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Expert voyages

Cet insigne distingue les globe-trotteurs du livre, qui à travers les récits aiment s'évader et aller à la rencontre de nouvelles contrées livresques.
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Les meilleurs   Dernières critiques
Le dernier mousse

Me voici reparti avec Francisco Coloane dans l'inhospitalité de ces côtes de l'extrême sud américain.

Cette fois, Horusfonck voyage avec Alejandro, passager clandestin devenu mousse (le dernier) sur le Baquedano.

Le mousse nouveau va se tremper le caractère, et découvrir le métier de marin! Il connaîtra, bien sûr, sa première grosse et inoubliable tempête.

C'est un roman court, fort et dense qu'offre Francisco Coloane au lecteur fasciné: Un récit riche avec son lot de personnages sculptés par la mer et ses légendes tellement vraies!

Me voilà rentré à terre, un peu désorienté après ces cent dix-huit pages d'océan, de vents et de périls... Mais j'ai déjà tellement hâte de retrouver la prose aventureuse de Coloane!
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Roman fleuve

Pastiche ou hommage on ne sait trop que penser à la lecture de ce roman de Philibert Humm qui ressemble incroyablement à Trois hommes dans un bateau, le roman culte de Jerome K. Jerome. Même intrigue, même ironie sur l'aventure que cela représenterait, même type de chapitres avec le même type de présentation. Bref trois aventuriers de pacotille, mais qui se prennent au sérieux, décident de descendre la seine en canoë, et nous allons vivre des aventures incroyables à Mantes-la-Jolie, entre autres....

Tout cela pour dire que le second (troisième, quatrième degré...) règne en maître que le roman n'est pas d'un grand réalisme. Il distille toutefois un réel plaisir à force d'être ironique, définissant des mots que tout le monde connaît (football !), convoquant des Guest stars inattendues (Véronique Sanson ou Sylvain Tesson !)...Un livre un peu difficile à décrire, il faut y être ! C'est à la fois vieillot, intelligent, drôle sans être hilarant, mais on sourit tout le temps, ce qui n'est pas mal ! Pas mal de phrases à relever quand même , mais que penser d'un livre tout de même si proche de son modèle ? Je reste un peu coi.
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À la vie, à la mer, tome 1

Voici mon retour de lecture sur le premier tome de la bande dessinée À la vie, à la mer de Julie Ricossé.

1970, Rudi et Sol ont tout quitté pour vivre une odyssée sur un voilier qu'ils ont volé, le "Mooi" ("la beauté" en néerlandais), à la fin de leur adolescence. Les années ont passé. Leurs enfants, Ximi, 8 ans, et Tao, 14 ans, ont grandi dans ce quotidien aventureux, empli de liberté et de débrouille. Derrière ce gai vagabondage bohème, leur passé encombrant ne cesse de les pousser vers l'horizon, au grand désespoir de Ximi qui rêve d'aller à l'école.

Mais comment mettre pied à terre quand les problèmes qui vous y guettent paraissent insurmontables..

À la vie, à la mer est une bande dessinée qui nous fait voyager.

En 1970, Rudi et Sol ont volé un bateau et passent leur vie en mer. Ils ont deux enfants : Tao, 14 ans et Ximi, 8 ans. Leur quotidien est fait de liberté, de système D.

Si Tao a l'air de s'en accommoder, c'est plus difficile pour la jeune Ximi. A 8 ans, elle a envie d'aller à l'école, de se faire des amies, d'avoir un amoureux..

Des choses simples mais sans papiers pour le bateau les parents savent qu'ils vont être accusés de vol et aller en prison.

Alors cette vie de bohème continue..

J'ai beaucoup aimé suivre le quotidien de cette famille et les allers retours dans le passé des parents.

On découvre peu à peu ce qui s'est déroulé et comment ils en sont venus à faire ce choix de partir en mer.

J'ai aimé ce premier tome qui pose les bases et nous emmène à l'aventure. La fin m'a totalement laissé sur ma faim et j'ai hâte que la suite sorte pour la découvrir.

Les illustrations et la colorisation sont superbes.

Le scénario tient parfaitement la route.

L'ensemble donne une très bonne bande dessinée que j'ai adoré.

Vous l'aurez compris, ce premier tome de À la vie, à la mer est une bonne surprise, que je vous recommande :)

Ma note : 4.5 étoiles.
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Corto Maltese, tome 8 : La Maison dorée de Sa..

Encore un tome qui alterne géopolitique, aventure, exotisme, cynisme, mort et amitié. Et sans doute bien davantage de concepts "Prattiens". On y retrouve aussi plusieurs personnages incontournables de la mythologie de Corto Maltese. Raspoutine, Venexiana Stevenson... mais aussi des personnages historiques réels, comme Enver Pasha.



L'action se déroule en 1921 et emmène le lecteur de Rhodes à l'Anatolie, aux confins des territoires kurdes, en bordure de l'URSS. Pratt aborde plusieurs questions cruciales comme celle d'une nation kurde, d'un état islamique, d'un pantouranisme... Donc, plus largement Pratt aborde les nationalismes. Sujet fort souvent traité par l'auteur, mais rarement avec une telle intensité et un tel goût de la dérision et du cynisme. Il faut dire que la présence de Raspoutine y est pour beaucoup. Il a même tendance à voler la vedette à Corto.



