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EAN : 9782374750033
211 pages
Editions Rhubarbe (22/12/2015)
4/5   2 notes
Résumé :
Vivre, c’est choisir. À chaque seconde. Faire ou ne pas faire, aller là ou ailleurs, partir ou rester, sonner ou pas à cette porte, accepter ou refuser le hasard qui parfois décide à notre place de la couleur des roses. Et le hasard, c’est souvent l’autre, celui ou celle qu’on n’avait pas remarqué à la table d’à-côté, sur le palier d’en face, ou qui vous attend avec une impatience sadique au sixième droite.
Fatalement, il arrive qu’on fasse fausse route. Mais... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Si le texte, comme nous le rappelle l'étymologie, est un tissu et la nouvelle un tissage bien particulier, Gilles Verdet est un maître qui tire avec brio les fils de sa trame narrative. On reste admiratif devant l'habileté de sa construction en écho et les perspectives qu'ouvre le croisement des récits.
Il est difficile et pour tout dire cruel de rendre compte de récits policiers, surtout lorsque ceux-ci jouent sur l'imprévu, le secret, l'inattendu qui vous entraîne sur une voie qui n'a pas été choisie et encore moins envisagée. « L'insolite et l'incongru n'existent que parce que l'on ne s'y prépare jamais. » Et plus on croise les routes, plus on multiplie les possibilités.
Dans ce livre, la vie, avec ses chassés-croisés, ses boucles fantaisistes, ses « fausses routes » réserve de drôles de surprises, certaines plus assassines que d'autres et l'horreur, la violence voisinent avec le cocasse plus souvent qu'à leur tour. le lecteur découvrira au fil des cinq nouvelles noires, non dénuées d'humour, les liens connexes entre les personnages, les situations, les objets, les dialogues, les petites phrases…, les intrigues se nouant à Paris autour d'un bistrot où gravitent les protagonistes. « Les terrasses de bistrot c'est le parterre d'un théâtre. », les secrets s'y dévoilent au grand jour, et pour les autres, ceux de l'arrière-plan, on les imagine « tout au fond ». Il y a du théâtre en effet, et du cinéma, dans ces comédies tragiques mises en scène par Gilles Verdet. S'y répondent, à différents niveaux de profondeur, quelques figures masculines et féminines : le timide, le sûr de lui, le floueur floué, la bobo branchouille, le comédien figurant, le clandestin débrouillard, le trublion de service, le couple adultère, le voyeur, la maîtresse sado-maso, le marchand malhonnête… chacun pouvant jouer, selon la scène et l'heure, plusieurs rôles dans plusieurs costumes…. C'est un microcosme interconnecté aux prises avec ses vies secrètes, ses trompe-l'oeil, ses jeux de miroirs que nous raconte l'auteur qu'on imagine ici, à l'instar de ses personnages, attablé en terrasse, « la curiosité aux aguets », caméra dans l'oeil, prêt à varier ses points de vue, ses angles, tout comme ses registres de langue, notamment l'argot.
Le lecteur s'amusera à revenir en arrière pour saisir le moment où chaque histoire bifurque dans une autre, créant des jeux de perspectives, des mises en abyme propres au mystère, à l'effet mosaïque, au leurre. Il pourra choisir par exemple de suivre le fil Magritte, cet as de la représentation des images mentales qui se moquait de l'esprit de sérieux. On retrouve en effet dans plusieurs nouvelles les oeuvres du peintre qui pourraient apparaître comme le fil rouge du livre, en tout cas fournir une clé de lecture parmi d'autres (le trousseau en contient plusieurs !).
L'auteur aime lui aussi aller au-delà des apparences et jouer avec la réalité, la vision que nous avons de cette réalité. Les éléments s'interpellent au fil de la lecture, tissant des rapports qu'on pourrait croire sans fin, s'il n'y avait ces morts inscrites dans la trame des histoires, avec un effet domino qui touche tout le monde. La faute au petit grain de sable contre lequel on ne peut rien, un petit effet papillon, une mauvaise note sont toujours possibles, un couac dans la partition et hop, le pire arrive, comme allant de soi. Et le pire du pire peut se cacher derrière le banal le plus inoffensif. Finalement, les chutes dans la vraie vie n'ont peut-être pas grand-chose à voir avec celles des livres ou des films. On repense là encore à Magritte et à son souci de décaler l'objet et sa représentation, dans une démarche qui fuit tout conventionnel. « Ceci n'est pas une pipe », de même que ce bouquet de roses n'est pas un bouquet de roses, mais l'image d'un bouquet de roses. La peinture n'est pas un miroir de la réalité, l'écriture non plus, elle est plus que cela puisqu'elle nous contient, nous et notre regard, tout comme celui des personnages. Entre réalité et fiction, vérité et mensonge, on peut faire fausse route plus d'une fois.
C'est cette vision entrecroisée, chorale pourrait-on dire (dans le sens filmique du terme), interprétable à plusieurs niveaux, que l'on aime dans ces cinq nouvelles reliées par des fils qu'on s'amusera à tirer à sa guise, la pelote, elle, les déroulant dans l'unité d'un style dense, visuel, original et efficace. Une réussite.
