AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Viet Thanh Nguyen (149)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Le Sympathisant

Voici les confessions d'un agent communiste infiltré qui retrace sa vie à partir de la chute de Saigon en 1975 et de sa fuite du pays vers les Etats-Unis dans les bagages du général de l'armée sud-vietnamienne dont il était le conseiller.



Non, ce n'est pas un énième livre sur la guerre du Vietnam, mais tellement plus que cela, complètement affranchi des genres habituels, ni roman d'espionnage, ni roman de guerre. Avant tout, une réflexion puissante sur l'ambiguité de l'histoire, tour à tour tragédie et farce ; une méditation quasi existentialiste sur la solitude de l'existence humaine, l'engagement idéologique, la légitimité de la violence et la place de l'immigré. Très dense, forcément..



L'auteur, lui-même Américain d'origine vietnamienne ( famille de boat-people ), évite tout manichéisme grâce à un personnage profondément ambiguë, né sous le signe de l'ambivalence, fils illégitime d'un prêtre et d'une très jeune Vietnamienne, brillant étudiant aux Etats-Unis après une vie de misère.



Ce qui m'a le plus étonné dans ce roman, c'est son mélange percutant de farce et de tragédie, qu'il s'agisse de décrire le sort des exilés vietnamiens aux Etats-Unis, déclassés et mal considérés ou les camps de rééducation communistes. de nombreux passages sont magistraux comme l'épisode du tournage en Philippines d'un film type Apocalypse Now sur lequel le Sympathisant est «  conseiller en authenticité », dénonçant au karcher mais avec subtilité l'emprise d'Hollywood sur l'Histoire ou comment les Etats-Unis qui ont perdu la guerre du Vietnam ont remporté la guerre culturelle en imposant leur vision. Ces passages m'ont presque fait pensé au M.A.S.H d'Altman ( sur la guerre de Corée lui ), réjouissants donc mais terrible dans ce qu'ils disent.

En fait, ce qui est très impressionnant, c'est qu'on sent à quel point ce roman n'est pas écrit pour plaire, ni aux Américains, ni aux immigrés vietnamiens ( souvent tendrement ridicules ), ni même aux lecteurs dilettantes ou distraits tant ce premier roman est exigeant et demande une lecture attentive.



«  La plupart des Américains nous regardaient avec ambivalence, sinon avec dégoût, car nous étions le rappel vivant de leur défaite cuisante. Nous menacions la sacro-sainte symétrie d'une Amérique noir et blanc, dont la politique raciale du yin et du yang ,e laissait place à aucune autre couleur, notamment ces petits jaunes pathétiques qui venaient piquer dans la caisse. Nous étions d'étranges étrangers, réputés avoir un petit faible pour le fido americanus, le chien domestique qui coûtait, par tête, plus que le revenu annuel d'une famille de crève-la-faim bengalis. »



Viet Thanh Nguyen est en train d'écrire une suite, elle se déroulera en France, une réflexion sur la diaspora vietnamienne et la colonisation. Intéressant de voir ce qu'il fera de la guerre d'Indochine qui a une image très romantique en France entre Catherine Deneuve du film Indochine et les mots de Duras dans l'Amant.



Lu dans le cadre de l'US Book Challenge

Lire un Pulitzer ( ici 2016 )

https://www.facebook.com/groups/294204934564565/

Commenter  J’apprécie          1168
Le Sympathisant

Durant la guerre du Vietnam, le narrateur, nommé Capitaine, est une taupe, officiellement bras droit d'un général du Vietnam du Sud. Comme le dit un de ses amis, il est bien planqué :”La mission d'un espion est de se cacher là où tout le monde peut le voir et où il peut tout voir”. Ce livre est sa confession.

A l'époque, en 1975, ils sont trois amis, trois frères de sang, Capitaine, Bon et Man. Ils se nomment Les trois mousquetaires. Bon est nationaliste, Man et Capitaine, communistes. Un peuple, des familles divisés, et entre eux Les États-Unis, un sujet qui ne fera que du mal. C'est cette triste histoire que nous abordons dans ces pages, d'un passé qui semble lointain mais qui se répète depuis à volonté sur d'autres scènes géographiques mondiales, une guerre civile menée d'une main de maître, celle des différentes puissances mondiales....et qui finit toujours mal.

Tout est ambigu chez cet homme, fils naturel d'un prêtre catholique et de sa bonne vietnamienne, né dans le Nord,enfui lorsque les communistes l'occuperont, et passé au sud, leur espion, pas facile une identité nette avec cette donne-là. Il en souffre aussi, d'où le nom du livre....un sympathisant, un homme capable de sympathiser avec les deux côtés.

À la chute de Saigon, ces «  hauts dignitaires » des forces armées du Vietnam du Sud , on les retrouve en Californie, où ils poursuivent leurs «business », y compris notre taupe. le business de la taupe va se corser.....



J'ai trouvé cette histoire trop américanisée, fortement teintée du racisme de “l'homme blanc” pour la race jaune mais aussi vice versa, de la condescendance du narrateur pour eux. Ces deux dernières remarques ne sont pas nécessairement dans le sens négatif. Les dialogues du Capitaine avec l'arrogant « Auteur » de Hollywood soulignent bien l'arrogance couplée d'ignorance de l'Américain et d'autres vérités sur un peuple qui a voté dernièrement à la majorité pour un type comme Trump, sont très juste vues. J'attendais juste une histoire plus originale, une perspective plus vietnamienne, alors que c'est hybride, vu que déjà, c'est écrit en anglais.

Ce personnage de taupe aussi ne m'a pas vraiment convaincue, même à la fin,....un personnage ordinaire, que le narrateur lui-même confesse (« such a man best belonged in a low-budget movie, a Hollywood film », un homme pareil ne pouvait être qu'un personnage de film hollywoodien bon marché). J'ai eu du mal à saisir certains points dans son histoire, comme l'interêt de raconter et comparer ses ébats sexuels zoophiles ( ici il est question d'une poulpe) avec le massacre, la torture,.....de la guerre; il pense que le premier n'est pas obscène, comparé au massacre et à la torture de milliers de personne, quel rapport ? ; j'ai été peu convaincue de l'intérêt pour les communistes de ses lettres à la tante, ou de ses réflexions analytiques ou philosophiques, genre "fast food", des recettes à l'américaine, simplistes, sur des questions existentielles, “A person's strength was always his weakness, and vice versa.”( la force de quelqu'un est toujours sa faiblesse et vice versa), rien de bien profond. Même la fin est hollywoodienne,....ce n'est que mon avis bien sûr .



