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Critiques de Yoko Tawada (36)
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Out of Sight

J'ouvre la première page, deux photos qui se font face, une mère et sa fille, à gauche, des buissons à droite. Est-ce qu'elles jouent, est-ce qu'elles interrogent ? Je ne vois pas leur visage, leurs cheveux fouettant leurs regards, leurs sourires, leurs perplexités. Je me mets à la place de ce couple, la fille a envie de jouer, la mère a envie de la protéger. La protéger de quoi, de cet ennemi totalement invisible que les buissons ne laissent même pas entrevoir. La radioactivité. Il est un lieu où l'on ne peut plus aller, laissant à la dérive les souvenirs de sa vie, de ses ancêtres. Il est un lieu, où il est nécessaire d'avoir son compteur sur soi et vérifier que l'on peut sortir prendre l'air, prendre le vent qui emporte ou dépose quelques poussières invisibles mais radioactives.



Je tourne la page, deux autres photos, des enfants qui regardent à travers la vitre, un jardin mi-vert mi-ombragé presque abandonné. Et toujours cette même réflexion, comment continuer à vivre dans cet environnement. Pour soi, pour sen enfants, pour ses ancêtres. Delphine Parodi, photographe installée au Japon depuis 2010, montre le visible et l'invisible, des photos humaines où l'homme, la femme, l'enfant sont présents au coeur de son regard, tout comme la nature qui elle, continue, comme s'il ne s'était rien passé, à survivre dans cet environnement.



Entre des séries de photographies, Yoko Tawada, poétesse japonaise installée en Allemagne, (d)écrit quelques mots, peurs, questionnements sur cette vie là-bas, après ce 11 mars 2011. Il y est question là-aussi, d'enfants, de nature et de peurs invisibles. Je n'ai pas tous les codes pour comprendre tous ces poèmes mais ces derniers permettent de respirer entre deux séries de photos, de les appréhender, de réfléchir à ces sujets, ces hommes, ces pécheurs, ces mères de famille, ce moine ou cet enfant-là qui se demande encore pourquoi il n'a pas le droit de jouer pieds nus dans les herbes vertes.



Je prends un verre, whisky sans glace, eau contaminée, un Suntory Whisky Toki qui ne vaut pas un Nikka Coffey Grain, en feuilletant ce beau livre introspectif et silencieux. D'ailleurs, mon verre est peut-être lui aussi contaminé, il faut que je regard où se trouve ma distillerie. Mais j'ai compris, bien au-delà des poussières invisibles, là-bas, la vie continue. Même sans poissons, même sans vaches, troupeaux abattus, même sans eau. D'ailleurs, c'est pour cette raison que j'ai arrêté de boire de l'eau.
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Train de nuit avec suspects

Vous avez emprunté ce livre (2002) sans trop savoir où vous alliez. Vous vouliez connaître cette autrice multiprimée qui écrit tout aussi bien en allemand qu'en japonais.

Vous avez aimé le premier paragraphe (citation) et vous êtes montée dans la première voiture qui devait vous conduire de Hambourg à Paris, aux côtés de la narratrice, une jeune danseuse, qui voyage en solitaire.

Vous avez commencé à bougonner entre Bruxelles et Paris quand elle s'est mise à pérorer au sujet de la grève qu'elle subissait, la pauvre petite. Vous avez poursuivi, en quête d'aventure plus exotique. A destination de Graz, c'était pas mal, le train était en panne et vous avez fait connaissance avec un couple mystérieux qu'elle a surnommé Véga et Altaïr, surtout Véga un robuste physicien. Chouette, chouette, ça va décoller façon Train de nuit dans la Voix lactée ! Et ben non. Pas du tout ! Pfft ! En passant en Yougoslavie elle fait confiance en trois inconnus, la petite bécasse, qui ressemblent à des ogres, cela crée néanmoins un peu de suspense, ils lui confient des petits paquets oh la la quelle tension ! Cela vous a agacé sérieusement à Belgrade. Vous avez failli vous endormir en même temps que la narratrice. Vous aviez envie de lui demander à quelle heure on arrive. Mais à quoi cela sert d'être dure avec le personnel littéraire ? Vous avez continué en somnolant, réveillée en sursaut par quelques passages incongrus, quelques situations insolites, quelques rencontres imprévues mais vous n'étiez pas fâchée d'arriver à la treizième destination, au milieu de nulle part.
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Out of Sight

Out of sight (à l’abri du regard), est le fruit d’une initiative franco-japonaise originale, mariant les talents de photographe de Delphine Parodi vivant au Japon et de la célèbre écrivaine installée en Allemagne, Yoko Tawada. Ce livre est d’abord un bel objet, qu’on a plaisir à avoir en main, de par sa couverture à la fois sobre et élégante, son format insolite, sa composition intérieure soignée et attractive.



