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sur 148 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Les funambules de Mohammed Aïssaoui… Sous l'émotion de la lecture de cet auteur que je découvre avec cette première lecture… J'avais toutefois noté il y a déjà un long moment son ouvrage sur « l'Esclave Furcy »…dont j'étais très curieuse. Plongée dans ce roman auquel j'imagine quelques échos dans le parcours et l'histoire personnelle de Mohammed Aïssaoui… Je découvre parallèlement un récit personnel d'un écrivain , Medhi Charef, « Rue des pâquerettes » ; je me souviens avec émotion de son premier ouvrage que j'ai vendu au tout début de ma carrière de libraire avec « Un Thé au harem » sous la belle couverture bleue du Mercure de France…Des points en commun : une enfance pauvre dans les cités, l'hommage aux parents qui se sont battus, ont souffert pour apporter une vie meilleure à leurs enfants…Et cette mémoire rendue à des parents vaillants et souvent, si peu considérés… Les mots, la rédaction de ces livres, qui viennent réparer le mépris,l'exil, les chagrins des transplantations…

Le narrateur de ce roman a quitté son pays natal à neuf ans, avec une mère aimante, dévouée, mais fortement handicapée par son illettrisme ; selon les termes de son fils, elle est désormais «analphabète bilingue». Perdue, coincée entre deux pays et les difficultés de survivre , de tenir bon pour ses enfants…

Dans ce contexte, notre narrateur va se souvenir, se sauver grâce aux mots et à la littérature …devenu « Biographe pour anonymes », un écrivain public pour les « sans-voix », il raconte l'histoire Des autres, et plus particulièrement des « démunis ».. . espérant retrouver une dignité, une sorte de reconnaissance de leur chemin souvent malmené… par les « mots qui soignent bien des maux »

À la demande de Jean-Patrick Spak, un neuropsychiatre, il est engagé pour travailler auprès de personnes fréquentant les associations d'aide car les mots réparent , redonnent du sens à leur existence. Des Restos du Coeur à ATD Quart monde en passant par les Petits Frères des Pauvres, il nous raconte ces « funambules » tombés de leur fil à la suite d'un accident de vie, mais aussi la vie de ces bénévoles impliqués, comme Monique, responsable très engagée depuis plus de 20 ans aux restos du Coeur…Une humanité souffrante , en équilibre instable, secouée par des successions de précarités…mais aussi riche de trésors inemployés…une main tendue… et l'espoir , l'envie de vivre renaissent!


… A travers ce travail, et cette écoute… une obsession l'habite, il aimerait retrouver l'amour de sa jeunesse à qui il n'a pas su dire les mots justes pour exprimer ses sentiments. Nadia était bénévole, engagée pour soulager les plus seuls et les plus fragiles…

« Nadia voulait mettre des paroles sur les maux des autres et de la beauté chez les plus démunis. Elle pensait : le livre, c'est aussi important que le pain, l'eau, l'électricité...Je ne comprends vraiment cette idée qu'aujourd'hui. » (p. 20)


S'ensuivent les rencontres, les récits de toutes vies cabossées qui ont chacune leur valeur, leur richesse…Et le narrateur se rend compte à quel point chacun de nous sommes des funambules, en équilibre sur le fil de la vie ; que rien n'est jamais acquis, que la chute peut survenir, alors que l'on se croit à l'abri, installé dans l'existence… Cela me fait songer à une phrase d'Aragon : « Rien n'est jamais acquis à l'homme ni à sa force… »


Un livre fort , émouvant qui incite à l'écoute, à l'empathie, au souci des autres, tant la vie est aussi merveilleuse que périlleuse, violente, dangereuse pour les plus faibles…Un ouvrage tendre, salutaire pour nous rappeler à notre humanité, que nous devons regarder autour de nous… tenter d'aider à notre modeste niveau. ..Que la SOLIDARITE est parmi les mots les plus précieux, indispensables pour rendre notre monde vivable…Je vais poursuivre ma lecture des écrits de cet écrivain me touchant beaucoup, par ses questionnements , son regard sur les autres, ainsi que sur l'histoire de tous ces Justes anonymes, restant des flambeaux d'espoir…des guides , sans omettre la puissance réparatrice des Livres et des mots !