Le tout est emballé dans 145 planches découpées le plus souvent en 10-12 cases (où malheureusement les dialogues phagocytent pas mal l'espace) qui apportent énormément de contenu et de matière à réflexion. Le tout est émaillé de moments de gaudriole, de danses échevelées et de drogue, car que serait un épisode de Corto Maltese sans ces épisodes oniriques où plus rien ne semble plus avoir le moindre sens? Et n'est-on pas à deux encablures du territoire des Hashashiyyin, la secte islamique ismaélienne des Nizârites qui prospéra entre les XI et XIII siècles? D'ailleurs, la maison dorée du titre désigne à la fois une prison physique et celle mentale que se construisent les victimes d'assuétudes.
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Les enfants de Sitting Bull

Incroyable ! La réalité dépasse la fiction. Est-ce vrai ce que raconte Baudoin sur son grand-père ? On va se dire que oui. Il a traversé les mers sur un baleinier, a été chercheur d'or, a croisé Buffalo Bill. Après les bisons et les constructions à New York, il posera enfin ses valises à Nice où naîtra plus tard cet incroyable Edmond Baudoin que j'adore tant pour son univers, ses dessins et la liberté qu'il se donne dans ses œuvres.

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La panthère des neiges

N°1874– Mai 2024.



La panthère des neiges – Sylvain Tesson – Vincent Munier – Gallimard.



Sylvain Tesson est vraiment l’homme de tous les défis, surtout quand il y a y a un voyage en jeu. Ainsi quand le photographe animalier Vincent Munier lui a proposé de l’accompagner au Tibet à la poursuite de la panthère des neiges, sa réponse ne pouvait être que positive et enthousiaste puisque cette quête supposait aussi une qualité supplémentaire ; la patience. Avec Marie, cinéaste animalière, compagne de Vincent et Léo, doctorant en philosophie et aide-photographe, ils formèrent cette « bande des quatre » qui allaient arpenter la Chine.

Ils escaladèrent donc jusqu’à 5 200 mètres, aux sources du Mékong et après avoir croisé des ânes sauvages, des chèvres bleues, des yacks, des aigles, leur patience a été récompensée par des « apparitions » de cette panthère des neiges qui les observait sans crainte et même avec une certaine tolérance, comme des voyageurs curieux, avec qui elle partageait temporairement son territoire et un moment de sa vie sauvage.

Pour Tesson, cette solitude et ce froid évoquent cette fille « tiède et blanche qui vivait dans la forêt des Landes ». Elle, son seul amour, était retournée à sa vie sauvage, sans lui, et la regrettait . Ce voyage vers la nature avait quelque chose de symbolique. Il associe aussi cette période de sa vie à l’enterrement de sa mère où les sentiments et les certitudes exprimés, comme à chaque fois devant un cercueil, ne durent qu’un moment devant la vie qui reprend ses droits. Dans l’image de la panthère, distante et insaisissable il revoyait les traits de sa mère qui avait tout sa vie cultivé l’art de disparaître et le goût du silence . Ce fut pour lui une consolation.

L’affût, l’attente silencieuse et glacée de cette bête mythique favorisent la réflexion de Tesson sur le monde qui l’entoure et sur l’humanité. Il y jette un œil désespéré, constatant que ce monde va à grands pas vers sa perte dans l’indifférence générale. Cela fait naître sous sa plume une bonne dose d’aphorismes quelque peu désabusés. Lors de ce séjour glacé il retrouve cette nature et nous la fait partager. C’est aussi, un peu comme toujours, un retour sur lui-même.



J’ai retrouvé avec plaisir la belle écriture, poétique et érudite de Tesson qui illustre les sublimes photographies de Vincent Munier où l’œil peine à distinguer la présence de l’animale tant son pelage se confond avec les rochers.

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Le goût de New York

Je ne me lasse pas de cette petite collection "Le goût des villes" des éditions Mercure de France. Il s'agit d'un recueil de textes extraits de romans ou récits, un appel au voyage sous forme de guide littéraire. Alors comme j'ai l'intention d'aller sur la côte Est des États-Unis, je commence à me préparer avec "Le goût de New York" dont les textes sont choisis et présentés par Jérôme Neutres. Je dois dire qu'il a fait un excellent travail car la matière est riche et la sélection n'a pas dû être facile.



On y trouve pas mal d'auteurs américains mais pas uniquement et si la diversité est appréciable, je regrette le peu de femmes mises en avant. Il y a seulement deux autrices, c'est le seul défaut de ce livre.

Il s'ouvre sur un chapitre intitulé Rêver New York : l'eldorado contemporain, avec les chantres de la ville cinématographique qui fait rêver avec en premier lieu Walt Whitman et sa poésie.

Puis vient le chapitre Voir New York : la ville debout, avec son architecture aussi humaine qu'inhumaine mais toujours enthousiasmante avec la Skyline de Manhattan, ses ponts, son métro et ses graffitis.

Le troisième chapitre s'intitule Vivre New York : le pays de la chance. Il concerne les fastes de la vie sociale new-yorkaise de différents points de vue, avec les extraits des deux ouvrages de femmes, Édith Wharton et Maryse Condé.

