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3,64

sur 148 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Arrivé d'Algérie à neuf ans, le narrateur Kateb a grandi dans la pauvreté au sein d'une cité HLM d'Ile-de-France. Aujourd'hui âgé de trente-quatre ans et biographe pour anonymes, il est invité par un ami neuropsychiatre à participer à une expérience, qui vise à sauver des êtres à la dérive en les aidant à coucher leur souffrance sur le papier. Amené par ce biais à côtoyer des bénévoles au service des exclus, Kateb voit resurgir de plus en plus nettement le souvenir de Nadia, son grand et secret amour de jeunesse qui se dévouait elle aussi aux plus démunis. Peu à peu, c'est son propre fil de vie qu'il se met à dérouler…


Roman, enquête, récit personnel ? Ce livre brouille tellement les pistes que l'on ne sait plus. En tous les cas, Kateb semble beaucoup emprunter à l'intimité de l'auteur, et le récit apparaît trop précis et authentique pour ne pas refléter une véritable expérience personnelle du milieu des bénévoles et des exclus. Il y a d'abord la survivance du passé de Kateb qui, de l'Algérie à la France, puis de la cité aux beaux quartiers, vit tous les jours le délicat exercice de funambule de qui change de pays et de milieu social, et qui, toujours entre deux identités, conserve au fond de lui les doutes et la culpabilité du transfuge. En constante recherche d'équilibre culturel et social, ce personnage va peu à peu reconnaître ses fêlures, au contact des êtres cabossés que sa mission lui fait rencontrer : hommes et femmes tombés du fil de leur vie ou à la recherche d'un accomplissement personnel dans l'humanitaire. Dès lors le texte prend des allures de reportage, où se dessine une foule d'anonymes d'autant plus en souffrance que leur misère reste muette et les exclut ni plus ni moins de l'humanité qui les ignore. Une réflexion s'engage sur l'assistance et la charité, qui rend particulièrement hommage aux restos du Coeur, dont on connaît l'aide alimentaire d'urgence mais beaucoup moins les actions pour le retour à l'autonomie des personnes accueillies.


Avec cet homme qui trouve, dans le bénévolat au service des exclus et des démunis, un pansement à son enfance misérable et aux fêlures de son identité, l'auteur semble revisiter sa propre histoire. Il s'interroge ainsi sur la manière dont les livres et l'écriture l'ont aidé à trouver un équilibre sur le fil d'une vie tendue entre deux cultures et deux milieux sociaux. Si l'ensemble a curieusement peiné à me toucher, sans doute en raison de la tonalité journalistique que prend souvent le récit, j'ai littéralement fondu pour Zina, la mère de Kateb, si digne et si généreuse dans l'amour maternel qui, seul, lui tient lieu de balancier dans sa trajectoire d'« analphabète bilingue ».


