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EAN : 9782021524796
224 pages
Seuil (06/01/2023)
3.21/5   19 notes
Résumé :
"Tous les occupants de l'étage analogue paraissaient avoir une très bonne raison de ne pas atteindre le lieu auquel ils étaient destinés". Trois employés mis le même jour à la porte de leur entreprise se retrouvent dans un ascenseur avec le financier à l'origine de leur départ. Soudain l'appareil s'immobilise. Les portes s'ouvrent sur un étage recouvert de sable : une terra incognita. En un instant le monde auquel ils ont tout donné au mépris de leur propre vie se t... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Imaginez un quartier d'affaires, une gigantesque tour vitrée, un ascenseur. À l'intérieur, trois personnes qui n'ont rien en commun à part le fait qu'elles viennent d'être remerciées par la multinationale qui les emploie, plus un quatrième homme qui conserve son mystère. Soudain, l'ascenseur fait une embardée et ses portes s'ouvrent sur un étage inconnu. Un niveau entièrement recouvert de sable, sorte de quatrième dimension tangente au monde et à sa folie…

Intrigant, non ? J'ai eu envie d'en savoir plus sur ce lieu étrange et sur ce que les protagonistes allaient y devenir. La trame du roman me rappelait celle de L'Anomalie de Hervé le Tellier: plusieurs portraits très contemporains de personnes dont l'existence est sur le point de bifurquer avec des répercussions qui ne manqueront pas d'être détonantes. Mais malgré une plume agréable, l'anomalie imaginée par Jérôme Baccelli ne m'a pas emportée.

L'auteur brosse certes de manière saisissante un monde aseptisé d'entreprises tentaculaires gouvernées par la course au profit qui broie les existences et les relations humaines à coup d'évaluations de performances, de décisions arbitraires et de plans « sociaux ». Il y a des réflexions très justes et des détails assez drôles (comme les salles de réunion nommées Nelson Mandela ou Mahatma Gandhi, ce qui ne manque pas de sel au vu des idéaux qui prévalent dans ces murs).

Mais le trait m'a semblé forcé, suggérant parfois presque que ces pratiques seraient simplement le fait de dirigeants sadiques. Je pense que c'est ce qui fait que l'expérience de pensée n'a pas vraiment fonctionné pour moi. Je ne crois pas qu'une rencontre furtive ébranle les principes d'un gestionnaire de multinationale. Je ne crois pas non plus que l'on puisse s'extraire des déterminismes sociaux grâce à des échanges de conseil ni qu'un lieu apparemment en dehors du temps et des logiques capitalistes dissoudrait toute aliénation pour révéler l'humanité, la dignité et les vraies valeurs de chacun. Et là où L'Anomalie nous faisait envisager de vertigineuses explications derrière l'élément perturbateur du roman, il reste ici complètement inexpliqué.

Une lecture à l'intrigue accrocheuse, mais dont l'intérêt s'est malheureusement rapidement effiloché pour moi. Merci à Babelio et à l'éditeur qui me l'a envoyé dans le cadre de la Masse Critique littérature de janvier.
Lien : https://ileauxtresors.blog/2..
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Quatre personnes, bloquées dans l'ascenseur de leur tour, au coeur d'un quartier d'affaires. Quatre âmes broyées par le système, esclaves de la productivité-reine, du profit, des bullshit-jobs.
Ils sont bloqués mais soudain la porte s'ouvre... Sur un désert!

Une petite merveille cette lecture... Ce n'est pas de la science-fiction comme je l'entend, mais de l'imaginaire poétique servant d'écrin à un parcours initiatique, une refondation intérieure. Les personnages sont fouillés, la plume rêveuse.
Attention : si vous l'avez entre les mains, je recommande de ne pas lire la 4e de couv, qui en dit un peu trop...
En tout cas très beau roman de Jérôme Baccelli.
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Ce roman se passe dans une zone de tours d'affaires , des tours de multinationales identiques de par le monde suivant des règles immuables.