Dans une belle synergie, les deux auteures se sont alliées pour sonder, peut-être mieux que dans un classique reportage, l’âme meurtrie de ces habitants de la zone d’évacuation de Fukushima. Sur chaque double page, Delphine Parodi capte ces hommes, ces femmes, ces enfants dans des poses pensives, et leur associe un paysage à l’allure finalement banale, sûrement celui qui leur était le plus immédiat et familier. De cette banalité, de cet anonymat des êtres et des choses émane le charme de la simplicité, qui parle d’autant plus au cœur du lecteur que Yoko Tawada scande d’éloquents poèmes, messagers des sentiments mêlés de ceux qui les ont inspirés. Ces poèmes qu’on nous offre (cadeau !) en japonais, en français, en allemand et en anglais, répondent dans une parfaite résonnance aux humeurs et émotions diverses qu’éprouvent ces gens photographiés : mélancolie et tristesse, désespoir, indéniablement, mais aussi anxiété, incrédulité non seulement face à une réalité qui peine parfois à s’imposer à eux (tout cela nous est-il vraiment arrivé ?), mais aussi une incrédulité face aux affirmations des autorités, soupçonnées de mensonges, de privilégier des intérêts économiques sur les vies humaines, et de minimiser les terribles conséquences potentielles du mal invisible, qui corrode tout, l’air, la terre, l’eau, les pierres, les végétaux et les animaux.



Ayant souvent vécu durant des décennies sur cette terre du Tohoku, et de la mer, hier encore parmi les plus nourricières du Japon, ces êtres s’interrogent, mais ne se posent que rarement en victimes. On aimerait parfois un esprit plus contestataire chez le peuple nippon, bien docile et soumis face à une classe politique décidément pas à la hauteur ! Dignes et attachants, les témoignages de quelques-uns de ces déracinés, judicieusement proposés, en fin d’ouvrage, nous éclairent. Ils nous montrent une capacité de résilience admirable, confortée par une foi bien ancrée dans la force de la nature, dans l’intelligence des arbres et dans l’inaltérable cycle des saisons.



Un très beau livre, où une poignée de photos, de courts poèmes et de témoignages, en disent davantage qu’un verbeux discours sur ce qui, au-delà de la catastrophe technologique et de ses irrémédiables conséquences écologiques, est également, et peut-être d’abord, un drame humain.



Je remercie babelio pour m’avoir fait découvrir ce « petit » éditeur marseillais et indépendant, Le Bec en l’air, qui met de belle manière la photographie à l’honneur, et a le bon goût d’adresser un petit carton individualisé pour accompagner son envoi et vous souhaiter une agréable lecture. Et elle le fut !

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Train de nuit avec suspects

L'idée de départ est intéressante de pouvoir voyager, sillonner le continent d'est en ouest ou vise versa, du nord au sud... Hélas, on n'apprend peu sur ce voyage, quelques histoires parfois farfelues qui manque de crédibilité ou alors le personnage est plus que naïf !

sinon j'ai bien aimé malgré tout monter dans les trains couchettes, c'est une autre époque, avec tout le folklore qui va avec, on image hein. J'ai aussi apprécié retrouver le transsibérien que j'ai connu lors d'une lecture sur le sujet "Les transsibériennes" et là j'ai pu constater quand même que l'auteur a respect les coutumes de ce train.

Une petite lecture agréable mais sans grand intérêt littéraire

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Train de nuit avec suspects

Treize courts chapitres, pour treize voyages différents, qui mettent en scène l'héroïne, une chorégraphe de Hambourg, dans treize trains de nuits. Elle traverse l'Europe et l'Asie : Zagreb, Vienne, Irkoutsk, Bombay, Pékin, Paris, etc... mais des événements imprévus engendrent des situations incongrues et de lourds malentendus. Comme les paysages aperçus du compartiment, les pensées de la jeune femme défilent et tout devient suspect et étrange. Un ouvrage assez déroutant, notamment l'emploi du "vous" au lieu de "je" pour évoquer la jeune femme, écrit avec un style fluide et agréable.
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Le voyage à Bordeaux

Écriture subtile. Il faut accepter de suivre Yuna, même si on ne sait pas toujours où elle nous emmène. Réflexions sur les langues et le langage extrêmement pertinentes.
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Journal des jours tremblants : Après Fukushim..

