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Critiques de William Makepeace Thackeray (109)
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La Foire aux vanités

William Thackeray était un grand contemporain de Charles Dickens, aussi connu de son vivant du public anglais et, désormais, beaucoup moins célébré, notamment hors des îles britanniques. La Foire aux Vanités est son ouvrage réputé maître, même si l'adaptation cinématographique de Barry Lyndon, par Stanley Kubrick, a redonné un certain élan à la vogue pour cet auteur, via cet autre roman. D'autres oeuvres, pourtant de qualité comparable, sont quasi introuvables à l'heure actuelle en français et, de ce fait, assez peu lues.



La Foire aux Vanités nous présente en parallèle la destinée de deux jeunes femmes d'extraction sociale et de tempérament différents, sur une quinze-vingtaine d'années, environ de 1813 à 1830 (la datation n'est pas très précise) : Amélia Sedley et Rebecca Sharp.



(Au passage, je vous invite à soupeser les sonorités employées par l'auteur pour nommer ses deux principales héroïnes : d'un côté, « Amélia Sedley », ça coule paisiblement comme un adorable petit ruisseau au milieu des champs fleuris. de l'autre, « Rebecca Sharp », ça claque mieux qu'un coup de serpe sur un vieux billot de chêne, ça chlic ! et ça chlouc ! aussi net qu'un couperet de guillotine !)



L'une rejoue le thème de l'héroïne positive classique du roman anglais de la fin XVIIIe début XIXe : belle, droite, discrète et vertueuse, un peu à la façon de Clarissa Harlowe de Samuel Richardson ou d'Elinor Dashwood de Jane Austen.



L'autre sera l'archétype de l'héroïne irrésistible et vive, mais vénéneuse à souhait, insensible et prête à tout pour arriver à ses fins. En quelque sorte, une espèce de Milady de Winter d'Alexandre Dumas (Les trois Mousquetaires), une façon de Valérie Marneffe d'Honoré de Balzac (La Cousine Bette) ou un genre d'Hélène Kouraguine par anticipation de Léon Tolstoï (La Guerre et la Paix).



À propos de Léon Tolstoï, peut-être n'est-il pas vain d'évoquer ici l'incipit de son autre fameux roman, Anna Karénine : « Les familles heureuses se ressemblent toutes ; les familles malheureuses le sont chacune à leur façon. » Cette maxime semble résumer parfaitement la thèse de Thackeray dans ce roman : hors d'un certain type de relations entre membres d'une famille, point de salut. D'ailleurs, d'après moi, les échos avec La Guerre et la Paix sont si nombreux qu'ils attestent sans doute que le grand Tolstoï a dû s'inspirer du parfum de cette oeuvre pour bâtir son gigantesque monument.



Outre la Russie, le style de l'auteur m'évoque énormément celui de Charles Dickens, quoique, à certains moments (je pense notamment aux remarques du père d'Amélia à l'adresse de sa femme et de son fils), je croyais dur comme fer retrouver le père des filles Bennet dans l'Orgueil et Préjugés de Jane Austen : c'était à s'y méprendre. Toutefois, dans l'ensemble, le ton et l'humour m'apparaissent extrêmement dickensiens, à la limite près que le narrateur se fait plus présent encore que chez Dickens.



Selon moi, l'excès de présence d'un narrateur, lorsqu'il n'est pas un personnage impliqué dans l'histoire, est plus nuisible que profitable. En effet, je ne dédaigne pas qu'un narrateur nous glisse de temps en temps deux ou trois petites choses ; Dostoïevski, par exemple, sait très bien le faire et Dickens parvient toujours plus ou moins à se maintenir dans des limites acceptables. Thackeray, lui, a la main franchement plus lourde et je trouve ça gênant voire agaçant par moments.



Quelle est l'intrigue de base ? Côté pile, Amélia Sedley : bonne famille, bon caractère, beau parti. Depuis sa plus tendre enfance, elle est promise au beau et brûlant capitaine George Osborne, principal futur héritier de la colossale fortune de son père. S'ils s'unissent ces deux-là, tout devrait bien aller pour eux…



Côté face, Rebecca Sharp : fille d'une pas grand-chose et d'un pas beaucoup mieux, les deux plus ou moins artistes, plus ou moins mendiants. Mais ils lui ont tout de même légué une belle figure, un avantageux physique et une irrésistible propension à s'en savoir bien servir pour parvenir à ses fins.



Alors la Rebecca, rusée comme une pie, essaie de faire de l'oeil, discrètement, à Joe Sedley, le frère d'Amélia — un gros pansu pleutre et insipide, aussi doué avec les filles qu'un propithèque à jouer du banjo — mais sa manoeuvre ne se révèle pas des plus discrètes, finalement, et Joe, en gros balourd, se saoule avant de lui faire une déclaration et provoque du même coup un scandale dans la bonne société.



Rebecca est alors poliment congédiée et privée de l'aide de sa principale protectrice Amélia. Il va donc lui falloir cheminer seule pour gravir les échelons. Mais il en faut davantage pour l'effrayer notre chère Rebecca, et elle parvient à se faire grandement désirer par quelques mâles de la famille Crawley — une respectable et opulente famille noble siégeant à la chambre des Lords.



Sera-ce le père ? le fils ? l'autre fils ? aucun de ceux-là ? Je n'ose vous le confier. Quant à Amélia, si son père perdait subitement tout ou partie de sa fortune, demeurerait-elle une candidate sérieuse pour le mariage du point de vue du père Osborne ? Et le fils, ce bellâtre de capitaine Osborne, que toutes les femmes couvent d'un regard d'envie, s'il n'était que joueur et volontiers porté sur l'alcool, cela irait encore, mais est-il véritablement si droit, si fidèle, si intelligent qu'on le dit ? Je ne saurais me prononcer…



Je m'aperçois que j'approche dangereusement de la fin de ma recension et que je ne vous ai toujours pas glissé un traitre mot d'un autre et ô combien capital personnage : il s'agit du très discret, très mystérieux, très amoureux major Dobbin. On dirait presque une espèce de réplique du Darcy d'Orgueil et Préjugés, mais dans le fond, qui est-il ? Que veut-il ? Que fait-il ? Alors ça, ça, ce sera vraiment à vous de le découvrir, si vous prenez la peine de lire La Foire aux Vanités.



Ce que j'en ai pensé ? Dans l'ensemble, un bon roman, mais pas un chef-d'oeuvre d'après mes critères. J'en veux pour preuve le fait que j'ai beaucoup mieux aimé la première que la deuxième moitié de l'ouvrage. Autant l'auteur donne du souffle au début, surtout par l'entremise du succulent personnage de Rebecca, autant vous vivez les lignes arrières de Waterloo comme si vous y étiez, autant je trouve que la narration s'essouffle et patine dès la bataille terminée (qui correspond exactement au milieu du roman).