«  les vitres des gratte-ciel reflètent côté rue , des images déformées par les belles parois de verre, côté bureaux, la moindre idée originale est pareillement déformée, réfléchie par chacun des occupants qui pour mieux briller devait s'en prétendre l'auteur »
Le ton est donné , féroce.
A la suite d'un étrange incident d'ascenseur, la cabine s'ouvre à un étage « analogue » à celui auquel devaient arriver trois employés de la multinationale Maxa. Une femme et deux hommes déjà bien « essorés « par la vie. Ils se retrouvent là à la suite d ‘une annonce ou convocation qui va bouleverser leur existence : ils ont tout donné, on les jette. Viendra se joindre à eux « on »
Cet étage entièrement vide et sablé devient un havre de paix, un lieu ou on essaie avec succès de faire pousser du blé mais surtout une porte qui permet de s'échapper en une seconde à l'autre bout du monde, dans le métavers en quelque sorte.
J'ai lu ce livre comme une fable grinçante, extrêmement bien écrite, l'intrigue est bien menée et ne manque pas d'émotion parfois
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Je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour l'envoi de ce livre dans le cadre de Masse critiques. Je découvre cet auteur qui décrit le monde actuel sous un angle original.
Quatre personnes, une femme qui court les entretiens d'embauche, un futur retraité, un jeune analyste motivé et un cadre dirigeant se retrouvent de manière fortuite dans leur entreprise. Ils travaillent dans une société où les rapports sociaux sont déshumanisés, où le travail ne fait pas sens et où chacun est un pion corvéable et éjectable. Une description glaçante où la limite entre la réalité et l'anticipation est très fine…
Leur rencontre va changer leur destin.
J'ai bien aimé ce livre qui vous tient en haleine. le style est alerte, simple, efficace. le regard de l'écrivain est sensible, original, plein d'humour sur des moments frôlant l'absurde. La quête de sens, l'illusion, la notion de vide intérieur ou extérieur, la place de la nature, notre rapport à l'espace sont abordés. Jérôme Baccelli porte un avis pessimiste et sans concession sur le monde du travail. « L'entreprise, quelle dictature ! » résume bien sa pensée.
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Un univers de verre et de béton dans lequel vivent des hommes et des femmes, parfois pour le meilleur mais souvent pour le pire. Un ascenseur un peu fou transporte les gens à des hauteurs vertigineuses et à un étage spécial, hors norme qui n'existe que pour quatre employés de la firme. Il est couvert de sable dans lequel un des locataires va tenter de faire pousser du blé. Quatre personnes, quatre parcours qui se rencontrent, s'apprivoisent et parviennent à constituer un îlot d'humanité dans un environnement largement déshumanisé. Un roman loufoque où l'étage analogue permet à Elisa, Salim, Josh et Mat de s'évader et d'échapper à l'emprise d'une firme exigeante et impitoyable.Un vrai moment de rêve bienfaisant.
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critiques presse (2)
Actualitte
14 février 2023
Une tour, tout en structure de fer et en larges fenêtres. Numéro quatre cent vingt-cinq. Immense, sévère, morne. Un symbole, entouré d’autres tours, « ces monolithes en béton armé » où fourmillent les employés de telle ou telle entreprise, le souffle court, à la poursuite de la réussite. L'ascenseur monte et descend, encore et encore, guidant ces travailleurs aux étages, faisant ainsi tourner la roue du profit. Et parfois, il s’arrête… ailleurs.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LeFigaro
09 février 2023
Dans un quartier d’affaires qui pourrait appartenir à n’importe quelle ville connectée de l’économie mondialisée, trois individus ont rendez-vous au trente-septième étage d’une gigantesque tour.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Il était huit heures deux, dans l’étroit bureau sans fenêtre l’analyste junior se tenait bien droit sur sa chaise. Au lieu du smartphone de circonstance, ses larges mains enserraient un bloc-notes ouvert à une page vierge en haut de laquelle il avait inscrit la date, le nom et le titre de la collègue assise en face de lui. Seul le sujet de la réunion avait pour l’instant été laissé blanc.
Il le resterait : au lieu de la promotion et des louanges tant attendues, une dame blonde légèrement obèse en jean et en T-shirt au logo #MeToo lui apprit que la direction avait décidé de se priver de ses services.