"Je ne peux m'empêcher de trouver toute existence extraordinaire. Pour peu qu'on veuille bien prendre la peine de se pencher dessus, chaque vie est exceptionnelle et mérite d'être contée, avec sa part de lumière, ses zones d'ombre et ses fêlures- il y en a toujours, je sais comment les détecter. D'ailleurs, c'est mon obsession, ça, quand je rencontre quelqu'un je me demande quelle est sa fêlure: c'est ce qui le révèle. Et dans ce domaine, il n'existe pas d'injustice, pas d'inégalité: chacun porte sa fêlure, les misérables et les milliardaires, les petites gens et les puissants, les employés et les patrons, les enfants et les parents. "
(p. 17)

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Du narrateur dont on ne connait pas le nom (Il faudra attendre la dernière page pour qu'il nous soit révélé) on ne sait que ce qu'il veut bien nous dire de son enfance pauvre de l'autre côté de la mer et de son arrivée en France, ce qui lui fait dire : « Je ne me sens chez moi nulle part, je ne suis jamais retourné au pays natal. Je ne peux plus dire : Chez nous. »
Il est devenu écrivain public et s'intéresse à la vie de ces anonymes oubliés, les S.D.F. les pauvres et ceux qui leur viennent en aide, ces bénévoles des restos du coeur ou des petits frères des pauvres. Mais ces rencontres, ces visites dans les associations humanitaires nourrissent aussi sa quête amoureuse, sa recherche de Nadia qui s'est mise au service des démunis.
Les funambules, ce sont tous ces démunis, ces laissés-pour-compte, avec leur fêlure qui les rend si fragiles. Bien que passé du bon côté puisqu'il possède un appartement et un travail, le narrateur a également sa fêlure. Lui aussi est en équilibre entre son passé de pauvre et ce présent où il a du mal à trouver sa place. Certains, comme l'ami de la cité Anne Franck, surnommé Bizness, revient souvent avec son culot et sa bonne humeur. Mais qu'ont-ils encore en commun si ce n'est le souvenir d'une enfance de banlieue grise et défavorisée ? Il y a aussi un beau portrait de mère, Zina. Illettrée, elle n'a pas toujours les mots mais elle déborde d'amour.
On suit le narrateur qui se dévoile peu à peu, avec pudeur et c'est à travers son regard que l'on rencontre tous ces cabossés de la vie qui donnent sa chair au récit. Comme le dit si bien Monique, une bénévole : « La précarité possède une résistance qui défie le temps » Et puis, personne n'est à l'abri « On peut être tout en haut et tomber. Une maladie. Une rupture. Un accident. Tout peut basculer en un instant »
Tous ces anonymes, en équilibre sur le fil de la vie, on les rencontre au détour d'une page, ils n'ont qu'un prénom, et pourtant ils nous deviennent si proches, soudain. Ces femmes, ces hommes, qui subissent la pauvreté et que la honte rend muets, déclenchent en nous cette réflexion sur notre part d'humanité
Ces portraits, que ce soit ceux de personnes démunies, ou en détresse psychologique, ou bien des bénévoles, je les ai trouvés émouvants et tellement authentiques. C'est là que la fiction rejoint la réalité car, au cours de ma lecture, j'ai eu souvent l'impression de naviguer entre roman et documentaire. Nul doute qu'il a dû falloir à l'auteur une immersion dans ce milieu pour en saisir toutes les subtilités afin de les restituer avec tant de délicatesse et de retenue.

C'est une lecture qui, le livre refermé, continue à nous questionner, une lecture qui bouscule.
Tout comme « L'affaire de l'esclave Furcy » que j'avais beaucoup aimé, « Les funambules » est une lecture qui marque et qu'on n'oublie pas de sitôt.

