Épopée de poche, à l’humour permanent, autodérision en prime, écrit d’une main alerte et légèrement sarcastique, voici un livre absolument nécessaire en ces temps où la littérature est trop souvent contemplation morose de son nombril.
Lire la critique sur le site : Marianne_
(Les premières pages du livre)
Note de l’éditeur
Ce périple, trois jeunes gens l’ont réellement entrepris, au mépris du danger, au péril de leur vie, et malgré les supplications de leurs familles respectives. Ils l’ont fait pour le rayonnement de la France, le progrès de la science et aussi un peu pour passer le temps. Il en résulte ce roman d’aventure avec de l’action à l’intérieur et aussi des temps calmes et du passé simple. Hormis deux ou trois passages inquiétants, le suspense y est supportable et l’œuvre reste accessible au public poitrinaire. A noter la présence de nombreux adverbes (un millier environ). Pour plus de commodité dans la lecture, la carte utilisée pour l’expédition a été reproduite en fin d’ouvrage, avec l’aimable autorisation de la Société de Géographie, sise 184 boulevard Saint-Germain à Paris (Seine).
L’éditeur ne saurait être tenu responsable des mauvaises idées que ce livre ne manquera pas d’instiller dans le cerveau vicié des nouvelles générations gavées d’écran et pourries à la moelle. Cette aventure a été réalisée par des professionnels. N’essayez pas de la reproduire chez vous.
1. Typologie du genre humain– L’aventurier contre tout chacal.
Il existe deux catégories d’individus. Ceux qui prennent des risques et ceux qui n’en prennent pas. Les aventuriers et les autres. Pour ce qui me concerne, j’appartiens à la première catégorie. Les aventuriers vivent une vie trépidante et portent des gilets à poches; Ils courent le monde, gravissent des sommets, tombent dans des crevasses, s’écorchent les genoux et se fourrent dans des tas de situations impossibles. Quand ils rentrent à la maison, ils racontent leur aventure en enjolivant à peine, parce que c’est bien joli de ficher le camp aux cinq cents diables, si on ne peut en parler au retour, ça ne sert rien. Quand l’entourage a suffisamment soupé du récit des aventures, il est temps de repartir à l’aventure. Telle est la destinée des aventuriers. C’est à ce prix, à ce prix seulement, qu’ils font rêver les enfants, dont un sur dix-mille environ deviendra aventurier à son tour. Les autres seront commissaires de police, fonctionnaires des Postes, épiciers, assureurs, vendeurs de cigarettes électroniques, Bid managers, Scrum masters ou chief hapiness officer comme tout un chacun. On entoure les aventuriers d’un certain prestige et c’est pourquoi les autres, c’est-à-dire les individus non-aventuriers ne les aiment pas beaucoup. Ils disent que les aventuriers se vantent. Nous ne nous vantons pas. Nous enchantons le monde en l’honorant de notre visite et portons à la connaissance d’autrui le merveilleux des confins par le récit époustouflant de nos folles tribulations. Aussi, il arrive que nous passions à la télévision. Sur des plateaux climatisés, devant des animateurs aux dents excessivement blanches, nous célébrons les joies de la vie au grand air. A ces fins, j’ai moi-même entrepris d’étaler sur deux-cent-onze pages, au passé simple et à l’imparfait, le récit de mon aventure. Les événements que je m’apprête à raconter se sont déroulés comme suit, il y a quelques années de cela. Je dis quelques années par effet de style mais je sais fort bien qu’ils eurent lieu à l’été 2018. J’avais 26 ans et laisserai dire, si ça vous amuse, que c’est le plus bel âge de la vie. C’était l’été, donc, un été de canicule. Pour ceux qui n’auraient pas compris: il faisait chaud. Un matin, c’était un lundi je crois, je longeais les quais de Seine pour me rendre dans une boutique de modélisme ferroviaire, quand, soudain, me vient cette réflexion: «Toute cette eau, quand même...» Puis je pense à autre chose, mon esprit est si libre. Un quart d’heure plus tard j’y reviens: «Vraiment ça en fait de l’eau, et qui coule jour et nuit... D’où vient cette eau, où va-t-elle? Sans doute à la mer... Comme il serait plaisant d’aller le vérifier, d’en descendre le cours jusqu’à l’estuaire. Cela ferait une sacrée aventure, n’est-ce pas?» Personne ne répondit car j’étais seul. En ce temps-là je débutais dans le métier d’aventurier professionnel. J’en étais encore à croire qu’il me faudrait cueillir des baies sur la rive et vivre du produit de la pêche. Je m’imaginais chasseur-cueilleur, glaneur, baroudeur à la mode d’autrefois. De nos jours, les aventuriers ne traquent plus le gibier pour manger ni ne se nourrissent de racines. Comme tout le monde nous scannons sous blister aux caisses automatiques. Qui va à la chasse perd sa place, qui va chez Auchan la reprend.
