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EAN : 9782070128570
480 pages
Gallimard (07/03/2013)
4.44/5   8 notes
Résumé :
«Faire la paix avec les Tchétchènes, ils ne seraient pas contre non plus. Une très longue paix… Les Tchétchènes sont des gens comme les autres. Les soldats pourraient aller à la pêche. Il paraît qu’il y a beaucoup de poisson dans les rivières de montagne, du bon poisson, pas bien gros, il est vrai. Malgré tout, l’opinion générale penche du côté de la guerre.» Alexandre Jiline est commandant de l’armée russe en Tchétchénie, chargé de l’approvisionnement des troupes e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Assan de Vladimir Makanine
Grozny, Tchétchènie, un convoi de soldats russes arrive en gare avec un officier, ils sont une trentaine, ivres pour la plupart. Un brassard rouge les accueille ils doivent repartir avec les blindés et deux camions pour les plus bourrés. Alexandre Jijine les accompagne, c'est le commandant de l'armée russe chargé de l'approvisionnement en essence. Ils se font arrêter en chemins par des Tchétchènes qui veulent une rançon de 5000$ ou ils les égorgent, Jijine négocie. Finalement tout s'arrange il ne laissera que 100 litres d'essence, les tchétchènes le connaissent bien, ils trafiquent avec lui, il est réglo, ils l'ont surnommé Assan, par respect, c'est le nom d'une idole dans le folklore du Caucase, et pas n'importe laquelle, celle de la vendetta. Ils sont trois sur ce trafic, jamais d'embrouille, la même part pour chacun. le dépôt d'essence est à Khankala mais l'état major est à Grozny, entre les deux se méfier des rebelles sauf le matin, ils se reposent. Jijine se fait construire une maison aidé par deux tchétchènes, le général Bazanov, un ancien d'Afghanistan voudrait en faire autant mais sa datcha est à Rostov, trop loin. Bazanov connaît bien la Tchétchénie, ce pays où l'islam a supplanté les chrétiens, il a vu des restes de cathédrales et il raconte Assan, contrairement aux vieux du coin qui font semblant de ne pas connaître que Jijine a questionné, car ils se parlent, ennemis mais vivent ensemble, il leur donne de l'essence souvent. Même les femmes, les mères l'abordent quand elles n'ont pas de nouvelles d'un fils qu'elles ont cherché en vain, il fait ce qu'il peut, elles payent, il a des honoraires, elles sont prêtes à tout, on les a déjà souvent violees, alors…
Mais dans les montagnes c'est vraiment la guerre, la guérilla, tous les jours des attaques dans les défilés, le carburant est précieux pour tous. On en livre même à des tchétchènes qui payent bien, on leur vend des armes aussi, on est supposé leur donner, à ceux qui sont contre Bassaev, le principal chef tchétchène. Tout est bon pour faire de l'argent. Mais tous ces détournements finissent par intriguer l'administration qui envoie des enquêteurs, trop de camions pleins d'armes disparaissent.

