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EAN : 9782246835882
384 pages
Grasset (03/01/2024)
4.17/5   3 notes
Résumé :
L'épopée de la science en marche dans les heures les plus sombres, à la Oppenheimer.

Début du XXe siècle, l’électricité est synonyme de progrès. Elle permet d’illuminer la nuit, de dialoguer à distance grâce au téléphone, bientôt d’effectuer des transmissions radiophoniques. Fascinés, scientifiques et ingénieurs se bousculent dans la course aux découvertes. Vies électriques est le roman de deux destins croisés, emportés par la science.

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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Avec “Vies électriques”, nous suivons la domestication de l'électricité et son usage de masse dans le contexte de la fin de la République de Weimar et du troisième Reich. Il est plus particulièrement question des recherches menées par Hans Berger et de ses prolongements par Zenon Drohocki.
On décèle en filigrane une évolution quasi linéaire entre les applications de l'électricité et la relation à la vie. Dans un premier temps, Hans Berger l'utilise pour traquer dans une quête désespérée l'énergie psychique qu'il pense être la source de la télépathie, pour relier les vivants, pour détecter des tumeurs et les soigner. (Par ailleurs, son motif de satisfaction lors de la Première Guerre mondiale sera de n'avoir pas contribué à la production d'armes de destruction.) Ensuite, dans le camp d'Auschwitz, Zenon Drohocki utilise l'électrothérapie à la manière d'une “roulette russe” pour octroyer aux patientes/détenues un “supplément de vie [ou] une mort accélérée”. Finalement, Dalibor Frioux laisse entrevoir les usages à des fins de destruction (que ce soit dans les airs, avec les rayons Angst d'Hubert Rorhacher, ou sur terre, avec les expérimentations sadiques de Josef Mengele). “Vies électriques” est un écho à la célèbre expression rabelaisienne “science sans conscience n'est que ruine de l'âme".
Faut-il y voir un subtil avertissement de l'auteur à l'égard des usages inconsidérés de la science, surtout lorsque ce ne sont que ces aspects inoffensifs ou positifs qui sont perceptibles ? A cet égard, le titre "Vies électriques" pourrait aussi référer, au-delà de l'objet même du récit, à l'emprise croissante des algorithmes, de l'intelligence artificielle et un peu plus loin, du transhumanisme sur notre destin.
Le rôle des femmes se modifie aussi graduellement. Alors qu'elles ne sont pas le sujet d'analyse de prédilection de Hans Berger, les expérimentations portent essentiellement sur elles dans le camp d'Auschwitz. Là où les hommes servent de chair à canon, les femmes de Birkenau servent de “cerveaux à électrochoc”, mais avec la contrepartie pour les chanceuses qui résistent aux séances d'électrothérapie de retrouver furtivement un mari, frère ou cousin détenu, au nez et à la barbe des soldats SS.
Le roman offre également un éclairage sur un aspect particulier de la vie dans les camps de concentration, à savoir le rôle du "corps médical", de ces hommes qui sont contraints à participer à cette mascarade qui fait d'eux des sauveurs et des bourreaux et qui doivent masquer aux familles le décès de leurs proches pour continuer à bénéficier l'envoi de colis alimentaires qui rendent le quotidien plus supportable pour les prisonniers. Enfin, leurs geôliers ferment les yeux sur les petits trafics avec l'IG Farben à proximité d'où proviennent les pièces nécessaires à la construction de l'appareillage; en retour, les prouesses techniques rejaillissent sur la réputation de leurs gardiens si bien que, comme le dit le chef de l'hôpital à Drohocki: “nous nous tenons les uns les autres”.
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● L'auteur, le livre (384 pages, 2024) :
Dalibor Frioux est un de ses intellectuels curieux de la chose scientifique, un agrégé de philo habitué à questionner notre époque (son mystérieux prénom est d'origine tchèque) .
Avec ces Vies électriques, il se propose de nous faire partager deux histoires avec de l'Histoire dedans.
Celle de l'allemand Hans Berger, psychiatre féru de télépathie, qui sera le père de l'électroencéphalogramme.
Berger est de l'époque où Marconi fait voyager les ondes et Roentgen découvre des rayons inconnus.
Et l'histoire d'un juif polonais, Zenon Drohocki, né un peu plus tard, qui finira dans un camp nazi d'Auschwitz. Lui sera le père des électrochocs.
Deux destins bien différents au coeur de ce siècle tourmenté.
Ce n'est pas certainement pas le siècle des lumières, loin s'en faut, mais peut-être celui de l'électricité, quand ce mot était encore synonyme de progrès (mais voilà qui résonne étrangement aujourd'hui).
Un sujet scientifique qui fait aussi écho au dernier Franck Thilliez : La faille, qui lui aussi tournait autour des ondes de notre cerveau.