Enfin l'auteur termine par les racines pionnières de la ville contemporaine avec un chapitre intitulé Penser New-York : la ville non éternelle, qui a le grand mérite de se clore par Paul Auster et sa trilogie new-yorkaise comme un hommage à celui qui vient de nous quitter.



J'ai donc passé un bon moment de lecture avec d'autres incontournables bien présents comme Tom Wolfe ou Bret Easton Ellis mais aussi des découvertes et je sens que ma pile-à-lire n'est pas prête de diminuer. Heureusement, j'ai encore un peu de temps avant de faire mes bagages.





Challenge Riquiqui 2024

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Istanbul

Dans un domaine encombré, celui des récits de voyage sur Istanbul, j'ai beaucoup apprécié celui de Daniel Rondeau. Le livre possède un charme assez puissant à l'image de la ville qu'il décrit. On n'oubliera pas ces hommes taiseux fumant cigarette sur cigarette et occupés toute la journée à pécher que l'on a en effet croisé à Istanbul. Ce livre est tout à la fois une exploration désordonnée de la ville, une réflexion littéraire et historique assez passionnante qui témoigne d'une belle érudition, mais que je n'ai jamais trouvé ennuyeuse. Nous sommes ici en belle compagnie, avec la grand photographe Ara Güler, Loti et beaucoup d'autres. Il m'a semblé que ce livre court disait beaucoup de la ville. Daniel Rondeau y témoigne d'une curiosité remarquable et d'un intérêt constant pour les pierres mais surtout pour les gens, parfois hauts en couleurs.

Sa construction se révèle très intéressante et son écriture, par petits paragraphes passant sans relâche de l'anecdote vécue à de multiples références puisées dans la vaste culture de l'auteur, m'a vraiment beaucoup plu.

Un récit de voyage remarquable et j'inclus Daniel Rondeau, écrivain atypique à mon Panthéon sur ce plan en belle compagnie : Claudio Magris, Bill Bryson, François-Henri Désérable, parmi d'autres !
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Les pierres de Florence

Rien ne m'a plu dans ce livre, vaste dissertation sur Florence qui montre l'érudition veillotte d'une américaine cultivée, mais qui peine à nous intéresser à son objet.

Mystérieusement recommandé par le guide du Routard dans son guide sur Florence (sans doute pour ajouter une ligne à la bibliographie), le livre que j'imaginais comme une sorte de récit de voyage plein de charme est en faite léger comme du plomb. J'avais adoré le magnifique Visa pour Venise de Jan Morris publié en Folio, il y avait à la fois le charme de Venise, des années 60 ou 50 je ne me rappelle plus, des anecdotes, un récit enlevé...

Là c'est une juste cela : une longue dissertation pénible, pleine de généralités, d'anecdotes historiques pour la plupart plus ou moins fausses si l'on se réfère aux historiens spécialisés sur cette période.

Plus embêtant encore, la date d'édition confuse du livre 1994, mais pour une édition originale datée des années 1950 ? 1960 ? On n'en sait rien ce qui fait que tout ce qui est dit dans l'intro par exemple parait complètement abscons. L'autrice y dépeint une ville polluée par les voitures et embouteillées quand aujourd'hui la ZTL typiquement italienne en fait un paradis pour piéton.

En somme un livre inutilisable, vieillot, historiquement faux dans le détail.

Par ailleurs le livre est relativement compliqué, sans note, sans illustration et il se révèle pénible à la lecture quand on ne voit pas de quoi elle parle.

Franchement aucun intérêt.
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Au coeur des ténèbres

Ce livre m'a ensorcelée…à l'image de la couverture que je trouve particulièrement bien trouvée, « La charmeuse de serpents » du Douanier Rousseau…Même exotisme, même fascination, même atmosphère. Il m'a fallu le lire à voix haute tant je le trouvais tout d'abord complexe et alambiqué. Peu à peu le charme a opéré, j'ai été mordue. Les phrases, murmurées, d'une poésie exotique magnifique, ont diffusé leur venin pour laisser une empreinte singulière, l'empreinte funeste du coeur des ténèbres dans lequel ce livre nous invite, jusqu'à nous étouffer.



Joseph Conrad nous convie à suivre ses pas, à prendre le chemin que lui-même avait déjà emprunté, direction le coeur des ténèbres du Congo belge, vaste jungle primaire habitée par des peuplades primitives, où se trouve le précieux ivoire pour lequel les pèlerins blancs sont prêts à tout, y compris à faire éclore leurs propre ténèbres.



« le mot “ivoire” passait dans l'air, tour à tour murmuré ou soupiré. On eût cru qu'ils lui adressaient des prières »



Mais avant de partir dans la folie congolaise, il faut passer par la Belgique pour se faire engager. Conrad compare Bruxelles à un sépulcre blanchi, la mort étant évoquée à travers ces deux femmes tricotant devant le bureau du Directeur de la Compagnie des Indes, tressant « leur laine noire comme pour en faire un chaud linceul », funeste présage avant même le départ que raconte un certain Marlow, sorte de double de l'auteur. La visite au docteur, obligatoire pour tous les engagés, lui fait craindre le pire, le médecin lui mesurant la tête, l'interrogeant sur l'existence ou non de problèmes psychiatriques dans la famille...Peu reviennent du Congo belge, du moins peu en reviennent sain d'esprit…La Nature sauvage, puissante, impérieuse, diffuse ses ténèbres aux hommes qui basculent alors dans la sauvagerie la plus primaire.



