Citations de Xavier Grall (139)
Nous te ferons, Bretagne
avec des mots drus comme des grêles
avec des mots tranchants comme les faux
Nous te ferons, Bretagne
X. Grall
Le rituel breton
– poème lyrique –
Pour Ulysse, s’il revient en Armorique
extrait 23
Mais je graverai des stèles dans le soleil levant
mais j’écrirai des légendes sur les portes de l’Histoire
je laverai les morts au baptistère de l’Océan
et je les offrirai à la myrrhe des jusants et des soirs
ô Bretagne, Notre-Dame des noyés
les hommes ne trépassent point
qui ont aimé la mer.
Et si les cuistres célèbrent ta ville d’Ys
c’est qu’ils n’ont pas vu rouler les vins
au ponant des ports
et la liesse des vivants
à Camaret.
*
Ah quand je mourrai
enterrez-moi à Ouessant
avec mes épagneuls
et mes goélands
ah quand je mourrai
mettez-moi en ce jardin de gravier.
*
…la vie s’en vient la vie s’en va
lonla lonlaine et caetera
S
SOL
L
O
ma rose des vents
mon signe de croix
S
O
ILE
O
Mon ex-voto
dans la crypte marine
chantez saxos
S
O
L
FOL
stèle et fanal
flamme
amer du littoral
signe vertical
de la raison
face aux fatales démences
de la mer et des lames
…
SOLO
Extrait 1
Seigneur Dieu
À mes frères et amis
Aux femmes que j’ai aimées
À tous ceux que mon cœur a croisés
Avant que d’entrer dans les Ténèbres
Transmettez je vous prie
Mon espérance testamentaire
Nul chant nul solo
Nulle symphonie nul concerto
Qui porte nostalgie d’amour
Et soif et faim de tendresse
Ne sera perdu dans la détresse de la mer
Voilà et puis encore ceci
Par la dernière larme
Par l’ultime halètement
Par le dernier frémissement
Par le moineau qui s’envole
Par le geai sur la branche
Par la dernière chanson
Par la joie dans la grange
Par le vent qui se lève
Par le matin qui vient
…
Ci-gît Robin
Aux poètes de Bretagne
Extrait 1
Armand Robin
Robin des nuits, Robin des bois et des rivières
sans un mot tu t'en es allé dans la paisible mort
des pierres du silence
Tes yeux fermés sur le rêve libertaire
tu gis, tranquille
tel le mendiant sous le porche
à Rostrenen à Langonnet
Robin, anarchiste du Poher
épi trop mûr de la douleur paysanne
résidu exilé aux durs pavés de Paris
toi l'ami de Maiakowski, d'Essenine et de Calloc'h
toi qui chantais la fraternité dans toutes les langues ouvrières
il a fallu que tu voies les banquiers et les flics
faire de cette terre bien-aimée une morgue et une salpêtrière
…
Son âme dans le couloir
Extrait 2
Il a mis son âme dans le couloir comme un soldat perdu en
bataille honteuse refile la tunique et l’havresac aux araignées
ignobles, ou comme un chasseur piteux jette à terre son carnier
vide.
Son âme dans le couloir, seule, veule, abandonnée pense aux
routes qu’il n’arpentera plus, aux villes galantes dans la jeunesse
des blés, aux danses bohémiennes, aux rondes allemandes, aux
fortes cités du Nord dans la transfiguration de l’été.
Il a mis son âme dans le couloir comme un rebelle du
Connémara abandonne la fleur et le fusil dans le fossé,
désespérant de revoir jamais Dublin et les goélands sur la
Lifey.
Son âme dans le couloir, dans l’odeur fade de la pluie,
égrène la litanie des soleils. Alger ! Médéa ! Meknès ! Azrou !
Goulimine ! Se lève la nostalgie du Maghreb des minarets, du
mouton et du raisin.
…
L'histoire n'est rien. On n'avance pas avec elle.
