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(01/01/1900)
3.6/5   10 notes
Résumé :
Parmi les tragédies d’Euripide fondées toutes sur un jeu du destin et qui se terminent par une reconnaissance, Ion est certainement la plus habilement construite. La tragédie a pour sujet le destin d’Ion, ancêtre mythique des Ioniens, héros inventé de toutes pièces par des écrivains du VII siècle qui déduisirent ce nom du nom du peuple dont il aurait été l’éponyme. Dans un mythe tel que celui-ci, aussi vague et peu populaire, Euripide eut, plus que de coutume, la li... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ion ? C'est quoi ça ? Qu'est-ce qu'un atome qui a perdu ou gagné un électron vient faire dans une tragédie grecque ?
Aah rien à voir en fait. C'est un demi fils de dieu, l'un des rois légendaires d'Athènes – les Érechthides – dont le nom est à l'origine de celui des Grecs d'Asie, les Ioniens.
Jamais entendu parler de ceux-là, ou alors c'est entré par une oreille et aussitôt sorti par l'autre.

Bon, Ion n'est pas arrivé au pouvoir dans un canapé convertible. Euripide se charge de nous raconter l'histoire à sa façon : un peu de nationalisme athénien, un peu de vaudeville, un peu de tragédie. le gars est né du viol – le mot est prononcé – de Créuse par le dieu Apollon. Ne supportant pas l'idée de donner vie dans ces conditions, Créuse a abandonné Ion. Apollon, penaud, se charge discrètement de le sauver avec l'aide d'Athéna (lien avec la figure tutélaire d'Athènes) et le fait élever par la Pythie de Delphes.
Une quinzaine d'années plus tard, Créuse se trouve à Delphes avec son époux Xouthos (encore un rejeton de dieu). Tous deux veulent savoir s'ils arriveront à avoir des enfants un jour. Mère et fille se rencontrent sans se reconnaître et se racontent leurs malheurs.
Apollon veut profiter de l'occase pour redonner son destin royal à Ion. La Pythie annonce à Xouthos que « le premier homme qu'il verra en sortant du temple est son fils ». Banco : c'est Ion. Joie, bonheur, félicité. On va faire a fête et égorger une hécatombe. Grosse partie comédie ici.

Ouais, félicité pas pour tout le monde. Créuse comprend que son époux lui a fait un enfant dans le dos et décide de l'empoisonner. C'est par elle que les enfants d'Erechthée règne sur Athènes ; pas question de prendre une pièce rapportée comme roi.
Bon, ça ne marche pas car Apollon a ses moyens de neutraliser et faire découvrir le complot. du coup c'est Ion qui va faire lapider Créuse. Ça sent le tragique.

Mais Apollon intervient encore. La Pythie sort du temple pour donner à Ion le panier dans lequel elle l'a trouvé, et Créuse le reconnaît. Un interrogatoire serré s'ensuit, puis joie, félicité, bonheur : « mon fils », « ma mère ». Tout s'arrange. Créuse et Xouthos auront d'autres enfants et Ion sera roi.
Bon, il faut un dindon : c'est Xouthos qui restera persuadé qu'Ion est son fils (bah non, c'est le fils d'Apollon).

Voilà vous savez à peu près tout. Il y a vraiment des dialogues marrants et d'autres inquiétants. Mais ce qui m'a frappé, à l'aune de l'heureuse condamnation sans concessions de la violence faite aux femmes, c'est la force avec laquelle Créuse accuse Apollon de viol, l'irrémédiable brûlure de l'âme que cet événement a provoquée. J'ai été vraiment surpris de voir l'auteur condamner l'ensemble des dieux qui se sont permis de violer toutes ces jeunes filles et de leur faire des enfants sans leur consentement, de lire sous sa plume que, si les choses étaient bien faites, les dieux passeraient en jugement devant la justice des hommes et seraient condamnés.
Bon, il « rattrape ce coup » par la suite – en religion on égorge pour moins que ça – et tous les acteurs finissent par louer Apollon. Ce dernier, dans son attitude, se sent vraisemblablement coupable et honteux. Il n'apparait pas à la fin et envoie Athéna. Il n'a pas le courage de confronter Créuse et son fils.

