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Citations de W. G. Sebald (167)


Il n'est aujourd’hui plus possible de balayer d'un revers de main la constatation de Kafka écrivant que toutes nos inventions ont été faites une fois la chute déclenchée. Le dépérissement d'une nature qui continue de nous maintenir en vie en est le corollaire chaque jour plus évident. Mais la mélancolie, autrement dit la réflexion que l’on porte sur le malheur qui s'accomplit, n'a rien de commun avec l'aspiration à la mort. Elle est une forme de résistance. Et au niveau de l'art, éminemment, sa fonction n'a rien d'une simple réaction épidermique, ni rien de réactionnaire…
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Je parcourais les rues dépeuplées et prenais des centaines de clichés de ce que j’appelais des vues de banlieues, dont le vide et la désolation, je le compris plus tard, correspondaient exactement à mes états d’âme. (p. 312)
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le soir j'étais hanté par les plus effroyables angoisses, des états d'anxiété qui parfois pouvaient durer des heures et des heures et ne faisaient qu’empirer. Il ne m’était visiblement pas d’un grand secours d’avoir découvert les sources de ma perturbation ni d’être capable de me voir moi-même avec la plus grande acuité, tout au long de ces années révolues, en petit garçon coupé du jour au lendemain de sa vie familière ; la raison ne prenait pas l’ascendant sur le sentiment que j’avais de tous temps réprimé et qui maintenant se frayait avec violence un chemin pour sortir au grand jour, le sentiment d’être été rejeté et effacé de sa vie. Cette angoisse terrible me surprenait au milieu des gestes les plus simples, quand je laçais mes chaussures, rinçais les tasses à thé ou attendais que l’eau frémisse dans la bouilloire. (p. 273)
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j’ai à présent de plus en plus l’impression, quand je tombe sur une photographie de Wittgenstein, que c’est Austerlitz que j’ai devant moi, ou quand je regarde Austerlitz, que je vois le penseur malheureux, autant prisonnier de la clarté de ses réflexions logiques que de la confusion de ses sentiments, tant sont évidentes les ressemblances entre les deux hommes, la stature, la manière qu’ils ont de vous étudier en franchissant une frontière invisible, leur vie installée dans le provisoire, le désir de se suffire d’aussi peu que possible, et cette incapacité, propre autant à Austerlitz qu’à Wittgenstein, de s’embarrasser de préliminaires. C’est ainsi qu’Austerlitz ce soir-là, au bar du Great Eatstern Hotel, sans perdre le moindre mot sur notre rencontre purement fortuite après une aussi longue absence, a repris la conversation presque là où nous l’avions laissée. (p. 53)
- C’était comme si une maladie me rongeant depuis longtemps cherchait à se déclarer, comme si une hébétude, une prostration s’était installée en moi, qui graduellement allait me paralyser tout entier. J’éprouvais déjà sous mon front cette stupeur horrible qui annonce la dégradation de la personnalité, je pressentais qu’en réalité je ne possédais ni mémoire ni capacité de réflexion ni existence propre, que tout ce que j’avais vécu n’avait jamais fait que m’anéantir et me détourner du monde et de moi-même. (p. 149)
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Personne ne saurait expliquer exactement ce qui se passe en nous lorsque brusquement s'ouvre la porte derrière laquelle sont enfouies les terreurs de la petite enfance. (p. 34)
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Mais, ceci dit, il n’était pas rare que nos projets les plus grandioses révèlent le degré de nos inquiétudes. (p. 22)
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Face à la Gravure des yeux du chien Maurice
(Et on ne peut citer une image : c’est dommage)


Envoie-moi s’il te plaît
le manteau marron
du Rheingau
dans lequel autrefois
je faisais mes promenades
nocturnes
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Face à la Gravure des yeux de Samuel Beckett
(Et on ne peut citer une image : c’est dommage)



Il te
couvrira de
son plumage
&
sous son
aile alors
tu reposeras
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Face à la Gravure des yeux d’Anna Sebald

(Et on ne peut citer une image : c’est dommage)


Nul encore n’a dit
l’histoire
des visages qui
se sont détournés
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W. G. Sebald
Nous parvenons d’une manière ou d’une autre à ne pas nous figer d’effroi devant les montagnes mortes qui du jour au lendemain ont pris la place des panoramas les plus beaux, c’est tout juste si nous réagissons à la transformation d’un paysage vert hier encore en une contrée désolée où il ne subsiste plus d’une végétation qui s’est reproduite depuis d’innombrables générations qu’une poignée de chicots tordus et calcinés. Les yeux apprennent à se détourner de ce qui leur est douloureux, peut-être même apprennent-ils à aimer un monde de plus en plus noir et graphiteux, comme autrefois les familles de mineurs leurs vallées du Pays de Galles où il n’y avait rien d’autre que charbon, pierre et poussier, et où les enfants étaient heureux de faire de la luge sur les terrils.