Dans cette seconde partie, l'auteur se fait moins mordant, selon moi, plus moralisateur, ce que j'aime moins. Et, s'il excelle à brosser des personnages secondaires intéressants (ex. Miss Crawley, Rawdon, etc.), des personnages qui reviennent tout au long de l'oeuvre (Mrs Pinkerton, la majore O'Dowd, etc.) donnant une véritable impression d'atmosphère et de système complet, je ne peux dissimuler ma petite déception d'aboutir, finalement, tout bien considéré, sur ce propos moralisateur qui n'est pas de l'envergure qu'on aurait pu espérer, en tout cas que moi j'espérais.



Je signale encore que, d'après moi, l'auteur injecte beaucoup de lui-même dans deux personnages masculins en particulier : Joe Sedley et William Dobbin. Tous deux ont vécu longtemps en Inde, tous deux ont un certain rapport à l'argent, aux femmes, à l'étiquette, etc. Ils sont pourtant extraordinairement dissemblables, voire opposés, un peu comme si l'auteur était parvenu à séparer les différentes strates, les différentes facettes de sa propre personnalité — composé nécessairement complexe et contradictoire —, comme sur une plaque de chromatographie, ce qui est loin d'être simple car il faut être capable de s'observer soi-même à distance et sans parti pris.



Bref, j'en termine en vous indiquant que, selon moi toujours, ce roman, cet auteur constituent une sorte de clé de voûte autour de laquelle s'articule des pans majeurs de la littérature. Il est le pont entre Tolstoï et Austen, le chaînon manquant entre Hugo et Dickens et certainement beaucoup d'autres encore qui m'auront échappé, mais pas à vous, s'il vous prenait idée de lire ce roman. Alors, à vous de jouer, en gardant en tête que cet avis n'est peut-être que vanité, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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La Foire aux vanités

“Vanité des vanités, tout est vanité”



La Foire aux Vanités est une longue (très longue) fresque comico-sentimentale, une satire des “snobs”, un sujet de prédilection de son créateur, en safari dans la jungle victorienne du XIXe siècle. Une jungle dont l’auteur connait bien les us, des cavalières oeillades de salons aux parties de whist dispendieuses.



“Vanity Fair” parait en 1848 mais le décor s’inscrit autour des années 1815, à commencer par Waterloo jusqu’aux années 1830.



“Le monde est un miroir qui renvoie à chacun ses propres traits”



Tout au long des plus de 1000 pages que compte ce pavé, le lecteur est invité à suivre les aventures de Becky Sharp et Amelia Sedley, deux jeunes femmes au coeur de ce théâtre monté de toute pièce par William Makepeace Thackeray.



“Ah ! les hommes ne se doutent jamais des souffrances et des sacrifices qui font la vie des femmes”



L’auteur de Barry Lyndon, fait chef-d’oeuvre du cinéma par Kubrick et sa bande originale, nous dépeint le tableau des polissonneries de Becky Sharp, qui veut “parvenir” dans la bonne société avec une volonté de fer et un charme irréfrénable. Nous en sommes renseignés dès le début de l’ouvrage, lorsque dans un scène très cinématographique, Rebecca Sharp jette par la fenêtre du petit carrosse le dictionnaire de Johnson gracieusement offert par la soeur de Miss Pinkerton, un “bold move” d’une audace décapante.

“le remords est de tous les sentiments humains le plus facile à assoupir lorsque parfois il se réveille.”



D’une part, le lecteur est témoin des chassés-croisés, nombreuses péripéties de la théâtrale Becky pour se maintenir, ses revers de fortunes et victoires éclatantes, la vanité des hommes qu’elle peut duper… et de l’autre, le naïf égoïsme d’Amelia dont la candeur n’a d’égale que l’absence de lucidité. Bref, aucun de ces personnages ne nous séduit vraiment, même si, selon la conjoncture dans laquelle ils se trouvent, le lecteur peut être amené à prendre temporairement le parti de tel ou tel, force est de reconnaitre que la vanité est le trait de caractère le mieux partagé par les personnages du roman… Thackeray le sait bien et nous annonce la couleur “A novel without a hero”, pas de héros pour sa fresque.



“En tête de ce chapitre, nous avons annoncé un dîner à trois services, dans le désir qu’il soit tout à fait selon le goût du lecteur, nous laisserons à son imagination le soin d’en composer le menu”



Pourtant, cette pièce maitresse de son oeuvre connaîtra un succès et une aura persistants, redécouverte par le cinéma comme par la télévision, sans doute car cette satire humaine est aisément transposable au monde d’aujourd’hui, à la comédie “corporate” du secteur tertiaire qui reproduit certains phénomènes de cour et autres vanités brillamment décrites par Thackeray. Le médecin-philosophe français Henri Laborit, dans Eloge de la Fuite donnait une définition du snob “stérile il ne peut affirmer sa singularité qu’en paraissant participer à ce qui est singulier. Il se rêvet de la singularité des autres et fait semblant de la comprendre et de l’apprécier.” Nous pourrions même aller plus loin en citant Harold Nicolson, l’époux de l’écrivaine britannique Vita Sackville-West, observant que “dès qu’il y a plus de trois poules dans une basse-cour, le snobisme galinacé s’installe.” N’est-ce pas désolant ? Qu’au sein d’un open space, une cour de récréation ou une salle de classe l’humain ait à ce point besoin de stratifier les autres en un battement de cil, de remettre des couches “sociales”, de mettre en place un système de dominance, de distinction basés sur les vanités matérielles et honorifiques, de pousser aux marges les infréquentables, condamnés au désir d’être un jour acceptés dans le premier cercle et prêts, pour cela, à toutes les bassesses.



“ce qui nous préoccupe le plus en effet, n’est point le regret d’avoir mal fait, mais la crainte d’être trouvé en faute et d’avoir à encourir ou la honte ou le châtiment.”



Malgré l’ambition de son propos, la comédie humaine de Thackeray se perd cependant à moultes reprises dans un comique de répétition, au gré de chapitres facultatifs, et d’intrigues qui n’apportent plus rien à l’avancement de la narration et qui au contraire donnent l’impression de différer volontairement l’action… serait-ce pour des raisons bassement matérielles ?



En effet, et cela se ressent, comme beaucoup d’ouvrages de l’époque, la Foire aux Vanités n’est pas un roman longuement mûri de fond en comble par son auteur avant d’être délivré au public mais un feuilleton, livré par l’écrivain et publié dans une revue, chapitre après chapitre sur plus d’un an… c’est donc une expérience de lecture au compte goutte pour le lecteur de l’époque, différente d’une lecture de tous les épisodes mis bout à bout de nos jours. Comme dans toute série un peu longue aujourd’hui, certains épisodes du livre ne sont là que pour meubler et faire gagner son pain à Thackeray, assidu abonné des casinos et autres jeux d’argent qui avait bien besoin d’éponger ses dettes.



