Aurélien vieux berger sur son Causse natal, rêve du fils qu'il n'a jamais eu. Une famille de vacanciers parisien arrive dans son village, ceux-ci ont un fils Benjamin.
Benjamin va se lier d'amitié avec Aurélien, qui va lui faire découvrir son métier de berger, la vie à la campagne, et ce avec l'accord de ses parents (au début). Mais une fois l'été fini, comment Aurélien va-t-il supporter la séparation?
Un livre très poignant, qui nous montre l'amitié entre un vieil homme et un enfant, il nous montre aussi le désespoir de cet homme de ne pas avoir d'enfant.
A travers ce livre, on peut aussi voir le drame du dépeuplement de certains villages français.
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Il savait, Aurélien, qu’il y avait dans cette odeur d’herbe humide montée de la vallée, dans le frémissement des premières feuilles à peine écloses des duvets, dans cette étoile qui clignotait une dernière fois avant de s’éteindre, plus de richesses qu’aucun homme n’en accumulerait jamais. Mais il savait aussi que le bonheur n’existe que s’il est partagé. Il soupira.
–Tu n’as jamais peur de mourir ?
–Et pourquoi j’aurais peur ? fit Aurélien. Qu’est-ce que tu veux qui m’arrive ? Je n’ai jamais fait de mal à personne. Le vieux ne vit pas le sourire de Benjamin que cette sérénité rassura. Il ajouta, plus bas :
–Le plus difficile ce n’est pas de mourir ; c’est de vieillir.
.
Son enfance à lui ? [...]
c'était du ciel ,
beaucoup de ciel ,
des bêtes chaudes dans ses bras ,
du vent , de l'eau ,
la tiédeur des pierres
et celle , plus rare mais si précieuse ,
de la main de son père .
P. 18
En somme, il aurait été comblé, Aurélien, s'il avait eu un fils. Plus le temps passait, et plus il y pensait à cet enfant : sa peau avait la couleur des abricots, il était grand, fin comme de l'ambre, avec des yeux dorés. Oh oui ! Ç’aurait été une vie bien pleine, parce que le monde vaut mieux que les hommes, et le monde il l’avait eu à loisir sous ses pieds, dans ses mains, dans ses yeux. Mais cet enfant ? Qui le lui avait refusé ? Et pourquoi, maintenant que la fin était proche, le regret le tenaillait-il, obscurcissait-il le monde, même lorsqu’il était plein de lumière, comme ce matin, de cette lumière venue du fond des temps pour éclairer cruellement la brève vie des hommes, tandis que le ciel se penchait sur les collines pour veiller sur elles, comme toujours, depuis que le soleil s’était levé pour la première fois ?
Pourquoi ? Autant chercher à comprendre pourquoi le printemps revient, chaque année, et pourquoi les nuages s’en vont, pourquoi il faut vieillir quand on aime la vie comme il l'avait aimée lui, et comme il l’aimait encore après toutes ces années accumulées, si longues, si belles, malgré ce temps qui avait passé en se cachant comme la sauvagine dans la nuit. S’il n’y avait eu ce corps fourbu, ces os qui craquaient comme des pierres, ces douleurs qui le réveillaient dans la nuit pour penser à l’enfant, il ne se serait pas senti si vieux. La main de son père, c’était hier, exactement. En serrant les doigts, il la sentait, chaude, forte, elle était là, et le temps n’avait jamais existé. Mais lui, il n’avait jamais serré la main d’un enfant dans la sienne. Et il aurait fallu partir sans avoir connu ça ?
Il se disait que la terre est un fruit dont le ciel est la peau, qu’il n’y a rien entre elle et lui, sinon les hommes qui ne savent même pas pourquoi ils sont là.
Extrait du livre audio « Une famille française » de Christian Signol lu par Cyril Romoli. Parution CD et numérique le 18 octobre 2023.
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