(Vue cavalière de la Corse)
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In der Dunkelheit                          Dans l'obscurité
                                                 
über der Mündung                       sur l'embouchure
der Somme die Pleiaden             de la Somme les Pléiades
leuchtend                                        lumineuses
wie nirgendwo sonst                   comme nulle part ailleurs
              
-
               
Unerzähl                                         Nul encore n’a dit
                                                   
bleibt die Geschichte                    l’histoire
der abgewandten                          des visages qui
Gesichter                                         se sont détournés
             
             
Poèmes accompagnés des gravures de Jan Peter Tripp avec les Regards de Julie Seltz et d'Anna Sebald / Traduits de l’allemand par Patrick Charbonneau (pp. 24-5 & 74-5)
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Durant la dizaine de jours que j'ai passés à Vienne, je n'ai rien vu, je ne suis entré nulle part, sinon dans les cafés et les bistrots, et en dehors des serveuses et des garçons, je n'ai parlé à personne. J'ai seulement dit quelques mots, s'il m'en souvient bien, aux choucas des jardins de l'Hôtel-de-Ville, et à un merle tête blanche attiré avec les choucas par ma grappe de raisin et que j'ai appelé en secret Simurgh.
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« Bientôt on fut obligé d'abandonner les étages supérieurs voire des ailes entières et de se retirer dans quelques pièces encore praticables au rez-de-chaussée. Les fenêtres des étages condamnés se ternirent derrière les toiles d'araignées, la pourriture sèche gagna du terrain, les insectes transportèrent les spores du champignon jusque dans les angles les plus reculés, des moisissures brunes violacées et noires présentant des formes monstrueuses, parfois grandes comme des têtes de bœufs, apparurent aux murs et aux plafonds. Les planchers commencèrent à céder, les charpentes des toitures à ployer. Boiseries et cages d'escalier, depuis longtemps pourries en dedans, tombaient parfois dans la nuit en poussière jaune soufre…»
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« Ce soir-là, à Southwold, comme j'étais assis à ma place surplombant l'océan allemand, j'eus soudain l'impression de sentir très nettement la lente immersion du monde basculant dans les ténèbres. En Amérique, nous dit Thomas Browne dans son traité sur l'enfouissement des urnes, les chasseurs se lèvent à l'heure où les Persans s'enfoncent dans le plus profond sommeil. L'ombre de la nuit se déplace telle une traîne halée par-dessus terre, et comme presque tout, après le coucher du soleil, s'étend cercle après cercle - ainsi poursuit-il - on pourrait, en suivant toujours le soleil couchant, voir continuellement la sphère habitée par nous pleine de corps allongés, comme coupés et moissonnés par la faux de Saturne - un cimetière interminablement long pour une humanité atteinte du haut mal.»
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De cette femme blonde oxygénée à la chevelure dressée sur sa tête comme un gros nid d’oiseau, Austerlitz dit au détour d’une phrase qu’elle était la déesse des temps révolus. Il y avait effectivement, sur le mur derrière elle, au-dessus des armoiries au lion du royaume de Belgique, une impressionnante horloge au cadran jadis doré, noirci à présent par la fumée de tabac et la suie de chemin de fer, sur lequel se déplaçait une aiguille d’environ six pieds.
Pendant les pauses de notre discussion, nous prenions l’un et l’autre la mesure du temps infini que mettait à s’écouler une seule minute, et nous étions à chaque fois effrayé, bien que ce ne fut pas une surprise, par la saccade de cette aiguille, pareil au glaive de la justice, qui arrachait à l’avenir la soixantième partie d’une heure puis tremblait encore une fraction de seconde, lourde d’une menace qui nous glaçait presque les sangs.
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Ils abattent tous les arbres, se plaint-il, et ils arrachent les haies. Bientôt les oiseaux ne sauront plus où aller.

Page 240
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Aussi étais-je plutôt mal en point le lendemain matin, lorsque je me retrouvai au Mauritshuis, planté devant le portrait de groupe de près de quatre mètres carrés, La Leçon d’anatomie du Dr Nicolaas Tulp. Bien que je fusse venu à La Haye uniquement pour cette peinture qui, d’ailleurs, devait encore me préoccuper énormément durant des années, je ne parvins absolument pas, dans l’état qui était le mien après cette nuit blanche, à rassembler mes pensées à la vue du sujet de dissection allongé sous les regards des représentants de la guilde des chirurgiens. Sans trop savoir pourquoi, je me sentis même agressé par cette scène au point qu’il me fallut près d’une heure par la suite, pour me calmer un tant soit peu…
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Je ne sais pas ce qui préside à mon choix d'un restaurant dans une ville étrangère. D'un côté je suis très difficile et parcours pendant des heures les rues et les venelles avant de me décider ; de l'autre, je finis le plus souvent par entrer n'importe où, pour absorber, mal à l'aise dans une ambiance sinistre, des mets qui ne me disent absolument rien qui vaille.
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Il est vrai aussi que je n’ai que l’écriture pour me défendre des souvenirs qui me submergent si souvent sans crier gare. S’ils restaient enfermés dans ma mémoire, ils pèseraient de plus en plus lourd au fil du temps, si bien que je finirais par m’effondrer sous leur poids. C’est que les souvenirs sommeillent des mois et des années en notre for intérieur, et ils y végètent discrètement jusqu’à ce qu’ils soient rappelés à la surface par quelque évènement mineur et nous frappent d’une singulière cécité face à la vie.
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Et ne serait-il responsable (...) que nous ayons aussi des rendez-vous dans le passé, dans ce qui a été et qui est déjà en grand parte effacé, et que nous allions retrouver des lieux et des personnes qui, au-delà du temps d'une certaine manière, gardent un lien avec nous?
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