Je commençai par m’attacher les services d’un autre aventurier. Partir à l’aventure seul est une entreprise hasardeuse. On n’est jamais trop de deux s’il arrive un malheur. Et puis ça fait le temps moins long. Et puis on se sent moins seul. Quelqu’un est là pour vous écouter raconter vos souvenirs autour du feu et le cas échéant il peut porter les sacs. Je m’ouvrai l’après-midi même du projet de descendre la Seine à mon ami Samuel Adrian. C’est un bon garçon, avec deux bras solides et de la conversation. Lui aussi est aventurier depuis peu. Il était précédemment khâgneux, candidat
malheureux aux concours de l’École normale supérieure puis employé des pompes funèbres. J’y reviendrai.
— En voilà une idée, dit Adrian. Quand partons-nous?
J’étais pris de court. Je n’avais pas réfléchi à la question. Et quand je ne réfléchis pas, je me précipite:
— Nous partons vendredi en huit, mon vieux. En attendant tiens ta langue. Quelques heures plus tard, je retrouvai François Waquet au bar-tabac l’Étincelle, rue Saint-Sébastien, à Paris. Waquet n’est pas un aventurier en tant que tel. Il a pu lui arriver de brûler des feux rouges à vélo et, par deux fois il a gravi la dune du Pyla, mais d’une manière générale la prise de risque n’est pas son fort et Waquet voyage aussi mal que le maroilles. Volontiers pleutre et résolument réfractaire à l’exercice physique, il serait plutôt ce qu’on appelle une tête bien faite. Je ne parle pas là de l’enveloppe mais de ce qu’elle contient. Waquet étudie le droit romain à la Sorbonne. De ce fait, il parle couramment latin et peut sans mal comprendre le grec ancien. Cela allait s’avérer, pour la suite de notre aventure, de la plus grande inutilité.
— Sais-tu où nous allons, Adrian et moi?, lui dis-je en ménageant mon effet.
— A la mer à la rame, répondit-il, heureux de me couper la chique sous le pied. Adrian m’a prévenu tout à l’heure. C’est une bien mauvaise idée. D’ailleurs je n’irai pas.
De quel droit se croyait-il invité ? S’il n’allait pas, c’est d’abord parce que je ne lui proposais pas et c’est ensuite parce que je l‘en savais d’avance incapable. Waquet est un universitaire. Les universitaires ne vont pas à la mer à la rame. Ils prennent le métro aux heures de pointe, cela leur suffit bien. Mais c’est une manie chez Waquet: on s’ouvre d’un projet, on lui montre nos plans, il se figure qu’on lui tient la portière.
— Pas si mauvaise idée, répliqué-je sèchement. Et je payai ma tournée pour lui faire voir combien ses petits jugements à l’emporte-pièce me passent bien au-dessus de la tête. Deux bocks plus tard, Waquet commençait déjà de trouver l’idée moins mauvaise. Au troisième bock, il était près de la trouver bonne et au quatrième bock, il consentit à nous accompagner. Je ne le lui avais toujours pas proposé.
— Grand fou, dit-il, en me tapant familièrement le dos. Tu as gagné, je pars avec vous. Ce sera l’aventure! Que savait-il de l’aventure, lui qui n’avait jamais passé le périphérique sauf pour se rendre en vacances au Moulleau et dans le Morbihan? Je réglai l'addition. Le recrutement de Waquet m’avait couté quatre tournées. Avec le recul, je considère que c’était le prix.
2. De l’absolue nécessité de se procurer un canot pour canoter – Négocier le prix d’un canot – Slim Batteux et Véronique Sanson.