● On aime :
❤️ On aime beaucoup la plume élégante de cet auteur, presque classique, ce qui convient parfaitement au siècle évoqué ici.
Une élégance sérieuse qui cache un brin de suave ironie, le ton de ces bios romancées qu'on affectionne tout particulièrement, à la manière d'un Jean Echenoz ou d'un Patrick Deville.
❤️ On apprécie que Frioux évite tout manichéisme dans sa mise en scène : ses personnages sont suffisamment complexes et tourmentés pour échapper à toute caricature.
❤️ du côté de Berger, le toubib allemand qui inventera l'EEG presque par hasard, on savoure l'histoire de la famille bourgeoise et compassée (le toubib épousera une von Bülow) avec les soeurs qui rêvent d'émancipation (elles obtiendront le droit de vote en 1918, bien avant les françaises) et la douce poésie qui émane des relations entre Hans et sa soeur Pauline avec qui il pratique la télépathie.
❤️ du côté de Drohocki, le comte juif polonais qui se retrouve à Auschwitz, c'est évidemment moins frivole. le stalag est un camp de travail forcé pour l'entreprise IG Farben à proximité (le caoutchouc dont ont besoin les armées du Reich).
Mais l'on ne peut que rester admiratif devant les manigances du "docteur" et de ses codétenus qui vont monter un véritable hôpital et tout un labo d'expérimentation grâce aux vols de matériels commis par les ouvriers sur les chantiers d'IG Farben. Avec même la complicité des SS.

● L'intrigue :
Le bouquin est une double biographie romancée ou l'auteur alterne les chapitres entre ses deux personnages.
C'est toute la première moitié du XX° siècle qui défile ici : Berger est né en 1873, il traversera la première guerre mondiale et sa chère épouse pourra apprécier l'ascension d'Hitler et du nazisme.
Drohocki est né trente ans plus tard, en 1903, en Pologne. Et sous une mauvaise "étoile".
D'un côté Hans Berger, son enfance, sa famille, sa carrière, et sa longue et laborieuse quête du fameux électroencéphalogramme qu'il finira tout de même par mettre au point, un peu par hasard.
De l'autre côté, Auschwitz où le juif Zenon Drohocki est déporté dans un camp de travail. Il se retrouve bientôt à officier dans l'hôpital de fortune du camp où il finira par expérimenter ses électrochocs sur de nombreux "patients" plus ou moins volontaires.
Dans la vraie vie (dont le livre soigneusement documenté, reste très proche), ces deux curieux savants auront même l'occasion de se croiser dans les couloirs d'un congrès à Paris : une brève rencontre qui ponctue cette double histoire. Une curiosité très intéressante.
Pour celles et ceux qui aiment quand le courant passe.
Livre lu grâce aux éditions Grasset.
Lien : https://bmr-mam.blogspot.com..
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À l'aube du XXème siècle, un jeune Allemand nommé Hans Berger, fasciné par l'énergie psychique et par les expériences de télépathie qu'il a menées avec sa soeur adorée, décide de consacrer ses recherches et ses expérimentations à sa quête ultime, à savoir relier les hommes par la pensée. Enfermé dans son laboratoire, Hans Berger va mener des expériences en se servant de cobayes humains, dont certains, rescapés de la guerre 14, vont se soumettre à des tests liés à l'électrothérapie et à diverses méthodes qui mèneront plus tard à l'invention de l'électroencéphalogramme.

Dans un récit parallèle, on découvre, durant la seconde guerre mondiale, les expériences menées par autre scientifique, nommé Zénon Drohocki, neuropsychiatre, juif polonais, arrêté en 1943 par la Gestapo, puis déporté avec sa femme à Auschwitz-Monowitz. Là-bas, il va être employé dans l'hôpital local comme médecin, persuadé qu'il peut guérir de la mélancolie, les prisonniers, juifs comme lui. Les médecins nazis, dont un certain Josef Mengele, avides d'expériences médicales en tout genre, laisseront les mains libres à Drohocki qui va peu à peu perdre tout sens éthique, allant toujours plus loin dans ces séances d'électrochocs infligées à des êtres fragiles, dont certains y laisseront leur peau avant même de connaître la chambre à gaz.

