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Critiques de Vladimir Makanine (26)
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La brèche

Coup de génie, parabole en forme de dystopie, la désintégration de l'URSS comme seconde dimension, développée avec un talent tel qui la rend universelle.

Dense roman du clair-obscur, de la claustro-agoraphobie, fait d'une langue forte et évocatrice, physique, où comme dans « L'étoile de Ratner», la solution se trouve peut-être dans ce trou que l'on creuse.

Bien que cette fin de la lumière ne laisse qu'un faible espoir, ses espaces éclairés ménagent quelques îlots de chaleur, contraste brillant aux scènes terrifiantes, d'une beauté formelle évidente, où le terme « tellurique » est pleinement justifié.

Econome mais généreux, ce petit roman de Makanine est à ranger avec les autres plus grands, ces déjà-classiques bien que toujours d'actualité
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Underground ou un héros de notre temps

Suivons, si vous le voulez bien, Petrovitch, clochard-céleste, dont le prénom et le nom de famille n'ont plus d'importance à ses yeux, renseignant le niveau d'abandon des « choses d'en-bas » de notre héros.

Variation russe du « Dude » (The Big Lebowski des Frères Cohen), se baladant « les mains dans les poches » dans les couloirs de l'URSS en décrépitude, simplement à la recherche de petits bonheurs, la bouteille comme premier accessit.

Ce démarrage léger, débonnaire, où la sympathie grandit envers cet homme qui a apparement renoncé à son ego, lui jadis écrivain à la recherche d'une publication, à présent gardien d'appartements dans un gigantesque immeuble communautaire, à la veille se sa « privatisation ».

L'action se déroule, sans grandes précisions, entre Gorbatchev et Eltsine, laissant à d'autres le soin de décrire cette fin de l'Homme Rouge; Petrovich n'ayant d'autre couleur que celle, indistincte, de l'Underground.

Se vidant de son aura contestataire, de son utilité historique, hésitante sur son héritage, l'Underground devient un navire à la dérive, interrogeant la morale jusqu'à la possibilité du meurtre.

...

Et ce livre qui bascule, lentement, vers le tragique sans les larmes, introduisant le personnage du petit frère, Venia, version brillante de notre Petrovitch, archétype de ce héros d'un autre temps, ne courbant l'échine devant l'oppresseur jusqu'à en perdre la raison, enfermé dans un asile depuis Brejnev.

Petrovitch finira par le rejoindre, acculé à la folie de son temps qui se désagrège, nous offrant une longue partie à l'écriture impressionnante, l'humour vaincue par les neuroleptiques.

...

Makanine, à la manière de Bolaño dans « Les détectives sauvages », s'interroge sur cette tendance universelle de la création à s'enfoncer toujours plus profondément, quitte à se perdre, toujours plus excitée par ces oeuvres qui n'existent pas encore, éternel inassouvissement.

L'ombre des grands auteurs de la littérature russe éclaire un autre chemin, celui que l'auteur a probablement décidé de suivre avec ce livre, à la croisée des chemins, d'une grande modernité classique.

...

Surprenant mais familier, d'aventure sans apprentissage, ce roman se classe tout seul dans le « légèrement inoubliable », laissant le loisir à chacun d'y relever, ou pas, ses nombreuses références, son humour pas encore désespéré, sa pesante légèreté.
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Le prisonnier du Caucase et autres nouvelles

Ces quatre nouvelles peignent quatre tableaux saisissant de l'existence en Union soviétique et des traces qu'elle a laissé. Des hommes soumis à un destin qui les dépasse, à des conditions de vie rigoureuses, luttant malgré tout pour conserver leur humanité. Que ce soit le soldat ému par la beauté de son prisonnier, les prisonniers unissant leurs forces pour graver une lettre dans la roche afin qu'elle soit vue de loin, une femme dévouée à son mari sujet aux accès de violence, un ancien couple uni par un reste de tendresse et des souvenirs qu'ils cherchent ensemble dans les brèches du temps, tous les personnages de Makanine gardent cette foi en la vie par dessus les épreuves, les tortures, les mensonges, la censure, la déchéance physique, la mort.



