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EAN : 9782362241475
145 pages
Atelier In8 (01/04/2023)
4/5   3 notes
Résumé :
« On va le crever, je me répète. Tout haut. Ça fait drôle à entendre, ici, entre les parkings et les pelouses râpées. Comme un refrain de môme qui fait du bien à murmurer. Une rengaine à bonheur. Les plaisirs d’enfance, quand ils remontent en surface, ils sont plus vifs encore. Ils rayonnent. C’est des lanternes, des accroches lumineuses qui éclairent notre sentier. Toute la vie. Et là, je vois qu’elles brillent, et je pige. Je pige qu’on va le faire. Le faire pour ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Avant même de lire une ligne du roman de Gilles Verdet la citation placée en exergue prévient : "Il n'y a rien qui puisse davantage rendre un homme et une femme égaux que le fait d'être derrière un Beretta." (Amandine Carini). C'est dit.

Deux copines dans le RER puis dans le bus, l'une pleure c'est Amandine, l'autre, anonyme, est enragée contre un mec, « On va le crever » qu'elle répète sans cesse, c'est elle qui raconte « L'arrangement ». Elles roulent vers une banlieue banale, comme celle des « Portes de la nuit » de Marc Villard et Cyrille Derouineau, froide et grise de haut en bas et dans ses grandes largeurs.
Amandine a laissé filer un pack de bières à un gars en gilet jaune à sa caisse. La sanction, secrète et sale, masculine et misogyne, tombe en même temps que se ferme la porte du bureau du petit chef de supermarché.
Amandine est toute jeune, 25 ans peut-être, caissière avec un bon début de grossesse. Sa copine est poissonnière dans le même supermarché, elle est plus âgée, plus aguerrie aussi. Et ça le petit chef ne l'avait pas prévu, trop sûr de lui et de son bon droit de cuissage.
On pourrait résumer « L'arrangement » à une histoire de vengeance sur fond de lutte des classes. C'est plus que ça, bien plus.
L'équipée vers la côte ouest vire au malaise pour tous les mecs qu'elles croisent et qui se comportent comme des ordures, les peloteurs, les aguicheurs, les siffleurs et toucheurs, de ceux qui ont le cerveau entre les jambes et pas l'habitude que ce soit les femmes qui portent le flingue.

Les phrases sont souvent hachées, comme jetées sur un rythme hip-hop avec en sourdine la colère des ronds-points. le vocabulaire est choisi, pesé, plus franc que cru, efficace et redoutable. C'est un récit qui tord les tripes parce qu'Amandine on en connaît tous une autour de nous. Voici un livre sur toutes les brutalités, les violences que les hommes font subir aux femmes : familiales, professionnelles, quotidiennes, institutionnelles, etc. Je cite Nicolas Mathieu dans un podcast récemment paru en papier : « La littérature est une manière de rendre les coups. » Dans ce roman, des femmes rendent les coups, et elles ont raison.

Après les falaises normandes Gilles Verdet envoient ses héroïnes dans un Marseille émeutier, barricadé et enflammé en jaune avant de remonter dans la banlieue. C'est dans cette grisaille que ça se termine, mais il faudra aller au bout de ces cent quarante pages pour savoir comment.
Prévoyez deux heures devant vous à un moment où vous êtes bien en forme parce que l'histoire file précipitamment, sans pause pour souffler et avec une bonne paire de baffes en prime.
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Ce qui est réjouissant avec ce livre, c'est que c'est l'anti-réseaux sociaux par excellence, et la négation de tout ce que l'on essaye de nous faire avaler depuis des années. Ces quatre femmes n'ont aucune raison réelle de se rencontrer. Elles n'ont, en fait, rien en commun. de ce que l'on nous dit, Amandine semble fragile, timide, résignée. À l'inverse, la narratrice parait décidée, forte, et si on devine qu'une partie de sa force vient des difficultés rencontrées et traversées, ce qu'elle en a retenu l'a armé – et pas uniquement d'un Beretta. Rose, elle, nous est présentée comme une sorte de pasionaria des luttes, elle s'oppose dans la joie et la légèreté, comme si l'adrénaline du combat lui tenait lieu de raison de vivre. Enfin, Yasmine, l'avocate issue des banlieues De Marseille transpire la bienveillance, elle fait de son travail un sacerdoce.