Le titre de cet ouvrage est assez trompeur car je ne m'attendais pas du tout à cela en entamant la lecture de cet ouvrage, réservé à la médiathèque de ma ville et n'ayant par conséquent, pas lu la quatrième de couverture avant. Toujours est-il que je ne regrette absolument pas de l'avoir lu, même si ce n'est pas du tout ce que je pensais y découvrir. Le «Journal des jours tremblants» n'occupe en réalité qu'une courte place dans ce livre alors que les trois premiers quarts de ce dernier sont consacrés à des leçons de poétique (trois exactement) que l'auteure a donné à l'université de Hamburg en 2011, très peu de temps après la triple catastrophe qui s'est déroulé au Japon cette même année.



Dans sa première leçon, intitulée «Les croyants traduisent», Yoko Tawada s'interroge sur la complexité de la traduction des langues européennes en japonais ou encore en chinois et inversement car étant donné que chaque langue est liée à une vison du monde particulière du monde et une croyance propre au peuple qui les parlent, certains mots ou expressions sont forcément intraduisibles. Elle en profite pour nous faire un petit cous d'histoire en remontant le temps plus de six siècles en arrière avec l'arrivée des premiers européens, les portugais et les espagnols sur l'île de Tanegashima, restant ainsi confinés sur cette dernière, les japonais refusant tout échange avec ces derniers.



Dans sa deuxième leçon «Les marchands traduisent», il est toujours question du problème des langues mais la conférencière met cette fois-ci en avant le refus des japonais de s'ouvrir aux relations commerciales avec l'étranger si ce l'est avec la Chine et les Pays-Bas, de peur d'être envahis par une culture qui n'est pas la leur, et ce, jusqu'au XIXe siècle, comme nous le verrons dans la troisième et dernière leçon.



En effet, dans cette dernière, «La modernité traduit», l'on voit apparaître les premiers échanges commerciaux avec l'Amérique. Un Japon replié sur lui-même, beaucoup moins ouvert au monde que la Corée par exemple, sa voisine, et qui a mis longtemps avant d'accepter d'être «envahi» par les autres cultures.

Pour l'auteure, cette historique du Japon était nécessaire afin de pouvoir mieux comprendre le Japon d'aujourd'hui.



Enfin, dans la dernière partie de cette ouvrage, elle nous raconte comment elle a vécu ce 11 mars 2011, vivant elle-même en Allemagne mais ayant toute sa famille dans la région de Tokyo. Ces quelques pages ont, pour moi, étaient les plus émouvant à lire car l'on comprend mieux certaines choses que les médias nous ont tus.



Un livre à la fois très émouvant et très instructif également ! Une écriture soignée et relativement facile d'accès même si parfois, j'avoue m'être sentie un peu perdue lorsque l'auteure fait référence à des pièces de théâtre japonais qu'elle compare avec les mêmes adaptées par des auteurs allemands ou encore italiens mais cela n'est qu'un détail qui n'entrave en rien la compréhension globale de l'ouvrage. A découvrir !
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En éclaireur

J'ai bien aimé ce livre. On y trouve la sagesse japonaise et la capacité à faire résilience ; à s'adapter à un monde étrangement bouleversé. Le sujet est triste, Fukushima fut un sale rappel de la force de la nature et une leçon qui n'a finalement touché que ceux qui n'étaient pas responsables de décisions... irresponsables.

Et puis ce fleuve tranquille des mots pour mieux surligner la vie quotidienne est rassurant. En tout cas rien d'angoissant ne vient gêner la lecture.
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L'oeil nu

L’œil nu, ou le roman en allemand d’une Japonaise sur les aventures d’une Vietnamienne en France…





Une jeune fille vietnamienne arrive à Berlin-Est à la fin des années 80 : élève modèle, elle est choisie par son école pour prononcer un discours idéologique. Après quelques péripéties, elle se retrouve à Paris. Sans papiers, sans connaissances linguistiques, elle arrive dans une ville où tout lui est étranger. Des rencontres, des hasards forment la trame de ce livre.