Bref ce livre ne m'a rien apportée de nouveau sur cette guerre ni sur ce pays, ni en réflexions, en générale, sinon qu'une fois encore à me faire révolter à la pensée de tout ces morts, ces vies gâchées. Pour quel résultat ? le pays est toujours communiste, dans le sens de ce qui reste de cette idéologie. Ceux qui les gouvernent sont toujours aussi corrompus et maintiennent toujours étroitement leur joug sur les civiles, sauf que peut-être le peuple vit un tout petit peu mieux mais toujours assez loin de l'aisance. Finalement qui en a profité ? les marchands d'armes et de toutes sortes de drogue et autres contrebandiers, sans compter les dirigeants communistes du pays, qui eux-mêmes peinent à croire à leur propre idéologie. Si on les avait laissés seuls se débrouiller, ils s'en seraient beaucoup mieux sortis que tout ce gâchis, car c'est un peuple très travailleur et très débrouillard.

Mais je ne regrette pas de l'avoir lu. C'est bien écrit ( v.o.), un anglais bien manié mixé à un humour subtile, d'où je pense son prix Pulitzer plutôt que pour l' histoire (à moins que appréciée pour son côté très américain :) ), dont le coté humain des contradictions du narrateur et sa lucidité à la fin, ajoutés à la nostalgie de l'exil n'en restent pas moins émouvants .

La seule chose importante que je retiens de ce livre c'est l'Amitié, primordiale pour moi.

Je remercie palamede dont l'excellent billet m'a poussée à le lire, alors que je n'en avais nullement l'intention.

Commenter  J’apprécie          794
Le Dévoué

Après un séjour en centre de rééducation, Vo Dahn se retrouve à Paris, accompagné de son ami Bon et des deux fantômes omniprésents qui parasitent ses pensées. Il faut gagner son pain, et l’emploi quasi fictif dégotté auprès du boss n’est pas suffisant : c’est dans ce trafic de drogue que les deux hommes se lanceront, au risque de se retrouver au coeur de conflits de territoires hautement risqués ! Hébergé provisoirement par une égérie sulfureuse, Vo Danh tentera de peaufiner ses convictions politiques et philosophiques mises à mal par les aléas de ses pérégrinations.





C’est un Paris cosmopolite et politiquement incorrect, au coeur des années 80, qui se dessine à travers les aventures de celui qui se nomme lui-même le Bâtard fou. Beaucoup d’humour, très souvent très noir, dans ce roman musclé qui pose les questions de l’identité et des choix politiques. Les dialogues sont ciselés et empreints d’une ironie mordante. Le racisme est pointé dans ses excès absurdes et son manque de logique.



Du suspens aussi, étant donné les situations inextricables et les pièges auxquels s’exposent nos deux pieds nickelés du deal, et c’est souvent in extremis qu’ils s’en sortent, à tel point que l’on ne serait qu’à peine étonné de se retrouver au paradis en compagnie Vo Danh et de ses comparses.



Ne pas avoir lu le premier volet des aventures de Vo Dahn n’est pas un obstacle, mais donne tout de même envie de découvrir Le sympathisant qui avait obtenu le Prix Pulitzer et le prix du meilleur roman étranger en 2016.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          690
Le Sympathisant

Après le départ des troupes américaines au Vietnam en 1973, la guerre continue entre le Sud et le Nord malgré les accords de Paris. Et pendant les jours qui précèdent la chute de Saïgon, c'est le sauve-qui-peut pour beaucoup de Sud-vietnamiens qui cherchent à quitter leur pays.



Le sympathisant, agent double au service des communistes et aide de camp d'un général, est chargé d'organiser l'exil de celui-ci vers les Etats-Unis. Pour ses frères d'armes qui sont aussi ses ennemis c'est la fin de leur monde, alors que pour lui ce n'est qu'un changement de monde. L'homme, qui a des loyautés divisées car fils d'une Vietnamienne et d'un prêtre catholique français, communiste mais pas ennemi des capitalistes, se remémore avec humour et ironie sa carrière d'espion, la chute de Saigon, l'exil avec les boat people et son retour au Vietnam où il est prisonnier du régime.



Un récit original — puisqu'il raconte la guerre du Vietnam surtout du point vue des réfugiés vietnamiens — qui repose sur des faits historiques. L'histoire est en partie inspirée par celle de l'auteur : américain et vietnamien, immigré aux Etats-Unis avec ses parents, Viet Thanh Nguyen pendant ses études, sans devenir communiste, face au racisme anti-asiatique qu'il attribue au capitalisme, s'est radicalisé politiquement. Une prise de conscience qui a été le point de départ de ce roman dense et percutant sur l'ambivalence interdisant tout manichéisme, récompensé par le prestigieux prix Pulitzer.



Challenge MULTI-DÉFIS 2018
Commenter  J’apprécie          6815
Le Sympathisant

Le Sympathisant nous plonge dès la première phrase dans l'ambiance ; avec un incipit qui sonne comme une confession, nous savons d'emblée à quel type de héros nous avons affaire : « Je suis un espion, une taupe, un agent secret, un homme au visage double ». En fait, tout le livre, et c'est un choix narratif original, est au sens propre une confession.



Ces premiers mots renvoient bien sûr aux maîtres du genre. On pense à Graham Greene (L'Agent secret, Un américain bien tranquille) et à John le Carré (La Taupe). Il est d'ailleurs fait référence dans le livre, comme par un effet de miroir, à Un Américain bien tranquille et à son personnage Alden Pyle (page 136). Logique, nous sommes à Saïgon. le narrateur, dont on ne connaîtra jamais le nom, a écrit un mémoire sur le livre de Graham Greene. Mais ici, le narrateur à la double face ne peut se contenter du côté Pyle… car il est plutôt de l'autre bord !



Le Sympathisant est un agent communiste infiltré qui roule en réalité pour le Viêt-Cong, et qui, après une première période aux côtés des Français d'Indochine, dont nous retiendrons du récit quelques madeleines de Proust bien croustillantes (les biscuits Petit Ecolier), aura passé presque toute sa vie aux côtés des Américains, en adoptant « l'American way of life » pour mieux se fondre dans le décor et mieux observer ses ennemis.



Cette position l'amène à tout moment à devoir trancher des choix cornéliens intenables. Si les situations sont prises au début avec cocasserie et humour par le narrateur (avec un rire que l'on peut toutefois qualifier de « jaune »), le ton général ne tarde pas à plonger dans la désillusion, l'amertume et la noirceur.