La première chose à faire, quand on entend pratiquer le canotage, est de se procurer un canot, un esquif, une chaloupe ou tout autre embarcation flottante à propulsion humaine. Sans cela, impossible d’arriver à rien.
— Nous n’avons pas de bateau, fit justement remarquer Adrian en ouverture de notre première réunion préparatoire. Cette réunion se tenait dans le pavillon des parents d’Adrian, à Saint-Cloud, Hauts-de-Seine. Adrian débute dans l’aventure et il n’a pas eu le temps de se constituer un patrimoine en propre.
— C’est juste, retorqué-je. Nous n’avons pas de bateau mais il ne tient qu’à nous d’en acheter. Soudain animé, Waquet parla d’un cotre à trinquette et voile aurique dans la cabine duquel il avait eu l’occasion de monter l’année dernière au salon nautique de Mandelieu-la-Napoule. Je n’ai aucune idée de ce que fichait Waquet au salon nautique de Mandelieu-la-Napoule. J’ignorais d’ailleurs qu’il y eut un salon nautique à Mandelieu-la-Napoule et aussi que la commune de Mandelieu-la-Napoule existât. Vérifications faites auprès du préfet des Alpes-Maritimes, tel est effectivement le cas: Mandelieu-la-Napoule existe et se porte bien. Ses habitants sont appelés les Mandolociens et Napoulois. Ils sont au nombre de douze mille. Le temps de prendre ces renseignements, mon attention revint à Waquet. On ne l’arrêtait plus. Pris dans son élan, aussi causant qu’un catalogue Beneteau, il parlait maintenant d’un quetch breton insubmersible, auto-videur et transportable, avec pont de promenade et bain de soleil. Quand il en eut fini, je lui rappelai l’état de nos finances, des siennes en particulier. Waquet me devait dix sacs, sans compter les tournées de l’autre soir.
— Exact, dit-il, nettement moins enjoué. Nous irons en barque. Une simple barque à fond plat. Ce sera l’aventure. Au lieu d’une barque, ce fut un canoë. Un canoë datant de l’an 1987. Le canoë, ou canoé, également appelé canotau Canada et canoë canadien en France, est un type de pirogue légère non pontée, destiné à la navigation sur les rivières et les lacs. Un dénommé Yodabreton vendait le sien aux abords de la Marne. C’était dans notre région la troisième annonce disponible sur le site leboncoin, et aus
Je m’efforce de décrire cet épisode avec détachement, sans lyrisme excessif, mais son évocation me glace encore le sang. Voir d’un coup d’un seul mes hommes basculer dans les eaux noires est un souvenir franchement pénible. Nos affaires s’éparpillèrent en surface, d’autres coulèrent à pic. L’une de mes sandalettes fut immédiatement aspirée par le fond. Je sauvai l’autre de justesse — mais à quoi sert une sandalette orpheline? —, cela sans parler du canoë dont nous découvrîmes qu’il ne flottait pas malgré la présence à la poupe et la proue de coussins dits flotteurs. Je tirai péniblement Bateau à la berge pendant que les deux autres sauvaient ce qu’ils pouvaient de notre chargement. En cas de naufrage, il convient d’agir vite. Chaque seconde compte. Mais surtout il faut pratiquer des choix. On ne peut espérer tout repêcher. Par exemple, mon réchaud à pétrole Eva-Sport (figure 3) fut sacrifié par le major au profit de son sac à dos personnel, lequel contenait un sachet de petits-beurre aux deux-tiers entamé. Adrian quant à lui fut héroïque, et je pèse mes mots. Je le revois plonger, remonter à la surface, prendre à peine sa respiration et replonger encore. Grâce à ses efforts répétés les bidons et la tente purent s’en tirer. La carte aussi, et les contes de Maupassant, dont je faisais la lecture au moment du naufrage... p. 115
Le lendemain, à la première heure, celle de l'après-midi, nous allâmes au roi Merlin. Que les petits malins qui composent l'essentiel de mon lectorat se tranquillisent : j'écris "roi Merlin" à dessein. C'est une idée confusément admise dans ma famille qu'il existe un roi des bricoleurs dominicaux. Nous n'y croyons pas comme au bon Dieu mais presque. C'est un bon roi que ce Merlin, dit mon grand-père avec le respect dû aux souverains. Répartis sur l'ensemble du territoire, le plus souvent en périphérie des villes, la magasins du roi Merlin sont remarquablement lumineux et hauts de plafond. Je les aime. On peut se garer devant. Il y a a toujours de la place.