De très beaux textes, un univers parfois un peu fantastique mais très réaliste face à l'absurdité des hommes, de leur existence qui contient malgré tout des raisons d'espérer, d'aspirer à la liberté, au bonheur. De belles leçons d'humanité !
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La brèche

La brèche de Vladimir Makanine

Klioutcharev a besoin d’une pelle, alors il passe par la brèche se faufile comme il peut, se blesse dans l’étroit corridor, perd quelques boutons et se retrouve sous terre. On l’interroge sur ce qui se passe »là haut ». « Comme avant »est sa réponse. L’entrepôt est là, gardé par une femme, elle veut qu’on lui fasse la cour et lui il a besoin de sa pelle, d’une pioche aussi, alors…Il remonte péniblement, les outils le gênent, l’air libre et les immeubles Kroutchéviens. Il rejoint son appartement et étudie son projet de caverne, dès le soir il commence à creuser, ça ressemble à un terrier. Il est tranquille, il y a peu de monde en surface, il doit être le dernier intellectuel qui n’ait pas rejoint les autres derrière la brèche. Il est marié, un fils anormal qui parle à peine, il est énorme. Plus rien ne fonctionne dans la ville, le téléphone de temps en temps, plus d’essence, les bus un peu et la nuit c’est le royaume des voleurs et des bandes.



Un monde sans issue dans lequel la communication se fait par une brèche qui s’agrandit ou se rétracte au gré du temps, une sorte de roman post apocalyptique dans sa conception mais qui malheureusement est le reflet de la réalité vécue par les hommes. Glaçant.

Makanine est né en 1937 en Russie, décédé en 2017, il a reçu le prix Booker en 1993.

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Assan

Assan de Vladimir Makanine

Grozny, Tchétchènie, un convoi de soldats russes arrive en gare avec un officier, ils sont une trentaine, ivres pour la plupart. Un brassard rouge les accueille ils doivent repartir avec les blindés et deux camions pour les plus bourrés. Alexandre Jijine les accompagne, c’est le commandant de l’armée russe chargé de l’approvisionnement en essence. Ils se font arrêter en chemins par des Tchétchènes qui veulent une rançon de 5000$ ou ils les égorgent, Jijine négocie. Finalement tout s’arrange il ne laissera que 100 litres d’essence, les tchétchènes le connaissent bien, ils trafiquent avec lui, il est réglo, ils l’ont surnommé Assan, par respect, c’est le nom d’une idole dans le folklore du Caucase, et pas n’importe laquelle, celle de la vendetta. Ils sont trois sur ce trafic, jamais d’embrouille, la même part pour chacun. Le dépôt d’essence est à Khankala mais l’état major est à Grozny, entre les deux se méfier des rebelles sauf le matin, ils se reposent. Jijine se fait construire une maison aidé par deux tchétchènes, le général Bazanov, un ancien d’Afghanistan voudrait en faire autant mais sa datcha est à Rostov, trop loin. Bazanov connaît bien la Tchétchénie, ce pays où l’islam a supplanté les chrétiens, il a vu des restes de cathédrales et il raconte Assan, contrairement aux vieux du coin qui font semblant de ne pas connaître que Jijine a questionné, car ils se parlent, ennemis mais vivent ensemble, il leur donne de l’essence souvent. Même les femmes, les mères l’abordent quand elles n’ont pas de nouvelles d’un fils qu’elles ont cherché en vain, il fait ce qu’il peut, elles payent, il a des honoraires, elles sont prêtes à tout, on les a déjà souvent violees, alors…

Mais dans les montagnes c’est vraiment la guerre, la guérilla, tous les jours des attaques dans les défilés, le carburant est précieux pour tous. On en livre même à des tchétchènes qui payent bien, on leur vend des armes aussi, on est supposé leur donner, à ceux qui sont contre Bassaev, le principal chef tchétchène. Tout est bon pour faire de l’argent. Mais tous ces détournements finissent par intriguer l’administration qui envoie des enquêteurs, trop de camions pleins d’armes disparaissent.



La guerre de Tchétchénie vu par le biais des trafics, mais rien ne dure, 1995, Grozny est en flammes, arasé, il n’en reste rien. Un livre magnifique, impressionnant, une écriture maîtrisée qui évite de sombrer dans les détails et le pathos, je conseille vivement.
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Underground ou un héros de notre temps