Le héros cornélien peut s'aventurer sur le terrain de la tragédie grecque, une sorte de voyage au bout de l'Enfer personnel. Car contrairement aux apparences, on est plus ici chez Cimino que chez Coppola. Notre homme dont on ne connaît pas le nom a fait un pacte avec ses deux amis d'enfance, Bon et Man. Un pacte du genre : on se mélange nos sangs et on devient des frères à vie, ce qui va quand même un peu plus loin que la simple fanfaronnade du juré craché par terre. Or, Bon deviendra le bon soldat du Sud-Vietnam, anticommuniste, assassin sans sourciller des basses oeuvres de l'armée en exil, un peu bourrin mais pour la bonne cause. Man lui, deviendra l'officier traitant du narrateur, resté au pays, anticapitaliste et commissaire politique de l'autre bonne cause. Trois frères, deux camps, un frère dans chaque camp et le troisième au milieu. le narrateur, le traître quoi qu'il puisse arriver, devra choisir. Ou pas. le drame peut donc se jouer.



L'effet cornélien est renforcé par le choix de personnages archétypaux, dont on ne connaît jamais les noms. Ce procédé donne un côté allégorique et théâtral à la tragédie. Certains des personnages (mais pas tous) sont nommés par leur rôle : le général, Madame (la femme du général en question), L'adjudant glouton, le congressman, L'Auteur, le Comédien, etc. Dans cette tragédie, les personnages, tout comme le narrateur, avancent masqués.



Un épisode du roman évoque le tournage mouvementé du film Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. L'auteur (avec un a minuscule) ne s'en cache pas, et cite dans sa postface sa source d'inspiration. L'American way of life montre alors un visage plus cynique et beaucoup moins souriant.



Mais le pire reste à venir, avec la confession d'un souvenir occulté, l'aveu des méthodes de torture de la CIA, à la guerre comme à la guerre, c'était pour la bonne cause n'est-ce pas mon général ?



Quant aux camps de rééducation de l'autre bonne cause, auxquels le narrateur, le « sympathisant », sera confronté tout en restant fidèle jusqu'au bout à ses convictions, ils montrent in fine comment se terminent généralement toutes les idéologies révolutionnaires.



Je m'interroge sur la phrase de Man, le commissaire politique, qui écrit à son agent de terrain dans une correspondance cryptée : « Ne reviens pas. On a besoin de toi en Amérique, pas ici. C'est un ordre. » A posteriori, cela ressemble plus à une mise en garde qu'à un ordre de mission secrète, cela sonne comme une mise à l'abri de son frère de sang, comme l'aveu d'un mauvais choix idéologique et d'une cause qui tourne mal.



Presque tous les personnages du roman, sympathiques et pleins de bonnes intentions au départ, se révèlent être les bourreaux ou les victimes d'un système, guidés par leur aveuglement idéologique. le sympathisant est un livre étonnamment ambitieux pour un premier roman, qui donne à réfléchir, mais qui en n'adoptant aucun autre point de vue que celui de son narrateur au double visage, brouille les pistes et reste finalement assez ambigu dans son éventuel message.



Pour terminer, je remercie comme il se doit l'éditeur Belfond et Babelio de m'avoir fait découvrir ce premier roman d'un écrivain prometteur qui possède déjà à son palmarès le Prix Pulitzer fiction 2016.
Commenter  J’apprécie          593
Les réfugiés

En 2017 sortait en France Le Sympathisant, qui était l'oeuvre de l'auteur amérasien Viet Thanh Nguyen, auréolé du prix Pulitzer 2016. Ce roman ample et dense avait l'ambition formidable de traiter de la guerre du Vietnam et de porter un regard inédit sur les vietnamiens loin d'Apocalypse Now et autre Platoon où ils étaient souvent de simples silhouettes sans incarnation.



Avant d'écrire ce roman, Viet Thanh Nguyen avait publié aux USA un recueil de nouvelles "Les Réfugiés "qui n'arrivent qu'en cette rentrée littéraire en France.et qui est animé du même esprit que son roman écrit plus tard: celui de rendre un visage et à une humanité à cette population vietnamienne liée étroitement à l'histoire des USA



Les huit nouvelles que composent "Les réfugiés " abordent des thèmes comme le déracinement, les impacts de la guerre du Vietnam, le choc culturel éprouvé dans un nouveau pays.



On apprécie particulièrement la nouvelle L'autre homme où on suit un jeune asiatique, Liem, qui a fuit Saïgon pour San Fransico et qui a beaucoup de mal à trouver ses repères.



Mais au dela de la question de l'intégration et et de l'immigration, Viet Thanh Nguyen réussit la prouesse d'insuffler à ses nouvelles des réflexions qui toucheront un plus large public en abordant des problématiques universelles comme le cheminement intérieur et les parcours de vie que tout un chacun fait à un moment de sa vie, ou bien encore les non dits qui obstruent des relations de couple ou familiales.



Viet Thanh Nguyen possède une faculté d'évocation peu commune et une plume aussi élégante que racée qui offre un bien bel hommage à tous les déracinés qui vivent sur cette planète.



"L'anti dépresseur ne faisait que restaurer en lui un sentiment de normalité. Pourquoi se demandait Arthur avait il besoin d'une pilue pour cela?" ( La greffe)



UN grand merci aux éditions Belfond et à Babelio pour la masse critique littérature de septembre !
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          471
Le Sympathisant

Zut, me direz-vous, encore un roman sur le Vietnam ! En effet... Sauf que celui-ci ne ressemble pas tout à fait aux autres.

Écrit par un Américain d'origine vietnamienne, il raconte l'histoire des véritables perdants, ces Sud-Vietnamiens qui ont dû fuir leur pays sur des rafiots surpeuplés pour se soustraire aux déportations, aux équipes de déminage et à la rééducation forcée à laquelle voulaient les soumettre « pour leur bien » leurs gentils frères du nord. Un sauve qui peut tragique qui a conduit les plus chanceux d'entre eux jusqu'aux rivages de l'Amérique des années soixante-dix, une Amérique raciste, traumatisée par son échec et peu encline à faire une place à cette nouvelle minorité.

Toute l'histoire du Sympathisant est racontée par un narrateur anonyme, individu pas toujours fréquentable, que traversent la plupart des lignes de faille de la société vietnamienne : catholique, dans un monde majoritairement bouddhiste, marxiste, mais fasciné par le mode de vie et la culture occidentales, il est un espion communiste infiltré dans les rangs de l'armée capitaliste ; mais surtout, pour ses compatriotes, ce n'est qu'un « bâtard », né de mère vietnamienne et de père français : cette faute originelle lui est constamment reprochée et l'empêche de s'insérer dans quelque milieu que ce soit.