– Pourquoi ? demanda-t-il d’une voix atone.
– Pour incompétence.
L’analyste junior dut enfoncer ses ongles dans ses cuisses pour ne pas céder à un étourdissement. Les variables de calcul, les propositions, les acronymes énoncés l’asphyxiaient. Il lui était de plus en plus difficile de suivre le cours de l’entretien – ainsi, le cours d’un rêve ou d’un mensonge est plus difficile à suivre que celui de faits réels. Il approuva de lents mouvements de tête réguliers pendant qu’elle le priait de signer divers documents liés à la procédure de licenciement, et une fois l’entretien terminé serra très poliment la main tendue, ouvrit la porte, traversa le couloir, ouvrit une autre porte au hasard. Un groupe disparate y célébrait un pot de départ, il se força à aller se verser un grand verre de jus d’orange qu’il but d’un trait. Il tendait la main alentour à l’aveuglette en déclarant : « Salim Fazell, Marketing-Finance. » Il contempla les épaules fines, le cou et les cheveux blonds d’une jeune femme qu’il connaissait de vue, être à la fois insaisissable et irréel dont le tailleur gris-bleu virevoltait entre les groupes. La légèreté, l’élégance et l’indéfinissable tristesse de ce visage lui rappelèrent cette tour de verre dans laquelle il avait passé le plus clair de ses semaines et de ses week-ends treize mois durant. Il éprouva le besoin d’aller lui parler, sentant confusément qu’elle et elle seule pouvait le sauver. De quoi, il l’ignorait encore, tout au moins ne se l’était-il pas encore avoué. Dès qu’il marcha vers la jeune femme celle-ci fut happée par un collègue plus beau, plus grand, plus blond et plus blanc, et Salim se replia sur un sexagénaire en costume bleu pétrole qui avait l’air complètement dépassé. Après avoir échangé deux trois mots, il sortit de la salle de réunion, cachant sous le bras son bloc-notes où étaient inscrits de sa propre main en majuscules les termes coupables de son licenciement, et regagna les ascenseurs d’un pas lourd, saccadé. Une fois la cage devant lui – ce concept de cage lui arracha un sourire – il constata qu’il ne savait pas encore où il allait, il savait simplement qu’il devait monter très haut, le plus haut possible. Il resta immobile pendant un bon moment. Une sourde contradiction pesait sur la somme de ses émotions, un paradoxe d’une infinie beauté qu’il situa aux origines de la condition humaine. Il devait être quatorze heures, un carillon retentit, l’ascenseur le plus à droite ouvrit ses portes et ce ne fut qu’après y avoir pénétré que Salim sut qu’il allait se rendre sur la terrasse de la tour, traverser la petite piste déserte de l’héliport, et enjamber la corniche nord-ouest en aplomb de l’esplanade. Avec un peu de chance Pellegrini le verrait tomber aux alentours de quatorze heures dix, depuis le café où le cadre allait toujours prendre un cappuccino après déjeuner. Dans l’ascenseur il releva les yeux vers les derniers êtres vivants qu’il allait côtoyer pendant le bref restant de sa vie : l’homme auquel il avait parlé quelques minutes plus tôt, qui tenait un énorme bouquet multicolore dans la main, et une femme un peu forte aux jolis yeux verts et aux beaux cheveux bruns bouclés. Il décela une odeur âcre de transpiration, pas désagréable.
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Peu après son arrivée dans le groupe, un an plus tôt, Salim avait suggéré diverses améliorations dans la gestion des dentifrices mentholés à pâte dure. Puis il avait affiné son discours dans une présentation PowerPoint sur le packaging des crèmes hydratantes revitalisantes. L’analyste junior avait finalement remis une grosse étude au chef de département, Simon Pellegrini, dans laquelle il proposait de doubler les marges en utilisant un sous-traitant offshore et en simplifiant le processus de distribution.
