Ce roman à tous les éléments qu'il faut pour faire un bon polar : il est morbide à souhait, il a une détective qui a des problèmes avec sa vie privée mais qui est une personne avec beaucoup d'empathie; un tueur en série, des personnes sympathique qui risquent de se faire tuer ou se font tuer, une possibilité d'histoire d'amour.
Dès le début du roman, on connaît le meurtrier et avec le déroulement de l'intrigue, on apprend progressivement pourquoi il tue et démembre des femmes. On voit le déroulement de l'action de deux points de vue : celui de Maud et celui du meurtrier. Pour nous envoyer sur de fausses pistes, certains personnages ont peur de la police.
Je n'ai pas lu le premier roman mais je pense que dans la série, celui-ci nous met en contact avec Maud. Elle est une drôle de détective. Sa vie privée n'est pas très reluisante. Elle a été laissée par Yves. Elle ne se trouve pas jolie. Elle adore la pizza. Elle a comme ami un jeune prostitué de 16 ans.
Je sais maintenant qu'il est préférable de lire la série de Maud Graham dans l'ordre de parution parce qu'il me semble qu'elle évolue avec le temps.
J'ai bien l'intention de lire les autres romans de cette série mais cette fois-ci dans l'ordre de parution.
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Maud Graham éteignit le téléviseur d’un geste brusque, choquée par ce qu’elle venait d’apprendre. Un quinquagénaire promenait son chien quand il avait découvert un cadavre étrangement mutilé au parc du Mont-Royal. L’hiver avait conservé le corps et même si les policiers avaient demandé aux journalistes d’être discrets, la population savait maintenant qu’on avait amputé un pied, un sein et un poignet à la morte.
Un reporter n’avait pas manqué de rappeler la similitude entre ce crime et celui d’une touriste québécoise, Diane Péloquin, commis trois ans auparavant, dans le Maine. La femme avait été étranglée et mutilée. Le meurtrier lui avait coupé le sein droit et le pied gauche. Il ne fallait pas oublier non plus cette pénible affaire, à Miami, vingt mois plus tard, qui avait peut-être un lien avec ces deux crimes. On ne pouvait rien affirmer, car le cadavre était quasiment réduit à l’état de squelette, mais il manquait à ce macchabée le tibia, le péroné, le fémur, le tarse et le métatarse de la jambe gauche. On n’avait jamais pu identifier la victime et les journalistes l’avaient appelée Lucy, du nom d’une tornade qui avait ravagé la Floride la semaine précédente et ainsi déterré le squelette.
Personne n’avait alors parlé de tueur en série.
Jacques Mathieu y songerait avant la parution de son article, avant l’aube. Graham savait qu’elle lirait un éditorial alarmant sur les émules des assassins Jeffrey Dahmer et Ted Bundy, une colonne qui se terminerait par une question aux policiers : que feraient-ils pour démasquer le tueur et prévenir d’autres meurtres au Québec ? Le phénomène des serial killers était typiquement américain — même si les Anglo-Saxons avaient eu leur Jack l’Éventreur — et il devait le demeurer. Les touristes québécois redoutaient déjà la trop violente Floride, il était inconcevable que les monstres américains viennent les terroriser dans leur propre pays.
Graham plaignit ses collègues montréalais ; ils seraient critiqués et harcelés avant même d’avoir bougé. Louis Pelchat, le pro des relations publiques, devrait participer à vingt tribunes téléphoniques afin de calmer la population. Si la détective comprenait l’angoisse qu’une telle nouvelle pouvait susciter, si elle acceptait que les journalistes fassent leur métier et informent leurs lecteurs et leurs auditeurs, elle admettait mal qu’on saute aux conclusions avant même qu’une enquête ne soit commencée et qu’on condamne les policiers qui n’avaient pas découvert le cadavre juste après l’assassinat. Ils avaient en ce moment si peu d’indices qu’il faudrait un miracle pour trouver le coupable.
Maud Graham pensa au mari de cette victime, à ses amis, à ses parents qui pourraient enfin l’ensevelir. Ils n’exposeraient pas le corps, mais ils voudraient de vraies funérailles. Ils seraient furieux que les journalistes essaient d’y assister, même si leur présence et la photo de la tombe dans les journaux prouveraient que Muriel Danais était bien morte et bien enterrée. Elle les hanterait, mais ils n’erreraient plus. Ils sauraient. Ils ne regarderaient pas les lilas fleurir en se demandant si Muriel les voyait aussi, ou si elle avait été enlevée et emmenée loin de Montréal, forcée à se prostituer dans un pays où poussent des fleurs d’oranger, comment elle avait disparu — car tous rejetaient l’idée saugrenue qu’elle soit partie avec un autre homme —, si elle vivait toujours, où, comment et si elle reviendrait, si elle était devenue folle, si elle s’était enfuie, si elle mourrait du cancer, du sida, si on l’avait tuée, si on l’avait torturée avant de l’assassiner.
Oui, n’aimerait pas répondre Graham à ceux qui aimaient Muriel Danais, oui, on lui avait coupé un sein, un poignet et un pied. Et l’enquêtrice devinait qu’on l’avait piquée, comme Diane Péloquin.