L’œil nu est une sorte de roman d’apprentissage, mais la narratrice ne donne aucune indication psychologique, aucune prise. Ballottée de lieu en lieu, constamment sous l’emprise de quelqu’un, la jeune fille sans nom ne choisit rien. Ce personnage est mystérieux et tellement passif qu’on ne peut simplement expliquer son attitude par le choc des cultures et par les circonstances difficiles de son exil. La seule chose qui la rattache à la vie semble être les films de Catherine Deneuve, qu’elle voit et revoit dans de petits cinémas parisiens.



À ce propos, on se demande à quoi sert, pour l’auteur, de résumer longuement les films de Catherine D. ? Cela crée certes une atmosphère particulière et permet de développer des parallèles intéressants entre les vies de l’héroïne du film et de celle du roman… mais l’exercice est un peu laborieux ! Pourtant, l’ensemble du roman est touchant, subtil et amusant parfois.



On est partagé entre une sensation de mélancolie et une envie de secouer le personnage pour qu’il sorte de ce cinéma et de sa torpeur. Allez, réveille-toi, la vraie vie est dehors, ailleurs…



(critique publiée à l'origine sur Jowebzine.com)
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Train de nuit avec suspects

L'auteur prend différents trains de nuit, à l'ambiance variée, où il fait des rencontres bizarres, où son imagination se déploie.
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Train de nuit avec suspects

La narratrice, une chorégraphe de Hambourg nous conte dans ces treize chapitres les voyages ferroviaires effectués dans de nombreux pays d'Europe et d'Asie : de Paris avec ces grèves à Pékin. Au lieu de chapitre, nous passons d'une voiture à l'autre. Chaque voyage a son lot d'imprévu et de rencontres, une brume épaisse de mystère entoure chaque péripéties. De nombreuses péripéties jalonnent le parcours : les retards, les grèves, les mauvais trains, les trafics et la contrebande de café et des malentendus.



Une lecture qui ne me laissera certes pas un souvenir impérissable, dont le style m'a surpris et m'a empêché de pénétrer l'oeuvre à son début en particulier l'utilisation du "je" et "vous", le vouvoiement pour raconter les actions de la narratrice m'a plutôt déstabilisé.Mais la thématique de son voyage identitaire est plaisante, nous contant les frontières floues traversés avec des personnages fantomatique. Fiction, fantasmagorie et réalité se mêlent..



C'est donc une découverte que cette lecture, qui allie de façon très intéressante un style de narration et un voyage autant identitaire que ferroviaire: Déconcertant...

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Journal des jours tremblants : Après Fukushim..

Dans les trois leçons qui précèdent le journal, Yoko Tawada fait une magnifique analyse des problèmes de compréhension qui ont pu, et qui peuvent se poser entre les différents pays européens et le Japon, du fait d'une histoire et de cultures si différentes. C'est également le portait de son pays natal, du XVIème siècle à nos jours, qui est sporadiquement esquissé.



Le Journal des jours tremblants évoque quant à lui Fukushima et ses conséquences, du 11 mars au mois de juillet, depuis l'Allemagne, où se trouvait l'auteur. Le regard des occidentaux est encore une fois bien différent de la réaction des japonais, même ceux habitant loin. Yoko Tawada conclut sur le manque de débat, au Japon, entourant la question du nucléaire.



Magnifique ouvrage, à la fois pour découvrir le Japon, pour s'interroger sur les langues, les cultures et les problèmes constants dans la traduction, et pour voir d'une autre manière Fukushima.
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L'oeil nu

Quelle aventure que ce périple européen d'une jeune femme vietnamienne, pour un peu, on dirait un film !
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Le voyage à Bordeaux

Yuna est japonaise, mais vit à Hambourg. A l'invitation de son amie Renée, elle passe quelques temps dans la jumelle française de la ville hanséatique, à Bordeaux. Mais comment décrit-on le monde quand on pense avec des idéogrammes qu'il faut mettre en grammaire ?



Le monde de Yuna est plein de couleurs vives, comme des tâches dans un tableau de Seurat. Ca bouge, ça remue, c'est vif, c'est drôle et, en plus, c'est très poétique.
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Journal des jours tremblants : Après Fukushim..