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Elisa Vallonne avait la phobie des ascenseurs. Elle s’était réveillée de matin-là à onze heures et demie passées, ce qui ne lui arrivait jamais. En tâtonnant jusqu’à la douche bouillante elle se souvint du cauchemar dont elle venait juste de se libérer : au sommet d’une gigantesque tour de verre, dans une minuscule cabine aux parois gris métallisé dépourvue de porte, le manager des ressources humaines qu’elle avait rencontré la veille baissait la braguette de son pantalon, en sortait un petit pénis prétentieux ; heureusement, le plafond s’ouvrait et un inconnu en costume bleu la sauvait. Elle repassa hâtivement son tailleur et son pantalon noirs, son chemisier blanc, qui exhalaient une même odeur de sueur et de stress accumulée par des années d’entretiens d’embauche ou d’évaluation de performances. Lorsqu’elle fut prête elle effectua un tour de sa chambre d’hôtel, se força à patienter, à regarder s’effacer l’empreinte de ses pieds nus sur le dallage de la salle de bains, puis ferma la porte et prévint la secrétaire par téléphone :
– Désolée. Les embouteillages…
Dans le petit hall du bâtiment où avait lieu l’entretien nul ne trouva suspect qu’elle préfère emprunter l’escalier plutôt que l’ascenseur. Lorsqu’elle atteignit le cinquième elle put discrètement récupérer son souffle en suivant la secrétaire, priant pour que l’air conditionné vienne à bout de sa sueur coupable et la rende aussi impalpable, aussi abstraite, aussi inodore que les bureaux paysagers qu’elle traversait. Mais le souvenir de son cauchemar se raviva lorsque dans la salle de réunion la main molle du manager de la DRH se glissa dans la sienne : peut-être pendant leur précédente entrevue cette main avait-elle frôlé sa cuisse, et s’était-elle attardée une milliseconde de trop le long de sa hanche. Tandis qu’il décrivait le protocole de cet ultime entretien Elisa l’inspecta du coin de l’œil.
Il avait cette laideur des aigris, des gens repoussants depuis des générations. Ses jambes vulgairement écartées devant elle soutenaient un petit torse, surmonté d’une tête encore plus petite, carrée et blonde, comme celle d’un méchant robot de La Guerre des Étoiles, et la veille déjà Elisa avait trouvé curieux que tous ses membres soient articulés autour d’un pénis invisible et non, comme chez l’araignée ou le crabe dont il avait la morphologie, autour de la tête. Puis elle sursauta : du téléphone à haut-parleur sortait une voix d’homme nasillarde, inconnue, qui donnait le vertige. À la première voix se mêlèrent d’autres voix d’hommes tout aussi nasillardes, qui l’assaillirent de questions sur le poste qu’elle occupait, pendant que le manager prenait fébrilement des notes sur un cahier d’écolier dont il s’assurait avec dextérité qu’elle ne pouvait voir le contenu.
Brusquement les questions s’arrêtèrent et le silence fut complet. Elle ignorait si l’entretien était terminé ou non, mais elle crut entendre une respiration lente, comme si par erreur on avait oublié de raccrocher. Tandis que l’homme de la DRH continuait à écrire avec inspiration, Elisa détourna son attention du haut-parleur, son regard flotta sur le quartier financier, sur ses gratte-ciel au loin, puis s’attarda sur un individu qui venait de sortir de la station de métro. L’homme, petit, chauve et moustachu, se dirigeait vers la plus grande tour des environs, lentement, de plus en plus lentement, comme sous l’effet d’une gravitation inverse. Elisa observa son reflet légèrement déformé dans les vitres teintées des immeubles qu’il longeait, reflet qui se réverbérait et se répétait à l’infini de façade en façade. Soudain, sans raison apparente, l’homme s’arrêta au milieu du trottoir, releva la tête en direction de la vitre opaque, et sembla la regarder à travers. Il portait un costume bleu, bleu pétrole, comme l’inconnu qui l’avait sauvée dans son cauchemar.
– Chinois ou italien ?
– Pardon ?
– Vous êtes libre à déjeuner j’espère. Chinois ou italien ? répéta le manager.