Ces contingences peuvent paraitre éloignées de la qualité littéraire intrinsèque du livre, néanmoins elles font partie des conditions matérielles d’apparition d’une création littéraire. A signaler également, quelques petites libertés prises par le traducteur de l’époque avec la version originale, ajouts ou retraits de paragraphes entiers… le roman n’ayant jamais été retraduit en français depuis 1853.



“Je vois d’ici la Foire aux Vanités qui en bâillerait d’avance”. Bref un ouvrage plus ramassé, plus maitrisé aurait sans aucun doute été d’autant plus redoutable à la fois sur l’effet d’effroi et d’amusement qu’il peut produire sur la bonne société d’époque mais aussi sur les leçons intemporelles qu’il peut nous léguer, mais à trop jouer sur la même tonalité, à savoir cette satire distanciée de personnages cristallisés dès le départ dans leur caractère et englués dans leur caricature, loin des romans initiatiques qui nous entrainent dans la progression des personnages, l’auteur dilue un peu son talent et il y a incontestablement un peu de gras dans cet ouvrage.



“Tout lecteur d’un caractère sentimental, et nous n’en voulons que de ce genre, doit nous savoir gré du tableau qui couronne le dernier acte de notre petit drame.”



Cela étant dit, c’est un bon divertissement, où le rire n’est jamais gratuit et les péripéties (lorsqu’elles arrivent enfin…) bien construites et surtout, le narrateur omniprésent accompagne de son esprit affuté et de ses saillies bien pensées la lecture pour notre bonheur, “By Jove !”



Qu’en pensez-vous ?
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La Foire aux vanités

Vanity Fair ! La chasse aux snobs est ouverte.

Une chasse à la cour, forcément, car ce chef d’œuvre absolu d’ironie de l’époque victorienne ne traque que la futilité et l’hypocrisie des milieux qui s’estampillent distingués.

Thackeray, considéré comme l’égal de Dickens à son époque et fils spirituel de Swift n’a eu de cesse de fustiger dans son œuvre la noblesse de sang et de promouvoir l’aristocratie de cœur.

Son héroïne, Becky Sharp, est une aventurière imprévisible, guère encombrée de sentimentalisme, peu avare de ses charmes et d’une redoutable intelligence. J’ai adoré cette femme irrésistible, sorte de sœur aînée d’Anna Karénine. Pas assez bien née, rebelle à un destin de gouvernante, Becky décida de gouverner les hommes. Dans le roman, le cygne noir barbote au côté d’un cygne blanc, Amélia Sedley, fille de bonne famille, douce, naïve, amoureuse d’un prince pas si charmant. J’ai détesté ce modèle de vertu, fille désespérante de passivité.

Le roman commence à leur sortie d’un pensionnat pour jeune fille. Le destin croisé de ses deux femmes, entre confitures, tasse de thé, déconfitures et vaisselle cassée, structure ce récit où les autres personnages caricaturent la bonne société. Pour visualiser les portraits accrochés dans l’escalier du manoir, citons Joseph, le frère obèse d’Amélia, un mondain falot et pleutre, toute la petite famille Osborne, nouveaux riches arrivistes dont le fils George, égoïste et noceur va épouser Amélia, la lignée des Pitt, fourbes qui se battent pour hériter d’une vieille tante et Rawdon Crawley, neveu déshérité de la douairière à cause de son mariage avec Becky. J’oublie, l’ami, l’amoureux transi d’Amélia, le capitaine William Dobbin, héros militaire et seule âme noble du récit. Tout ce petit monde va se recevoir et se fréquenter à défaut de se parler vrai et de s’aimer. La bise est distanciée, le masque inutile sur les favoris.

Chez Thackeray, les gentils se font dévorer, les amoureux sont trompés, tous les bons sentiments sont sacrifiés à l’obsession de paraître. La morale de cette histoire, c’est qu’il n’y en a pas. Pour s’élever dans cette bonne société londonienne du début du 19ème siècle, il fallait la corrompre. Pour dépasser le plafond de verre, il fallait briser le miroir… où la coupe en cristal. Il y a du Rousseau chez cet auteur anglais. L’homme ne reste bon que le temps de sa naissance.

Ce n’est pas la lecture de cette merveille qui va me rabibocher avec l’insignifiance des repas mondains. Malgré sa longueur et sa qualité, je n’emporterai pas ce livre sur une île déserte, je le prendrai plutôt pour m’occuper l’esprit pendant un pince-fesses.

Né aux Indes dans une famille aisée, Thackeray fit de mauvaises affaires et se retrouvera ruiné. Marié à une jeune femme qui sombra dans la démence après la perte d’un enfant et fut internée plusieurs dizaines d’années, l’auteur consacra sa vie à l’écriture. Le livre des Snobs, puis la Foire aux vanités, parus en feuilletons lui apportèrent ensuite gloire et fortune. l'homme eut une vie malheureuse et son ironie grinçante, son humour distancié était une protection contre sa vision désenchantée du monde.

Ce roman nous fait aussi témoin de la Grande Histoire avec une petite virée militaire passionnante à Waterloo et une escapade aux Indes britanniques.

Lucide sur lui-même, Thackeray se considérait comme le premier des snobs et si l’on peut faire un reproche à ce pavé de 1000 pages, ce sont les leçons de morale que l’auteur dispense aux lecteurs après les méfaits de ses personnages. Une écriture très classique qui n’échappe pas à son siècle et l’écrivain reste très puritain. Les bougies sont soufflées dans les chambres à coucher. So chocking ! Mais son rejet de l’entre soi et des castes, sa capacité à ridiculiser les préjugés se révèlent d’une extrême modernité. Et quelle irrésistible satire des mœurs de l’époque … et d’aujourd’hui, la classe en plus. Pour exposer nos vanités, nous sommes passés du crâne allégorique des natures mortes aux selfies ridicules qui défigurent les monuments.

Ce n’est pas pour rien que vanité tire sa racine de vain et je ne peux que terminer ce billet par une citation que j’adore et que Thackeray ne pourrait que faire sienne :

« La vanité consiste à vouloir paraître ; l’ambition, à vouloir être ; l’amour-propre, à croire que l’on est ; la fierté, à savoir ce que l’on vaut. »

Difficile de ne pas se mettre aussi à pontifier après cette lecture inoubliable.

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La Foire aux vanités

La foire aux vanités est un concept issu de « The Pilgrim's Progress » de John Bunyan. Une définition de l’existence, évidemment pertinente. L’Histoire (avec un grand H) a son importance, car c’est à Waterloo que George meurt ainsi que la géographie, car c’est en Allemagne que le nœud se défait. L’argent, un peu comme chez George Gissing, dispose d’un pouvoir dominant tout comme il le fut dans la vie de l’auteur. On observe que le romancier a une certaine tendresse pour les enfants. On dit que sa femme était dépressive et, faute de moyens, il a dû confier ses enfants à sa mère à Paris. Un mot encore sur Rebecca ce personnage ambigu par excellence : son vice est justifié en grande partie par sa situation de départ défavorable.