Hommage aux démunis et à leurs aidants, reconnaissance du pouvoir de l'écriture et de la littérature, ce livre qui renvoie au parcours personnel de l'auteur, mais aussi à nos propres fêlures, sonne profondément juste. Dommage que l'aspect souvent très documentaire du texte tende à masquer sa sensibilité pleine de délicatesse et de pudeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Un funambule se déplace sur un fil tendu à une certaine hauteur du sol. A quelle hauteur ? Cela dépend du franchissement mais surtout, pour éviter de chuter, il se munit d'un balancier qui a généralement une forme courbe. Ainsi, le barycentre G de l'ensemble {funambule-balancier} est plus bas, et le moment d'inertie J est augmenté, ce qui limite une possible mise en rotation dudit funambule autour de l'axe du fil ce qui se traduirait par sa chute.
Ici, les artistes ne s'appellent pas Charles Blondin, alias Jean-François Gravelet, funambule français connu pour avoir traversé les chutes du Niagara en 1859, ni Étienne Blanc ayant réalisé le même exploit mais l'auteur lui-même, et toute la galerie de personnages dont les portraits sont élégamment brossés dans ce roman reportage.
Qui s'articule sur la description du fonctionnement des restos de coeur, en termes organisationnels, des bénévoles qui se mettent au service de cette cause, en termes humains, et accessoirement de son rapport personnel à ces êtres humains dans le besoin dont il se sent proche et envers qui il semble avoir contracté une dette.
Dette qu'il fantasme dans un amour adolescent qu'il cherche à exorciser.
Le fil, c'est sa vie, que l'auteur semble avoir du mal à traverser, le balancier semble être la chaîne humaine qui lie tous les bénévoles et les bénéficiaires de cette aide et qui forment une bien plus belle humanité que tous ceux à qui nous donnons stupidement le pouvoir (ou ne donnons pas, le résultat est le même) de nous représenter.
On peut se demander en refermant le livre comment on en est venu à accepter l'inéluctabilité de la misère dans une société mondiale capable de produire plus qu'il ne faut et, qui plus est, dont les gourous gavés et stratosphériques prônent qui la décroissance qui le dépassement de l'humain...
Sympathique à souhait mais plus reportage que roman.
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"Biographe pour anonymes" : qu'est-ce que cela veut dire ?
Si un biographe pour anonymes peut vouloir dire : un « bénévole accompagnant » comme ceux qui oeuvrent aux Restos du Coeur, si la vocation est déterminé par un prénom donné par la mère : « Kateb, ça veut dire écrire », le livre de Mohammed est aussi celui de Monique qu'ils « f[on]t ensemble » afin de joindre leur besoin de mots devant l'iniquité de la vie.
Le style sobre de Mohammed Aïssaoui réussit à ébranler les préjugés, d'une manière pudique.
Voir plus sur anne.vacquant.free.fr/av/
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Je découvre cet auteur, sur les conseils de ma libraire. Et j'ai apprécié ce roman. L'histoire d'un écrivain public, biographe pour anonymes, comme il se définit, arrivé en France à l'âge de neuf ans, élevé par une mère seule, "analphabète bilingue" comme il le dit.
"Ma mère ne sait ni lire ni écrire ? Alors, j'en ferai mon métier. On a changé de pays ? Alors, j'adopterai sa langue, sa culture, jusqu'à ses contradictions même."

On le découvre dans sa quête des laisser pour compte, des démunis, les "funambules" de la vie, de qui il devient la plume pour raconter ces vies difficiles, et y rechercher en même temps un amour perdu.
J'ai aimé l'écriture, le sujet, les personnages.
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Roman, documentaire ou enquête journalistique ? Quelle importance ? C'est un livre magnifique qui m'a beaucoup touchée par sa simplicité et sa profonde humanité.

Le narrateur nous fait entrer dans le monde des exclus de la société et des associations d'aide aux plus démunis telles que Restos du Coeur, Petits Frères des Pauvres, ATD Quart Monde... On y rencontre des miséreux, des accidentés de la vie en tous genres mais aussi des aidants, bénévoles ou salariés, tous des Funambules.

Le style d'écriture est simple, le ton est juste, imprégné d'empathie et d'humanité. Un livre que l'on n'oublie pas.
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À quel moment le funambule ne tient plus sur le fil ténu de la vie et bascule ? Monique me répond que le grand facteur d'exclusion est la perte du toit (…) le funambule perd son fil et ne peut plus remonter dessus. L'équilibre est presque définitivement rompu. Plus de chez-soi. Que sommes-nous sans un lieu où nous reposer, où nous retrouver, où accueillir ? Je vois des mendiants tenter désespérément de garder la même place chaque jour, un banc dans un métro, un bout de trottoir, une bouche d'aération – un lieu à eux, si dérisoire soit-il.