Quelle était la probabilité qu'elles se rencontrent ? Nulle ! Et pourtant, cela se produit, et elles se reconnaissent. Quel pied de nez à notre modernité qui nous isole de plus en plus de ceux qui ne nous ressemblent pas ! Sur Instagram, sur Meta, sur Tik-Tok, elles n'auraient pas fréquenté les mêmes communautés et ne se seraient jamais croisées. Aucun site de rencontre n'aurait parié qu'il put y avoir un « match ». Et pourtant, elles sentent au premier regard ce qui les rapproche.

Pourtant, il y a tout de même quelques « mais ». Normalement, un road-movie comme celui-ci, on le comprend bien, a toutes les chances de mal se terminer. Enfermez votre DRH dans le coffre de votre voiture, sous la menace d'une arme à feu, fichez le camp en Normandie le temps de vous mettre à dos toute une famille de trafiquants, et, honnêtement, vous avez de bonnes chances de ne pas reprendre exactement le cours de votre vie « normale ». Eh bien, ici… presque ! Quasiment un happy end à l'américaine, du moins lié à l'histoire qui est déroulée ! Je ne vais pas dire que Thelma et Louise avaient tout de même plus de panache – parce que, évidemment, on pense à elles – … mais, quand même, si l'on se souvient d'elles 30 ans plus tard…

J'ai également trouvé que le parti-pris, tenu du début à la fin, de quasi-systématiquement évacuer une partie de la négation dans les phrases (« Elle a rien raconté à son compagnon », ou « Je lui cache rien de ma vie », « elle semble pas effrayée, juste ébahie »…), si cela donne un rythme nerveux, tendu, cela finit aussi par être un peu répétitif. Trop.

Et puis… J'aurais aimé, j'aimerais lire cette histoire écrite par une femme. Parce que j'ai eu, à certains moments, l'impression que ces femmes auraient fonctionné différemment sous la plume d'une femme. En même temps, en l'écrivant, je me rends compte que ce n'est pas exactement ce que je veux exprimer, parce que je sais qu'exactement la même chose pourrait être dit de deux femmes écrivant la même histoire. Mais je ne peux m'empêcher de penser que cette histoire mériterait d'être écrite par une femme, je ne sais pas l'exprimer mieux…

Malgré ces quelques bémols, L'Arrangement reste un livre dont les héroïnes pourraient bien vous marquer. Pour longtemps. Alors, prêts à vous embarquer pour ce périple ? Il reste quelques places à l'arrière de la voiture. Et ce sera probablement la seule fois de votre vie où vous pourrez enfermer votre DRH dans votre coffre, ce n'est tout de même pas rien…
Lien : https://ogrimoire.com/2023/0..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Dans la brume des quais, au bord des navires amarrés, j'aperçois des banderoles, j'entends des parlers forts, je sens des humeurs maussades, je devine des colères galopantes. J'écoute de plus près ces attroupés, bonnetés et bottés, aux gros bras et aux épaules de soutiers. Dans les odeurs portuaires, de gasoil et de poisson mort, c'est l'écho du labeur ordinaire, la senteur de la mouise que je reconnais aussitôt. Je me pose sur des casiers vides, pour mieux les voir, être avec eux, rien qu'un instant. Ces types en ciré jaune sont à l'origine de la chaîne, et moi, le terminus en tablier bleu. Ils arrachent à la sauvagerie des éléments marins ce que j'emballe en ville de sourires polis. De l'habit jaune soufre au bleu outremer, les deux extrémités colorées sont le lien de ce qui nous broie et nous déchire.
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Je comptais le temps qui passait en pressentant le pire à entendre, la mise à pied instantanée et définitive. Le type qui faisait office de DRH était pas aimé par celles d'en bas. Plus apprécié par ceux d'en haut pour son maintien de l'ordre, comme n'importe quel adjudant besogneux. Il régnait sur un monde de femmes en chien de berger, l'œil rond et matois, prêt à grogner ou à mordre si une s'écartait du règlement. Entre nous, on le piffait mal. Des copines ragotaient des trucs pas clairs sur son compte. Lui et moi, on se saluait seulement quand on pouvait pas s'éviter.
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Amandine garde la pause verticale, le dos et la nuque droits. Elle parle. Elle a rien raconté à son compagnon. Impossible à dire pour elle, impossible à entendre pour lui. La honte a dépassé la gêne. La honte en dedans, si crasse et si vacharde qu’elle s’est tue, et couchée seule, tôt, sans dormir, sans rêver à rien. Elle me serre le bras. Tout me revient de ses confidences de la veille. Son récit de l’entrevue, précis, détaillé, entier.
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