Bobby, donc, avait vu couler son bob à Mantes. Il l’avait remplacé par une casquette de cycliste. À un été de là, l’écopier s’était en effet trouvé livreur coursier à Paris. Huit semaines durant, il avait sillonné la capitale à vélo pour le compte de la société belge Take it Easy (« Allez-y doucement », en français). Il n’en avait pas tiré de revenu substantiel mais avait conservé par-devers lui cette gapette, semblable à celles que portaient autrefois les coureurs du Tour de France. Les gapettes de cycliste sont reconnaissables par leur petite visière en croissant de lune qui donne automatiquement l’air idiot à qui la porte et n’est pas Eddy Merckx. Bobby ne quittait plus la sienne. J’observai qu’il en orientait la visière suivant la course du soleil : à peine avait-il un rayon dans l’œil, à peine décalait-il la gapette de quelques degrés, et cela toute la sainte journée. De sorte qu’un bon observateur aurait pu déterminer l’heure d’un seul coup d’œil à la casquette de Bobby. Le regardant, je vis qu’il était 15 heures ; 15 h 30 en réalité. Bobby retardait un peu.
Dans cet épisode, nous vous présentons des livres qui nous ont fait rire. Huit propositions de lectures pour différents âges : de l'humour, fin ou gras, des jeux de mots, de l'absurde, du comique de situation, de la satire sociales... Des livres que nous avons beaucoup aimés, auxquels nous repensons avec le sourire et que nous adorons mettre entre les mains des lecteurs. Une liste à garder précieusement, concoctée par nos libraires Laure, Rozenn, Nolwenn, Jérémy, Nicolas et Adeline !
Voici les livres cités dans cet épisode :
Un ours, un vrai, de Stéphane Servant et Laëtitia le Saux (éd. Didier Jeunesse) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23128786-un-ours-un-vrai-stephane-servant-didier-jeunesse ;
Horace. Tome 1, Cheval de l'Ouest, de Poirier (éd. Revival) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23359947-horace-tome-1-poirier--revival ;
Les Culs-reptiles, de Mahamat-Saleh Haroun (éd. Gallimard/Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22745328-les-culs-reptiles-mahamat-saleh-haroun-folio ;
Admirable, de Sophie Fontanel (éd. Seghers) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22540820-admirable-l-histoire-de-la-derniere-femme-ride--sophie-fontanel-seghers ;
Chroniques du Château faible, de Jean-Christophe Mazurie (éd. Fluide Glacial) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23032241-1-chroniques-du-chateau-faible-tome-01-jean-christophe-mazurie-fluide-glacial ;
Stella et l'Amérique, de Joseph Incardona (éd. Finitude) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23109474-stella-et-l-amerique-joseph-incardona-finitude ;
Le Rire des autres, d'Emma Tholozan (éd. Denoël) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23030426-le-rire-des-autres-emma-tholozan-denoel ;
Roman fleuve, de Philibert Humm (éd. des Équateurs/Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23286751-roman-fleuve-philibert-humm-folio.
Et quelques autres titres qui auraient pu faire partie de cette sélection de livres drôles :
Le Discours, de Fabrice Caro (éd. Gallimard/Folio) ;
Miracle à la tombe aux Aspics, d'Ante Tomi (éd. Libretto) ;
N'essayez jamais d'aider un kangourou !, de Kenneth Cook (éd. Autrement) ;
Je dénonce l'humanité, de Frigyes Karinthy (éd. Viviane Hamy) ;
Le Chien de madame Halberstadt, de Stéphane Carlier (éd. le Tripode) ;
Roulio fauche le poil, de Julia (éd. le Tripode) ;
La Vie est une corvée, de Salomé Lahoche (éd. Superexemplaire) ;
Idées noires, de Franquin (éd. Fluide Glacial) ;
#Les Mémés, de Sylvain Frécon (éd. Fluide Glacial).
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Les Éclaireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, à Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux épisodes : une plongée dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien, de lectures et de plusieurs conseils de livres, et la présentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons : romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, récits de voyage…
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