Ce passage de l'un à l'autre, cette inoculation hallucinante, si je peux dire, des ténèbres de la Nature à celles des hommes, ce processus d'ensauvagement des hommes blancs, est narré de façon sublime, très imagée. Conrad, en auteur de la mer, emploie souvent des images maritimes, celles des vagues impétueuses. le but de l'auteur est de montrer comme les forces morales des hommes blancs (Conrad les appelle les pèlerins tant ils se pensent investis d'une grande mission civilisatrice), soi-disant civilisés, alors qu'ils ne font que piller l'ivoire, s'effondrent progressivement comme ensevelies, submergées par cette Nature foisonnante qui semble deviner leur sombre dessein.



« Des arbres, des arbres, des millions d'arbres, massifs, immenses, jaillissant très haut ; et à leur pied, serrant la rive à contre-courant, se trainait le petit vapeur encrassé, comme un bousier paresseux rampant sur sol d'un noble portique ».



Ce livre raconte l'aventure du capitaine Marlow et sa rencontre avec Kurtz, héros personnifiant précisément les sombres dérives de l'homme bousculant dans la sauvagerie. Sans doute que via Marlow, Conrad se libère des images noires qui l'ont habité lors de son propre séjour dans la folie congolaise.

C'est un récit pittoresque, exotique, empreint d'un certain racisme, celui qui avait cours à cette époque. L'auteur dénonce certes la cupidité des hommes blancs, leur petitesse, l'impérialisme de Léopold II, tout en regardant les hommes noirs avec une certaine condescendance. En ce sens, on ne peut pas vraiment dire que ce livre soit un réquisitoire contre le colonialisme. C'est bien plutôt un récit sincère, sombre et sans espoir, inscrit dans son époque, qui veut montrer que, dans le cadre du colonialisme, toute civilisation tombe dans la sauvagerie. Conrad reste bien du côté du colon, dans un regard eurocentré avec les biais racistes de son époque, mais un regard sombre et amer, me semble-t-il.



« Ils braillaient, sautaient, pirouettaient, faisaient d'horribles grimaces, mais ce qui faisait frissonner, c'était bien la pensée de leur humanité – pareille à la nôtre – la pensée de notre parenté lointaine avec ce tumulte sauvage et passionné. Hideur. Oui, c'était assez hideux ».



Ce regard des colons, entachés de clichés et de racisme, entraine en effet inévitablement une rencontre ratée avec cette Afrique vue à travers le filtre de la force primaire, de l'anthropophagie, de la bestialité et d'où émane « L'odeur de boue, de la boue des premiers âges ». Cette façon d'être en Afrique ne peut que venir ronger leurs rapports avec ces tribus, dresser un mur et les enliser jusqu'au pourrissement. Comme rejetés, crachés, vomis. le coeur des ténèbres victorieuses au battement régulier et sourd comme ce bruit régulier de tam-tam entendu souvent derrière l'épais rideau d'arbres.



J'ai aimé la façon dont Conrad entoure de mystère cet homme dont tout le monde parle, Kurtz, et la fascination qu'il engendre. Kurtz semble avoir disparu, on ne sait pas vraiment s'il est mort et la mission de Marlow est de le ramener. On le dit homme cultivé, artiste, peintre, homme remarquable. Marlow découvrira un homme devenu sauvage, qui a su se faire accepter par les tribus mais qui a entouré sa maison de têtes décapitées et empalées sur des pieux, têtes de rebelles, ce qui en dit long en réalité, sur son emprise. Ses seuls mots, bredouillés au seuil de la mort, seront « L'horreur ! L'horreur ! ». Son portrait, tout en subtilité et nuances, est complexe et mériterait, de ma part, une relecture pour tenter d'en comprendre tous les messages et déterminer si Conrad est bien cet écrivain impérial ou au contraire un écrivain anti-colonial, il me semble que ce personnage de Kurtz permet d'avoir quelques clés pour mieux comprendre. Et au-delà de la cette compréhension, la complexité du personnage décrit en fait un personnage de littérature fascinant qui mérite d'être revisité. Ce d'autant plus que, sans doute, ce personnage complexe traduit les propres ténèbres intérieures et contradictoires de l'auteur.



J'ai adoré l'écriture de Joseph Conrad pour décrire ces ténèbres, cette nature sauvage. J'y étais. Je voyais cette foule d'adorateurs soumis autour de Kurtz, l'obscurité de la forêt, le scintillement de la longueur du fleuve entre les sombres courbes, j'entendais le battement du tam-tam, régulier et sourd, comme un battement de coeur…J'ai senti combien Kurtz, rassasié d'émotions primitives, était devenu sombre, l'ombre de lui-même, « une ombre insatiable d'apparences splendides, de réalités effroyables, une ombre plus ténébreuse que l'ombre de la nuit, et drapée noblement dans les plis d'une éloquence fastueuse ».





