Grand-père dit que les modèles de Madame font penser à des habits de poupées, mais de poupées soviétiques retrouvées sous les ruines de Stalingrad après le siège. N’empêche qu’au moins on sort de l’ordinaire. On n’en peut plus de ces gens qui achètent, achètent, parce qu’ils n’ont pas d’autre plaisir dans la vie, et la meilleure des révolutions consisterait à ne plus acheter et à tous nous habiller en récupérant de vieilles nappes et des draps usagés.
Quand madame va chez son amant, s’il cuisine pour la semaine, il met la nourriture sous son nez dans le congélateur sans lui dire : « Tu veux goûter ? »Peut-être pense Madame, la désire-t-il si fort qu’il veut aller au lit dare-dare, sans perdre de temps en futilités. Et après l’amour ils sont si fatigués qu’ils n’ont plus le temps à manger.
Grand-père dit à Madame qu’elle ne devrait plus aller chez l’amant parce que, à ce stade, la question n’est pas si l’aime ou non, mais s’il la traite ou non comme un être humain. Quand on cuisine devant un autre être humain, on propose : « Tu veux goûter ? » Tandis que s’il s’agit d’un porte parapluie, on ne pense pas à lui donner à manger. Pas vrai ?
Ici, le ciel est transparent, la mer couleur saphir et lapis-lazuli, les falaises de granit or et argent, la végétation riche d'odeurs.
On n'en peut plus de ces gens qui achètent, achètent, parce qu'ils n'ont pas d'autre plaisir dans la vie, et la meilleure des révolutions consisterait à ne plus acheter et à tous nous habiller en récupérant de vieilles nappes et des draps usagés. (p.52)
« Vivre bien et vivre heureux, voilà deux choses différentes. » (Wolfgang Amadeus Mozart citation liminaire)
Madame dit qu’elle est convaincue que cette histoire de règles est vraiment psychologique parce qu’elle ne les a plus mais que l’envie de faire l’amour avec son homme est toujours là, très forte.
Sa réponse a épouvanté Madame qui s ' est jurée de ne plus jamais lui poser de question idiote.Des questions aussi idiotes détruisent la magie.Et sans la magie la vie à un goût d épouvante...
Grand-père dit qu'il ne voudrait pas de cette femme, même si c'était la dernière restée sur terre et qu'il s'agissait de la prendre non pas sous son toit ou dans son lit, mais comme voisine de caveau. Mais la grand-mère des voisins est un être humain important parce qu'avec son cerveau plus petit qu'un petit pois, elle est la preuve ontologique de l'existence de Dieu. Comment pourrait-elle en effet, alors qu'elle manque autant de cervelle, marcher, parler, exprimer des pensées et éprouver des sentiments si l'âme n'existe pas ?
Parfois le manque d'amour réveille Madame en pleine nuit, elle se rappelle qu'elle est seule et elle a l'impression d'étouffer, elle va boire un verre d'eau, mais l'amour qui n'est pas là lui coupe le souffle.
Une fois, Madame a confié à la maman des voisins qu'elle veut mourir parce qu'elle se sent malheureuse et inutile. La voisine l'a consolée en objectant que personne n'est inutile sur terre, pas même les bêtes les plus repoussantes et que les fois où ça lui tombe dessus aussi, elle pense à Saint-Paul quand il dit : « Seigneur, garde-moi ici-bas tant que tu me penseras utile. » Tant que le Seigneur nous garde en ce monde, cela signifie qu'il y a une raison.