En résultera une personnalité complexe et douloureuse, jusqu'à la transformation finale du personnage, dont je ne dirai rien pour ne pas déflorer une intrigue extrêmement soignée.

Le Sympathisant, de Viet Thanh Nguyen, est un roman puissant, qui traite de la condition de l'exilé, et de la difficulté que celui-ci éprouve à se reconstruire une fois qu'il a coupé les ponts avec sa terre natale.

C'est aussi le livre des grandes amitiés et des idéaux défigurés, à l'image du visage d'un des amis du narrateur, calciné par le napalm (on songe à Dorian Gray).

C'est enfin à une satire férocement drôle de l'Amérique et de l'american way of life que se livre ce Persan d'Extrême-Orient, qui écrit régulièrement des lettres chiffrées à une mystérieuse parente :

« Oh, le nuoc-mâm ! Comme il nous manquait, chère tante, comme plus rien n'avait de goût sans lui, comme nous regrettions ce « grand cru » de l'île de Phu Quoc, avec ses cuves remplies des meilleures anchois pressés ! Les étrangers aimaient dénigrer ce condiment liquide et âcre, à la couleur sépia très foncée, pour son odeur supposément atroce, ce qui donnait un autre sens à l'expression : «  Ça ne sent pas bon ici », car c'est nous qui ne sentions pas bon. De même que les paysans de Transylvanie arboraient des gousses d'ail pour repousser les vampires, nous nous servions du nuoc-mâm pour tracer une frontière avec ces Occidentaux incapables de comprendre que ce qui ne sentait vraiment pas bon, c'était l'odeur nauséabonde du fromage. Qu'était le poisson fermenté comparé au lait caillé ? »

En dépit de quelques longueurs dans sa partie centrale (largement compensées par un "finale" digne du 1984 d'Orwell), le Sympathisant est une fresque superbement écrite et qui ne laissera personne indifférent.



Un grand merci aux Éditions Belfond et à Babelio pour cette excellente lecture.
Commenter  J’apprécie          453
Le Sympathisant

Il m'a fallu attendre de l'avoir presque terminé pour apprécier pleinement le sympathisant, un roman gratifié du prix Pulitzer l'année dernière. Tout au long des dix-huit premiers chapitres de ce livre qui en compte vingt trois (et cinq cents pages), j'ai savouré les belles qualités littéraires d'une narration présentée sous forme de confession, tout en me demandant, avec un peu d'agacement, quel pouvait bien être le sens que son auteur avait voulu donner à cette oeuvre.



L'auteur, justement, Viet Thanh Nguyen. Dans sa vie comme dans son livre, tout commence en 1975. Il a quatre ans. Avec la chute de Saïgon, c'est la fin de la guerre du Vietnam. Ses parents fuient et, comme des centaines de milliers de Vietnamiens, se réfugient aux Etats-Unis, où ils réussiront à reconstruire leur vie. Sous le regard fuyant ou condescendant de l'Américain blanc moyen, l'Américain Viet Thanh Nguyen prend conscience de l'ambiguïté de son identité. Il constate aussi que sa nationalité d'origine ravive la mémoire d'une défaite américaine cuisante et d'une guerre jugée aujourd'hui infamante.



C'est pour exorciser ce sentiment perçu comme une injustice, qu'il écrit le sympathisant, l'histoire fictive d'un homme qui aurait pu connaître le même exode que ses parents. Cet homme, dont la double identité est poussée jusqu'à l'absurde, se voit comme un bâtard. Les autres aussi le voient comme tel. Né de la séduction scandaleuse d'une très jeune fille vietnamienne par un prêtre français installé en Indochine, sa peau n'est ni jaune ni blanche… à moins qu'elle soit à la fois jaune et blanche. Sa culture est à la fois orientale et occidentale… à moins qu'elle ne soit ni l'une ni l'autre.



En fait, l'esprit de cet homme est double, ce qui lui permet de voir les problèmes des deux côtés. Dans sa longue confession, dont on ne connaîtra le contexte qu'à la fin, c'est en toute logique qu'officier américain au Sud-Vietnam, puis membre d'une diaspora revancharde exilée en Californie, il assume ses agissements d'agent double au profit de l'ennemi affiché. Voilà un sympathisant communiste qui consomme avec opportunisme et délectation l'american way of life. Appelons les choses par leur nom : un traitre qui ne recule devant rien, pas même le meurtre, sans que sa conscience en soit profondément perturbée... Mais on peut changer, tant qu'on reste vivant !



Le livre est une critique féroce d'une société américaine, dont les archétypes amènent les minorités ethniques à se sentir inférieures, tout intégrées qu'elles soient sur les plans intellectuel et économique. Sous la forme d'un épisode aux Philippines, il lance un violent coup de gueule à l'encontre d'Apocalypse Now, ce film halluciné des années soixante-dix, proclamant avec tambours, trompettes et napalm, que le destin des combattants américains est la gloire, les Vietnamiens n'étant voués qu'au silence et à la mort.



Mais malgré toutes ses carences, l'Amérique n'est pas pour autant l'enfer. L'enfer, selon l'auteur et, finalement, son personnage du roman, ce serait plutôt le monde communiste et ses pratiques de « rééducation » normalisatrice. Tout sympathisants qu'ils soient, leur esprit double comprend qu'une révolution menée au nom du principe que rien n'est plus important que l'indépendance et la liberté, conduit à une société policière où indépendance et liberté valent moins que rien. Car les révolutionnaires d'aujourd'hui sont les impérialistes de demain.



L'écriture, complexe et envoûtante, mêle narrations et dialogues sans ponctuation spécifique, tout en enchevêtrant les faits vécus par le narrateur avec ses souvenirs, ses réflexions et ses rêveries. Un ton très libre d'humour et d'autodérision. Très peu de noms. On ne connaît pas celui du narrateur, pas plus que ceux de la plupart des personnages, notamment des militaires : on a ainsi l'adjudant glouton, le lieutenant insensible, l'opérateur radio maigrichon, l'infirmier philosophe et d'autres. Sans oublier les Marines mat, plus mat et très mat, trois GI qui sont restés au Vietnam, et dont le soleil a tanné la peau à des degrés différents.



Un roman puissant et profond, associant recherches historiques, méditations politiques, études ethnologiques et profilages psychologiques, pour une lecture qui laisse leur part à l'émotion et au burlesque.