Underground ou Un héros de notre temps de Vladimir Makanine

Petrovitch est gardien dans une cité aux immenses couloirs dans lesquels il fait ses rondes. Et très fréquemment on lui rend visite, ce soir là c’est Kourneev qui passe, il vient de marier sa fille, il s’installe avec lui, boit un café et l’interroge sur Véra, sa femme, qu’il cherche, elle le trompe depuis toujours, c’est compulsif, Petrovitch sait avec qui elle est, il sait tout mais se tait, son travail c’est de garder les appartements, pas les épouses. Petrovitch est habitué à ces visites, certains viennent parler politique, de Gorbatchev ou de Soljenitsyne, de la Crimée, d’autres de leurs problèmes personnels, certains sont même tellement ivres qu’ils s’endorment sur une chaise. Un soir l’ingénieur Gouriev lui a rendu visite avec une bouteille de vodka, il voulait lui parler de Dieu qu’il venait de découvrir! Son boulot est mal payé, on le prend pour un moins que rien, il lit Heidegger, avant, il écrivait, il a toujours sa machine à écrire, mais il a arrêté, c’est juste un souvenir. Il avait eu de nombreuses aventures amoureuses, surtout Veronika, si souvent ivre mais qui aimait la poésie, Platonov et Pouchkine, elle écrivait des vers sublimes puis, responsable d’un service culturel, on lui avait alloué un minuscule appartement, elle était partie, il ne l’aimait plus mais il voulait l’aider. Elle l’avait mis en contact avec Dvorikov, un député qui voulait publier ses écrits, il avait refusé, trop tard, il avait insisté, « l’underground doit remonter à la surface », mais Petrovitch n’avait rien gardé de ses œuvres. S’il l’avait fait, ça aurait été se tenir debout après avoir si longtemps fait la queue, piétiné sur place. Petrovitch a un frère plus jeune, Vénia, peintre avant gardiste, dénoncé aux autorités, interrogé par le KGB et qui depuis passe sa vie comme un légume dans un sinistre hôpital psychiatrique bourré de neuroleptiques et autres médocs. Petrovitch a toujours eu le sentiment qu’il était un brouillon, un essai et que Vénia était l’œuvre parfaite.



Petrovitch est au centre d’une galerie de portraits qui gravitent autour de lui, pathétiques dans un univers froid et délabré. C’est un peu un héros à la Dostoïevski qui erre dans ce pays qui quitte l’absurde quotidien de l’URSS pour la déliquescence et l’incertitude du lendemain. Un roman d’atmosphère, un moment d’histoire rempli de vodka et de sexe. Époustouflant.
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La brèche

Plutôt qu'un roman, une parabole sur la Russie, un récit à la limite du fantastique par la façon dont il exprime la rupture entre le peuple et ses élites.



On ne situe pas ce récit dans l'histoire, mis à part le fait que cela se situe après Krouchtchev (une simple phrase de description de l'auteur nous donne ce seul repère). Mais ce n'est sans doute pas là l'essentiel. Le message transmis par ce livre est non seulement intemporel mais aussi universel, le cadre russe n'est pas forcément indispensable.



Ce livre est rempli d'oppositions. Intellectuel-ouvrier, foule-individu, réflexion-survie. Et le drame du héros est sans doute de se trouver à la charnière de chacune de ces oppositions; d'être de ceux qui peuvent emprunter la brèche; d'être de ceux qui hésitent entre se regrouper et chercher la solidarité oui s'isoler pour éviter le danger que représente les masses; d'être de ceux qui sont trop fatigués pour bien réfléchir, mais qui ne peuvent s'empêcher d'aimer écouter ceux qui ont encore le courage ou la lâcheté de philosopher.



La seule différence avec une parabole c'est sans doute l'absence de message final. L'auteur nous laisse avec des constats amers, sans réponse, sans solution, désabusés.
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Underground ou un héros de notre temps

Dans le chapitre concluant son Journal d’un gardien d’hôpital, Oleg Pavlov, à propos des années 90 en Russie déclare « Tout fout le camp, tout périclite - mais le vigile s'est installé partout.

On avait déclaré la liberté comme on déclare une faillite - mais les zones protégées se multipliaient à chaque pas. »

Même statut pour Pétrovitch, personnage central du livre de Makanine, gardien d’une cité d’appartements ex-communautaires à Moscou, membre de l’underground littéraire dans les années Brejnev et de l’underground social dans les années Eltsine. Interdit d’édition dans la période soviétique, cessant d’écrire dans la Russie post-soviétique par conviction radicale du loup refusant la laisse, Petrovitch traine sa misère d’under tout en nous livrant une analyse particulièrement virulente et désabusée sur le passage du monde de la censure soviétique au bonheur présumé de la parole libérée qui a suivi sa dissolution en décembre 1991 sur décision d’Eltsine (et malgré son rejet par le référendum de mars 91 à 80% de la population d’URSS)

On sait que la période des années 90 a donné lieu à une débauche de violence mafieuse, de corruption et de baisse quasi-générale du niveau de vie (jusqu’à la misère totale) particulièrement pour les personnes âgées. Le thème de ce roman est moins consensuel puisqu’il laisse planer un parallèle entre les « apparatchiks/laquais du pouvoir/délateurs du KGB » et les « under/mis à l’index/refusant toute concession » des deux périodes brejnev-eltsine – totalement politiquement incorrect s’il en est. Il va même dans la quatrième partie se retrouver interné en HP par le même psychiatre qui avait provoqué l’internement et l’effondrement psychique de son frère dans les années brejnev, HP où on retrouve les (supposées) mêmes méthodes à base de doses massives de neuroleptiques et de tabassages des plus agités que dans les années 70.