La guerre de Tchétchénie vu par le biais des trafics, mais rien ne dure, 1995, Grozny est en flammes, arasé, il n'en reste rien. Un livre magnifique, impressionnant, une écriture maîtrisée qui évite de sombrer dans les détails et le pathos, je conseille vivement.
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En 1974, à 14 ans, j'ai lu La fleur au fusil, une BD de Jacques Tardi sur l'absurdité de la guerre (de 14-18) et la débrouille d'un petit groupe franco-allemands qui se planquent dans une église en attendant que ça se passe. C'était la première fois que je découvrais que la guerre pouvait être vue d'une façon différente, et ça m'a marqué.
Quelques années plus tard (!), après bien des lectures mal intentionnées de cet acabi dans lesquelles la guerre n'a aucun véritable rapport avec la glorification ni même la justification de héros luttant pour une cause, me voici face à l'un des derniers livres de Vladimir Makanine (mort en 2017) qui aborde le sujet de la corruption et du détournement de ressources vitales dans le contexte de la guerre de Tchetchenie dans les années 2000. J'y ai repensé à un événement rapporté par John Reed dans La guerre des Balkans 14-18 sur le détournement de dix sept millions de sacs de farine russes (30 trains !) destinés à nourrir l'armée, revendus à des roumains qui l'ont eux-mêmes expédiés en Autriche !
Le roman nous fait suivre la vie du commandant Jiline, responsable d'un entrepot d'essence sur lesquels il fait du bizness avec les tchetchènes, rebelles armés comme paysans pacifiques, avec lesquels les relations sont faites d'intimidation, de respect mutuel et de marchandages. Il finit par être associé à une pseudo-divinité pré-islamique tchétchène, Assan, qui incarne la vengeance. Cependant, en ce début de XXIe siècle mercantile et mesquin, la guerre n'est que routine désolante et absurde : Jiline sera tué par un des soldats traumatisés qu'il a pris sous son aile et dont l'échange d'argent est un déclencheur de folie meutrière.
Paru juste après la seconde guerre de Tchetchenie, le livre, en tournant le dos à toute vision politique de la cause indépendantiste ou fédéraliste a été l'objet de nombreuses critiques de la part des deux camps : refus de parler de la guerre comme un ensemble de batailles, de victoires ou de défaites, de situer les bons et les méchants, aux antipodes du mythe de la Grande Guerre Patriotique (mythe encore exploité dans l'actuelle invasion de l'Ukraine par Poutine). le livre de Makanine, centré sur les sentiments, la vie intérieure et la personnalité finalement complexe d'un personnage dans un véritable chaos qui semble sans fin, est un livre unique en son genre car il n'assume aucune idéologie ni ne prend position (il n'est notamment pas explicitement antimilitariste). Les personnages « secondaires » dont on n'explore pas fondamentalement les motivations, en restant à ce que peut en comprendre Jiline, se révèleront finalement, comme dans la vie, jouer un rôle essentiel et non maitrisé jusqu'à un final terriblement poignant et qui m'a laissé une boule à l'estomac.
Vladimir Makanine signe ici un monument – pour lequel il a obtenu en 2008 le Prix Bolchaïa Kniga.
A noter également l'intéret de la vidéo ci dessous.
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Nous appelons cela de la corruption, du détournement. le commandant Jiline préfère parler d'organisation. Mais comment éviter le chaos ? Quelle solution pour sauver sa peau dans ce bourbier où se trouve le commandant lâché par ses supérieurs ?

Quelle est cette guerre ? Les ennemis peuvent devenir les « amis », les alliés, tomber dans le camp adverse. Où est l'armée russe, où est le commandement suprême ?

Les premières pages sont édifiantes, cocasses avec ce convoi de troufions ivres qu'aucun officier n'accompagne ni ne réceptionne. Les voici montant dans les camions, s'interpellant, au premier barrage, montrant leurs culs !!! et c'est tout l'équilibre précaire des marchés et autres arrangements qui risque de tomber, surtout qu'un tchéchène est tué.

Jiline, commandant de l'armée russe, est chargé de l'approvisionnement, sur son secteur, les troupes russes en essence. Il gère ce stock d'une façon drastique et équilibrée. Dans ce pays en guerre, le commandant Alexandre Jiline, encore appelé Sacha, Sachik, Assan Sergueitch, ou Assan tout court, selon ses interlocuteurs se fait respecter. Ses interlocuteurs, plutôt ses « clients » tiennent leurs paroles, enfin presque. Il détourne un baril sur dix qu'il revend aux Tchétchènes. Cette monnaie d'échange permet à ses convois de passer sans trop de perte. Il en vend également de temps à autres, aux paysans pour les travaux agricoles.

Oui Assan est un homme d'honneur. Ils ne violent pas les femmes. (Certaines pages concernant des mères parties à la recherche de leur fils prisonniers des Tchètes sont édifiantes), ne fait par de marchés avec les armes. Lorsque des soldats russes ont échappé par miracle à une embuscade où tous ont été tués, il les prend avec lui. Bien sûr, ils doivent travailler pour lui quelques temps, mais, respectant sa parole, il recherche leurs régiments.
C'est ainsi qu'il s'est pris d'une certaine amitié pour deux jeunes gars traumatisés suite à un guet-apens.