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
Commenter  J’apprécie          322
Le Sympathisant

« J'avais à peine l'occasion de dormir, car un agent dormant est presque toujours victime d'insomnie. Peut-être James Bond arrivait-il à dormir tranquillement sur ce lit de clous qu'est la vie d'espion – pas moi. » p.101 Isolée comme un agent infiltré cette phrase travaillée pourrait faire silencieusement son chemin jusqu'à subrepticement modifier l'opinion du lecteur. Hélas, trop nombreuses elles se font remarquer, finie la discrétion, oubliée la subtilité, anéanties les chances de surprise. Bonjour la lourdeur, de la répétition naît l'ennui d'un travail à la chaîne.



Pendant près de 400 pages, je n'ai pu m'empêcher de penser pfff que c'est long, pourquoi tant de détails, d'affirmations si tôt atténuées par d'autres informations venant partiellement les contredire, pourquoi des faits semblant importants au départ devenaient-ils évanescents ? C'est seulement à partir du chapitre 19, je le confesse, qu'il m'apparut de plus en plus clairement que trop d'informations tuent aussi sûrement l'information que trop d'effets de style ne tuent le style en effet. S'il y a une pratique reprise allégrement par le communisme à la religion c'est l'exercice de la confession auquel est contraint cet espion communiste infiltré dans la police spéciale du Sud Vietnam comme aide de camp d'un général ennemi.



Qu'il est difficile de conserver toute sa crédibilité quand on est sans cesse obligé de porter un masque et inévitablement appelé à participer à des actions contre son camp pour protéger sa couverture. Dangereux et sans gloire ce jeu d'information désinformation et grand le risque de finir par sympathiser à force d'être immergé dans l'autre camp. Si les déviances du capitalisme et les défauts des américains sont pointés en long et en large dans la première partie celles du communisme apparaissent criantes dans la seconde, en commun la corruption et les cercles de pouvoir.



La dénonciation des deux systèmes pose clairement la question de la représentativité qui est centrale dans le roman. L'on ne peut que s'interroger combien facilement un état peut perdre sa souveraineté dans le jeu géopolitique que mènent les puissants prenant appui sur les ambitions personnelles de quelques-uns pour servir leurs (pas si) propres intérêts. « Car la question de savoir qui était le peuple et ce qu'il souhaitait demeurait sans réponse. » p.282



Question d'autant plus complexe que nombre d'individus sont écartelés par leurs histoires dans le temps et l'espace ainsi que par leurs liens familiaux et d'amitiés. Ne serions nous pas tous des boat people, ou du moins en puissance ? Et ne sommes-nous pas surtout coupables de ce que nous ne faisons pas ? Au final pas mal de profondeur donc, mais plus de questions que de réponses. Je plains les chinois pour lesquels un renforcement de la pratique vient d'être annoncée par leur président Xi Jinping, autant que les turcs en prison ou les soldats au combat et les espions en mission ; les plus à plaindre ne sont-ils pas au bout du compte les migrants déracinés ?
Commenter  J’apprécie          316
Le Sympathisant



Ce roman, premier roman de l'auteur amérasien Viet Thanh Nguyen, a reçu le prix Pulitzer 2016 et a l'ambition formidable de traiter de la guerre du Vietnam a été un sujet amplement traité aux Etats Unis, mais uniquement racontée du côté des Américains. et jamais des vietnamiens.



" Je gardais mon regard accroché au sien, tâche extrêmement difficile, étant donné la force gravitationnelle exercée par son décolleté…le décolleté séparait l’homme de la femme. Les hommes n’avaient pas l’équivalent sauf, peut-être, le seul type de décolleté dont se souciait vraiment la femme: l’ouverture d’un portefeuille bien garni »



L'occasion de porter un regard inédit sur une guerre du Vietnam loin d'Apocalypse Now et autre Platoon où les vietnamiens étaient considérés comme de simples silhouettes.



L'intrigue , pour le moins dense et complexe, débute à la chute de Saïgon en avril 1975, signant la fin de la Guerre du Vietnam et l’exil du narrateur qui n'a pas de nom, aux Etats-Unis, et narre ses aventures de taupe auprès d’un général pro-américain.



Une plongée à l’intérieur de la guerre du Vietnam, à travers la passionnante et pleine de surprise confession d’un agent secret. La chute de Saigon, les bombes au napalm, les camps de rééducation, la terreur,les interrogatoires où le prisonnier est prêt à avouer n’importe pour abréger ses souffrances : tout est raconté avec autant d'acuité que d'humour par la plume particulièrement en verve de Viet Thanh Nguyen qui propose une oeuvre aussi exigeante que foisonnante.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          310
Le Sympathisant





J'ai en mémoire le précédent roman récompensé par le Prix Pulitzer de littérature, donc, lorsqu'on m'a proposé de découvrir, en avant-première, le dernier lauréat,  Le sympathisant de Viet Thanh Nguyen, je ne pouvais pas refuser,  ce célèbre prix américain étant synonyme de qualité.

L'auteur, avec ce titre, se voit pour la première fois publié en France.

Saïgon 1975, dans un chaos indescriptible et sous les bombardements les Américains tentent d'évacuer leurs représentants et leurs principaux alliés d'une guerre qui se termine par un échec.

Le narrateur,  Capitaine au service d'un général de l'armée du Sud Vietnam, fidèle parmi les fidèles, réussi à fuir et gagner les États-Unis,  sa terre d'adoption.

Cet homme,  dont on ne saura jamais le nom, annonce la couleur.

Je suis un bâtard.

Chahuté dans son enfance parce que le fruit du péché entre une jeune fille vietnamienne et un prêtre français, il est aussi, il le reconnaît  dès ses premières paroles,  un agent double, bâtard là encore, puisque navigant dans les eaux sombres de l'espionnage, contre ses concitoyens réfugiés,  dans un pays qui l'a accueilli,  pour le compte d'une idéologie communiste qui n'est pas tendre même avec ceux qui se prétendent sympathisant. ..

Viet Thanh Nguyen ne nous parle pas de l'Amérique terre d'accueil, la débâcle vietnamienne a traumatisé ce pays qui tournera vite le dos à ses vétérans vaincus.

Il nous raconte, parfois avec humour,  le parcours de ce soldat sans foi ni loi, prêt à tout pour sauver sa peau. Il nous raconte le Vietnam et sa population, victime d'un terrible conflit militaire puis victime de la répression et de l'endoctrinement mis en place par le nouveau régime et dont la seule échappatoire semble être la corruption et la fuite.

Ces fameux Boat People dont se souviennent les gens de ma génération,  terribles images qu'une actualité récente nous a remise en mémoire avec l'afflux de ces réfugiés fuyant les différentes guerres qui enflamment notre monde.

Malgré quelques longueurs, j'ai découvert avec plaisir cette belle écriture et ce grand roman qui mérite à n'en pas douter les éloges qui lui sont faites.