Les péripéties (dignes d’un roman d’apprentissage de la cinquantaine grisonnante) sont traitées « à la russe » dans une ambiance de beuveries tragi-comiques et de scènes absurdes au gré des rencontres et aventures de Pétrovitch qui, malgré le caractère en permanence désabusé et pessimiste, doivent au talent de Makanine de se renouveler pendant plus de 500 pages avec brio.

Makanine a vécu la censure sous Brejnev mais a par contre publié et connu le succès à la chute de l’urss ; il connaissait par contre pas mal d’under qui le sont restés et dont plusieurs sont morts dans l’indifférence presque générale. Ce livre voulait leur rendre hommage.

Makanine a obtenu en 1992 le Prix Booker Russe –pour un autre roman- et en 2012 le Prix Européen de Littérature pour l’ensemble de son œuvre.
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Underground ou un héros de notre temps

Pavel Andreevitch, que tous appellent Pétrovitch, est un gardien sans statut dans une immense cité d’appartements communautaires de Moscou. Il était une figure de l’art non-officiel sous Brejnev ; jamais publié à l’époque soviétique, il est devenu un ancien écrivain, a renoncé à écrire maintenant qu’il pourrait être publié, «fossilisé» dans l’underground. Pétrovitch est un homme souterrain, vivant comme un sous-marin sous la surface, revendiquant son statut under, statut dévalorisé par beaucoup mais qui lui permet de ne dépendre de personne.



Les habitants des appartements le long des couloirs de la cité se confient à lui tout en le méprisant, car ils ne voient en lui qu’un rebut de la société ; mais ils lui parlent de tout, de leur épouse, de leur famille, de leur chef, des prix, des voisins, de Soljenitsyne ou de la Crimée. Il y a Kourneev, qui cherche depuis toujours sa femme Véra dans les couloirs vides, Veronika, poétesse underground, pocharde à la dérive qui devient ensuite une politicienne fluette aux fêlures encore apparentes, rongée par son incapacité à améliorer le sort de ses concitoyens obsédés par l’argent, Lessia Voïnova, ancienne personnalité de l’institut où il a travaillé à ses débuts, déchue avec la chute du régime soviétique, superbe femme transformée en une fascinante montagne de chair blanche, les mafieux caucasiens qui méprisent et intimident les intellectuels et les ingénieurs, et tant d'autres, qui forment une grande fresque de la société russe en cette fin des années 1980.



L’autre couloir que Pétrovitch arpente régulièrement est celui de l’hôpital psychiatrique où son frère Venedikt est interné. Vénia, qui était, étudiant, un dessinateur surdoué, fut dénoncé pour des caricatures sans doute faites par un envieux, une « sale trappe caractéristique de ces années gluantes », puis il fut interné et détruit par les médicaments. Retombé en enfance, Vénia fut privé de ses dessins et de sa liberté ; Pétrovitch s’est privé d’écriture pour rester libre.



Au début des années 1990, la société moscovite change. Les relations humaines se font plus violentes, les relations amoureuses tarifées s’envolent, une nouvelle génération d’hommes d’affaires aux appétits de loups surgit, et les appartements communautaires sont progressivement privatisés.

« Repérant grâce à un flair exacerbé les prétendants potentiels à un logement, ils les pressaient hors de la cité comme de la pâte hors d’un tube dentifrice. »



Agressé par un caucasien, persécuté ensuite par un indic du KGB, Pétrovitch devient meurtrier pour défendre son honneur et sa liberté. Ejecté de l’immeuble, il se retrouve dans un foyer, un taudis à rats, sous les hurlements des bourrasques de l’hiver, oppressé par le souvenir de son crime, dans un récit grandiose qui prend une tournure dostoïevskienne.



Underground est un monument, un roman de la permanence russe où tout se règle autour d’une bouteille de vodka et d’interminables discussions («Nos conversations sont nos pyramides »), le roman d’un héros négatif, dans les ombres géantes de Pouchkine et de Dostoïevski ; il est aussi le roman de la transformation russe, un récit tragi-comique dans cette période d’effondrement du capital intellectuel russe. Il est enfin un hommage aux véritables écrivains underground, un livre pour garder une trace de ces héros intransigeants qui n’ont jamais publié.
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Assan

En 1974, à 14 ans, j'ai lu La fleur au fusil, une BD de Jacques Tardi sur l'absurdité de la guerre (de 14-18) et la débrouille d'un petit groupe franco-allemands qui se planquent dans une église en attendant que ça se passe. C'était la première fois que je découvrais que la guerre pouvait être vue d'une façon différente, et ça m'a marqué.