Deux récits de vie de scientifiques aux parcours assez similaires, plongés dans l'horreur de la guerre, faisant fi de toute considération humaine pour mener à bien leurs expériences. Deux personnages oubliés de l'Histoire sur lesquels Dalibor Frioux apporte un éclairage remarquable et passionnant
Durant près de 400 pages, on est plongé dans les turpitudes de la guerre à travers le regard de ces deux hommes de science qui, au nom de leur dévorante passion, ont franchi la frontière entre le bien et le mal.

Dans un récit très documenté, l'auteur de Eloge du sommeil à l'usage de ceux qui l'ont perdu, montre ici toutes les limites de la science quand celle-ci est mise au service d'une entreprise inhumaine… Un thème qui était déjà au coeur du film à succès, Oppenheimer de Christopher Nolan, sorti en juillet 2023 au cinéma.


Lien : https://www.benzinemag.net/2..
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critiques presse (3)
Bibliobs
12 avril 2024
Le récit met en miroir les destins d’Hans Berger, neurologue allemand, et de Zenon Drohocki, juif polonais, déporté à Auschwitz. Aussi opposées soient-elles, les trajectoires des deux hommes se rejoignent dans l’alliance faustienne entre la science et la guerre.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
OuestFrance
20 mars 2024
Dalibor Frioux relate le parcours de deux savants fascinés par l'électricité. Mais jusqu'à quel point recherche et éthique sont-elles compatibles ?
Lire la critique sur le site : OuestFrance
LeMonde
11 mars 2024
L’écrivain, par ailleurs conseiller politique, se passionne pour les énergies, motif de son troisième roman, « Vies électriques ».
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
(A propos de la Première Guerre mondiale]
S'élancer hors de la tranchée, c'est chanter l'éloge de l'industrie, de ses progrès constants, de son efficacité, puis mourir. Il n'y a plus de combattants, simplement des millions de tests d'usine concluants que s'échangent les nations les plus riches du monde. Hans voit dans les yeux des soldats cette honte et cette colère d'avoir été fauché par le métal anonyme.
Le no man's land entre les deux tranchées n'obéit plus aux lois de l'histoire, aux lois de la saine purge. Il n'est plus la prairie des grandes chevauchées sabre au clair. Cette gadoue est une planète à la pesanteur démultipliée. Les champs d'honneur sont devenus des champs électromagnétiques. C'est un espace-temps déformé, où tout corps se recourbe vers la terre. Mourir se réduit à un sort jeté par la chimie, la physique, l'électricité triomphantes. L'énergie continue à traverser ces corps humains transparents et futiles, comme une simple radio. De figurative, la guerre est devenue abstraite.
(p.174, Grasset)
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[dans le camp d'Auschwitz]
Drohocki ne dispose d’aucun médicament, mis à part quelques barbituriques de hasard, pas plus que d’outils de diagnostic. Assis devant une petite table sur son tabouret, il prend des notes sur chaque cas, soumet les patients à des tests psychométriques, les invite à décrire au mieux leurs affections. Il sait que la parole est en elle-même un premier remède. En ce début 1944, combien de temps leur accordera-t-on ce luxe invraisemblable ?
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— Bon, tu sais qui sont les brahmanes ?
— Non, pourquoi ?
— Ce sont les sages de l’Inde.
— Et alors ?
— Tu sais ce que c’est, pour eux, la vie ?
— Je m’en fiche [...]
— Eh bien, les brahmanes, ils pensaient que la vie est
une cuisson. Comme une sauce qui réduit dans la casserole.
— Comme dans le four ?
— Exactement. Et à la fin, tu vois si c’est beau ou si c’est bon, à la fin seulement.
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Alors que faites-vous quand vous ne comprenez pas pourquoi une radio ne marche pas ?
Vous tapez dessus, aussi bon technicien que vous soyez.
On peut faire la même chose avec les malades mentaux.
On va leur faire frôler la mort, pour qu’ils retrouvent l’esprit.
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Tout le monde se comprend, tout le monde a compris le jeu auquel ils jouent. Une forme de roulette russe, entre supplément de vie et une mort accélérée. Quand ils ne sont pas des sauveurs, ils sont des bourreaux. (p.326, Grasset)
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Un nouveau cycle de rencontres explore les questions écologiques portées par la littérature, dans le prolongement du Prix du roman d'écologie décerné depuis 2018. L'inspiration écologique est-elle une manière de renouer avec une littérature engagée ? Cette rencontre s'intéresse à l'engagement en littérature.Dialogue entre Camille Brunel, auteur de La Guérilla des animaux (Alma Éditeur, 2018) et Errol Henrot, auteur des Liens du sang (Le Dilettante, 2017)Animé par Dalibor Frioux, écrivain
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