Un très bon livre pour les challenges pavés, n’hésitez plus !
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La Foire aux vanités

Qu'on vienne me dire que les classiques sont ennuyeux! Balivernes! Le format poche de chez Folio peut certes impressionner. Pourtant, il faut sans la moindre hésitation écarter les tentures qui camouflent l'entrée de la Foire aux Vanités. Qu'est ce que mille pages en compagnie d'un maître ès divertissement, tout prêt à nous découvrir les folies, les hypocrisies et les vaines appétences d'une société qui pourrait être la nôtre. Il suffit de changer les costumes.



Qu'il s'occupe de ses personnages ou s'offre quelques digressions, Thackeray garde toujours un ton où perce l'ironie. Il multiplie les figures de style pour soutenir la cause satirique de son roman. S'il n'échappe pas aux préjugés de son époque - principalement envers les femmes - il faut lui reconnaître une assez juste équité quant au traitement de la gente masculine. Lorsque ces messieurs ne sont pas vains ou dissipés, ils sont corrompus ou grotesques.



Difficile cependant de trouver aventurière plus ambitieuse et dénuée de scrupules que cette chère Rebecca Sharp, il est vrai. Elle annonce la couleur dès les premières pages: quittant le pensionnat en compagnie de la douce et naïve Amelia Sedley, la jeune fille née d'un peintre miséreux et d'une danseuse tôt disparue déclare à son compagne effarée qu'elle n'est pas un ange. Le reste du récit viendra à grand renfort de péripéties prouver la justesse de cette affirmation.

Cette blonde Vénus au coeur aussi tendre qu'un bloc de marbre est un personnage des plus fascinant de la littérature à mes yeux. Comme son semblable balzacien Lucien de Rubempré, on est sans cesse à se demander, au cours de la lecture, jusqu'où elle va aller, jusqu'où va-t-elle repousser les limites des principes moraux de cette société des faux-semblants. Certes, elle commet des erreurs de parcours mais on doit lui reconnaître une ténacité et un aplomb à nuls autres pareils.



Thackeray oppose dans sa grande Foire aux Vanités - qui aurait pu s'appeler la Foire aux Illusions aussi bien - des caractères fort divergents, s'amusant à les croiser et les manier dans cette vaste comédie sociale qu'il nomme lui-même son théâtre de marionnettes.



Sa langue a toute la vivacité d'un chroniqueur. Son humour acide fait crisser les masques d'un système et d'un monde d'apparences, d'appétit et de jeu de dupes. Ses portraits sont appelés à rester ancrés dans la mémoire de son lectorat. Il ne tombe néanmoins pas dans le sarcasme cynique ou véritablement méchant, pas plus que dans un manichéisme outrancier. Il démontre avec succès les mécanismes et les tartufferies qui règlent ce grand corps social qu'est l'humanité. Et ses vérités égratignent bien des poses chez bien des personnes.



Les habits ont changé, les technologies évolué... Mais la comédie n'en finit pas de tourner.
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La Foire aux vanités

Il y a des oeuvres qui effraient et fascinent tout à la fois, et ce pendant des années. On les regarde de loin, de près, sous toutes les reliures ; on les épie, on les planque ; elles sont tellement épaisses qu'on les cale bien au fond de sa PAL, telle une solide fondation, et puis un jour, on se lance avec courage et détermination.



"La Foire aux Vanités" de William Makepeace Thackeray est du nombre.



Bien qu'on appréhende sa lecture en raison de son étiquette "classique" et de son volume (plus de 1 000 pages dans la collection Folio), "La Foire aux Vanités" fait également partie de ces oeuvres qu'on regrette de ne pas avoir lues plus tôt une fois qu'on les a entreprises.



Roman qui n'a pas usurpé son label "Incontournable", cette oeuvre dense et colossale est à la fois un récit social, de moeurs, une belle histoire d'amour persévérant et une galerie de portraits extraordinaires bien qu'elle campe des personnages très ordinaires. Tout cela dans le cadre brillant des trente premières années du XIXème siècle.



Contemporain de Charles Dickens, Thackeray n'est pas en reste de par son statut de formidable conteur d'une société anglaise bien propre à s'attirer les foudres de son ironie et de son cynisme. Comme dans les oeuvres du susnommé, l'humour et la moquerie sont omniprésents entre les lignes. Quant au style, c'est un régal à chaque phrase, à tel point qu'on oublie vite le nombre de pages pour profiter de chacune d'elles.



Il est aisé de distinguer et comprendre l'influence énorme que "La Foire aux Vanités" a eu sur la plupart des écrivains anglo-saxons de la période, je ne citerai qu'un seul exemple qui parlera à beaucoup : la pension pour jeunes filles où Amelia Sedley et Rebecca Sharp, nos deux héroïnes, passent leur enfance, ressemble de façon plus que troublante à la pension qui accueillera quarante ans plus tard Sara Crewe (alias la "Princesse Sarah" de la série animée nippone), la plus célèbre héroïne de Frances Hodgson Burnett qui ne s'est pas même donné la peine de modifier les prénoms des pensionnaires.



Comme son titre l'indique, "La Foire aux Vanités" met en lumière le kaléidoscope des ambitions et des aspirations humaines, à travers le destin d'un grand nombre de personnages, tous liés aux existences très contrastées de Rebecca et d'Amelia. Spectacle qui prête à rire (jaune) et à réfléchir sur les vacuités de notre civilisation, hier comme aujourd'hui ; l'auteur l'exprime mieux que moi :



"Et maintenant, disons-le bien haut : Vanitas vanitatum ! qui de nous est heureux en ce monde ? qui de nous arrive enfin au terme de ses désirs, ou, quand il y parvient, se trouve satisfait ? Adieu, adieu, ami lecteur ; rentre maintenant dans la vie réelle où tu verras se dérouler sous tes yeux l'histoire que je viens de te raconter."





Challenge PAVES 2017

Challenge ABC 2017 - 2018

Challenge BBC
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La Foire aux vanités

Voici un pavé qui m'a tenu éloigné de Babelio un bon bout de temps… Et pourtant, je n'ai pas connu une minute d'ennui en le lisant ! Curieux de découvrir celui que Charlotte Brontë présente comme « un titan intellectuel », j'ai opté pour l'une de ses oeuvres majeures, gardant en réserve la plus célèbre, le ‘Barry Lyndon' qui inspira Kubrick.



Pour un écrivain du milieu du XIXème, la fluidité de son écriture est étonnante. Peu de longueurs, des descriptions courtes et précises, des personnalités croquées en quelques traits, et surtout un humour et un second degré permanent qui animent sans cesse le récit ! Une ironie mordante et impeccablement dosée, sans lourdeur ni exagération, une pointe de cynisme et une certaine indulgence pour les petites faiblesses de la nature humaine, voici les épices de ce plat de choix.



