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Citations de Yoko Tawada (128)


Yoko Tawada
Tawada s’amuse des lacunes de chaque idiome (« les langues sont faites de trous »), comme des circonlocutions prudentes de sa langue natale. « En japonais, “je t’aime” se dit “watashi wa anata ga suki desu”. » Ce qui, retraduit mot à mot, donne : « En ce qui me concerne, tu es désirable.
( Elle vit en Allemagne, publie en allemand et en japonais ).
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Yoko Tawada
Je ne décide rien, c'est le livre qui décide. Je suis juste une partie de cette littérature qui vient de partout.
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La gare avait un air quelque peu anormal. Il y avait étrangement peu de monde sur le quai et le personnel semblait nerveux, comme s'il cachait quelque chose. Mais ça ne se fait pas d'attraper un employé pour lui demander ce qui se passe. Il ne vous restait plus qu'à les observer sans rien dire. La gare entière semblait jouer à cache-cache, et pas moyen d'y voir clair.
(Incipit)
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Quand j'apprends une catastrophe, mon coeur se met automatiquement à battre plus lentement et je deviens calme comme sous l'effet d'un tranquillisant. Pour survivre à une catastrophe naturelle, il faut éviter d'être^pris de panique et d'imaginer un tableau dramatique. C'est au Japon, semble-t-il, que j'ai appris inconsciemment à adopter cette attitude comme technique de survie. Et en effet, au Japon, après un séisme, les gens se font calmes, patients, affables et serviables, excepté ceux qui ont à déplorer une perte.
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Dans les pays industriels, seuls les enfants ont droit à des vêtements très colorés. Les adultes, eux, doivent s'orienter vers des coleurs ternes. Même le temps de Hambourg est parfois plus coloré que les passants de la ville.
Renoncer aux couleurs fait partie intégrante de la fierté du Nord réformé. L'absence de couleurs lors des cultes à l'église Saint-Michel m'impressionnait toujours. L'esthétique des incolores a non seulement décoloré leurs propres cérémonies et rituels, elle a aussi lavé les statues antiques grecques pour les placer dans les musées, ou encore elle a découvert au Japon l'esthétisme sévère des maisons de thé. Sans Bruno Taut, l'architecture sans couleur du palais de Katsura ne se serait pas imposée comme la norme de la beauté japonaise. Aujourd'hui, quand on voyage avec les hôtes d'Europe du Nord, il faut taire son amour pour le temple coloré de Tôshôgû à Nikkô.
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Le 5 mai 1951, interrogé sur la différence existant entre les Allemands et les Japonais, le commandant en chef des forces alliées Douglas MacArthur répondit que si l'on comparait la culture anglo-saxonne à un homme de quarante-cinq ans, alors que la culture allemande avait à peu près le même âge tandis que la culture japonaise avait douze ans. Selon lui, les Allemands avaient sciemment commis une erreur pendant la guerre et ils devraient la corriger d'eux-même à l'avenir, tandis que le Japon avait commis la même erreur, mais par ignorance. Une argumentation qui non seulement rendit MacArthur impopulaire au Japon, mais servit aussi à légitimer l'ingérence dans la politique japonaise.
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Le train en provenance de Vienne arrivait dans cette ville à dix heures et demie passées. Vous deviez tuer le temps; quelle expression répugnante ! Comme si le temps était une mouche . 'Time flies like an arrow'. Le temps vole comme une flèche. La lumière et l'ombre sont comme des flèches. Vous avez lu la veille un article qui commentait la traduction de cette expression par un logiciel de traduction :"temps-mouches aiment une flèche". Il y avait donc une espèce de mouche qui s'appelait temps-mouche. Mais en attendant le train de nuit, le temps ne passait pas plus comme une flèche qu'il ne s'envolait comme une mouche. C'était exactement le contraire, il était comme un escargot. Il laissait derrière lui une trace luisante. Etait-il visqueux au toucher ? Sa trace était comme des rails. L'escargot était -il une sorte de train ? Avec ses deux antennes sur la tête, on aurait dit qu'il communiquait à distance avec quelqu'un.

(Voiture 10, Destination Hambourg, p101)
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Yoko Tawada
Je me pose toujours la question à propos de la soeur. Je ne sais pas comment il faut comprendre ça quand quelqu'un dit avoir une soeur. Ce mot n'est pas clair. -Comment ça, pas clair? -Supposons qu'il n'y ait pas de mot correspondant au mot soeur mais deux mots différents : ané pour soeur aînée et imooto pour soeur cadette. On aurait soit une imooto, soit ané. La sensation d'avoir une soeur n'existerait plus. En revanche, on connaîtrait soit la sensation d'avoir une ané, soit celle d'avoir une imooto. Ce sont deux sensations différentes. -Parles-tu d'une d'une langue imaginaire ou du japonais? -Cela fait-il une différence pour toi? Supposons qu'on emploie aussi ces deux mots, ané et imooto, pour désigner des belles-soeurs. La Femme d'un frère aîné est aussi une ané. Une seconde! Je n'arrive pas à digérer aussi vite. Plus lentement! -Et on peut dire la même chose pour des parents de sexe masculin. Un frère aîné s'appelle ani, un frère cadet otooto. -Oto et encore une fois oto? Alors deux fois oto?