C'est d'une beauté absolue, d'un exotisme hypnotisant, je crois n'avoir jamais rien lu ainsi sur l'Afrique, et compense largement la complexité du récit par moment et le véritable dessein de l'auteur que plusieurs relectures me permettront peut-être de mieux comprendre. Me restent, en attendant ce second rendez-vous, une sensation étouffante, intense, mystérieuse et un style classique au charme suranné.





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Vers le sud

N°1873– Mai 2024.



Vers le sud – Dany Laferrière – Bernard Grasset.



Ce sont 20 nouvelles qui forment entre elles un roman qui traite de la séduction et du pouvoir à Haïti, pays d’origine de l’auteur. Des femmes blanches, frustrées ou un peu vieillissantes viennent en célibataires pour un séjour de farniente afin de profiter sexuellement de jeunes éphèbes noirs dont elles rémunèrent les « prestations ». On peut y voir une réalité, un tourisme sexuel où le pouvoir réside certes dans l’argent mais aussi dans la jeunesse et la beauté ou une revanche sur l’ancien colonisateur. Bien entendu la prostitution féminine existe aussi mais dans ce roman où la vie des personnages s’entremêlent on a de ce pays pauvre, instable politiquement, meurtri par la dictature et la corruption, injuste socialement, une image un peu sordide malgré les paysages paradisiaques attachés aux Caraïbes.



Vers le sud – Un film de Laurent Cantet.



Ces nouvelles de l’écrivain haïtien Dany Laferrière, de l’académie française, ont été adaptées par Laurent Cantet (1961-2024), réalisateur et scénariste de cinéma et de télévision qui vient de nous quitter.



Avec ce film de 2005 le cinéaste s’attaque à un problème de sons temps, celui du tourisme sexuel, mais pas exactement dans le sens auquel on peut s’attendre. Pour cela il met en scène trois femmes blanches, américaines et québécoises, Ellen (Charlotte Rampling), Brenda (Karen Young) et Sue (Louise Portal) qui viennent, en célibataires, chercher à Haïti,en 1979, le plaisir avec de jeunes noirs et spécialement Legba (Menolty Cesar) que deux d’entre elles se partagent se partagent. Elles ne sont d’ailleurs pas les seules et Ellen confie revenir chaque année à Port au Princes pour le plaisir de rencontrer des jeunes qui deviennent leurs amants. Toutes passent ici un séjour après quoi elles repartiront vers leur quotidien parce que la règle non-écrite est que personne ne s’attache à personne et que chacun oublie l’autre après en avoir profité. Chacune de ces trois femmes se présente dans un monologue et Brenda nous confie être déjà venue avec son mari, il y a trois ans et avoir déjà connu Legba qu’elle n’a pas oublié. Lui ne vit que du plaisir qu’il donne à ces femmes et en retire de l’argent, des cadeaux... Sa mère voudrait bien qu’il revienne vivre chez elle, qu’il change de vie, se range, mais accepte son argent faute de pouvoir faire autrement.

Ce pays est pauvre et instable où l’armée est aux ordres d’un pouvoir corrompu et dictatorial. Il n’y a que très peu infrastructures touristiques et la prostitution aussi bien féminine que masculine s’ajoute au soleil, aux palmiers, à la mer, au farniente...les autorités tolèrent cet équilibre fragile simplement parce que ce tourisme sexuel rapporte de l’argent à un pays qui en a bien besoin. A ce titre, les ordres de ces femmes blanches sont exécutés et elles-mêmes sont respectées ou à tout le moins tolérées, parce qu’elles apportent des devises. Elles ne sont jamais inquiétées quand un meurtre a lieu dans cette communauté de jeunes hommes. En revanche ces éphèbes sont rejetés, à l’image de l’attitude révélatrice du patron de l’hôtel face à Legba, ce qui n’est pas du racisme mais du mépris.

Ce qui au départ n’était qu’un jeu, une simple quête du plaisir pour ces femmes qui trouvaient dans ce pays l’opportunité de faire ce qu’elle ne pouvaient pas ou n’osaient pas faire chez elles, se transforme pour Brenda en un drame. Ses larmes du début, quand elle se souvient de son premier adultère avec Legba, font écho à celles qu’elle verse pour la mort de son amant et aussi à celles d’Ellen qui prend conscience, en rentrant définitivement chez elle, de la fin de ce jeu de l’amour, de la perte de Legba à qui, malgré tout elle était attachée et aussi à celle de Brenda désormais sans attache, qui choisit de rester dans ce sud paradisiaque pour oublier ce bouleversement dans sa vie.

D’ordinaire on jetait, avec raison, l’opprobre sur ces hommes qui choisissaient des pays d’Asie, non pour leur culture ou leurs paysages, mais parce qu’ils y trouvaient l’occasion de pratiques sexuelles proscrites et surtout condamnées dans leur propre pays. On a beaucoup parlé des situations dont les femmes ont toujours été victimes dans toutes les couches de la société, de la part d’hommes influents qui ont profité de leur position dominante. Une certaine littérature, notamment vaudevillesque, s’en est même largement nourrie. Des actions judiciaires sont actuellement pendantes, des esclandres ont été dénoncés, des scandales ont éclaté et un mouvement général de libération de la parole s’est développé, dénonçant cette situation inacceptable de dépendance dans un pays où la femme est traditionnellement regardée comme un pilier de la famille.