Quelques années plus tard (!), après bien des lectures mal intentionnées de cet acabi dans lesquelles la guerre n'a aucun véritable rapport avec la glorification ni même la justification de héros luttant pour une cause, me voici face à l'un des derniers livres de Vladimir Makanine (mort en 2017) qui aborde le sujet de la corruption et du détournement de ressources vitales dans le contexte de la guerre de Tchetchenie dans les années 2000. J'y ai repensé à un événement rapporté par John Reed dans La guerre des Balkans 14-18 sur le détournement de dix sept millions de sacs de farine russes (30 trains !) destinés à nourrir l'armée, revendus à des roumains qui l'ont eux-mêmes expédiés en Autriche !

Le roman nous fait suivre la vie du commandant Jiline, responsable d'un entrepot d'essence sur lesquels il fait du bizness avec les tchetchènes, rebelles armés comme paysans pacifiques, avec lesquels les relations sont faites d'intimidation, de respect mutuel et de marchandages. Il finit par être associé à une pseudo-divinité pré-islamique tchétchène, Assan, qui incarne la vengeance. Cependant, en ce début de XXIe siècle mercantile et mesquin, la guerre n'est que routine désolante et absurde : Jiline sera tué par un des soldats traumatisés qu'il a pris sous son aile et dont l'échange d'argent est un déclencheur de folie meutrière.

Paru juste après la seconde guerre de Tchetchenie, le livre, en tournant le dos à toute vision politique de la cause indépendantiste ou fédéraliste a été l'objet de nombreuses critiques de la part des deux camps : refus de parler de la guerre comme un ensemble de batailles, de victoires ou de défaites, de situer les bons et les méchants, aux antipodes du mythe de la Grande Guerre Patriotique (mythe encore exploité dans l'actuelle invasion de l'Ukraine par Poutine). le livre de Makanine, centré sur les sentiments, la vie intérieure et la personnalité finalement complexe d'un personnage dans un véritable chaos qui semble sans fin, est un livre unique en son genre car il n'assume aucune idéologie ni ne prend position (il n'est notamment pas explicitement antimilitariste). Les personnages « secondaires » dont on n'explore pas fondamentalement les motivations, en restant à ce que peut en comprendre Jiline, se révèleront finalement, comme dans la vie, jouer un rôle essentiel et non maitrisé jusqu'à un final terriblement poignant et qui m'a laissé une boule à l'estomac.

Vladimir Makanine signe ici un monument – pour lequel il a obtenu en 2008 le Prix Bolchaïa Kniga.

A noter également l'intéret de la vidéo ci dessous.
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La brèche

Publié en 1991, année de l'effondrement de l'URSS, "La Brèche" est une allégorie sur la société soviétique, une société sclérosée, bouchée pour faire ici référence à la brèche qui peu à peu se referme dans le livre éponyme, et qui a durement censuré nombre d'écrivains russes dont Makanine (ou Boulgakov).



Les intellectuels critiques se sont réfugiés sous terre, laissant le monde de la surface à une foule quasi-animalisée. Le personnage principal est l'un des rares intellectuels à vivre à la surface sans doute parce qu'il ne pourrait y emmener son fils (trop épais au deux sens du terme, l'enfant étant une force de la nature et handicapé mental). Klioutcharev éprouve le besoin de se rendre sous terre, quitte à ramper dans la boue et à se taillader le corps, pour y respirer et retrouver les plaisirs des discussions rationnelles et lettrées. Livre évidemment touchant venant d'un auteur contraint au silence.



Ceci dit, on dit parfois que les livres échappent à leur auteur. Lu aujourd'hui, dans notre contexte, une toute autre lecture pourrait être faite : cela serait sans doute un contre sens mais certains passages du livre laissent à penser que les intellectuels ne sont pas exempts de tout reproche.



Au prix d'un changement lexical minime, on peut aussi dire que les intellectuels, totalement coupés d'un Peuple qu'ils méprisent et dont ils ont peur (qu'on pense aux discours tenus par certains d'entre eux à la fin du livre), se terrent préférant le confort de l'entre soi à toute forme de responsabilité. Et là on pensera très fort à tous ces intellectuels médiatiques qui squattent nos antennes de radio et les plateaux de télévision ! Tout cela pour dire qu'à mon avis, le propos de Makanine est a contextualiser et historiser.
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Les Vieux livres

Svetik, jeune provinciale à l'ambition dévorante, se lance dans le commerce au noir des vieux livres, et devient la chef d'une bande de petits malfrats, jusqu'à sa rencontre avec un professeur désabusé...Petit roman qui se lit facilement, une plongée dans le Moscou de la débrouille et des appartements communautaires, qui vaut surtout pour sa joyeuse énergie et sa satire d'une jeunesse désabusée.
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Assan

Nous appelons cela de la corruption, du détournement. Le commandant Jiline préfère parler d’organisation. Mais comment éviter le chaos ? Quelle solution pour sauver sa peau dans ce bourbier où se trouve le commandant lâché par ses supérieurs ?