Dans ce livre, Vladimir Makanine dénonce cette guerre où les jeunes appelés servent de chair à canons pendant que le commandement fait des affaires loin des fronts. Ces chefs peuvent même vendre un des leurs (un général inoffensif en l'occurrence) pour soulager la vindicte de Tchéchènes sans aucun remords. Là-bas, l'autorité ne respecte pas les lois, elle les arrange à sa sauce. Une guerre où les lois commerciales ne sont aucunement entravée par la guerre, où l'on tue et commerce sans aucun problème des deux côtés.

Vladimir Makanine nous offre un livre fort et dense, où l'humour est présent. Beaucoup phrases non terminées, ponctuées par des points de suspension donnent du nerf à l'écriture. C'est une lecture exigeante. L'auteur a un style direct, sans fioriture, très fort. Bref, il ne tourne pas autour du pot et cela m'a beaucoup plu. Je pense que la traduction de Christine Zeytounian-Beloüs y est pour beaucoup. Une lecture qui restera longtemps entre mes deux oreilles.

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Plongée dans la "sale guerre" de Tchétchénie. L'enlisement du conflit, les combats sporadiques, les petits trafics et les combines entre soldats des deux camps. Conté par un type ordinaire, sorte de héros malgré lui qui devient peu à peu une sorte de figure paternelle pour les différents protagonistes avant d'être a son tour rattrape par la folie et l'absurdité d'un conflit sans fin. Implacable et touchant.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Réduit en bouillie.
Et Dieu me reproche cette bouillie et m’arrête. Ne te bats pas… Dieu me souffle une troisième voie.
Assez de sang, commandant Jiline… Tu n’es pas un guerrier ni un vengeur. Tu es une une honnête petite merde. Et bien que tu ne sois rien ni personne, tu ne crèveras pas tout de suite dans ce bordel sanglant et imprévisible qui a déjà commencé… Négocie… Le commerce, c’est ta seule chance de survie.
Propose… et vends… C’est la seule façon de s’y prendre avec ceux qui s’agitent… Ta mission sur cette terre !
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Je franchis le portail. Ah!... les camions et les blindés sont partis... personne.
Le regard a soif de vide. A la sortie des entrepots, quand il n'y a pas de véhicules, la vue s'ouvre sur les lointains. Un espace vacant. L'oeil désire l'infini. Ou à défaut cette poussière à moitié transparente. Derrière laquelle l'infini se cache, mais pas totalement... joue à cache-cache avec toi...
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Le silence règne dans la clairière où la lune somnole. Encerclée d'aubépine...Un lieu privilégié...Je reste assis quelque temps sur mon banc. Quant tu te sens intensément vivant, pleinement vivant, à cent pour cent, tu as envie de remercier...Qui donc?
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Voici enfin les lettres du fils déversées sur la table. Où il demande qu'on lui envoie de l'argent...Puis des bouts de papier. Désespérés. Rédigés en captivité...Comme autant de cris de détresse !
J'examine le tout tandis qu'elle poursuit son récit hâtif, les joues et les lèvres inondées de larmes impétueuses. Avec Galina, une autre mère de soldat, elles ont parcouru les routes...Deux femmes. Mangeant avec les bergers. Couchant en plein champ...
Son visage est mouillé de pleurs, mais sa voix reste ferme. Route après route...Elles les ont toutes parcourues, elles ont fouillé les montagnes en vain...
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Comment un bibliophile aussi inutile qu’inoffensif a-t-il pu périr si tragiquement. ?... C’est le grand Rous qui apporte la réponse : on l’a vendu.
Incroyable. Selon le code militaire, livrer un des siens est considéré comme un acte particulièrement odieux. Il peut arriver qu’un fédéral indique aux Tchétchènes un convoi en formation. Ou le circuit emprunté par de jeunes soldats… Mais on ne trahit jamais une personne précise…
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Video de Vladimir Makanine (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Vladimir Makanine
Vladimir Makanine: Assan, la guerre et la vie .Entretien avec l'écrivain russe Vladimir Makanine, en mars 2013, quelque jours après la remise du Prix européen de littérature à Strasbourg, à propos d'Assan, son dernier livre traduit ( éditions Gallimard), de son regard sur la guerre de Tchétchénie, la corruption, et de la littérature en climats politiques divers.. Entretien réalisé par Dominique Conil et Sophie Dufau pour Mediapart. Traduit par Christine Zeytounian-Beloüs.
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