L’été dernier, Graham avait reparlé du meurtre de cette touriste avec Rouaix, mais elle n’avait pas dit que l’instrument avec lequel on avait piqué la victime avant sa mort lui rappelait l’outil dont on usait jadis pour déceler la marque diabolique chez une sorcière. Les inquisiteurs enfonçaient le long stylet plusieurs fois dans le corps de leur victime jusqu’à ce qu’ils trouvent ce qu’ils cherchaient. Ou non. Ça ne changeait rien ; la femme était exécutée. La Femme.
Est-ce que le tueur détestait les femmes autant que les inquisiteurs moyenâgeux ? Les torturait-il avec le même plaisir ?
Croyait-il, lui aussi, obéir à une loi divine ? Ou, mieux encore, être au-dessus des lois ?
Et voulait-il en tuer des dizaines, des centaines ?
Rouaix avait déclaré qu’un meurtre commis aux États-Unis ne les concernait pas, même s’il s’agissait d’une compatriote : on avait assez à faire au Québec. Graham avait acquiescé, mais elle ne pouvait chasser de son esprit l’image du corps meurtri, semblable à celui des milliers de sorcières condamnées sans procès.
Elle y repensait quand Léo miaula. Elle souleva son chat gris et le tint contre son épaule en lui grattant le cou. Lui au moins ne finirait pas au bûcher. Graham effleura les vibrisses en constatant qu’elles avaient pâli. Léo vieillissaitil ? Son poil avait légèrement bruni durant l’hiver. Un interminable hiver ; il n’était sorti qu’une douzaine de fois. Quand Graham partait travailler, il la regardait s’éloigner par la fenêtre en la plaignant sincèrement d’affronter des froids pareils.
— Je t’ai acheté des éperlans, mon beau Léo. Jure-moi de ne pas les cacher sous le tapis de la salle de bains ! Jure !
Le matou passa une patte derrière son oreille ; il pourrait toujours dire qu’il n’avait rien entendu.
— Les lilas seront en fleur dans deux mois, Léo. Te rends-tu compte ?
La pluie avait cessé. Plusieurs enfants sortiraient leurs bicyclettes du garage même s'il restait des îlots de neige, du sable et des graviers dans les rues. Il faudrait redoubler de prudence, car les petits, ivres de liberté, ne voyaient rien, n'entendaient rien. Ni lumières, ni klaxons, ni cris, ni panneaux. Le printemps leur appartenait, comme la ville. Des ailes leur avaient poussé durant l'hiver, ils l'auraient juré, des ailes qui s'étiraient comme celles des papillons à peine éclos, des ailes qu'ils rêvaient d'étrenner, qui les transformaient en kamikazes. Ils s’élançaient, un conducteur freinait brusquement, blêmissait, son cœur s'arrêtait de battre quand il comprenait qu'il avait heurté une fillette qui ressemblait au Petit Chaperon rouge, mais qui ne dégusterait plus jamais de galettes. Et le sang sur la chaussée dégoûterait à jamais le chauffeur des confitures.
Tétanisés d'horreur, ils savaient maintenant que l'enfer était un endroit de villégiature en comparaison de cet hangar. Dante n'aurait pas imaginé pire. Les hommes s'attendaient à voir surgir d'immondes gargouilles, des rats pestiférés, des nuages d'insectes, des créatures d'outre-tombe aux plaies grouillantes de vers, des spectres mutilés venus récupérer leurs membres coupés ; toute une cohorte de femmes et d'hommes à demi pourris, lépreux d'un long séjour en terre réclamant leur bien.
Les policiers cherchaient la faille infime dans le système érigé par un meurtrier, ils cherchaient avec l'acharnement d'un pitbull et la patience des centaines de femmes qui avaient réalisé les tapisseries "La dame à la licorne" du musée de Cluny. Ils travaillaient comme elles en groupe et chaque nouvel élément permettait de cerner lentement le motif. Les contours se précisaient, des visages apparaissaient, la vérité se dessinait.
Elle ouvrit la fenêtre pour appeler son chat, qui daigna enfin revenir. Son poil était frais, il sentait la nuit, son mystère. Graham enfouit son visage dans le ventre de Léo comme pour s'approprier son odeur fauve. Elle pensa à "La féline" et envia Nastassja Kinski de pouvoir se transformer en panthère. Les panthères ne doivent pas avoir peur très souvent.
Les impacts du mouvement #metoo dans notre société contemporaine sont majeurs. Une vague d'auteur·rice·s de la littérature québécoise y ajoutent leur point de vue en plongeant leur plume dans les thématiques d'abus de pouvoir, de dénonciation, de justice réparatrice, de prise de parole publique, de féminisme et de militantisme. Dans cette table ronde multigénérationnelle animée par Maguy Métellus, nous entendrons les voix des autrices Chrystine Brouillet, Myriam Vincent et Michelle Lapierre-Dallaire.
Avec:
Chrystine Brouillet, Autrice
Michelle Lapierre-Dallaire, Autrice
Myriam Vincent, Autrice
Maguy Métellus, Animatrice
Livres:
Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c'était par amour ok
Sa parole contre la mienne
Furie
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