Nous suivons donc les tribulations de Rebecca Sharp dans ses tentatives pour se construire une position dans le monde. Née pauvre et de parents obscurs, elle dispose néanmoins de quelques atouts : une grande beauté, une intelligence vive et pratique, et un formidable pouvoir de manipulation qu'elle n'a pas le moindre scrupule à utiliser ! Intriguer ici et là, mener grand train sans un sous vaillant, faire mariner ses créanciers, voici des arts où elle est particulièrement versée. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir ses bons côtés et ses beaux mouvements : Thackeray n'accable pas son héroïne. Il met en exergue son besoin maladif de reconnaissance sociale, le peu de perspective qui s'offrent à elle dans sa position, et l'hypocrisie complète de la société dans laquelle elle vit.



Sur ce sujet là, il est en revanche sans pitié. L'ingratitude, les préjugés, les faux-semblants et l'absence de reconnaissance sont soulignés avec une ironie corrosive, et un humour qui fait plus mouche que l'indignation. Ceux qui affichent leurs grands principes mais ne les mettent guère en pratique prennent également quelques banderilles bien pointues. Enfin, le manque de maturité et l'irresponsabilité de bien des jeunes gens est épinglé sans complaisance.



Thackeray est un observateur minutieux et implacable de son temps, qui croit plus aux qualités humaines qu'aux grandes idées. Il faut d'ailleurs une certaine connaissance du XIXème siècle pour bien rentrer dans ‘La foire aux Vanités', sans quoi certains passages risquent d'être un peu obscurs. Contemporain de Balzac, dont il remplace le lyrisme par l'élégance, il est malheureux que son nom ne soit pas plu connu en France. Car après cette lecture je partage l'opinion de Charlotte Brontë : cet homme fut un titan intellectuel…
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La Foire aux vanités

Oulala, c’est du lourd ! Et quand j’écris cela, ce n’est pas en pensant au poids de ce pavé qui ne compte pas moins de 1071 pages, mais bien à la qualité de ce que je viens de lire.

Car oui, là je viens de terminer la lecture de ce que je n’ai pas peur de qualifier de petit bijou. Je précise que petit est pour ma part un terme affectueux, car ce livre est à ranger parmi les grands, en tout cas selon mes critères fort personnels.

Soyons clairs, je ne suis pas sure que sans le challenge BBC, je me sois un jour lancée dans cette lecture. Non pas pour des raisons liées à des préjugés, mais plutôt par ignorance. Avant ma lecture, je connaissais vaguement le titre de ce roman, sans pour autant être capable de citer le nom de son auteur, qui est aussi, comme je l’ai découvert, des Mémoires de Barry Lyndon, dont Stanley Kubrick a tiré un film à l’esthétique fort marquant. Donc, une fois de plus, je ne peux que remercier celle qui est à l’origine de ce challenge, à savoir Gwen !

J’ai adoré le style de l’auteur, qui persifle, ironise, se moque avec beaucoup de talent des habitudes et des travers de ses différents personnages. Pas un n’échappe à sa plume acérée et féroce pour mon plus grand plaisir de lectrice. Il égratigne avec art les vaniteux et leurs vanités et je trouve cela tout simplement jubilatoire.

Malgré la taille de ce livre, je n’ai pas ressenti un seul moment d’ennui, car j’ai vraiment été emportée par la qualité de l’écriture.

Et quelle histoire ! Et quels personnages ! Comment ne pas avoir envie de savoir ce qu’il advenir de la trop lisse et parfaite Amelia, mais surtout de l’ambitieuse et sans scrupules Becky Sharp ? Et ne parlons pas de tous les snobs qui les entourent car il y en a pour tous les gouts, il faut le dire…

Une très belle découverte…





Challenge BBC

Challenge Pavés 2023

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La Foire aux vanités





Je poursuis ma découverte de la littérature anglaise avec un plaisir croissant.



J'aime beaucoup relire les livres. Cette relecture fait suite à la série homonyme diffusée au début de l'année sur Arte. Je l'ai relu en anglais, alors que ma première lecture était en français. Donc, lisant plus lentement, sous un nouvel éclairage, je l'ai beaucoup plus savouré!



Ce livre incroyable met en scène tout un univers de personnages, pendant plusieurs années, sans aucune longueur de texte. Pendant la première moitié du 19ème siècle, en Angleterre et en Europe.



Pas un instant d'ennui : le rythme est très intelligent et confère beaucoup de suspense. J'emmenais mon livre partout avec moi ( ceci dit, en confinement, c'est tout de suite moins extraordinaire!)



J'ai relu plusieurs passages maintes fois, en ai recopié beaucoup.



J'encourage tout le monde à lire dans le texte. Si je peux le faire, tout le monde le peut! Comme beaucoup, j'ai commencé avec Harry Potter.

Du français à l'anglais, je trouve la plume moins acérée (j'espère que ce n'est pas un manque de compréhension^^). Les tableaux de personnages sont toujours très humains et réalistes. Mais l'humour anglais est plus doux, plus élégant, plus pudique que son homologue français dans mon souvenir, et nous rend les personnages plus attachants, sans rien perdre de leur drôlerie.

Ou peut-être que c'est la relecture qui me fait cette impression.



J'ai souvent pensé aux misérables lors de ma lecture. L’œuvre française est plus noire, plus violente, plus affreuse.



J'ai lu que le personnage d'Amélia agaçait beaucoup de babelionautes. Moi, je l'adore, comme tous les personnages de cette grande fresque.
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Mémoires de Barry Lyndon

Voici un petit chef-d'oeuvre d'ironie et de perfidie ! Qu'il est dommage qu'en France Thackeray soit si loin de la notoriété d'une Jane Austeen ou des soeurs Brontë. Sa plume est un véritable rasoir, qui tranche avec précision dans les apparences et la superficialité pour mettre à nue l'âme humaine. Mais il est temps de présenter Barry Lyndon, du royaume d'Irlande.



Son père ayant mangé tout son bien, sa jeunesse ne fut guère aisée. Mais sa mère, qui l'aimait plus que le ciel et le soleil, a mis son point d'honneur à l'éduquer comme un jeune lord. Il vivait en compagnie de ses cousins ; l'un le battait par méchanceté, l'autre par amitié. Il n'avait pas quinze ans qu'il était amoureux d'une de ses cousines, et qu'il tua un rival plus fortuné en duel. Après avoir fui, il n'eut d'autres choix que les troupes de sa majesté. Le reste de sa vie se passa à gagner de l'argent par les moyens les moins avouables, et à le dépenser en fêtes et pourpoints dorés. Voici Barry Lyndon ! Truand, aventurier et nobliau désargenté, prêt à tout et dénué de toute forme de scrupule.