Une pièce aux accents très actuels donc.
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Ion est la tragédie la plus obscure et méconnue d'Euripide car elle aborde un mythe peu évoqué dans notre constellation des légendes de la Grèce Antique et de fait peu représentée bien entendu dans le théâtre antique. Les Atreides ont eu leur pléthore de pièces grecques comme le destin d'Oedipe et de ses enfants où encore la Guerre de Troie. Mais Ion ? Qu'est-ce que c'est et quelle est cette pièce qui l'aborde par conséquent ?
Au temple de Delphes la cité sacrée de l'oracle que toute la Grèce vient consulter pour ses présages, vit paisiblement Ion le gardien de l'édifice qui l'entretient soigneusement. Un couple vient à Delphes pour questionner l'oracle : c'est le roi et la reine d'Athènes, Xouthos et Créuse qui désespèrent de n'avoir point d'enfants et cherchent de résoudre cette stérilité quelque peu problématique pour leur royauté. Or Créuse dissimule un lourd secret : jeune fille jadis, elle fut violée par le dieu Apollon dont elle en conçut un fils qu'elle abandonna dans le lieu même du crime. L'enfançon fut recueilli puis placé chez la Pythie... Créuse ne sait donc pas qu'Ion est son fils tout comme Ion ignore sa mère...
Voilà une intrigue bien tendue sous les auspices de la religion puisqu'elle se déroule au sein même du plus vénéré des temples de la Grèce antique et que l'oracle y est un acteur majeur avec ses prédictions ambiguës. Les belles façades de Delphes, ses frontons et son trépied y sont décrites avec minutie par le choeur qui nous font transporter dans ce paysage spirituel suscitant autant l'admiration que la crainte chez les hellènes. Pourtant, Euripide ne se prive pas, en dépit de ces vénérations sans doute sincères sur le mysticisme delphien, de critiquer le coté sombre des dieux et surtout de la déité poliade, Apollon. Apollon divinité de la lumière qui est ici bien ténébreux en violeur qui ne se soucie guère de sa victime et son rejeton qu'il confie à la providence. On ne peut que songer aussi aux paroles d'Ion ébranlé par l'insouciance vicieuse des Olympiens à abuser si facilement et en impunité des mortelles.
De cela en découle aussi une attention toute touchante les retrouvailles entre un fils légèrement imbu de lui-même et naïf au point d'agacer et de sa mère la vraie héroïne de la pièce. Une femme brisée qui a du enfouir ses douleurs dans sa conscience, ne pouvant compter sur personne pour confier ses traumatises et qui est frustrée de ne pouvoir assurer une descendance à son époux, une dame qui dans un poignant monologue crie sa colère contre Apollon qu'elle reproche ses méfaits et qui se lamente sur la perte d'un fils dont elle ignore qui est tout près d'elle. Mais la reconnaissance ne se fera pas sans quelques malentendus et autres quiproquos qui risquent de tourner au drame...
La filiation et sa reconnaissance y est tout entier dans leur humanisme poignant et qui inspire bien des auteurs puisque le procédé sera repris par Racine des siècles plus tard dans sa dernière pièce Athalie, lors du passage où la reine hérétique palabre avec Eliacin le serviteur du temple de Dieu qui n'est d'autre que Joas son petit-fils et survivant de la dynastie massacré par Athalie. La tragédie Ion se terminera toutefois bien, avec une fin heureuse qui répare l'outrage et les ressentiments d'une victime. Il y a pourtant la question politique derrière le traitement de ce mythe car Ion représente l'ancêtre des athéniens, qui s'enorgueillissent ainsi de descendre non seulement d'Erechtée le fils adoptif d'Athéna mais par conséquent d'Ion. Ainsi se retrouve le motif légendaire d'un ancêtre divin où au sang divin à tout un peuple.
Une pièce donc bien singulière d'Euripide, à lire aussi malgré le pathétique bien appuyé dans le ton, de l'atmosphère intimiste qui peut dérouter certains et d'un personnage éponyme franchement peu développé. C'est observer la spiritualité religieuse mais aussi la colère d'une victime pour le crime subi qui demeure impuni. Encore une belle oeuvre d'Euripide à découvrir.
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Ion est une tragédie plutôt originale. Non seulement parce qu'elle traite d'une légende moins connue sur les origines des Erechthéides, famille royale d'Athènes que parce qu'elle nous fait croire qu'elle se termine bien alors qu'elle nous laisse une pointe amère dans le coeur. Euripide a témoigné constamment dans son oeuvre de l'injustice de la condition des femmes: Andromaque, Hécube ou Médée en sont des exemples. Mais dans Ion, Créuse, seule fille survivante d'Érechthée, violée très jeune par Apollon et obligée d'abandonner son fils pour cacher sa honte, concentre toute la violence que subissaient les femmes dans la Grèce antique. Car il y a un grand absent dans cette tragédie, alors qu'il est au centre de toute l'intrigue, c'est Apollon. Par l'intermédiaire des oracles, il tente de trouver une solution satisfaisante pour tous, mais en cachant son crime. Mais quand Ion, ce fils né du viol, comprend ce qu'a fait son père, il est désemparé, comme les spectateurs-lecteurs, car il doit admettre qu'il ne peut y avoir de justice pour les hommes puisque les dieux eux-mêmes sont criminels et menteurs.