Dans une première partie, l'auteure nous apporte de nombreuses réponses sur l'image du Japon. On y apprend l'importance de la religion, de la langue, de la mort, de l'entraide... Ses explications nous prouvent à quel point notre regard sur ce pays est erroné, nous éclairent sur la différence de nos cultures.



Dans une seconde partie, elle nous livre ses interrogations sur le nucléaire, après le drame de Fukushima.



Si la culture japonaise vous est inconnue (je ne parle pas des stéréotypes : geisha, sushi, saké...), plongez dans ce livre et vous ferez connaissance avec un autre Japon.
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Out of Sight

Masse Critique est très souvent l’occasion de découvrir un éditeur. Ce fut à nouveau mon cas, espérant, puis ayant reçu, Out of sight, livre de photographie et de poésie paru chez Le bec en l’air.

Merci à eux.

Une très belle découverte était au rendez-vous.



Le livre d’abord. Bel objet, cartonné, couleur grise et format dans le sens de la hauteur. Une photo est collée en haut de la couverture, et le titre, en japonais et en anglais, est incrusté dans cette couverture. Première approche, en feuilletant rapidement, vous découvrez que les photos sont en couleurs, et vous repérez des kanjis. Les poèmes, en effet sont traduits en quatre langues. L’auteure, Yoko Tawada, écrit en allemand, et a traduit elle même les poèmes dans sa langue natale, le japonais, et ses fameux kanjis. Les éditeurs y ont ajouté une traduction anglaise et française. De même, en fin de volume, sont rassemblés des témoignages d’habitants (toujours en quatre langues).

Le soin apporté à l’édition du livre méritait plus que d’être signalé.



Titre en anglais, Out of sight, traduction littérale, hors de vues.

Sujet japonais, puisque le livre est consacré à Fukushima. 10 ans bientôt pour le 2011-3-11. Dans quelques semaines en effet, un triste anniversaire ; désolant. Dix ans après la triple catastrophe : tremblement de terre, tsunami et accident nucléaire – Colère nucléaire pour reprendre le titre d’un manga de Takashi Imashiro.



Plus rien n’est comme avant au Japon.

Pour les déplacés, les « évacués », celles et ceux qui ont quitté cette région dévastée et endeuillée, en sortant du périmètre d’évacuation défini.

Delphine Parodi, photographe installée au Japon de longue date, est allée à leur rencontre (ce travail ayant été exposé en 2014 à Berlin). Sur le site de l’éditeur on apprend que Yoko Tawada a à son tour rencontré ces mêmes personnes. Puis les deux artistes sont retournées dans le Tohoku, mais le plus souvent séparément. Le livre propose 24 poèmes écrits par Y. Tawada. Chaque travail est présenté séparément. Un ensemble de photos puis un ensemble de poèmes, etc. jusqu’aux paroles des évacués rencontrés.



A l’exception de quatre photos, occupant chacune une double page quasi complète, le travail de Delphine Parodi se compose de dyptiques. Sur deux pages, un portrait dialogue avec un paysage, un morceau de nature. Mais si chacune de ces vues de nature baigne de lumière et de couleurs, on ne peut cesser de penser à ce qui est invisible : la radioactivité. Les portraits d’habitants se font sur leurs lieux de vie, des photos d’intérieur ou d’extérieur. Je ne me hasarderais pas à vous livrer une possible interprétation, chacun-e y verrait des correspondances différentes. Mais souvent, le regard se heurte au cadre, à une impasse. Le désarroi n’est jamais loin. Si la perte matérielle est bien réelle, la perte d’un lieu de vie et des émotions qui s’y rattachent est encore plus forte. Les photos de ces habitants perdus sont extrêmement touchantes, d’autant qu’on est aussi décontenancé : la nature, elle, sait ce qu’elle doit faire, suivre son rythme, pousser, fleurir, grandir… Mais quelle confiance lui accorder ? Qu’offre-t-elle à son insu ? Sur une photo, les oiseaux noirs volent au-dessus des champs de sacs, lisses et noirs dont on a bâti « le mur de la sécurité »...