Merci aux éditions Belfond et à Babelio.





Commenter  J’apprécie          280
Le Sympathisant

La triste farce d'un homme invisible et désenchanté.



Si on a pu être confronté à maints récits sur la Guerre du Viêt-Nam, ceux-ci se positionnaient côté des américains, capables de se hausser du col en antihéros glorieux, même dans une guerre perdue.



Quant aux communistes indigènes, la réunification du pays après le départ de l'Oncle Sam a dû les occuper à plein temps et a produit peu de fictions arrivées jusqu'à nous.



Voici donc un roman ambitieux sur un agent dormant communiste, "taupe" dans les rangs de l'armée Sud-vietnamienne, participant à l'expatriation forcée vers les États Unis à la fin du conflit. Continuant à rendre des comptes à son officier traitant, sa confession s'apparente à un documentaire sur une époque, sur la confrontation de deux cultures et sur les notions intellectuelles de l'engagement idéologique et de la fidélité.



Mais l'individu isolé en milieu hostile doit aussi faire face à d'autres enjeux: la désillusion, la perte de l'innocence, le doute insidieux et l'attrait pernicieux d'un mode de vie confortable. Ceci produit un homme double, ambigu, tirant le meilleur parti d'une situation trouble. Un sympathisant opportuniste, façonné par son histoire personnelle.



Une écriture travaillée, alerte et décomplexée, joyeuse et ironique par instants, jouant l'autodérision pour confronter les identités américaines et vietnamiennes, des personnages en clowns tristes, une charge féroce envers les États Unis...

Le tout produit une tragi-comédie décalée, faisant revivre les temps forts de la guerre et de l'après-guerre: la fuite cataclysmique de Saigon devant les troupes communistes, l'adaptation sociale aux États Unis, le fossé entre les deux peuples stigmatisé par le tournage burlesque d'Apocalyspe Now (excellent!), la parodie de reconquête de déracinés, les camps de rééducation...



Roman original, touffu, documenté, aux multiples facettes d'intérêt.

Commenter  J’apprécie          270
Le Sympathisant

« Je suis un espion, une taupe…un homme à l'esprit double…le mois dont je parle c'est le mois d'avril, le plus cruel de tous…un avril qui changea tout pour les habitants de notre petite partie du monde et rien pour la plupart des habitants du reste du monde ». Ces quelques lignes extraites de la première page plongent le lecteur dans le chaos de Saïgon à la fin avril 1975, quelques heures avant la prise de la ville par les communistes. L'introduction est magistrale, la suite est à l'avenant; de la constitution de la liste des 92 élus qui vont pouvoir s'échapper (« chaque nom que je rayais me faisait l'effet d'une condamnation à mort ») jusqu'à l'embarquement final, quatre ans plus tard, parmi les « boat people » en passant par Hollywood, le Sympathisant nous entraine avec ses amis, sa famille, ses collègues militaires vietnamiens et américains, ses victimes et ses bourreaux à partager son parcours dans « cette expérience qu'ils appellent sans rire la Guerre Froide ».



La scène (j'allais dire la séquence tellement il me semble que ce roman pourrait être un film) de l'attente à l'aéroport est ébouriffante: la piscine transformée en urinoir, l'entrain joyeux des prostituées au milieu de l'angoisse générale, l'entassement dans le C130 avant qu'il ne soit cloué au sol, les tirs amis pour punir les fuyards, l'envol enfin au milieu des missiles. le procédé narratif utilisé (le narrateur contraint de confesser son histoire à son geôlier) permet de décrire une situation dramatique intense sans occulter le caractère ironique, impertinent et souvent drôle du Sympathisant en lien, je suppose, avec la formule consacrée qui prétend que l'humour est la politesse du désespoir :



« Je gardais mon regard accroché au sien, tâche extrêmement difficile, étant donné la force gravitationnelle exercée par son décolleté…le décolleté séparait l'homme de la femme. Les hommes n'avaient pas l'équivalent sauf, peut-être, le seul type de décolleté dont se souciait vraiment la femme: l'ouverture d'un portefeuille bien garni »



ou encore « Elle ressemblait à Rita Hayworth…avec dix ou quinze ans et kilos en plus « , ainsi que : « Bon ayant décidé de mourir montrait enfin quelques signes de vie ».



Ce roman se lit comme un roman d'aventures, mais j'y ai trouvé également au-delà des évènements dramatiques magnifiquement décrits, toute une gamme de –sentiments humains : l'amour filial et maternel(« devant nos maigres portions nous nous regardions jusqu'à ce que son amour pour moi surpasse celui que j'avais pour elle…(et que) je mange sa part »), l'amitié (« nous nous étions choisis comme les trois mousquetaires »), la culpabilité, le racisme, la douleur, le sacrifice, la peur (« la puanteur de la défaite si forte qu'elle envahissait les climatiseurs »), la douleur de l'exil et celle du déclassement, la honte, la compassion ou le remords – et de personnages : le héros, le lâche, le profiteur, le tortionnaire, l'universitaire imbu de son savoir, le politicien qui « (comme) le requin, obligé de nager pour survivre, doit remuer constamment les lèvres », le GI de 19 ans découvrant que, « dans ce monde idyllique, il n'était plus Clark Kent mais Superman du moins eu égard à la gent féminine», le réalisateur de cinéma « affable et fanfaron…aussi fragile que les stars de cinéma mais beaucoup moins riche et glamour », le commissaire politique et « la créature la plus dangereuse de tous les temps : Le Blanc en costume cravate » !



Le temps de boire (enfin) du bon whisky en dissertant sur Un Américain bien tranquille (il me semble retrouver trace de l'intrigue du roman de Graham Greene dans ce qu'il advient de Sonny le journaliste) voici notre héros propulsé conseiller sur le tournage d'un film hollywoodien à gros budget sur la guerre du Vietnam. Profitons de l'analogie cinématographique pour décerner une mention spéciale, disons la palme d'or, à la façon dont il égratigne l'ami américain : « Ce napalm …lumière suprême de la civilisation occidentale puisque, selon les cours (de la CIA) il avait été inventé à Harvard »



« Aidé par Superman notre petit pays ne produisait plus beaucoup de riz, d'hévéa ou d'étain…(mais) chaque année une récolte exceptionnelle de prostituées, des filles (n'ayant) jamais dansé ne serait-ce qu'un rock avant que les maquereaux qu'on appelait cow-boy collent des cache-tétons sur leurs seins tremblants de campagnardes et les poussent sur l'estrade » ou : « Ces hommes prenaient la poussière en attendant les aides sociales…tandis que leurs testicules se ratatinaient, consumés par ce cancer à métastases qu'on appelle l'assimilation»