C'est en lisant de telles phrases que le titre de ce livre a commencé à trouver un sens à mes yeux. un beau roman sur la charité sur ce que l'humain réserve de bon en lui et qu'il sort de lui pour l'offrir à ses semblables.
Le narrateur traîne sa mélancolie partout où il va. Il y a cette tristesse né des désillusions de sa mère (analphabète bilingue) qui a quitté le pays d'origine pour la France quand il avait neuf ans, et qui a 57 ans se retrouve entre les mains d'une maison de repos totalement meurtrie et cassée par la vie.
Son fils fait des études , obtient un diplôme et du moment que sa mère peut avoir la garantie que ce diplôme puisse lui permettre de travailler dans un bureau , cela suffit à lui donner l'illusion que tout est bien finalement, que d'une certaine façon , la boucle est bouclée.
Le voilà biographe pour anonymes. Et ce destin le mènera vers une traversée où il rencontrera des hommes et des femmes comme lui en équilibre sur le fil de la vie. il rencontrera des gens bien différents des uns et des autres, son métier le rapprochera des bénévoles venant en aide aux plus démunis . il apprendra beaucoup sur l'état de la société française et sur ce que de braves gens font quand l'état lui même ne veut ou ne peut faire.
Il verra à quel point la richesse est souvent autre chose que l'avoir mais caractérise le plus souvent l'être.
De toutes ces rencontres avec de SDF , des bénévoles, des gens inclassables qu'on appelle négligemment des "cassos", de tout ce mélange il devient parfois difficiles de savoir qui aide et qui est aidé et souvent la séparation entre les deux côtés est un fil presqu'invisible: d'anciens aidés aident à leur tour.
L'association des restaus du coeur est choisie dans ce livre et le lecteur se rendra compte assez vite que le caractère structuré de cette association vieille de plus de 35 ans l'a fait devenir une entreprise nationale reprenant parfois les torts et les travers de toute autre entreprises avec ses exigences et ses reproches sur la ponctualité, l'absentéisme...
enfin ce qui nous rend le narrateur attachant en plus de ses expériences vécues à la rencontre des autres et des amitiés qui se sont installées malgré une solitude sou-jacente rendue immense par la perte de vue de son amour de jeunesse Nadia. Cela ramènera le livre vers le roman plus que le vers le documentaire car il cherchera toujours à la retrouver tout au long du livre ce qui placera le lecteur au plus près de l'âme du narrateur.

Un beau livre d'une dimension sociale essentielle dans un monde de plus en plus sans repères, qui est voué au dictat du consumérisme et de l'individualisme. j'aurais pu le lire en écoutant foule sentimentale d'Alain souchon.

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Dans ce roman le narrateur qui est arrivé en France à 9 ans explique qu'il a réussi à se sortir de la pauvreté grâce à son amour de la littérature. Il est devenu, depuis, biographe pour anonymes et son travail l'amène à raconter la vie de bénévoles portant assistance aux plus démunis.

Si le livre nous parle de l'engagement des bénévoles des Restos du Coeur, d'ATD Quart monde ou des Petits Frères des Pauvres, il dresse aussi avec beaucoup d'humanité le portrait de ces « funambules », ces personnes tombées de leur fil à la suite d'un accident de la vie. On y trouve également de belles évocations à sa mère « analphabète bilingue » ou encore à Nadia, son amour de jeunesse, qu'il espère retrouver un jour.

L'écriture est sobre, juste. Les « sans-voix » sont mis en lumière, tout comme la place de la littérature et de l'écriture dans nos vies.