Dans le haut-parleur la respiration avait enfin cessé, la ou les personnes avaient dû raccrocher, et en bas l’immense tour de verre avait avalé le petit homme en costume bleu pétrole.
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C’est en ouvrant la porte de la salle de réunion Nelson-Mandela que Josh Koplovski comprit. Il était midi quinze, ils étaient tous là, ou à peu près, le nez dans leur téléphone en train de vérifier le score du match ou de faire leurs emplettes en ligne : une douzaine de collaborateurs, rassemblés autour de la longue table ovale, grignotant un biscuit d’apéritif, tenant une canette de bière enveloppée d’une serviette en papier ou un verre en plastique rempli au tiers de vin rouge. Sur le buffet, deux bouteilles de cabernet étaient débouchées. Quelqu’un hurla « Hourra au retraité ! » et Koplovski réalisa que c’était à lui que l’on venait de s’adresser. Tous ces gens étaient là pour lui. Il comprit aussi pourquoi la secrétaire de Pellegrini avait laissé en blanc dans son invitation le sujet de cette mystérieuse réunion.
Il lui fallut quelques secondes avant de remarquer la photo, qui devait dater d’au moins dix ans, le montrant souriant à son bureau dans ce même costume bleu pétrole qu’il portait à cet instant. Sans doute était-ce Pellegrini qui l’avait choisie. L’image, peu flatteuse, floue, affichée grâce à un projecteur à même le mur blanc, occupait tout l’espace et criait son silence, comme si l’on honorait un mort. Sur la table était posée une énorme gerbe de fleurs, couchée sans même un pot pour la soutenir. Qu’allait-il faire d’un bouquet ? Dans cet air climatisé, sans eau, ces fleurs étaient condamnées à se flétrir, surtout les lilas, il avait l’impression qu’ils s’étaient déjà racornis et commençaient à perdre leurs couleurs. Leslie, qui aimait tant les fleurs, aurait su quoi faire.
Il tenta de gagner le buffet pour se servir du cabernet, mais la petite foule s’était regroupée entre la table et la porte : son manager venait de faire son entrée. S’efforçant de donner l’illusion d’une saine camaraderie entre les deux hommes, Pellegrini fendit le groupe et vint le prendre par l’épaule en poussant de grands éclats de rire, mentionnant un projet oublié, un acronyme obscur, des anecdotes tristes à pleurer. Lui pensait à ce bouquet : quelqu’un devait s’occuper de ces fleurs, les plonger dans l’eau.
– Il paraît que vous partez aux Antilles ? Quelle île ?
Puis, ayant apparemment décidé que l’on avait assez attendu, Pellegrini prit la parole : sans notes, avec une diction parfaite, le directeur dressa de Koplovski un portrait lavé de tous ses défauts, mais d’une telle façon que, au lieu de vanter les compétences de l’intéressé, le résumé de son curriculum vitae (dont la version PDF avait remplacé la photo floue sur le mur) suggérait à quel point son pouvoir s’était amoindri en trente-cinq ans de carrière. Lorsqu’il travaillait pour Microsoft dans les années quatre-vingt, Koplovski avait encadré une équipe de programmeurs, puis chez Dell une chaîne de production hardware pour un microprocesseur en vogue. Mais depuis son arrivée dans le groupe Maxa il n’encadrait plus grand-chose d’autre que l’écran de son ordinateur. Pellegrini omit de mentionner que les sept dernières années son titre n’avait pas changé, et qu’au matin tout le département était au courant de la mise à la retraite anticipée de Joshua Koplovski sauf l’intéressé. Un sourire narquois au coin de ses lèvres trahissait l’ampleur de sa victoire sur l’employé qui lui avait tenu tête.
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Pendant son discours, Pellegrini avait osé affirmer que Kop venait de terminer brillamment sa carrière. Or une carrière ne se bâtit pas(...)Une carrière, qu'elle soit de sable, de marbre, d'argile ou de gypse, s'évide avec les ans à mesure qu'on la creuse, et son gisement s'épuise, jusqu'à tout à fait disparaître. Ainsi s'évideraient un jour la carrière de sa remplaçante, celle de Pellegrini, celle de tous les cadres du monde.
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