Oscar de la figuration pour les militaires sud-vietnamiens ayant réussi à se réfugier aux USA: « Notre 1er ministre, général de l'armée de l'air avait demandé à tous les habitants de se battre jusqu'au dernier…(et) fui en hélicoptère après la diffusion de son héroïque message »



Prix spécial du jury pour ses amis communistes : (Au camp de rééducation) « le but de l'éducation c'est d'obtenir de l'élève qu'il dise sincèrement ce que le maître veut entendre » ou encore : « Avant la victoire les étrangers nous brutalisaient, nous terrorisaient, nous humiliaient, à présent ce sont nos compatriotes qui nous brutalisent, nous terrorisent et nous humilient, il faut croire que c'est un progrès »
Commenter  J’apprécie          260
Le Sympathisant

Dans "le Sympathisant", tous les ingrédients épicés d'un roman d'espionnage sont réunis :

 le titre équivoque , « sympathisant », un qualificatif qui en dit long ou pas assez finalement, sur celui qui est "sensé approuvé l'idéologie d'un parti ou d'une organisation sans en être membre ". Mais au final de quel parti concrètement ? , car il commettra des exactions, des abominations dans les deux camps.

 L'alternance du passé, du présent et d'un futur plus ou moins incertain basés sur des évènements historiques effectifs, une actualité prégnante.

 Un agent double, « the mole », la taupe, un eurasien, (un homme, aussi soufrant de sa dualité de par ses origines)

 Des huis-clos sinistres , de l'alcool fort (dont le whisky, bien sûr) , des tonnes de cigarettes (intoxiquée par toute cette fumée âcre, je toussote encore), des petites

« pépées »…

 de l'humour, de la dérision, de la violence, des mensonges, des complots, du sang …



L'action démarre le 30 avril 1975, mois « le plus cruel de tous », quand s'achève la Guerre du Vietnam, fin d'un long conflit pour certains, début d'une paix précaire pour d'autres, départ en exil pour beaucoup.

Le capitaine, le narrateur, c'est lui l'espion, l'agent secret, l'homme au double visage, exfiltré de justesse avec le Général de l'armée du Sud-Vietnam , et un autre compagnon intime qui perdra sa femme et son bébé sur le tarmac de Saigon.

Lui, est en réalité au service des communistes, les nouveaux dirigeants du Vietnam, mais il prend la route de l'exil pour poursuivre la surveillance du Général et de son armée en déroute car les perdants ont des velléités de revanche…



Une belle maîtrise du style et l'écriture , de nombreux détails historiques intéressants, mais… je n'ai pas été charmée par le narrateur, un personnage finalement un peu trop cabossé par la vie ,moins intéressant que je ne l'imaginais, dommage.

Commenter  J’apprécie          242
Le Sympathisant

Avant de me lancer dans la critique proprement dire de ce livre, je remercie encore Babelio et les Editions Belfond pour l'envoi de ce " sympathisant ".

C'est une plongée dans un épisode douloureux du passé que nous fait faire Viet Thanh Nguyen. La guerre du Vietnam, qui n'a pas fini de faire couler de l'encre et d’être à l'origine de certains grands succès cinématographiques est au centre de ce livre.

Pour une fois, le narrateur n'est pas un ancien soldat américain, mais un vietnamien. Cet homme, dont nous ne saurons jamais le nom est déchiré par son ambivalence. Il est métis ( et il précise bien en plus affublé du statut de bâtard ), officiellement d'appartenance politique sud vietnamienne , mais en réalité communiste.

Il débute son histoire en racontant la chute de Saïgon et la fuite de certains réfugiés aux États Unis. Le narrateur va évoquer de manière fort pertinente les difficultés d’intégration de ces " migrants".

L'histoire se lit avec beaucoup d’intérêt, on a envie de savoir ce qui va se passer pour le narrateur qui essaye de poursuivre ses idéaux et aussi sa mission. En effet, il est une taupe au service de l'armée nord vietnamienne.

La lecture de cette histoire m'a renvoyée à certains films qui parlent de cette époque et qui m'avaient beaucoup marquée. Apocalypse Now évidemment ( l'auteur cite d'ailleurs Coppola à la fin de son livre ), mais aussi Platoon et surtout La déchirure ( oui, je sais, l'histoire ne se déroule pas au Vietnam, mais au Cambodge...)

Une plongée dans une époque pas si lointaine que ça et on n'a pas toujours pas fini avec les boat-people, même s'ils ne viennent plus du même endroit...
Commenter  J’apprécie          240
Le Sympathisant

Un narrateur sans nom né d'une mère vietnamienne engrossée par un prêtre français et formé (formaté?) par la culture américaine livre sa confession d'agent double pendant et après la guerre du Vietnam.



Un roman d'espionnage? Que nenni! Mais un témoignage troublant, drolatique et détonnant sur l'identité et la difficulté de positionner cette dernière quand on n'est ni Vietnamien au Vietnam, ni Américain aux Etats-Unis, et de surcroît affublé d'une paternité aussi française qu'indicible. Quel meilleur contexte pour dérouler cette irrésoluble équation que la plus tranchée des guerres : la guerre froide, Orient contre Occident dans les méandres desquels le narrateur se faufilera avec l'agilité de la taupe, jusqu'à devoir affronter la torture de la question ultime : qui suis-je?

Mais "le sympathisant" n'est pas que ça, c'est aussi un regard peu habituel sur la guerre du Vietnam car vue du côté américain mais pas par un prisme américain; c'est aussi une plongée dans la déchirante réalité de l'immigration forcée et l'intégration impossible, à l'image de ces compatriotes du narrateur, anciens valeureux soldats de l'armée du sud Vietnam, échoués dans des sous emplois de pompiste ou livreur de pizzas réservés aux sous citoyens qu'ils sont devenus.

Certes, il y a bien un peu d'espionnage dans tout ça, mais cela me parait être un vecteur plus qu'une fin en soi dans le livre, à l'exception de la terrifiante scène de torture finale qui rappelle 1984.

Lecture difficile? de nouveau, que nenni! car on rit aux éclats à de nombreuses reprises tant l'humour distancié de l'auteur est ravageur.

Voilà un Pulitzer bien mérité!