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Une grande émotion pour moi; j'ai aimé ces histoires de funambules comme les qualifie l'auteur; chacun est sur un fil, en équilibre instable et à tout moment ce peut être la chute. Ils veulent que leur histoire soit écrite pour qu'il reste une trace de leur honte d'être pauvres, démunis.
Le narrateur les comprend, il a été l'un d'eux mais sans ressentir de honte et ne s'est pas retrouvé dans leur situation grâce au combat quotidien de sa mère. Il est arrivé en France à neuf ans: il quitte une enfance heureuse malgré la misère et la fuite du père. Adulte, il est biographe pour anonymes, il écrit pour ceux qui n'ont pas les mots mais veulent laisser une trace, dérisoire. Une fois par an, il fait le nègre pour une célébrité.
Pour lui chaque vie est exceptionnelle et mérite d'être contée avec sa part de lumière et ses fêlures (et chacun a sa fêlure, c'est ce qui le révèle.) Toute vie est une entreprise de (re)construction. A travers tout le livre on sent la faille du narrateur: sa recherche de Nadia à laquelle il n'a pas su dire son amour. Il sait qu'elle ne peut-être que bénévole et il va la rechercher du côté des Restos du coeur, d'ATD Quart Monde, des Petits frères des pauvres, des Morts dans la rue. "Nadia voulait mettre des mots sur les maux des autres et de la beauté chez les plus démunis. Elle pensait: le livre, c'est aussi important que le pain, l'eau, l'électricité...". Sortir du silence est libérateur: ne pas pouvoir raconter, devoir mentir conduit à l'étouffement; écrire est alors un instinct de survie. le silence est assassin, écrire (ou être écrit) peut sauver.
Il est engagé pour deux ans à écouter et écrire la vie des funambules: "Je tremble au bout d'un fil, si nul ne pense à moi, je cesse d'exister (Supervielle). le narrateur se souvient qu'à dix ans, il a reçu des dons du Secours populaire, notamment une veste Adidas qu'il va porter des années.
Les funambules vont défiler: Bizness, le Philosophe, Leïla, Moussa, Monique (bénévole)qui lui explique que les Restos font bien plus que de distribuer des vivres, Sonia, il écoute des personnes d' ATD, Annick bénévole proche de Monique, il assiste à une formation qui aborde les questions: qu'est-ce que l'accompagnement, quelles sont les attitudes d'écoute, quelles sont les limites personnelles pour ne pas tomber dans l'excès affectif et risquer de se perdre à aider.
Cela m'a paru très important!!Savoir ne pas trop s'investir, poser des règles...
Et toujours la quête de Nadia.
Il y a bien un côté documentaire mais il ne m'a pas gênée et j'aime l'écriture de cet auteur dont j'avais lu avec intérêt L'affaire de l'esclave Furcy. c'est plus proche de l'essai que d'un roman mais l'évocation de sa mère "analphabète bilingue " et ses anecdotes personnelles pimentent le récit. Il y a des moments d'humour et de l'émotion.
En bref, j'ai beaucoup aimé.
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Ce livre est une pépite parue en septembre dernier. Et le héros de ce roman n'est pas celui que l'on croit ! A mes yeux, le héros c'est le bénévolat et Mohammed Aïssaoui en parle avec justesse à travers la bouche du personnage principal (dont je tais le nom pour ne rien divulgacher) et en recueillant les paroles, valeurs, ressentis et expériences de bénévoles au sein de différentes associations. La romance n'est qu'une toile de fond et vous tournerez les 200 pages avec avidité car les chapitres sont courts, les mots justement choisis. Les personnages croisés sont attachants et traînent chacun des histoires sensibles. A la fois beaucoup de pudeur, de respect dans les situations décrites. C'est un roman/témoignage, témoignage de valeurs, d'engagement, de solidarité et c'est à travers les paroles des bénévoles croisés que ce roman prend toute sa force et son intérêt. Une belle rencontre avec Mohammed Aïssaoui qui a su touché «la corde sensible» de la bénévole que je suis depuis plus de 30 ans. Merci


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Qui sont ces funambules que va rencontrer notre narrateur ? Des artistes assurément. Des artistes pour tenter de rester debout sur le long fil de l'existence qui menace de se rompre et même qui, souvent, s'est brisé. Certains chutent inexorablement, d'autres se raccrochent aux balanciers que d'aucuns tendent depuis les associations qui aident hommes et femmes à se reconstruire sur ce périlleux chemin suspendu sur leurs vies, car vivre pour ces blessés de la vie est une acrobatie perpétuelle.

Le narrateur est biographe pour anonymes. Il est parfois une prête-plume pour une personnalité, politique ou autre, qui n'a « pas le temps » d'écrire elle-même… mais à la demande d'un éminent neuropsychiatre il a va recueillir le témoignage des écorchés de la vie, ceux qui n'osent avouer leurs fêlures ou qui ne savent comment les exprimer, de ceux qui voudraient « vivre comme tout le monde », une phrase prononcée par une funambule et qui résonne comme un électrochoc.