Ce film, tourné en République dominicaine et à Haïti, a l’avantage de lever l’hypocrisie sur la réalité du tourisme sexuel, sur cette nature humaine à laquelle nous appartenons tous, où la recherche du plaisir charnel est une constante, nonobstant toutes les paroles lénifiantes qui peuvent être dites, que cela implique les hommes autant que les femmes, jusques dans l’oubli du risque des maladies vénériennes. Cela est rappelé par une mère de famille au début du film «  Les bons masques sont mélangés avec les mauvais, mais tous portent un masque ». C’est là une marque universelle soulignée par le mélange des langues anglaise et française.



Le décès de Laurent Cantet a provoqué un grand nombre d’hommages bienvenus pour faire connaître son œuvre. C’est peut-être dommage qu’on ne le reconnaisse que maintenant.



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Billy Summers

Certains diront peut-être que j'ai un coeur de midinette, mais Stephen King a encore réussi à m'émouvoir. J'ai fermé le livre les larmes aux yeux et ce n'était pas la première fois pendant cette lecture. Alors bien sûr, l'histoire n'est pas la plus originale du monde, certains personnages sont des caricatures de ce type de scénarios, mais il y a Billy, mais il y a Alice, mais il y a Bucky. Je les ais aimés ces trois-là, même si ce ne sont pas des enfants de coeur, surtout les deux hommes, même si le King a pris son temps pour nous présenter Billy. il le fallait pour le faire vivre, exister à nos yeux en tant qu'homme et pas seulement chasseur de primes.



Parce que oui Billy est un chasseur de primes, un bon, très bon même. Il a appris dans les marines et s'est longuement exercé en Irak. Expérience irremplaçable dans l'exercice de ce métier, même s'il faut aussi des dispositions naturelles pour devenir le meilleur sniper du régiment. Alors revenu en Amérique, pourquoi ne pas continuer à tuer, et être payé pour. Bien sûr, il ne tuera que des méchants, des vraiment méchants. Cela en fait-il quelqu'un de bien, la question n'est pas simple. Décider que quelqu'un est assez méchant pour devoir être tué, mine de rien, Stephen King nous ouvre avec cette problématique un champ de réflexion immense.



Mais aujourd'hui Billy est fatigué il veut arrêter, prendre sa retraite, Alors un dernier contrat, très bien payé, ça ne se refuse pas, même s'il sent très vite que, pour le dire sans gants : ça pue cette histoire. Des petites choses qui l'alertent, mais sans doute pas autant qu'il le faudrait, parce que Billy, que ceux qui l'emploient pensent un peu demeuré, Billy est un amateur de mots, ceux écrits par d'autres, et ceux que lui commence à écrire. Pensez-donc, pour ce contrat, la période où il doit se fondre dans la population locale, il est censé être un écrivain envoyé dans ce trou perdu par son agent pour terminer son premier livre. Il n'était que censé, mais il va se prendre au jeu et commencer à écrire l'histoire de sa vie. Et cela va le remuer, parce que sa vie n'a pas été un chemin de roses, plutôt plus proche du chemin de croix. Et en revivre certains moments n'est pas facile. Cela va mobiliser son attention, son esprit, peut-être plus qu'il n'aurait fallu.Sans compter les relations qu'il va nouer dans son entourage, qui lui font oublier un peu qu'il est là en attente de cet homme sur les marches du tribunal, cet homme qu'il doit abattre, le dernier ...



Bucky c'est son agent, pas littéraire cette fois, mais agent pour le mettre en contact avec ceux qui ont besoin de ses services, et puis Alice, Alice si fragile et si forte à la fois… Je vous laisse la découvrir….



Je ne suis pas (encore) une grosse lectrice du King, celui-ci doit être le quatrième. Alors je ne vais pas me livrer à des comparaisons. Ce que je sais c'est que j'ai aimé. Après la partie présentation, où l'on voit Billy s'installer dans cette petite ville, nouer des liens, devenir de plus en plus humain à nos yeux, tout en préparant la suite des opérations, partie que j'ai trouvée un petit peu lente, j'ai eu vraiment du mal à quitter tout ce petit monde et à fermer le livre, temporairement.



Il y a en tout premier lieu ces personnages, que l'auteur rend si vivants, si incarnés, si attachants, c'est pour moi le point le plus important du roman. Mais aussi, le scénario, qui effectivement sur la base n'est pas très original, le dernier coup qui va mal se passer et le héros qui va vouloir se venger, mais dans lequel l'auteur s'emploie à déposer les petits cailloux qui viendront après crédibiliser la suite, et auquel il sait insuffler un rythme et une tension qui ne nous laissent plus aucun répit.



Et puis, ce que je connaissais moins de l'auteur, c'est son amour de la littérature et des écrivains. Il y a de belles phrases sur le métier d'écrivain et le pouvoir de celui-ci. Je vous laisse en compagnie du King :

« Saviez-vous que c'était possible ? Saviez-vous qu'il était possible de s'asseoir devant un écran ou une feuille de papier et de changer le monde ? Ça ne dure pas, le monde finit toujours par revenir, mais en attendant, c'est génial. Il n'y a rien de mieux. Car tout se passe comme vous le voulez »

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Agatha Christie's England: A Map and Guide ..