allez dire à la ville
Terre dure de dunes et de pluies
c'est ici que je loge
cherchez,vous ne me trouverez pas
c'est ici,c'est ici que les lézards
réinventent les menhirs
c'est ici que je m'invente
j'ai l'age des légendes
j'ai deux mille ans
vous ne pouvez pas me connaitre
je demeure dans les voix des bardes
o! rebelles,mes frères
dans les mares des méduses assassinent les algues
on ne s'invente jamais qu'au fond des querelles
Cromwell peut bien cracher ses dents pourries dans le sang de l'Irlande
(Tombeau pour Bobby Sands, derniers poèmes)
https://youtu.be/87E-6CLycck
Je me dirige vers le porche et tente d’ouvrir la porte. Elle est fermée à clef. On a fermé la porte de la Maison-Dieu. Je ne comprends pas. On ne devrait jamais fermer la porte d’une église. Et même si les hommes légers n’y viennent jamais, encore faudrait-il la laisser ouverte afin qu’y rentrent le soleil, l’oiseau blessé, le chien perdu, le fugitif et l’âme errante…
J’aimerais partir
À la mémoire de Georges de Braux
extrait 3
J’aimerais partir le jour premier du printemps
dans les doux plis de la mort primevère
avec des amours non pas gisantes dans mon cœur
bouleversé
mais des amoures droites et miséricordieuses
Non pas nu, glacé, mais dans une vêture de tièdes
bruyères
comme s’en va à ma mer la radieuse Aven en son
Armorique
…
Tu lis ton ascendance
À Marguerite David
ma mère
extrait 4
Voici que tu perpétues l’ascendance et les villages
car la mort elle aussi trépassante
s’essouffle contre la vie que tu enfantes
en semant le verbe aimer
Va, chante, marche sur les jachères
secoue le front des granges de ton épaule charnelle
de ce pays de misères refais un pays de Chanaan
Non plus la plainte d’ahan dans les fougères
Non plus la mortelle agonie des humaines lignées
mais la vigueur que royalement te lèguent
le testament du chêne, l’ordre du cyprès
Le rituel breton
– poème lyrique –
Pour Ulysse, s’il revient en Armorique
extrait 28
J’ai vu dans tes abysses
errer les cerveaux et les poulpes.
Ah quand ressusciterons les ossuaires pourrissants
dans le soleil des baies ?
Ah quand reviendront mes amis morts
ah quand reviendront mes chevreuils massacrés
mes chevaliers mes disparus mes trépassés ?
Ah quand dans les monts d’Arrée
surgiront les cèdres du Liban
les jasmins, les cyprès ?
Ah quand donc reviendront les poulains en fleurs
dans la féerie des colzas
et le bagad de Pâques à Tronoën et à Lanmeur ?
…
Le rituel breton
– poème lyrique –
Pour Ulysse, s’il revient en Armorique
extrait 27
Ô Bretagne ma demeure
il faut que survive
le kyrie dans mon âme de sel
idem il faut jeter au ciel
la drisse
des pietà et des miséricordes
idem il faut poursuivre les troménies
dans la croyance des bocages
idem relire les portulans
il le faut
idem faire son évangile
de la pensée du soleil
il le faut.
Et cependant, mère, aber
dans le suaire des grèves
roulent
des monceaux de chiens et d’enfants.
…
Le rituel breton
– poème lyrique –
Pour Ulysse, s’il revient en Armorique
extrait 21
Partir pour revenir à toi
voguer pour retrouver tes abers
te haïr pour férocement t’aimer.
Et ceci sera mon testament
à mes parents je lègue ce rituel
résidence de ma poésie
et ceci sera mon testament
à mes parents je lègue ma souvenance
des navires trépassés
qui s’en venaient comme des filles
d’Islande ou de Mauritanie.
Le rituel breton
– poème lyrique –
Pour Ulysse, s’il revient en Armorique
extrait 20
Je ne suis pas de mon temps
je ne suis pas d’ici
j’appelle les beffrois au siècle des H.L.M.
j’appelle les alezans au temps des carrossiers
et je veux les bourgs et les pommiers
au temps de l’usine et des passages cloutés.
Cet aujourd’hui ne sait plus rêver
cet aujourd’hui ne sait pas ce que veut dire le mot île
et le mot Feroë
Je vous salue mes grands oiseaux
qui couvez dans mon cœur des élans maritimes
je vous salue brousse des houles
je vous célèbre forbans et paladins
je vous salue conquistadores
des Vahinés et des butins.
…
Le rituel breton
– poème lyrique –
Pour Ulysse, s’il revient en Armorique
extrait 18
Dis-moi quand partirai-je au Sud ?
dis-moi en quelles Palestines
profane-t-on la sépulture
dis-moi dans quelles boues
on traîne nos fées et nos ondines ?
*
Ah quand je mourrai
enterrez-moi à Ouessant
avec mes épagneuls
et mes goélands
ah quand je mourrai
mettez-moi en ce jardin de gravier.
*
Le rituel breton
– poème lyrique –
Pour Ulysse, s’il revient en Armorique
extrait 8
Pèlerin de toute contrée
caravane de toute Mecque,
j’ai vu des archipels plus doux
que tes havres et que tes îles
et les larmes me viennent
d’avoir délaissé
tes yeux de pluie
et tes lèvres de dies irae.
Ô finistérienne morbide et religieuse
ô toi que je déteste et que j’adore.
…
Le rituel breton
– poème lyrique –
Pour Ulysse, s’il revient en Armorique
extrait 3
Te nommant, Armorique
je nomme le cap des hautes terres
te nommant, Armorique
je nomme le risque et la dérade
et le chemin des courlis
et l’espérance de Java
et de Bali.
Te nommant, je nomme tout songe
et les Missouri bleus
et les Mékongs laqués.
Te nommant je dis les îles
et le vent et les joies déhâlées.
Ah me voici comme un malamock blessé.
…
Et nous étions des dieux et vous ne le saviez pas...