Du narrateur, on ne connaîtra son prénom qu'à la toute dernière phrase mais on sait qu'il est, lui aussi, porteur d'une fêlure, celle de l'exil. Un exilé de l'enfance parti de « chez lui » qui est désormais un « là-bas ». Depuis, il lui semble qu'il n'habite « nulle part ». Il va parcourir les centres d'accueils, les entités caritatives, s'entretenir avec ceux qui donnent de leur temps et ceux qui reçoivent des souffles d'humanité. En même temps, il continue à fréquenter des âmes errantes comme le Philosophe, à s'occuper de sa mère, sa seule famille, qui n'est plus que l'ombre d'elle-même, et à tenter de retrouver Nadia, un amour perdu parlant « toutes les langues de la vie ».

Les Restos du Coeur, ATD Quart Monde, les Petits Frères des Pauvres, le Collectif Les Morts de la rue, sont les organisations qui vont être visitées par le biographe et qui met en lumière l'immense courage de ceux qui essaient de réparer le fil cassé, un fil qu'il faut continuer à saisir malgré l'absence de l'amour reçu pendant l'enfance, malgré la violence d'un conjoint, malgré le chômage, malgré le rejet et le regard des autres. Aux bénévoles de rendre moins périlleux le fragile équilibre, eux aussi nécessitent une sacrée dose d'énergie et du don de soi.

Mohammed Aïssaoui signe un livre d'une humanité inouïe et rend hommage à ces oubliés de la société. Pourtant, comme le souligne le titre d'un chapitre, « la misère a un visage et un prénom ». Une âme également et une histoire à raconter. Tout porte à croire que le journaliste écrivain a lui aussi une histoire à nous dire mais il a préféré s'épancher sur celle des autres. Une noblesse également dans l'écriture, toute en humilité et sans voyeurisme, juste mettre en lumière les coeurs assombris et d'expliquer ce qui semble inexplicable.

Une ode à la bienveillance, un socle d'humilité, une voix pour rompre le silence, qui apportent une aube sur ceux qui naissent et grandissent en cherchant un fil plus solide face aux souffrances, puissent ces funambules devenir des jongleurs de vie.
Lien : https://squirelito.blogspot...
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Coup de coeur !

Les thématiques de l'amour perdu, de la quête de soi à travers la quête de l'autre, de la perte de repères, de l'altérité et de la grande misère s'entremêlent et nous emmènent sur les traces de Nadia tout en nous faisant découvrir tant de vies, tant de fêlures.

Un roman cependant positif et porteur d'espoir sur une thématique sombre (la misère, les funambules qui sur leur fil peuvent tomber à tout moment) qui ne bascule jamais dans le pathos, bien au contraire.

De l'audace, beaucoup d'audace dans la façon de traiter le sujet (déjà évoqué à de nombreuses reprises dont dans le sublime Les naufragés de Patrick Declerck de la collection Terre Humaine de Plon).

Un roman qui nous plonge dans la recherche d'un homme et qui, en fin de compte, nous entraîne dans la vie de tout un chacun, car tous, toutes, nous pouvons chuter au détour d'un drame. Ce texte, touchant, somptueux, riche, beau dans sa simplicité est une preuve d'amour du genre humain, de tous les Hommes, quels qu'ils soient, quelles que soient leurs failles ou blessures, leurs difficultés, leurs quêtes, car la Quête concerne chacun d'entre nous… À ne pas manquer !
Lien : https://sharingteaching.blog..
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Dans ce roman à la première personne, le narrateur, dont on ne connaîtra le nom qu'à la dernière page, entraîne le lecteur à ses côtés. Les courts chapitres se succèdent dans une alternance aléatoire entre le tableau de ses souvenirs d'enfance, relatés en italiques, et sa quête de Nadia.
Ayant quitté son Maghreb d'origine à neuf ans avec sa mère illettrée pour rejoindre la France, il découvre la pauvreté, la vie dans les cités, sans jamais pourtant avoir honte, car sa mère l'en dissuade. Il a trouvé son salut dans la lecture et l'écriture ; tout le roman est ainsi parsemé de références plus ou moins développées aux grands auteurs qui ont marqué le narrateur. Pour autant, conscient de la réalité et des besoins du milieu duquel il a pu s'extraire, il dédie sa vie et ses efforts à travailler pour les anonymes à qui il veut donner ce qui leur manque : un nom et des mots. le narrateur met son écriture au service de ces funambules, en devenant biographe des anonymes. Au cours des chapitres, défilent les anonymes qui n'en sont plus, qui désirent sortir du silence, mettre des mots sur leur vie, leur parcours chaotique de funambules sans cesse sur le fil tendu de la vie.
A travers ce travail d'écriture et la proximité avec les associations comme les Restos du coeur, le narrateur est en quête de son amour de jeunesse, Nadia, dont la pensée ne l'a pas quittée depuis des années. Nadia a travaillé aux côtés de ces associations. En côtoyant ceux qu'elle a aidés, il tente de la retrouver, de la comprendre, de vivre et d'être animé par ce qui l'a animée elle aussi.