Quelle est cette guerre ? Les ennemis peuvent devenir les « amis », les alliés, tomber dans le camp adverse. Où est l’armée russe, où est le commandement suprême ?



Les premières pages sont édifiantes, cocasses avec ce convoi de troufions ivres qu’aucun officier n’accompagne ni ne réceptionne. Les voici montant dans les camions, s’interpellant, au premier barrage, montrant leurs culs !!! et c’est tout l’équilibre précaire des marchés et autres arrangements qui risque de tomber, surtout qu’un tchéchène est tué.



Jiline, commandant de l’armée russe, est chargé de l’approvisionnement, sur son secteur, les troupes russes en essence. Il gère ce stock d’une façon drastique et équilibrée. Dans ce pays en guerre, le commandant Alexandre Jiline, encore appelé Sacha, Sachik, Assan Sergueitch, ou Assan tout court, selon ses interlocuteurs se fait respecter. Ses interlocuteurs, plutôt ses « clients » tiennent leurs paroles, enfin presque. Il détourne un baril sur dix qu’il revend aux Tchétchènes. Cette monnaie d’échange permet à ses convois de passer sans trop de perte. Il en vend également de temps à autres, aux paysans pour les travaux agricoles.



Oui Assan est un homme d’honneur. Ils ne violent pas les femmes. (Certaines pages concernant des mères parties à la recherche de leur fils prisonniers des Tchètes sont édifiantes), ne fait par de marchés avec les armes. Lorsque des soldats russes ont échappé par miracle à une embuscade où tous ont été tués, il les prend avec lui. Bien sûr, ils doivent travailler pour lui quelques temps, mais, respectant sa parole, il recherche leurs régiments.

C’est ainsi qu’il s’est pris d’une certaine amitié pour deux jeunes gars traumatisés suite à un guet-apens.



Dans ce livre, Vladimir Makanine dénonce cette guerre où les jeunes appelés servent de chair à canons pendant que le commandement fait des affaires loin des fronts. Ces chefs peuvent même vendre un des leurs (un général inoffensif en l'occurrence) pour soulager la vindicte de Tchéchènes sans aucun remords. Là-bas, l’autorité ne respecte pas les lois, elle les arrange à sa sauce. Une guerre où les lois commerciales ne sont aucunement entravée par la guerre, où l’on tue et commerce sans aucun problème des deux côtés.



Vladimir Makanine nous offre un livre fort et dense, où l’humour est présent. Beaucoup phrases non terminées, ponctuées par des points de suspension donnent du nerf à l’écriture. C’est une lecture exigeante. L’auteur a un style direct, sans fioriture, très fort. Bref, il ne tourne pas autour du pot et cela m’a beaucoup plu. Je pense que la traduction de Christine Zeytounian-Beloüs y est pour beaucoup. Une lecture qui restera longtemps entre mes deux oreilles.


Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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La brèche

Dans Moscou, tout manque et plus rien ne fonctionne, chacun reste terré chez soi par peur des pillards et des foules meurtrières qui déferlent dans les rues. Malgré cela, Klioutcharev est resté là avec sa femme et son fils ; il ne s'est pas refugié dans le monde souterrain sous la ville comme les autres intellectuels. Est-ce par nécessité pour son fils handicapé, ou bien pour ne pas être coupé du réel ? Pour rester en contact avec les intellectuels, il emprunte régulièrement un passage par la brèche pour rejoindre cette cité souterraine. Là, les intellectuels ne manquent de rien (si ce n'est de l'air et de la lumière !) et les conversations profondes vont bon train, notamment sur l'avenir de la société et les possibilités de son évolution ; mais aucun ne semble croire qu'il peut revenir dans le monde d'en haut ni influencer son devenir.



La brèche est le récit de l'errance de Klioutcharev pour se procurer une pelle pour creuser un abri sous terre pour sa famille, pour téléphoner, pour aller enterrer un ami, ses allers-retours entre la surface et le souterrain, à travers une brèche qui ne cesse de rétrécir et le blesse ; le récit de ses peurs, ses efforts pour rester au contact des intellectuels, de la pensée, même lorsque tout manque, ses efforts pour conserver une humanité et ne pas devenir uniquement un animal apeuré dans son terrier.