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La plupart d'entre nous ont découvert les thèmes de l'antiquité grecque par le biais des réécritures d'Anouilh ou de Giraudoux. S'il y a une pléthore d'oeuvres relatant la guerre de Troie et ses suites (Hécube, Les Troyennes, Andromaque), ses prémisses (Iphigénie en Aulide), son possible escamotage lui permettant d'échapper au supplice (Iphigénie en Tauride), les malheurs des Atrides (Electre, Oreste), ou des Labdacides (Oedipe), l'histoire d'Ion reste plus confidentielle. Les critiques classent les auteurs grecs suivant cet ordre: Sophocle, Eschyle, Euripide. En fait, cet ordre est inversement proportionnel à leur engagement politique. Si bien qu'Aristophane disparait totalement du classement... Pour en venir au fait, Ion est, à mon humble avis, la pièce la plus aboutie du théâtre grec antique parce qu'il s'agit d'une tragédie "qui finit bien" et qu'elle préfigure donc la tragicomédie cornélienne, shakespearienne et hugolienne. de plus, Euripide introduit une approche psychologique des personnages rare à son époque.
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Une jolie pièce assez différente des autres puisqu'ici le tragique est plus faible. La pièce pourrait même avoir des aspects de comédie à la Molière si le ton n'en était pas noble et digne et la figure de Creuse très touchante. A lire (et à voir si possible).
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
ION:
Mais j'aurais tout lieu de chapitrer Phébus sur ses faiblesses ! Quoi ? Il force des filles, il les déflore, et les abandonne ! Il fait des enfants en cachette, et peu lui chaut de les laisser mourir ! Ah, fi ! Pas toi ! Tu détiens la puissance : vise donc à la vertu ! Car enfin, tous les méchants qu'il y a ici-bas, ce sont les dieux qui les punissent. Ou est la justice, si vous qui avez institué les lois humaines, on vous prend à agir sans foi ni loi ?
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Le Choeur.
Le plus grand bonheur pour les hommes est solidement établi
quand dans les chambres des époux fleurissent des jeunes vies prometteuses de fruits.
Les fils recevront de leurs pères
le riche patrimoine qu'ils transmettront
un jour à leurs propres enfants.
Dans le malheur, des fils sont notre force,
notre joie dans la bonne fortune.
Quand vient la guerre à leur patrie
leur lance apporte salut et victoire
Plus que les trésors, plus que le lit d'un roi,
j'estime la joie d'élever chez moi mes propres enfants.
Une vie bréhaigne me ferait horreur,
honte à celui qui la préfère !
Je ne demande que peu de biens,
pourvu qu'en mes enfants je sois bénie.
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Ion
ô ma mère, qu'avec plaisir je te revois, et j'embrasse avec joie ton visage chéri !
Creuse
ô mon fils, ô toi qui m'est plus cher que la lumière du soleil (que le dieu me pardonne !), je te presse entre mes bras, bonheur inespéré ! toi que j'ai cru englouti avec les morts dans le sombre séjour de Proserpine.
(NB : La scène se déroule après que Creuse ait voulu empoisonner son fils Ion, et que celui-ci l'ait poursuivie jusqu'à l'autel d'Apollon l'épée à la main, pour la tuer en représailles.)
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Ion
J'aime mieux vivre heureux dans le rang qu'être un roi
qui choisit à plaisir ses amis parmi ceux qu'il méprise,
et tient les meilleurs à l'écart, dans la terreur d'un attenta.
Tu répondras que l'or compense tout,
et qu'il est doux de posséder. Je n'aime pas trembler au moindre bruit
vivre dans le souci pour garder un trésor.
Je préfère une vie modeste, exempte de tourments.
Que je te dise, père, ce qui fit mon bonheur ici :
tout d'abord le loisir, le bien le plus précieux;
peu d'embarras ; personne qui m'écarte du chemin
par malveillance -c'est chose intolérable
que de céder le pas à qui vaut moins que soi-:
prier les dieux ; causer avec les hommes
que je sers pour les rendre heureux, jamais pour les faire pleurer ;
escorter ceux qui partent ; et quand d'autres arrivent
accueillir avec joie tous ces nouveaux visages.
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Creuse (à Ion)
Étranger, tu n'as pas tort d'être surpris de mes pleurs : mais, à l'aspect du temple d'Apollon, je n'ai pu me défendre d'un douloureux souvenir. (...) ô femmes infortunées ! ô attentats des dieux ! Où donc trouverons-nous la justice, si nous sommes victimes de l'injustice de ces dieux qui règnent sur nous ?
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Videos de Euripide (24) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Euripide
Par Chloé Delaume accompagnée de Benoist Esté Bouvot
Chloé Delaume poursuit son exploration des grandes figures mythologiques féminines en se penchant cette fois sur celle de Médée. Elle revisite ce personnage de la mythologie afin d'en convoquer toute la puissance pour faire écho aux problématiques féministes contemporaines. Médée, magicienne, amoureuse, dont le nom semble depuis toujours synonyme d'infanticide. Pourtant, celle, sans qui Jason ne serait rien, n'a pas toujours été la meurtrière de ses enfants : avant Euripide, Médée commet bien des crimes, mais pas celui-là. Ce soir elle raconte son histoire et interroge la véritable nature de sa culpabilité, elle qui durant tant de siècles ne fut écrite que par des hommes.
Dans le cadre du colloque international « Chloé Delaume : une oeuvre intermédiale » et de la résidence Lilith & Cie.
« le souci quand on est personnage de fiction, c'est qu'un tas de gens, sans cesse, vient vous écrire dessus. On se voit transformé sans le moindre recours. Quelqu'un m'a noirci l'âme, depuis je fais avec. » Chloé Delaume, « Médée avant Médée »
À lire – Chloé Delaume, Pauvre folle, Seuil, 2023.
Son : François Turpin Lumière : Iris Feix Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
+ Lire la suite
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