s'en va
Si l'on a pas de soleil, il faut en faire un.
Cependant nos têtes se touchaient, nos cheveux se mêlaient, nos haleines peu à peu se rapprochèrent, et nos bouches tout à coup.
Quand nous voulûmes continuer notre lecture, le ciel était étoilé.
Un hypocrite est un patient de la double acceptation du mot; il calcule un triomphe et endure un supplice.
Libération n’est pas délivrance. On sort du bagne, mais non de la condamnation.
- On ne se connaît pas tant qu'on a pas bu ensemble. Qui vide son verre vide son cœur. Vous allez venir boire avec moi. Ça ne se refuse pas.
Si quelque chose est effroyable, s'il existe une réalité qui dépasse le rêve, c'est ceci : vivre, voir le soleil, être en pleine possession de la force virile, avoir la santé et la joie, rire vaillamment, courir vers une gloire qu'on a devant soi, éblouissante, se sentir dans la poitrine un poumon qui respire, un coeur qui bat, une volonté qui raisonne, parler, penser, espérer, aimer, avoir une mère, avoir une femme, avoir des enfants, avoir la lumière, et tout à coup, [référence faite aux soldats sacrifiés à la défaite de Waterloo] le temps d'un cri, en moins d'une minute, s'effondrer dans un abîme, tomber, rouler, écraser, être écrasé, voir des épis de blé, des fleurs, des feuilles, des branches, ne pouvoir se retenir à rien, sentir son sabre inutile, des hommes sous soi, des chevaux sur soi, se débattre en vain, les os brisés par quelque ruade dans les ténèbres, sentir un talon qui vous fait jaillir les yeux, mordre avec rage des fers de chevaux, étouffer, hurler, se tordre, être là-dessous, et se dire : tout à l'heure, j'étais un vivant !
Il faut que l'herbe pousse et que les enfants meurent.
L'entêtement sans l'intelligence, c'est la sottise soudée au bout de la bêtise et lui servant de rallonge.
Tu viens d’incendier la Bibliothèque ?
— Oui.
J’ai mis le feu là.
— Mais c’est un crime inouï !
Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
C’est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C’est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage !
Le livre, hostile au maître, est à ton avantage.
Le livre a toujours pris fait et cause pour toi.
Une bibliothèque est un acte de foi
Des générations ténébreuses encore
Qui rendent dans la nuit témoignage à l’aurore.
Quoi ! dans ce vénérable amas des vérités,
Dans ces chefs-d’œuvre pleins de foudre et de clartés,
Dans ce tombeau des temps devenu répertoire,
Dans les siècles, dans l’homme antique, dans l’histoire,
Dans le passé, leçon qu’épelle l’avenir,
Dans ce qui commença pour ne jamais finir,
Dans les poètes ! quoi, dans ce gouffre des bibles,
Dans le divin monceau des Eschyles terribles,
Des Homères, des Jobs, debout sur l’horizon,
Dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison,
Tu jettes, misérable, une torche enflammée !
De tout l’esprit humain tu fais de la fumée !
As-tu donc oublié que ton libérateur,
C’est le livre ? Le livre est là sur la hauteur ;
Il luit ; parce qu’il brille et qu’il les illumine,
Il détruit l’échafaud, la guerre, la famine
Il parle, plus d’esclave et plus de paria.
Ouvre un livre, Platon, Milton, Beccaria ;
Lis ces prophètes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille ;
L’âme immense qu’ils ont en eux, en toi s’éveille ;
Ébloui, tu te sens le même homme qu’eux tous ;
Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ;
Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croître,
Ils t’enseignent ainsi que l’aube éclaire un cloître ;
À mesure qu’il plonge en ton cœur plus avant,
Leur chaud rayon t’apaise et te fait plus vivant ;
Ton âme interrogée est prête à leur répondre ;
Tu te reconnais bon, puis meilleur ; tu sens fondre,
Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs,
Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs !
Car la science en l’homme arrive la première.
Puis vient la liberté. Toute cette lumière,
C’est à toi, comprends donc, et c’est toi qui l’éteins !
Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints !
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
Les liens que l’erreur à la vérité mêle,
Car toute conscience est un nœud gordien.
Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l’ôte.
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
Le livre est ta richesse à toi ! c’est le savoir,
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
Le progrès, la raison dissipant tout délire.
Et tu détruis cela, toi !
— Je ne sais pas lire.»
▬ Victor Hugo. (« A qui la faute ? », Publié dans "L’année terrible", recueil de poèmes paru en 1872, ce texte fut écrit en juin 1871, juste après l’incendie des Tuileries et de sa bibliothèque par des insurgés parisiens.)
Dans cette lettre du 10 décembre George Sand glorifiait aussi l'appel du 2 décembre aux États-Unis d'Amérique pour sauver John Brown, abolitionniste qui sera pendu le même jour : " c'est sublime cette page de vous [V. H.] à l'Amérique et si j'étais I'Amérique, je courrais vous enlever pour vous forcer à accepter la présidence."