Un très beau livre et une très belle référence à Nadja d'André Breton !
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Un excellent récit qui raconte des histoires qui ont été confiées au narrateur entre 2012 et 2018. Une plongée inédite dans le milieu associatif où nous rencontrons par exemple le personnage de Monique qui est bénévole chez les restos du coeur. La vie est un équilibre fragile et chacun peut tomber de haut et tout perdre. Cette magnifique oeuvre de Mohamed Aissaoui nous offre une traversée délicate de la charité contemporaine et nous montre ce qu'il y a de bon en l'humanité et ces gens bénévoles qui n'hésitent pas à venir en aide à leur prochain.
Un roman très poignant surtout que le sujet touche tout le monde en cette période difficile pour les plus démunis.
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Ce roman démarre fort, voici l'incipit :
« Chez nous, il valait mieux avoir un père mort qu'un père absent. Un père mort, on pouvait lui inventer une légende, un accident du destin. Les familles les plus heureuses étaient celles dont le père n'était pas revenu de la guerre : un martyr rayonnait sur au moins trois générations. »
Dans « la hiérarchie des absents », la famille du narrateur arrive en dernière position, la moins souhaitable donc. Son père est parti faire fortune dans un autre pays. Il est revenu avec encore moins d'argent qu'avant, « un moins que rien », une véritable honte dans ce village algérien.
Mais il dit avoir eu une enfance heureuse. A l'âge de 9 ans, sa mère l'emmène en France. Elle se démènera pour qu'il puisse faire des études. Aujourd'hui il a 34 ans, il est biographe pour anonymes. Il décèle chez les personnes leur fêlure, cela reviendra souvent dans le roman. On apprendra son prénom qu'à la toute fin du roman car il a une signification particulière.
Les chapitres sont courts. Chaque chapitre évoque un sujet.
Il nous raconte par bribes son enfance, son adolescence dans une cité HLM, sa mère usée d'avoir trop travaillé, son métier et Nadia, son premier amour perdu de vue qu'il veut retrouver.
« Mais Nadia était une funambule, toujours sur le fil de la vie : aidait-elle ou était-elle aidée ? »
On lui propose un travail d'écriture avec des personnes démunies et « ceux au plus près des gens de la rue ». Ce sera l'occasion pour lui de partir à la recherche de Nadia. Aux dernières nouvelles, elle travaille pour une association, les Restos du coeur ou Les Petits frères des pauvres ou Les Morts de la rue (un collectif qui enterre les SDF).
« Nadia voulait mettre des paroles sur les maux des autres et de la beauté chez les plus démunis. Elle pensait : le livre, c'est aussi important que le pain, l'eau, l'électricité… »
Et il ne comprend que ces mots aujourd'hui en rencontrant toutes ces personnes, tous ces funambules, en faisant le parallèle avec sa propre vie.
« Moi, je suis né dans une famille où l'on n'affichait pas ses sentiments. […] Il fallait trouver une autre langue pour s'exprimer. […] Je me rends compte qu'on avait pas beaucoup de mots – la plupart tournaient autour des verbes “manger” ou “s'habiller”. »
Rencontrer avec lui toutes ces personnes engagées dans des associations comme Les Restos du coeur ou ATD-Quart monde est touchant. On réalise qu'il y a une véritable entreprise derrière, mais aussi une solidarité, un humanisme. Bref ça redonne foi en l'humain.
Mais tous ces témoignages m'ont aussi éloignée du roman. J'ai perdu le côté romanesque qui m'avait happée au début, ne le retrouvant qu'à la toute fin.
L'écriture est belle et fluide. J'ai bien aimé les discussions de philosophie lors de cafés offerts à un SDF. Ce roman va forcément plaire aux lecteurs qui, comme moi, aiment la littérature puisqu'elle est au coeur du roman. C'est d'ailleurs elle qui a permis au narrateur de s'en sortir.
Il ne parle pas la langue de sa mère. L'Algérie est un pays maudit pour elle, elle ne veut pas y retourner. « Elle est devenue analphabète bilingue ». Et ne pas (savoir) écrire est une souffrance pour elle, comme un handicap. Un roman qui aborde également le thème des différences.
Si le côté docu-fiction ne vous dérange pas, alors ce livre devrait vous plaire. J'ai noté de nombreuses très belles phrases.
« Je pense que les mots peuvent, peut-être pas guérir ni réparer, mais contribuer à ce que les personnes vulnérables se sentent véritablement exister. »
Lien : https://joellebooks.fr/2021/..
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Très belle surprise de lecture, tout en menant une réflexion sur le don de soi pour aider l'autre, des motivations qui font qu'un bénévole bien intentionné n'est pas toujours le bénévole, la quête que l'on met dans l'action est parfois plus motivée par des raisons personnelles que par l'altruisme.
Le personnage qui écrit des biographies pour les autres va entamer cette quête intérieure en cherchant son amour de jeunesse tout en écrivant sur ces gens qui donnent et de temps en temps reçoivent.
Une écriture d'une grande finesse d'où transpire pudeur et compassion.
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