Tout l'art de Thackeray consiste à créer un abîme entre la bonhommie avec laquelle le héros raconte ses aventures, et la nature de celles-ci. Là-dessus, curieusement le texte a même gagné en force avec le temps. Le second degré raisonne encore mieux, et l'ingratitude et les mœurs du héros, à l'époque choquantes, paraissent aujourd'hui ahurissantes. Quand Barry Lyndon assure qu'on ne peut l'accuser d'être violent avec sa femme puisqu'il ne la bat que quand il est ivre, le lecteur du XIXème siècle avait une moue ironique. Aujourd'hui, il écarquille les yeux.



Et pourtant, impossible pour moi de le détester. Le gaillard a la peau dure. Il a subi l'armée de Frédéric II – pire que le bagne – et autres avanies sans se formaliser, et la seule qu'il n'a pas supportée est la mort de son fils. Pour lui, le monde est un champ de bataille d'intrigues où tous les coups sont permis. On berne les autres, on finit toujours par se faire berner par plus malin et c'est ainsi.



Thackeray entremêle tout ceci de méchantes petites piques à ses contemporains, dont il brocarde l'ingratitude et la servilité. Mais il va plus loin en critiquant le fanatisme anticatholique qui agitait alors l'Angleterre, et en dénonçant le sort infligé à l'Irlande. Un grand livre, et peut-être le seul que je connaisse écrit presque entièrement au second degré.
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La Rose et l'Anneau

William Makepeace Thackeray est surtout connu pour deux romans, La foire aux vanités, souvent présenté comme son chef-d’oeuvre, et Mémoires de Barry Lyndon , à cause du film fameux de Stanley Kubrick. Mais il a beaucoup écrit, essentiellement dans un registre satirique, et il a aussi peint et dessiné. D’ailleurs, la première édition de La rose et l’anneau est parue avec les illustrations de l’auteur.



Le livre a une allure de conte de fée, et l’auteur respecte tous les passages obligés. Des rois, reines, princes et princesses, des usurpateurs et des enfants dépossédés, des animaux intelligents. Les gentils et les méchants, trop gâtés, une fée et sa magie qui va récompenser les premiers et punir les seconds. On pourrait sans doute le lire aux enfants. Mais le livre subvertit d’une manière subtile le genre, fait un pas de côté, parodie, et pour percevoir toutes les ironies et détournements, il faut avoir lu quelque peu, et pas que les contes de fée.



Et puis, l’air de rien, l’auteur s’attaque aussi aux monarchies, aux souverains, à ces personnes très ordinaires, qui ont les mêmes défauts et limitations que vous et moi, mais qui vivent en vase clos, dans un sentiment de toute puissance, un peu ridicules dans leurs prétentions à être exceptionnels, traités d’une autre manière que les autres hommes. Mais aussi limités qu’ils soient, leurs décisions, leurs caprices, engagent la vie d’innombrables personnes, « leurs sujets », voire ceux des pays alentours.



C’est un petit délice que ce livre, malicieux, drôle, et en même temps bien moins anecdotique qu’il pourrait le paraître à première vue.



Thackeray gagne à être exploré.
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Mémoires de Barry Lyndon

Ainsi tourne la roue de la fortune et brûle le bûcher des vanités...



Considérant l'adaptation de Stanley Kubrick comme le produit le plus abouti de l'esthétisme cinématographique, j'ai voulu passer en coulisses et découvrir le roman qui inspira ce grand réalisateur. Ayant, d'autre part, adoré ma lecture de "La foire aux vanités" du même William Makepeace Thackeray, il me tardait de me plonger dans le récit "de l’audace, de la diablerie, de la perversité et de la chute de Barry Lyndon".



Je remercie à titre posthume Stanley Kubrick d'avoir pris quelques raccourcis et ménagé quelques recoupements dans son scénario car le présent roman, s'il brille des mille feux d'une plume brillante, souffre tout de même de vraies longueurs, notamment lorsque Redmond Barry se fait soldat puis joueur professionnel dans les principautés allemandes. Après un début sur les chapeaux de roue, le rythme ralentit pour s'enliser dans les intrigues de cours, pour ne reprendre du souffle qu'au dernier quart de l'oeuvre.



Conçu comme un roman d'aventures trépidantes associé à une peinture pittoresque des mœurs aristocratiques du XVIIIème siècle, les "Mémoires de Barry Lyndon du royaume d'Irlande" satisferont tout amoureux de roman historique et tout amateur de destins hors du commun. Cependant, il est difficile de s'attacher durablement à un personnage aussi imbu de lui-même et dont l'ambition et la vanité n'ont d'égales que sa misogynie et sa violence. Comme ses proches, on se prend à vouloir s'éloigner de sa fatale attraction et c'est avec un sentiment de soulagement qu'on arrive au dénouement.





Challenge XIXème siècle 2018

Challenge ABC 2018 - 2019
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La Foire aux vanités

(Attention ma critique risque de jeter un froid dans la foule de louanges autour de ce bouquin)



Long roman (plus de mille pages) que j’ai trouvé d’un ennui mortel. Parce qu’il n’y a pas de véritable héros mais cinq ou six personnages principaux, qui sont d’une vanité et d’une platitude épouvantables ? Ou parce que l’auteur distille ici et là des leçons de morale, époque victorienne oblige ? Ou encore par l’univers qui y est décrit, celui des personnages riches et influents de l’Angleterre des années 1815-1845 dont la seule préoccupation dans la vie est le qu’en dira-t-on, me laisse indifférente ?



On tourne les pages en espérant un rebondissement, on replace l’œuvre dans son contexte historique, on fait fi des remarques misogynes (j’ai beaucoup aimé, on se comprend, la phrase « une femme vertueuse est le plus beau cadeau que le Ciel puisse faire à un mari ») et des pensées racistes et antisémites. Mais on reste au bord de l’histoire sans vraiment y rentrer, regardant les héros se démener avec leurs démons sans vraiment éprouver quoi que ce soit pour eux.



La seule note positive, c’est la proximité de l’auteur, qui se pose en chroniqueur des faits, quand il prend de la distance vis-à-vis de son récit et s’adresse en direct au lecteur pour critiquer les faits … C’est surprenant au début, surtout pour un roman du XIXème siècle, et puis on se lasse aussi de ces digressions et ces prêchi-prêcha murmurés au creux de l’oreille.



Bon, un classique de la littérature britannique, tout à fait dispensable pour moi.

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La Foire aux vanités

C'est par la série télévisée d'Arte diffusée fin 2019 que j'ai découvert La foire aux vanités : la série était si réussie que j'ai voulu lire le chef d'oeuvre de Thackeray. Disons-le tout de suite, cette lecture a été un régal de bout en bout.



La foire aux vanités met en scène l'ascension sociale de Rebecca Sharp, jolie rousse aux yeux verts, qui a le malheur d'être mal née. Mais cette jeune intrigante possède le charme, l'intelligence et la rouerie nécessaires pour tracer son chemin au milieu d'une société qui tout en étant moralisatrice et prude se montre vaine et âpre au gain.