« La conversation reprend à la table où il se trouve (il est question de Dostoïevski, du refus de bâtir son bonheur sur le malheur d'autrui, début classique). Deux minutes plus tard, l'âme de Klioutcharev commence déjà à s'imprégner de ces paroles élevées. Ils parlent. Les sphères de leurs esprits s'unissent familièrement au-dessus de la table. Et Klioutcharev qui avait perdu tous ses mots (perdu la vie ?) dans les rues désertes où la seule compagnie est celle du voleur fouillant les poches de sa victime, Klioutcharev sent la présence du verbe. Comme un poisson rendu à son élément, il revit ; c'est pour cela qu'il est venu. »



Livre poignant, la brèche est une puissante métaphore de l'effondrement de la société soviétique, de l'impossibilité de communiquer entre deux mondes, un monde livré à la pauvreté et à la barbarie, et un monde protégé d'intellectuels et de privilégiés, mais coupé de la base, des difficultés du réel.



Au-delà de ce miroir de l'effondrement soviétique, « la brèche » peut être vu comme une métaphore aux multiples dimensions, qui rend ce récit universel - métaphore de l'homme coupé en deux, de l'esprit coupé du corps, le passage dans la brèche comme allégorie des efforts qu'il faut fournir pour conserver les lumières quand la société s'effondre, ou encore comme une allégorie de la douleur de la naissance.



« La terre retombe en mottes et s'égrène : Klioutcharev égalise l'espace grossièrement creusé à coups de pioche. Il taille soigneusement les angles et remarque que le résultat évoque pour le moment un terrier ou même le trou par lequel il a eu tant de peine à remonter. Oui, il copie malgré lui. C'est plus instinctif qu'intuitif : C'est sa mentalité souterraine qui met à profit un savoir-faire étranger sans en référer à la conscience. Il suit une ornière séculaire. Ses mouvements de reptation, le frottement (le polissage) de ses épaules et de ses genoux contre les parois supposent le recours à une expérience millénaire qui remonte au temps où l'expérience personnelle ne se distinguait pas encore de celle d'autrui, où n'existait qu'une seule expérience, instantanée et éphémère.»



Un récit très noir qui résonne profondément et qui (heureusement) conserve un espoir dans l'humanité.



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Les Vieux livres

Un petit livre dans tous les sens du terme. Le thème du trafic sur les marchés du livre de Moscou dans les années 80 est cependant original et l'histoire se lit assez plaisamment. Sans grande passion non plus car les personnages ne m'ont semblé qu'esquissés et franchement, il faudrait être devin pour sentir ici le début d'une oeuvre qui a donné les monuments que sont Underground et Assan.

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La brèche

Un livre formidable, une parabole dans laquelle l'intelligentsia en prend pour son grade sans pour autant que Makanine renie le goût du verbe et de la rhétorique et c'est bien là le problème de se retrouver confronté à un choix de plus en plus difficile à refuser (la brèche de passage se resserre...)

Il y a plein de niveaux de lecture, notamment cette double phobie ochlophobie/claustrophobie avec certains passages de coincements dans étroitures qui sont d'une réalité criante.

Une écriture limpide et brillante, beaucoup d'idées intéressantes.

Un seul bémol qui m’empêche de mettre 5* : j'étais bien parti pour un pavé, 120pages, arghhh
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La brèche

Ne connaissant pas du tout l'auteur j'ai entrepris de lire ce livre après en avoir lu une critique dans une revue. Le thème m'attirait mais j'avoue avoir été déçu.

On peut apprécier la critique d'un monde soviétique sclérosé et à bout de souffle et certaines images sont bien trouvées (les cannes d'aveugles de la fin du livre par ex). J'ai aussi trouvé intéressante l'image d'intellectuels privilégiés coupés de la réalité et devisant à n'en plus finir sur le "sexe des anges" alors que le monde meurt et qui peut faire écho à différentes périodes de l'histoire (dt la nôtre ?).

Cependant, je n'ai pas été convaincu par ce livre car je n'ai pas pris de plaisir à sa lecture. Beaucoup de passages m'ont paru répétitifs et / ou inutilement longs (la description des difficultés du personnage à franchir la brèche par ex...). En dépit de la brièveté du livre, je l'ai finalement trouvé ... trop long avec l'impression que l'auteur tournait en rond.

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La brèche

Superbe allégorie de la fin du monde soviétique, et des "hauteurs béantes" qui menacent aussi nos sociétés.



Publié une première fois en français en 1991 (et réédité chez L'imaginaire en 2007), ce court roman de Vladimir Makanine constitue sans doute le meilleur "point de contact" avec l'auteur du monumental "Underground, ou un héros de notre temps".