Un guide de voyage bien pratique pour les fans d'Agatha Christie. Tous les sites anglais mentionnés dans ses romans y sont répertoriés et commentés, ainsi que les lieux où la romancière a vécu.

Bien sûr, St Mary Mead, le village de Miss Marple ne peut être localisé, étant donné qu'il sort purement et simplement de l'imagination d'Agatha Christie. Mais un court séjour à Londres peut déjà vous permettre de remonter le temps et le cours de vos lectures de cet auteur si prolifique.
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Billy Summers

Billy Summers est un titre qui claque à mes oreilles un peu à l'image d'un film de Quentin Tarentino…Tenez, prenez Jackie Brown et sa musique d'ouverture, Across 110th street de Bobby Womack, voilà le type d'ambiance qui m'apparait à l'évocation de Billy Summers, et ce instantanément. A l'instar du réalisateur emblématique, l'auteur mythique met un personnage, et quel personnage, sous les feux des projecteurs.

Se met en branle aussi la musique d'Eric Serra accompagnant l'irrésistible Léon de Luc Besson, lui aussi tueur à gage au grand coeur dont la rencontre avec une petite fille va bouleverser la vie. Et Billy Summers est une sorte de Léon à l'américaine…Ce parallèle est évident de sorte que je voyais Jean Reno dans la peau de Billy Summers…Et la petite Nathalie Portman aussi dans celle de la jeune Alice…



Références cinématographiques plutôt lumineuses, il faut dire que ce roman fait partie des livres soft du King, rien de gore, rien de surnaturel, rien de monstrueux si ce n'est la monstruosité de la psychologie humaine. Rien de très original non plus, par rapport à l'étonnant Marche ou crève par exemple, ou encore à l'emblématique, et adoré pour ma part, 22/11/1963 dans lequel l'auteur revisitait à sa manière le voyage dans le temps…Mais une structure narrative particulièrement efficace et addictive, la focalisation sur un personnage auquel le lecteur s'attache tout particulièrement et surtout une certaine profondeur sous des apparences simples. L'histoire, au printemps 2019, d'un tueur à gages, « un éboueur armé d'un flingue », ancien tireur d'élite de l'armée des États-Unis, vétéran de la guerre en Irak, dénommé Billy Summers qui ne tue que les méchants, ceux qui le méritent vraiment, autrement dit il est « un type bien qui fait un sale boulot ». Soit.

Mais, à l'image de ce Billy Summers qui fait exprès de se faire passer pour un idiot pour cacher son intelligence à ceux qui l'emploient - être considéré comme tel recèle beaucoup d'avantages et permet notamment d'avoir des coups d'avance- le roman n'est pas seulement un simple thriller comme nous en avons d'abord l'impression, mais aussi, et surtout, un roman social dans lequel l'auteur règle ses comptes avec l'Amérique trumpienne, un drame de guerre, un road trip, une ode à l'écriture et à la littérature.



Pour Billy Summers, il s'agit du dernier coup avant la retraite. Deux millions de dollars à la clé puis il prendra la poudre d'escampette. Il s'agit de tuer un prisonnier, un méchant qui s'en est pris à un collégien de quinze ans, qui détient trop de secrets compromettant, secrets qu'il peut faire valoir afin d'éviter la peine de mort. Il faut donc le tuer avant son procès qui aura lieu dans quelques semaines, voire dans quelques mois. Billy s'installe ainsi dans une petite bourgade du Mississippi au sein de laquelle, pour ses voisins, il se fait passer pour écrivain. Son bureau par ailleurs est situé pile en face du palais de justice, de la fenêtre il pourra atteindre sa cible. Pour les autres personnes qui travaillent dans cet immeuble, il est également un écrivain qui a besoin de s'astreindre à plusieurs heures d'écriture dans un bureau, au calme. L'auteur prend le temps de camper son personnage et de s'immerger dans sa nouvelle identité, se liant avec ses voisins, déjeunant avec les employés de l'immeuble.



Il se trouve que Billy Summers est un passionné de littérature, sa lecture du moment n'est pas moins que Thérèse Raquin de Zola. King semble rendre hommage à l'un des maîtres de la littérature française, révélant sans doute sa fascination pour le naturalisme.

Pour passer le temps et assurer sa couverture, Billy se met vraiment à écrire. Il écrit sa vie à la manière d'un idiot, au cas où son ordinateur est piraté et qu'il est espionné, un peu dans le style de Faulkner dans le bruit et la fureur, se dénommant même dans ce roman Benjy Cobson. Enfance traumatisante, Guerre en Irak atroce, métier de tueurs à gage glaçant, tels sont les ingrédients de ce vrai-faux livre…Se glisse véritablement dans le livre un roman dans le roman, deux romans qui s'entrelacent aux styles et aux tons très différents, prouvant, s'il en était encore nécessaire, le talent de l'auteur américain pour jongler habilement avec les perspectives et les ambiances. La multiplication des identités de Billy Summers est également une foisonnante source de jeu et de connivence avec son lecteur…

Billy Summers, dans cette période de l'attente, dans cette période d'écriture – soulignons d'ailleurs que l'auteur fait un clin d'oeil à Misery avec cette mise en abîme de tueur à gage justicier se créant un personnage d'écrivain pour alibi - va se surprendre lui-même dans sa capacité à se lier d'amitié, dans son envie très forte d'écrire, dans cette vie qui semble enfin germer en lui et faire éclore l'espoir d'une vie autre.