Challenge USA: un livre, un Etat

Challenge Multi-défis 2018

Challenge ABC 2017-1018
Commenter  J’apprécie          232
Le Sympathisant

Une taupe communiste nord-vietnamienne dans l'armée sud-vietnamienne. Ce récit, dans lequel je suis plongé depuis quelques jours, débute dans un aéroport lors de la chute de Saïgon. La défaite des américains. La fuite des troupes US. La détresse des vietnamiens voulant fuir l'arrivée des communistes. L'espoir déçu de ne pas tous pouvoir partir. Ceux qui partent ne seront que des exilés désenchantés, ceux qui restent seront opprimés. Comment ne pas faire un parallèle troublant avec les images médiatiques actuelles de la prise de Kaboul par les Talibans ? La réalité se mêlant à la fiction, ma lecture a été d'autant plus captivante. Au-delà de la confession d'un agent double, ce roman nous interroge de manière ironique au sujet de la condition humaine et de l'absurdité des guerres. Même si ce livre aurait pu être allégé de quelques pages, j'en ai apprécié la lecture.
Commenter  J’apprécie          220
Le Sympathisant

Si tout ce que l'on croit savoir de la guerre du Vietnam se réduit à quelques films américains, ce premier roman, prix Pulitzer, risque de mettre à mal quelques certitudes.



Ce roman est la longue auto critique d'un homme dont on ne saura jamais le nom.

Fruit d'une liaison scandaleuse entre une jeune vietnamienne et un prêtre français, sa couleur n'est ni jaune ni blanche… Ayant fait ses études aux USA, sa culture est à la fois orientale et occidentale… Capitaine dans l'armée du Sud Vietnam, il est agent double pour le compte des communistes du nord... Le sympathisant sans nom le dit lui même :

« j'étais cet homme aux deux esprits, moi et moi-même »



Viet Thanh Nguyen livre ici une critique intelligente d'une société américaine, dont le complexe de supériorité pousse les minorités à se sentir inférieures, tout en vantant sa volonté d'intégration et son rêve américain. C'est aussi l'histoire poignante d'un homme qui se sent seul, déchiré entre son idéal politique et cette liberté occidentale qui le fascine.



Cette confession monocorde pourrait paraître ennuyeuse si elle n'avait d'indéniables qualités d'écriture. Passant sans transition de la narration aux dialogues, mêlant souvenirs, réflexions et faits réels, l'auteur nous envoûte dans un récit complexe mais passionnant pour qui veut se donner un peu de peine. L'humour le second degré et l'auto dérision dont fait preuve le narrateur en font un personnage étonnamment attachant et ce n'était pas gagné au départ... J'avoue un légère lassitude à la moitié du roman, mais le dernier tiers reprend aux tripes et ne m'a pas lâché jusqu'à la fin.



De la débâcle de l'armée US à Saïgon jusqu'aux camps de rééducation communistes, on assistera à la tragédie des boat people, à l'horreur de torture, et même au tournage d'Apocalypse Now de Coppola.



Je remercie Babelio et les éditions Belfond de m'avoir permis de découvrir cet ouvrage qui m'a sorti un peu de ma zone de confort, pour mon plus grand plaisir...



Pour les amateurs de gauloiserie, je ne peux passer sous silence qu'en un mois j'ai appris l'usage que l'on pouvait faire du rôti familial en France dans les années 50 (une vie française, JP DUBOIS) et la même tradition chez les jeunes vietnamiens avec un calmar (le sympathisant ,Viet Thanh Nguyen ) ... Je crois qu'une recherche s'impose... Vos témoignages sont les bienvenues... ^^
Commenter  J’apprécie          226
Le Dévoué

En 2017 sortait en France Le Sympathisant, qui était l'oeuvre de l'auteur amérasien Viet Thanh Nguyen, auréolé du prix Pulitzer 2016 et le prix du meilleur roman étranger en 2016.



Viet Thanh Nguyen, avait fait brillamment irruption sur la scène littéraire américaine avec Le Sympathisant (Belfond, 2015), Né en 1971 dans le sud du Vietnam et réfugié à 4 ans aux Etats-Unis,



Ce roman ample et dense avait l'ambition formidable de traiter de la guerre du Vietnam et de porter un regard inédit sur les vietnamiens loin d'Apocalypse Now et autre Platoon où ils étaient souvent de simples silhouettes sans incarnation.



Viet Thanh Nguyen – qui enseigne la littérature à l’université de Californie du Sud – en livre la suite.



Dans Le Dévoué, on retrouve Vo Danh, l’agent double du Sympathisant.un premier roman sur l’après-guerre du Vietnam couronné par le prix Pulitzer.



Après un séjour en centre de rééducation, Vo Dahn se retrouve à Paris, accompagné de son ami Bon et des deux fantômes omniprésents qui parasitent ses pensées. Il faut gagner son pain, et l’emploi quasi fictif dégotté auprès du boss n’est pas suffisant : c’est dans ce trafic de drogue que les deux hommes se lanceront, au risque de se retrouver au coeur de conflits de territoires hautement risqués



Hébergé provisoirement par une égérie sulfureuse, Vo Danh tentera de peaufiner ses convictions politiques et philosophiques mises à mal par les aléas de ses pérégrinations.



Le Dévoué est un grand roman politique sur l’identité et sur l’Histoire qui rattrape les individus malgré eux. .



Les dialogues, ironiques et cinglants, épinglent le racisme sous jacent .. Contrairement au sympathisant qui tournaient en ridicule les pensées droitières, ici ce sont la bien pensance des gens de gauche qui est épinglée avec humour et une extraordinaire acuité.Alternant avec les genres- roman d'espionnage à la John Le Carré , comédie déjantée, tragédie historique, grande fresque ou déchirements intimes, Le dévoué est une formidable suite, encore plus flamboyante et fuilde que le premier volet !



Pour ceux qui n'auront pas lu le premier, on a vraiment envie de découvrir Le sympathisant c'est vous dire à quel point cette suite est réussie !!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          210
Le Sympathisant

Je sens que mon commentaire ne sera pas apprécié, mais pas grave je vais quand même l'écrire.



Je ne me suis ennuyer ferme, pourtant je ne lis que des éloges sur ce roman, comment se fait il que je me soit ennuyer au point de ne pas le finir ?

j'ai trouver l'écriture tellement redondante dès les premières pages, j'ai insisté et re insisté, encore et encore depuis plusieurs jours mais à la moitié j'ai abandonné car je le lisais de plus en plus en diagonale.

La magie devrais opérée ici vu les bonnes critique, personnellement non, cela ne fonctionne pas.



Je remercie tout de même très sincèrement babelio et Belfond pour l'envoie du livre qui m'a tout de même fait très plaisir, je suis désolé de ne pas l'avoir apprécier à sa juste valeur.
Commenter  J’apprécie          202




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Viet Thanh Nguyen (683)Voir plus


{* *}