Plus rien ne peut être comme avant. Les disparus (« mon père qui était-il ? » s’interroge un enfant dans un poème en forme de comptine) ; le foyer perdu : « verrouillées et brisées, les fenêtres ternes », ou encore : « Moi, je vais bien, mais sur mon bien se dresse ma maison vide, depuis longtemps, longtemps » ; l’activité professionnelle arrêtée. Le quotidien est détruit, et c’est par petites touches que Yoko Tawada nous dit cette perte, ce changement, l’adaptation forcée : les repas livrés, le poisson, la terre contaminée, « un bout de peau de monstre ». L’écrivain dit aussi l’eau contaminée, cette eau du robinet que jamais la fillette ne donnera aux fleurs dont elle prend soin : « aller chercher avec l’arrosoir l’eau du robinet, que j’évite, ce serait absurde » !



Plus rien ne sera comme avant.

La dernière série de poèmes est plus mordante et désabusée tel cet homme désœuvré qui dilapide au pachinko les indemnités qu’il a reçues. Y. Tawada trouve avec le quotidien à dire la catastrophe : « le lait est blanc, mais pas innocent », dénonçant aussi la corruption, les politiciens.

Nous sommes face à ce qui reste, comme le supermarché Sunplaza, lieu de sociabilité, aujourd’hui désert : les herbes folles poussent devant ses vitrines, tout comme le salon de coiffure dont le « jour de fermeture n’en finit plus ».

Out of sight est un projet d’une grande finesse, témoignage artistique et sensible sur une catastrophe en cours... toujours...
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Histoire de Knut

Une ourse de Moscou apprend des tours au cirque et entreprend d'écrire son autobiographie. Elle fuit ensuite de la RDA à l'ouest où elle a beaucoup de succès, puis au Canada. Ses oursons et petits-oursons continuent à travailler au cirque, de nouveau dans le bloc soviétique. L'écriture de Tawada m'a moins convaincu dans ce roman où le jeu sur le point du vue de l'ours (hormis les mains-pattes et les odeurs) ne m'a pas semblé très approfondi - on n'a aucune difficulté à remplacer l'ours par un être humain. Par ailleurs, la naïveté de l'écriture dévale plus qu'elle n'assemble une histoire, l'impression de rester à la surface de l'écriture, de ne pas percevoir de profondeur, de distance, d'espace et de temps. On s'ennuie.
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Talisman

Le monde n'est fait que de mots et de sons, de phrases et de textes. Vous ne saviez pas ? Yoko Tawada voit des lettres au lieu de personnes, des choses apparaître à chaque mot nouveau, des serpents de sens se déployer derrière les phrases. Et comme les mots sont des boîtes qui contiennent tout autre chose que ce qu'on croit, comme les emballages de savon au supermarché, Pas facile d'avoir la moindre idée de ce qu'est la réalité dans ces conditions ! A moins que précisément la réalité ne soit qu'une recherche, une piste à suivre plutôt qu'une chose toute prête à être déballée, et rien de plus...
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L'oeil nu

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Le voyage à Bordeaux

Critique de Chloé Brendlé pour le Magazine Littéraire



Yoko Tawada a étudié le russe au Japon. Pris le Transsibérien pour se rendre en Europe. S'est installée en Allemagne, où elle écrit, tantôt en japonais, tantôt en allemand. Dans son nouveau récit, c'est son double, Yuna, qui se met en tête d'apprendre le français. Yuna aurait souhaité se rendre pour cela à Dakar, mais, à défaut, se retrouve à Bordeaux. Son hôte lui recommande « four important places in Bordeaux : the garden, the market, the utopia and the water ». De cette ville dont Marie NDiaye avait fait le cadre de Mon coeur à l'étroit, on ne saura pourtant rien, ou presque. Car l'auteur maîtrise l'art de « découdre ». Elle juxtapose des bribes de souvenirs et une collection de personnages qui deviennent, au gré de ce labyrinthe textuel et à l'insu de l'héroïne, des étrangers. Ce court roman, scandé par des idéogrammes esseulés entre deux paragraphes, donne au lecteur un léger vertige, comme s'il commettait un faux-pas : il n'est jamais tout à fait sûr de ce qu'il vient de lire. La narratrice fait en effet peser avec malice le doute sur les mots et les choses (« désentortiller », « aimer », « nonne », « lignes », « Tu », « Je »...). Dense et intrigant, ce livre contient d'étonnants passages. Difficile de déterminer s'il s'agit d'anecdotes fantastiques ou d'allégories portant sur l'identité, comme cette histoire de l'amie devenue littéralement esclave de sa propre maison, ou la scène finale : dans une piscine bordelaise, la narratrice se fait voler son dictionnaire franco-allemand et sa date de naissance...
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