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À Hambourg, ou jamais elle ne prenait le train urbain sans avoir un auteur français avec elle, jamais Yuna ne serait posé la question de savoir pourquoi elle ne voulait pas apprendre le français. Cette vieille interrogation dont Yuna ne s'était jamais souciée se présenta à elle en gare de Bruxelles. Bruxelles, ce n'était pas le but de son trajet, ce n'était qu'un point d'interrogation sur le trajet. Elle avait une correspondance à y prendre et cette question à se poser : pourquoi n'ai-je pas voulu apprendre cette langue et pourquoi ne me suis-je jamais demandé à quoi cela tenait? Yuna regarda sa montre-bracelet comme si les chiffres du cadran pouvaient lui livrer réponse. Il restait encore du temps avant que n'arrive le train par lequel elle poursuivait son voyage jusqu'à Bordeaux. Elle alla dans un café à tables hautes de la gare et commanda un express. Elle s'y trouva environnée de voix parlant un français dont la mélodie lui sembla plus violemment que étrangère jamais. Fais attention! Quelque chose d'inconnu, peut-être même de dangereux, t'y attend. Cette mise en garde la secoua, son coeur battit plus nettement qu'auparavant, son sang circula plus vite, elle se mit à avoir chaud. Elle respira plus profondément, plus vite, se mit sans arrêt à changer de posture. Sa nervosité ressemblait à une sensation de bonheur. Peu Après, un couple d'un certain âge se plaça près de Yuna, il parlait en néerlandais. Elle dit apaisée par la sonorité de cette langue qui lui donnait la sensation de ne pas être encore bien loin de chez elle. Bruxelles, est-ce loin ou près? Qui donc sait répondre à cette question embrouillée? Tour coeur est pris dans au moins un -sinon plusieurs- conflit de langues. Chaque tête contient une carte déformée de l'Europe. Sur la carte de Yuna, Bruxelles était partout sauf là où elle aurait dû se trouver. Il n'y avait qu'un trou. Un nom depuis longtemps oublié lui revînt à l'esprit : Viviane. Au même instant, Yuna déchire si maladroitement le bâtonnet de sucre que de la poudre blanche se répandit sur le sol noir en ardoise. Elle essaya de balayer discrètement avec ses chaussures mais n'osa pas aller ensuite reprendre un sachet de sucre à la caisse. Le goût amer de l'express fit revenir Viviane, elle se tenait devant Yuna.
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Il arrive que des gens faibles sur la voie du Bien s’engagent dans la voie du Mal, et dévoilent là aussi leur faiblesse.
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La femme rétorque que ce n'est pas de l'argent qu'elle veut, mais du bonheur. La maison répond, fielleuse : La matière mord dans ta chair et te permet de ressentir le bonheur. Ne tente pas d'esquiver tous les tourments. Alors primo : investir le corps entier, secundo , endurer toutes les douleurs corporelles, tertio, être libéré de la douleur ! Cette mesure à trois temps propose un rythme de valse à son quotidien. (p. 88)
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Une nuit européenne est une robe de velours noir.
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Hilde et le philosophe avaient fait un enfant ensemble, qui naquit de sexe féminin et fut nommé Olivia. Chacun des parents avait une raison à soi pour attribuer ce nom à cet être. Aussi auraient-ils dû, pour éviter toute confusion, lui donner deux prénoms : Olivia Olivia.
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Qui fait commerce avec qui? On en saurait bien plus sur le cerveau humain si on dessinait exactement les routes maritimes que suivent les mots. Bien sûr, il faudrait tout d'abord avouer qu'on est hydrocéphale. Car un bateau ne peut pas avancer sans eau. Mais un être instruit et fier de l'être a du mal à avouer qu'il est hydrocéphale.
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Yoko Tawada
À six ans, Yuna avait écrit une rédaction qu'elle trouva, à douze ans, pénible à relire. Chaque phrase commençait et se finissait d'une manière inattendue, en outre une fin n'était jamais vraiment une fin, mais le début d'un recommencement. À dix-huit ans, cette même rédaction lui sembla intéressante, et, à vingt-cinq ans, elle en fut à pouvoir expliquer la valeur de cette rédaction en termes d'histoire de la langue. Peut-être, à quarante ans, l'aimerait-elle et essaierait-elle après ce retour d'en retrouver le style.