Une fois la mission accomplie, c'est cependant la fuite d'autant plus que quelque chose ne tourne pas rond. Il a l'impression de s'être fait avoir par ses employeurs. Fuite d'autant plus rocambolesque que vient se greffer Alice, une jeune femme dont le drame récent rend vulnérable. le livre se transforme alors en un passionnant road trip à deux où seuls comptent le voyage et les rencontres. Duo touchant et improbable que je vous laisse découvrir…



Dans ce livre, j'ai été totalement sous le charme des images et de leur incroyable puissance évocatrice. Impossible de ne pas garder certaines scènes en tête une fois le livre refermé. Je l'avais déjà ressenti avec 22/11/1963. Me resteront par exemple les souvenirs de parties endiablées de Monopoly par temps de pluie avec les enfants du quartier tout en mangeant des gâteaux faits maison, l'écriture dans la cabane en pleine nature située au fond du jardin de son ami (et ce tableau au-dessus du bureau qu'il ne cesse de retourner, sans doute la seule petite touche fantastique du livre, tel un clin d'oeil)…Ce sont des moments simples mais forts, des moments que nous avons tous vécus et qui évoquent l'enfance, la famille, le confort et la sécurité, cette atmosphère de cocon lorsque les éléments se déchainent au dehors…



Au-delà de l'histoire, ce livre est un véritable réquisitoire contre la peine de mort avec son lot de questions classiques : certains êtres méritent-ils plus que d'autres, du fait de leur « méchanceté », du fait des actes commis, de mourir ? La loi du Tallion est-elle une solution, ne nous rend-elle pas justement inhumains ? Qu'est-ce que faire justice ? Comment est-il possible de s'attacher, en tant que lecteur, à un tueur à gage, certes au grand coeur et aux modus operandi basé sur un certain code d'honneur ? Un tueur, quel qu'il soit, peut-il être « aimable » ? Si le message transmis par l'auteur est flou et paradoxal en la matière, nous sentons sans conteste sa fascination pour cette thématique autour de laquelle il tourne, creusant un sillon se faisant peu à peu cicatrice.





Si j'ai un peu tiqué au début de ma lecture, c'est parce qu'il me semblait que le livre allait être très manichéen, ce tueur à gage ne tuant que les « méchants ». Il n'en est rien, bien au contraire, le livre montre justement que chaque personne n'est ni bonne ni mauvaise mais fait ses choix en lien avec son histoire et sa psychologie, son caractère. Sans être très original, la structure narrative addictive, le livre dans le livre vertigineusement fascinant, le côté paradoxal de la peine de mort décidé par un être profondément humain, et la fin, malheureusement bien prévisible, mais très touchante, tendre et délicate, voilà ce qui fait de Billy Summers un livre inoubliable au flow mélodique très américain, petite musique qui reste en tête, subrepticement, telle une ritournelle entêtante…



Un merci à Sandrine, Doriane, Nicola et Anne-Sophie pour cette lecture partagée !





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L'enclave

C’est un beau roman d’apprentissage que nous propose Benoit Vitkine, spécialiste des pays de l’ex-URSS et de l’Europe de l'Est.

Ilia, jeune voyou surnommé Le Gris, sort de prison et commence un long voyage pour rejoindre sa mère dans sa ville natale de Sovietsk sur la rive sud du Niémen. Le récit se déroule en 1991, et, cette année est celle de l’indépendance des pays Baltes. La ville natale du Gris se trouve dans l’enclave, l’Oblast de Kaliningrad, coupée de la Russie par la Pologne et la Lituanie, mais conservant un débouché sur la mer Baltique.

Loin d’une leçon magistrale de géopolitique, l’auteur, à travers les rencontres que le jeune garçon va faire tout au long de son voyage, nous montre cette période de basculement et d’incertitude tout en nous éclairant sur les aléas de l’histoire.

Le jeune garçon, aspire à la liberté, mais saura-t-il la trouver dans une URSS qui se délite et où chacun se prépare à un changement de vie ? Les tensions entre russes et autres nationalités augmentent tandis que les truands s’adaptent aux changements politiques sans état d’âme et que la corruption et la violence sont partout.

Comme dans un conte initiatique, chaque rencontre réserve une épreuve à Ilia ainsi que l’occasion de mieux comprendre les soubresauts de l’histoire. Mais cette liberté qui semble à portée de main, sera étouffée par la police et par les militaires qui sont là pour rappeler les dures lois de l’autocratie.



Malgré ses défauts de petit voyou sans foi ni loi, le jeune Ilia m’a touché par sa crédulité et son espoir fou de liberté. Il doit surmonter de nombreuses épreuves avant d’arriver chez lui et son avenir ne sera pas celui qu’il espérait.

Un roman d’apprentissage avec d’intéressants portraits humains et une découverte de cette région de Russie méconnue qui m’a enchantée. De plus, l’écriture fluide, rythmée de Benoit Vitkine nous emporte avec ardeur dans cette aventure humaine et historique.



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