Rebecca, aussi odieuse que délicieuse, cherche par tous les moyens à s'élever parmi la bourgeoisie et la noblesse qu'elle fréquente. A l'instar de Thackeray, à qui semble-t-il ses lecteurs contemporains ont reproché sa complaisance envers Rebecca, je n'ai pu m'empêcher de l'admirer. A quel trésor de ruse, de séduction et d'artifice ne recoure-t-elle pas pour arriver à ses fins, bluffant toujours son entourage, à commencer par sa douce et timide amie, la jeune Amélia ! Peut-on lui en vouloir de ne pas se contenter d'une petite place de gouvernante et de prétendre à une position plus élevée qui lui apporterait l'argent et le luxe dont elle rêve ? Pourquoi sa naissance devrait-elle la condamner à rester à sa place quand la noblesse qui gravite autour d'elle ne se montre pas forcément généreuse et d'une haute moralité ? En effet, à l'exception de la tendre Amélia et du fidèle et émouvant Dobbin, les personnages de Thackeray sont pour la plupart méprisables et terriblement égoïstes.



J'ai parcouru ce roman victorien avec un immense plaisir, appréciant l'ironie mordante que l'auteur distille tout au long de ces mille pages. J'ai aussi beaucoup aimé les procédés d'écriture de Thackeray qui ose bousculer la chronologie, laissant le lecteur dans l'ignorance de certains faits, afin de le surprendre un peu plus loin par une annonce parfois théâtrale qui ne rate pas son effet ! En narrateur omniscient, Thackeray prend plaisir à baptiser ses personnages de noms très significatifs, à interpeller le lecteur, à jouer avec lui, en lui faisant écouter ce qui se dit derrière une porte fermée, ou en lisant un billet secret par-dessus l'épaule d'un de ses personnages. Sans aucune indulgence pour ses marionnettes comme il les appelle, il se moque souvent d'eux, même des plus pitoyables comme cette pauvre Amélia.



Quelques longueurs et digressions fastidieuses vers la fin du roman, à moins que ce ne soit une petite lassitude et l'envie que cela se termine puisqu'ayant déjà vu la série, je connaissais la fin... Mais cette satire sociale est jusqu'au bout savoureuse et pleine d'humour.



Pour finir, à ceux que la longueur ou le style du roman rebuteraient, je recommande la série télévisée de 7 ou 8 épisodes, que j'ai trouvée d'une grande fidélité à l'oeuvre et aussi d'une grande modernité dans la mise en scène. Mais si vous en avez le courage, lisez ce chef d'oeuvre !



Challenge multi-défis 2020

Challenge XIXème siècle 2020

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Mémoires de Barry Lyndon

Ce sont les mémoires d’un homme sans morale qui raconte sa folle ascension sociale puis sa chute vertigineuse. ● Bien décevant par rapport à La Foire aux vanités. On n’y retrouve pas cette ample critique embrassant toute la société, cette largeur de vue, cet humour dévastateur. La forme de l’autobiographie fictive resserre le champ à la vision d’un homme, et même si l’on peut sourire de l’ironie découlant de la collusion entre la bonhomie de la narration et la noirceur de l’histoire racontée, on se sent à l’étroit dans cette conscience. L'adaptation cinématographique de Kubrick en 1975 est bien meilleure que le roman (pour une fois !).
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La Foire aux vanités

Un des classiques les plus plaisants à lire. On ne s'ennuie pas un seul instant. L'auteur nous invite à la préparation de sa sauce. Il prend le lecteur à témoin chaque fois qu'il s'attèle à affiner la vanité de ses personnages. On croit papoter avec lui qu'on tourne les pages sans se rendre compte qu'il faut en tourner mille.

William Makepeace Thackeray nous dépeint avec cette satire sociale toute une flopée de situations et de personnages de sorte qu'on se retrouve dans une foire non pas seulement aux vanités mais aussi à d'autres formes de caractères. Il construit son intrigue sur une espèce de ligne rouge qu'il fait passer ses personnages comme une épreuve, et on se pose la question de savoir qui franchira cette ligne la tête haute? De façon qu'on assiste aux déclins des uns, à l'ascension des autres ou à la constance de quelques uns.



La foire aux vanités nous invite à la fête de l'exhibition et à la vénération du paraitre dans le monde aristocratique de 19e Siècle, un monde dont l'une des règles est : on ne relève pas celui qui tombe, on ne lui tend pas non plus la main. Cette règle s'affiche avec M. Sedley qui est abandonné après avoir connu une fallacieuse banqueroute. Il est même délaissé, ignoré, méprisé par son grand associé M. Osborne, l'homme qu'il a pourtant initié dans les affaires. L'une de nos héroïnes Rebecca est , elle aussi, frappée par cette ignoble règle. Bien qu'elle soit une arriviste, elle est dépréciée, vilipendée, une fois sa réputation compromise.



Tout gravite autour de deux personnages qui symbolisent pour l'une la pure vanité, et pour l'autre la nette modestie. L'auteur les distingue minutieusement dans leur rôle qu'on s'attache à elles. Rebecca, dans toutes ses frivolités, ses infamies, ses folies, ses machinations, est une femme dotée d'une énergie débordante, elle est une acharnée de la réussite, jamais tapie dans des chagrins hallucinants, toujours habile à une nouvelle prépondérance. Elle est une redoutable adversaire, déboussolée, elle est capable de retourner les aiguilles d'une montre, les lois de la société n'ont aucune emprise sur elle. Elle est un tourbillon qui sème le trouble partout où elle foule ses pieds. Sa seule arme, son intelligence, elle en use avec machiavélisme. On l'aime, on la déteste, on la vénère, on la rejette, on l'approuve, on la méprise. Elle est une puce dont on ne sait pas comment s'en débarrasser. Elle sape toutes les calomnies, elle détourne tous les pièges sur sa route, et ça n'en finit pas, comme si le mot échec n'avait aucun pouvoir sur elle. Une bonne joueuse. Par contre, Amélia est une femme sobre, circonspecte, altruiste, elle rêve de bonheur et ne pense qu'à donner du bonheur autour d'elle. Une fois qu'elle se rende compte que ce bonheur est inaccessible, elle s'afflige amèrement. Elle est sans savoir que son monde n'est fait que de fourberie et de duperie à tel point que sa modestie se mue en une naïveté excessive et la plonge dans une forme d'ignorance. Son seul juge devient le temps....

Merci à William Makepeace Thackeray, pour ce beau et grand voyage!

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La Foire aux vanités

« Foire aux Vanités - Roman sans héros », l'oeuvre de Thackeray est d'abord une critique de la société anglaise du début XIXème, et d'une certaine façon de l'humaine condition, ici-bas, au point qu'il n'y a pas vraiment de personnages attachants : l'homme est une vaine marionnette et le romancier ne peut qu'adopter une distance ironique face à ce spectacle farcesque de l'agitation humaine.