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Elle sentit sur sa peau la chaleur d'un feu de cheminée à la norvégienne : d'abord sur ses lèvres, puis dans la nuque, puis sur ses bras. La chaleur tournoya autour de sa poitrine et rampa sur son ventre jusqu'aux cuisses.
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Il aurait peut-être mieux valu que Yuna réagît immédiatement. Peut-être la question et la réponse auraient-elles alors produit coup sur coup des sons clairs et secs comme deux épées de bambou.
Cela aurait sûrement plu à Renée qui, un jour, lui avait déclaré qu'elle n'avait pas toujours envie de former un accord consonnant avec autrui et que cela lui faisait même plaisir de dire qu'elle n'était pas d'accord. Un désaccord peut être musical si le rythme, lui, est juste. Sur une scène de théâtre aussi, il est mieux qu'un artiste réagisse aussitôt à l'autre. Si chaque personnage devait commencer par se retirer dans les coulisses pour mieux formuler ses pensées au lieu de réagir sur-le-champ, l'art scénique n'existerait plus.
Répondre, kotaeru : pour écrire ce mot, Yuna utilisait d'habitude un idéogramme comportant la couronne de bambou. Un dialogue entre elle et Renée devait être un sport de combat où l'on affronte à l'épée en bambou. L'une amorce une attaque stylée afin que son adversaire puisse adopter une pose défensive élégante. Et même si elle n'a pas à se défendre réellement, c'est dans le rôle défensif qu'elle peut trouver une forme qui lui permette de déclencher sa force cachée.

Il existe un autre idéogramme signifiant répondre. C'est un coeur assis derrière un rideau, comme une dame de la cour qu'on ne distingue pas, on devine seulement sa présence. On ne voit pas sa bouche, on n'entend pas sa voix, mais la petite secousse du rideau laisse supposer que la dame de la cour parle. Le problème, c'est qu'au moindre coup de vent, on pourrait confondre et croire que la dame parle.
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De retour chez elle, Yuna avait noué son ruban dans ses cheveux et commencé à écrire une longue lettre à Renée. Le crayon à dure mine de plomb grignotait le temps, le dévorant peu à peu entièrement, et, dans le dos de Yuna, l'aiguille du réveil tournait à toute vitesse. Avant même le lever du jour, des oiseaux impatients se mirent à gazouiller. Ces petits êtres ailés semblaient avoir pris dans leur bec les mots biffés par Yuna et les traduire en leur langage à eux tandis que Yuna, son bras droit posé sur la table comme une lourde prothèse, les épaules affaissées, barrait et barrait encore d'autres mots. La muqueuse luisante de l'enveloppe préencollée attendait déjà la version définitive de la lettre. Yuna biffait de plus en plus de mots et bientôt elle n'eut plus la force de leur en substituer d'autres. Biffer avec frénésie remplaçait l'acte d'écrire. La voiture orange des éboueurs s'approchait de la maison avec un bruit de moteur menaçant. Les détritus de pensée de Yuna n'étaient pas encore emballés dans un sac plastique gris ni déposés dans la rue. Cette sorte de déchets avait une combustion difficile.
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Yoko Tawada
Yuna devait s'empresser de dire quelque chose pour détendre l'atmosphère, mais elle avait peur de faire un lapsus. C'était justement dans ce genre de situation que sa langue pouvait la trahir, et, au lieu de soeur, Schwester, prononcer un mot similaire : par exemple Sylvestre. Ce mot pouvait donner à Renée l'idée de se remettre à farfouiller dans une histoire presque oubliée. En rentrant chez elle, durant la nuit de la précédente Saint-Sylvestre, Yuna avait été touchée à la cuisse par un pétard. Un passant turc l'avait conduite chez un médecin.
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Yoko Tawada
Le rêve de Yuna était de devenir comédienne et de dire son texte en langue étrangère. C'était un rêve puisqu'elle avait souvent rêvé qu'elle se tenait sur une scène et récitait un long monologue en une langue inconnue d'elle. Elle portait sur la tête une couronne d'herbe et savait que la couronne n'était pas en lauriers tressés, mais en fleurs de pensées.
Des phrases étrangères coulaient en elle et s'écoulaient d'elle. Après chaque phrase Yuna avait peur de ne plus pouvoir parler. Or il suffisait qu'elle garde son crâne ouvert pour permettre aux phrases d'y couler. Était-elle toujours éveillée ou déjà en train de perdre connaissance? Yuna n'en savait rien. Elle avait la chair de poule, la partie inférieure de son ventre était brûlante et tremblante.
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