Auteur d'un premier roman en 1965, avant de passer 25 ans comme interdit de publication, confiné dans le grand placard brejnévien, aujourd'hui prolifique et canonisé de son vivant, Makanine signe avec cette fable allégorique un brutal réquisitoire contre la fin de règne soviétique, en même temps, sans doute, qu'un livre universel parlant de glaciation sociale.



Dans une Moscou assombrie, peu à peu privée d'électricité, hantée par les privations du quotidien, par des mouvements de foule brutaux et aveugles, et par des voleurs, pillards et profiteurs du crépuscule, le héros Klioutcharev, sans doute intellectuel "déclassé", est l'un des derniers à pouvoir se déplacer entre la surface, décrépite au bord de la perdition, et le vaste espace souterrain où sont réfugiés, dans un indéniable confort, intellectuels et petits nomenklaturistes... Pour passer d'un monde à l'autre, il doit se faufiler par une "brèche", étroit boyau creusé dans le sol, chaque jour plus difficile d'accès, chaque jour lui laissant davantage de meurtrissures au passage. Jusqu'à ce qu'un jour le chemin s'efface ? Ou jusqu'à ce que la surface soit livrée au chaos final ? Une touche finale de bienveillance, dans la dernière page, ne permet pas de répondre...



Si l'allégorie kafkaïenne frappe durement feu l'impasse soviétique, elle pointe aussi subrepticement, et c'est sans doute plus paradoxal, vers la différenciation croissante entre l'univers du "commun" des démocraties modernes et celui des "riches", véritables bénéficiaires de la furia néo-libérale, et - surtout - de l'incommunicabilité croissante entre ces mondes, malgré les tentatives de quelques "bonnes âmes" de maintenir un lien...

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Les Vieux livres

Svétik (Svletana) est une jeune femme à la recherche de ressources. Elle est venue de province à Moscou et a essayé le commerce des vieux vêtements, mais découvre que celui des livres anciens est bien plus lucratif, car les amateurs sont de véritables passionnés.



Elle rôde donc du côté du marché aux livres, organise et dirige une bande de petits truands, compromet ses amis et se tire d'affaire sans scrupule en compromettant ses compagnons. Amoureuse d'un philologue, elle trouve refuge chez lui, dans son appartement communautaire.



Ce court roman est d'une lecture très agréable ; presque construit comme une pièce de théâtre, les dialogues y abondent. On y joue au chat et à la souris avec la police. Les portraits de petits trafiquants moscovites sont particulièrement réussis. Les difficultés que doivent affronter les jeunes Russes dans un empire soviétique alors en décomposition sont dépeintes avec réalisme. On devine cependant, comme souvent chez les écrivains russes, la parcelle d'humanité qui demeure au fond de l'âme de tout être humain. Ce tableau est sombre, mais pas totalement noir ni cynique.
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Underground ou un héros de notre temps

Fresque intéressante de la société soviétique, alors qu’elle est en train de redevenir russe, donc fin des années 80, début des années 90 du siècle dernier. Fresque peinte par Makanine, à travers son narrateur, l’écrivain Petrovitch vivant dans l’underground et errant de galère en galère.

Ce récit ne décrit pas les jeux de pouvoir qui se jouent en haut, mais décrit les malheurs du petit peuple, celui d’en bas, celui qui vit dans l’underground, celui des cités dortoirs de la périphérie de Moscou. Cités dortoirs géantes dans lesquelles Petrovitch squatte, tout en y servant de « Hausmeister », espèce de gardien d’immeuble non officiel, que certains occupant des lieux emploient pour surveiller leur appartement. Petrovitch dresse un portrait des « pauvres gens » qui y vivent, de certaines femmes avec lesquels il a des relations amoureuses. Petrovitch nous parle aussi de son frère Venia, peintre génial, mais trop caustique envers les autorités et qui a été cassé par un fonctionnaire de la police d’état un peu trop zélé.

Makanine nous décrit cette société qui est sur la brèche, en train de basculer. Dans la nouvelle Russie on commence à privatiser les appartements. De « nouveaux russes » apparaissent dans cette société post soviétique. Ceux-ci sont jeunes et sans scrupules. L’amour s’y tarifie. Les anciennes statues sont déboulonnées, les nouveaux leaders ne sont pas encore tout à fait en place ; bref une société en pleine mutation. Mais Petrovitch préfère ne pas vendre son âme au modernisme et rester pauvre écrivain de l’underground.

Récit passionnant pour ceux qui s’intéressent aux hauts et aux bas de cette Russie éternelle.

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