S'attaquant à l'hypocrisie et aux contradictions des hommes, Thackeray excelle à nous faire éprouver à l'égard de ses personnages des sentiments complexes et ambivalents, mouvants. Becky Sharp en particulier est une figure marquante, un personnage très intéressant, de ceux qu'on n'oublie pas. Rebecca est belle, intelligente, douée, vive et séduisante mais sa pauvreté et sa volonté de se faire une place au soleil dans cette foire aux vanités qu'est le monde la conduisent à abandonner tout scrupule, voire toute capacité à aimer - on ne peut pas lui donner tort lorsqu'elle se dit:

« je crois que je pourrais être vertueuse si j'avais cinq mille livres sterling de revenu »

Admirable et détestable manipulatrice, coupable et victime, la brillante Becky fait éclater l'hypocrisie de la foire aux vanités qui la pousse à adopter un comportement que cette même société condamne ... chez elle, mais évidemment pas chez le riche marquis de Steyne.

La Foire aux Vanités nous offre le passionnant spectacle d'une comédie humaine, trop humaine, où l'analyse sociale et psychologique met en relief avec humour et finesse l'effet délétère de la place donnée à l'argent, la laideur et l'hypocrisie d'une société qui n'assume pas sa profonde immoralité.



Merci Arabella!
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Mémoires d'un valet de pied

Mémoires d'un valet de pied est le récit de deux aventures de Charles Yellowplush et de son service successif auprès de ces deux familles.

Roublard, écoutant aux portes, lisant les lettres adressées de part et d'autre par les protagonistes, il a toutes les qualités pour conter avec force détail les dessous de la vie de la gentry ou de la petite noblesse anglaise. Avec un humour tout britannique, il a une haute opinion de lui-même, à la fois fin, caustique et spirituel il nous relate les dessous peu reluisant de Lord Deuceace, endetté jusqu'au cou, partant à la recherche de la riche héritière qui lui permettra d'assurer un train de vie confortable pour le reste de son existence; c'est donc une sorte de comédie que nous décrit le valet de pied, avec des coups tordus mais toujours avec humour et un peu de caricature irrésistible.

William Makepeace Thackeray avec brio et grâce à un humour ravageur nous décrit la société anglaise au travers du regard d'un valet roublard, malin et un peu veule, observateur idéal de ce XIXème siècle, c'est léger pétillant et intelligent, un petit bijou d'humour et une grande réussite
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La Foire aux vanités



Un chef-d’œuvre intemporel.



Comment ai-je pu toutes ces années passer à côté de ce monument d’analyse sociale et psychologique, de finesse et de virtuosité narratives ? Je ne connaissais de Thackeray que le nom et l’adaptation par Stanley Kubrick de Barry Lyndon. Or La Foire aux vanités est une histoire qui vous emporte et qui vous révèle tout un monde, comme Balzac ou Proust. C’est une lecture qui marque une vie et on est sûr de se rappeler ensuite Rebecca, Amélia, Dobbin, George et tous les autres. C’est aussi un livre intemporel : même s’il est souvent qualifié – à juste titre – de victorien, il met en scène des personnages qui ont toujours existé et existeront toujours. Ne connaissons-nous pas tous des Rebecca et des lord Steyne ? La vie publique ne nous en donne-t-elle pas tous les jours des exemples ? Les nombreux renversements de perspective, qui rendent la lecture haletante, annoncent le roman moderne. Comme dans tous les grands chefs-d’œuvre, il y a une part non négligeable d’humour – et, en l’occurrence, d’ironie mordante. Le dévoilement du monde comme « foire aux vanités » est brillant. Il ne faut pas se laisser effrayer par l’ampleur inhabituelle de l’œuvre : sa lecture offre un plaisir sans pareil.
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Mémoires de Barry Lyndon



Titre complet Mémoires de Barry Lyndon du Royaume d’Irlande. C’est donc le récit de la vie d’un gentilhomme irlandais, remontant même à ces « illustres » ancêtres et interrompues par la mort.

Première phrase « Depuis Adam, il n’y guère eu de méfaits en ce monde où une femme ne soit entrée pour quelque chose. » Cela donne le ton. Car les femmes, Redmond Barry va beaucoup chercher à s’en servir pour réussir. Il faut dire que le sort est toujours contre lui. Déjà, sa famille a été spoliée de ses richesses et de son rang, car les Barry descendent des premiers rois d’Irlande. « Je présume qu’il n’est pas un gentilhomme en Europe qui n’ait entendu parler de la maison de Barry de Barryogue, du royaume d’Irlande car on ne trouverait pas un nom plus fameux dans Gwillim ou D’Hozier* ; et bien que, comme homme du monde, j’ai appris à mépriser les prétentions à une haute naissance qu’affichent certaines gens qui n’ont pas plus de généalogie que le laquais qui nettoie mes bottes et quoique je ris de pitié de la gloriole d’un bon nombre de mes compatriotes, qui tous à les en croire, descendent des rois d’Irlande, et vous parlent d’un domaine qui ne suffirait pas à nourrir un cochon comme si c’était une principauté ; cependant la vérité m’oblige à déclarer que ma famille était la plus noble de l’ile, et peut-être de l’univers entier, … » Voilà vous avez l’essentiel de la personnalité de Redmond Barry. Ajouter y le gout pour les jeux, l’alcool, les femmes, vous aurez un portrait assez ressemblant.

Obligé par un duel à quitter la demeure familiale, il s’engage ensuite dans l’armée où il combattra avec beaucoup de talent et de panache (c’est lui qui le dit) dans divers pays, d’abord du côté anglais puis prussien lorsqu’il se fait piéger par un recruteur, pendant la Guerre de Sept ans (1756-1763). Il deviendra ensuite joueur professionnel et connaitra des années de prospérité avant de revenir en Angleterre et d’épouser une riche veuve Lady Lyndon dont il dilapide les biens et qu’il maltraite.

Barry ne semble avoir d’affection que pour lui-même. Lorsqu’il rentre en Irlande il ne se précipite pas auprès de sa mère qu’il n’a pourtant pas vue depuis de nombreuses années et qui lui est indéfectiblement et très aveuglément fidèle. Même l’amour pour son fils ne semble pas exempt d’intérêt, les questions d’héritage se mêlant à ses sentiments.

La préface indique que Thackeray s’est inspiré d’un personnage réel Andrew Robinson Stoney.

C’est mon premier Thackeray, choisit de préférence à La foire aux vanités parce qu’il fait partie de la sélection Bibliothèque idéale pour les 50 ans de la collection GF. J’ai beaucoup aimé la première moitié environ puis ai trouvé certains passages un peu lassants. Les menteurs mélangeant généralement un fonds de vérité à leurs broderies, je me suis presque toujours demandé qu’elle était la part sincère et laquelle inventée. Et dans quelle mesure Redmond Barry s’abuse lui-même.

Un bon roman mais que je n’ai pas dévoré, il m’a fallu presque une semaine de lectures vespérales.



* Personnes ayant publié des ouvrages d’héraldique.

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