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« Au commencement était le verbe. Suffit après d'un petit coup de pouce pour l'envoyer ailleurs. » Soit : voilà les « fausses routes » qui donnent leur titre à ce recueil de cinq longues nouvelles. Un amoureux obtient enfin un rendez-vous mais se trompe de sonnette. Dans une chorale d'amateurs, un membre ne parvient pas à distinguer un do dièse d'un ré. Juste un grain de sable dans la mécanique bien huilée de la vie. Et toute dérape. Insensiblement, mais inexorablement. Comme un adverbe fait déraper la phrase. Ne surtout pas raconter les histoires. le plaisir du lecteur est de s'y laisser glisser comme sur un toboggan. Sans pouvoir s'arrêter. « Il y a des moments de la vie, des pas ou des faux pas inutiles qu'on aimerait gommer. » Trop tard, on est embarqué.
Mais ce coup de pouce au destin, qui va le donner ? Qui va jouer au démiurge, au grand architecte qui gouverne le monde, au grand horloger qui s'amuse à le dérégler ? le plus insignifiant des personnages, celui qu'on ne voit pas, précisément, parce qu'il ne sert qu'à mettre les autres en valeur : un figurant. Et si Dieu, justement, n'était pas l'auteur ni le grand premier rôle de la pièce ? S'il n'était qu'un figurant, qui peut tout se permettre parce qu'on ne le regarde pas. Et si c'était cela, le secret de son invisibilité ? Ou plus précisément, comme lui signifie le médecin en examinant ses radios, de sa... transparence ? Méfiez-vous ! Il est peut-être caché où vous ne l'attendez pas. À la table d'un café, ou sous un camion...
Alors, juste un conseil : prenez garde aux détails. D'une nouvelle à l'autre, ils tissent une trame invisible. Une expression, un bouquet de roses, un poster de Magritte, la proximité du palais... Prenez garde aux thématiques récurrentes. le spectacle, par exemple, qui revient dans toutes les nouvelles, mais de façon discrète. D'innombrables balises constituent plus un jeu de piste qu'un décor. C'est par le détail qu'on entre dans le récit. On parle de « tournage » avant de savoir que le protagoniste est comédien. Un paillasson planté de poils pointus comme les clous d'une planche à fakir annonce discrètement la mue d'un personnage. Ce sont les détails, aussi, qui vont coudre ensemble les différentes nouvelles, jusqu'à ce que les personnages et les situations s'emboitent les uns dans les autres.
le recueil est construit comme une sonate. La première nouvelle en donnerait le thème, la deuxième le contre-thème. La troisième introduit des variations dans lesquelles les deux thèmes se mêlent étroitement. On pense avoir compris le principe, on se demande comment les trois dernières vont pouvoir innover. Et l'on est pris dans le tourbillon des modulations jusqu'à la dernière, un strette éblouissant qui reprend en quelques pages les petits détails, les mots clés, les thématiques récurrentes, avant de nous entraîner dans une folle histoire de substitution, de complot, de travestissement... Et de s'achever sur ce qui pourrait être une clé de lecture pour l'ensemble : un camion qui transporte du sable pour Paris-Plage. « Il livrait au plus vite pour reconstituer le faux littoral. » Un détail ? Ou la porte ouverte sur les coulisses d'un théâtre où l'on nous a monté un gigantesque canular ? Dans chaque récit, un grain de sable a suffi pour gripper la machine. Imaginez ce qu'un Dieu figurant ferait de milliards de grains de sable... ou même davantage ?
Cette construction aussi ingénieuse que rigoureuse est un premier plaisir de lecture. Mais c'est surtout la langue très particulière de Gilles Verdet qui séduira le lecteur. Par son inventivité, d'abord, qui joue avec humour de tous les niveaux de langue. Ici, on calanche ad vitam et on écoute de la zizique symphonique. Mais à côté du vocabulaire gentiment argotique (« j'ai mis les bouts fissa »), on trouve un jeu savant sur les allusions littéraires : « Choisir c'est mourir un petit peu » ; « Si les roses, même les jaunes, vivent paraît-il l'espace d'un instant, la vie à cet instant s'allongeait ici le temps d'un espace »... Les images éculées sont revitalisées avec humour (pour décrire des yeux : « J'y ai vu que du feu. Et du bleu. du bleu clair ») et les images originales foisonnent (« le regard attristé qu'elles portaient comme un maquillage de tous les jours »). Un léger décalage est introduit par des remarques métalinguistiques sur les adverbes, la sonorité d'un prénom, l'origine hispanique d'un tic linguistique... Comme si la langue était elle-même en représentation, miroir de ces nouvelles en trompe-l'oeil. Les frontières entre la langue et les situations est d'ailleurs poreuse. Une réflexion d'une interlocutrice (« Vous voulez boire quelque chose avant ? ») entraîne par exemple une réflexion sur le caractère du personnage (« Un petit adverbe banal et vulgaire qui ouvrait une brèche existentielle dans l'espace temps... ») Parfois, ce sont les mots qui piègent les personnages, et celui qui tire les ficelles n'a qu'à tendre l'oreille : « Suffit d'une phrase, d'être à l'écoute au bon moment. Et de tirer le fil. Et toute la trame se défait. Ici, c'étaient les adverbes les mots importants. » Anodin ? Rappelez-vous : au commencement était le verbe. Mais à se focaliser sur lui, on ne fait pas assez attention aux adverbes. Précisément.

Lien : http://jean-claude-bologne.c..
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