Pas facile à lire, il faut s'accrocher à l'enquête car le personnage principal n'apparaît que grâce à des témoignages parlés ou écrits. Sur fond de guerre d'Indochine, on va aussi faire un tour du côté du village natal du héros, à Saint-Guénolé en Bretagne, où l'on découvre la dureté de la vie de marin. Comme dans tout roman policier historique agrémenté d'espionnage et de psychologie, on a parfois du mal à suivre. Certains des témoignages sont cependant poignants et éclairent d'une lumière particulière la difficulté de se battre, de vivre, et parfois d'aimer et de mourir dans cette lointaine Asie et sa nature dévorante.
Commenter  J’apprécie         60
Je suis content et fier d'y avoir été, même s'il a fallu payer le prix de la captivité, parce que là-haut… Ah ! comment dire ?… Là-haut, on a eu des exemples, mon vieux. Des maîtres. Des patrons. Des capitaines ! Des hommes bien ! je ne parle pas seulement du courage, ce qui est essentiel… Je parle aussi de la manière aussi, la manière !… [...]
Oh je sais bien que ce n'est pas parce qu'on accepte de se faire tuer pour une cause que cette cause est juste. Mais je m'en fous de la cause… Je vous parle des hommes… Je pourrais vous donner la liste. De toutes les origines, de tous les rangs de l'armée. Il y en a je ne sais même pas leur nom. Je ne les ai vus qu'une fois. Je sens encore… leurs doigts sur mon cœur. Un seul type bien, vraiment bien, et ça change tout. Un seul ! Là-haut il y en avait plein ! Et ils avaient la manière. Je peux vous le dire…
Je n'aime pas les méditerranéens. Ils ne savent pas se tenir... Avez-vous vu leurs enterrements ? Dégoûtant !... Ces bonnes femmes, comme des éponges, tièdes de larmes et de transpiration ! Ces cris, ces glapissements !... J'ai passé trois ans en poste là-bas pendant la guerre d'Algérie, alors vous pensez que des enterrements j'en ai vu ! Arabes, Juifs, pieds-noirs. Je les mets tous dans le même sac. Ces gens-là ne savent pas se tenir... Et ils n'ont aucun sens de l'humour. Sans humour, la vie est difficilement tolérable... p.112
C'est l'Indochine la mieux connue. Il y a l'autre : celle des contreforts de l'Himalaya au nord, de la cordillère Annamitique au centre, des plateaux montagnards du sud : plus de quatre-vingts ethnies, peuplades, tribus, clans ! À peu près intacts, pas dégénérés, aussi libres qu'on peut l'être sur terre ! Nulle part au monde une telle diversité, une telle densité… Voilà que je vous fait un cours de géographie humaine maintenant ! Comme vous m'avez l'air de ne pas connaître grand-chose, ça ne vous fera pas de mal… De toute façon, c'est de l'histoire ancienne. Cette Indochine-là est morte. Tout est rentré dans le rang. Ces survivances féodales héritées du colonialisme français ont été promptement liquidées… pas de salut hors des masses populaires, du socialisme scientifique basé sur le matérialisme dialectique enrichi par le grand Lénine et le génial Staline, du centralisme démocratique, du déterminisme historique et tutti quanti… Ha ! ha ! ha ! Ainsi va le monde !
Alors, pourquoi ?… Quel est le sens ?… Qui suis-je… Le soir, seul, je repense à tout ça… À Ky… Aux blessés sur la crête, à Lin… Aux autres, à des tas d'autres… À tous ces camarades à qui je dois… quelque chose… À Dien Bien Phu, surtout !… Au camp ! Pourquoi ne suis-je pas mort aussi ? À quoi ça sert !
Le pire, c'était le soir au bivouac. Le soir, juste avant le coucher du soleil, toutes les bestioles, tous les insectes se mettent à faire un vacarme épouvantable ; toutes ces sales bêtes grincent, cliquettent, crissent, stridulent, craquent à vous faire dresser les cheveux sur la tête. Elles sont horribles à voir, si jamais on les voit ; des carapaces, des pinces, des antennes, des cornes, des mandibules ; de vrais monstres en miniature à l'aspect malfaisant ! Et je ne parle pas de l’atroce activité de leurs petites pattes ! Chaque soir elles se lancent toutes ensemble dans un concert de crécelles strident. Chaque soir Henri me disait : « écoute, écoute comme c'est beau ! » Moi, j'avais surtout peur d'être grignoté vivant... Quand le soleil se couche, tout à coup, c'est le silence. p.216
Le voyage en Amérique de Pierre Schoendoerffer.
Entre la Guerre d’Indochine et son retour en France en 1955, Pierre Schoendoerffer s’est offert « un tiers » de tour du monde durant lequel sa détermination à faire, un jour, du cinéma, s’est maintenue. Après l’expérience des combats, caméra sur l’épaule et l’enfer de Diên Biên Phu, il retourne à la vie civile en faisant au gré de son voyage de fabuleuses rencontres : témoignage sur ses années d’insouciance pendant lesquelles il découvre une Amérique qui lui paraît familière grâce au cinéma américain dont il était un spectateur boulimique, bien avant de poser un pied sur le fameux continent.
+ Lire la suite