Ce livre m'a touchée par sa vérité, par la sincérité des parcours qui sont proposés au lecteur. Les noms évoqués, les vies brisées, se dotent de visages qui nous interpellent. Plein d'humanité, porteur d'espoir, ce roman nous invite à ouvrir les yeux du coeur pour ceux qui peuplent nos rues et souffrent non seulement de pauvreté matérielle mais surtout peut-être de manque de considération.
J'ai pourtant été surprise de la forme que prend ce récit, peut-être aussi proche du roman que du reportage journalistique. Cet aspect a pu me gêner quand j'attendais plus de romanesque. Les personnages souffrent ainsi pour certains d'un manque de profondeur : la galerie de portraits reste parfois seulement une évocation, et l'on peut avoir du mal à se les représenter comme des personnages plus que comme des ombres. Mais là est peut-être le secret : ces hommes et ces femmes sans nombre filent sous nos yeux trop habitués ; à nous de les reconnaître et de les regarder désormais. Ce roman se lit alors comme un point de départ de la prise de conscience de notre proximité avec ces destins brisés, que nous pouvons participer à réparer. L'écriture est belle, tantôt réaliste, tantôt lyrique et poétique, toujours proche de ces funambules sans jamais être indiscrète.

J'ai aussi trouvé dans Les Funambules un livre qui questionne et interroge le rapport de chacun à la vie, dont le fil est mince, et duquel nous pouvons à tout moment basculer. le narrateur évoque Camus à plusieurs reprises ; lui qui avait écrit le Premier homme pour donner une voix aux sans voix trouve ici un digne héritier. Comme Jacques Cormery, le narrateur ressent au plus profond de lui le déracinement qu'il a vécu et qui fait de lui un homme entre deux mondes, autant géographiques que sociaux. Ballotté entre ces deux univers, il est lui aussi un funambule, pour qui l'écriture semble être le fil.
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Les funambules de Mohammed Aissaoui. L'impossible équilibre…
Kateb est un jeune immigré algérien, arrivé en France à l'âge de 9 ans. Il grandit dans une cité en périphérie parisienne. le travail, la persévérance, le goût pour la littérature et l'infinie bienveillance de sa mère lui permettent de s'extraire de son milieu d'origine. Il devient « biographe des anonymes » en racontant ceux qui ne peuvent le faire, ceux que la vie a laissés au bord du chemin. Avec une quête amoureuse en filigrane, le lecteur suit Kateb à la rencontre des écorchés vifs.
Le roman est construit comme un documentaire. Mohammed Aissaoui est par ailleurs journaliste au Figaro Littéraire. D'enquêtes en témoignages, les rouages des associations caritatives comme les restos du Coeur sont décortiqués, le lecteur découvre divers champs d‘action qui vont bien au-delà de l'aide alimentaire. le tissage de lien, ce long et fastidieux maillage, est toujours mis en avant, comme si le lien social était une bouée qui permettait de rattraper le rivage.
Mohammed Aissaoui écrit sur ces funambules, en équilibre précaire sur le fil de la vie. Son propos est inclusif et montre bien que personne n'est à l'abri ; une perte d'emploi, un divorce, une maladie… Tout un chacun peut vite basculer dans la rue. Et là, c'est la spirale infernale. Il met en exergue la grande difficulté à s'en sortir, l'ignorance des droits en matière d'aide sociale, la présence de nombreuses addictions... Dans la rue, l'espérance de vie n'excède pas 48 ans ! La claque !
Bien que cet ouvrage soit rangé dans l'onglet « roman », derrière le jeune Kateb, l'auteur n'est pas loin… Il conte son parcours pour montrer que tout n'est pas figé. A force de persévérance et de travail, il a pu gravir les échelons lui permettant aujourd'hui de tendre la main aux moins chanceux ; mais attention, nous avons tous une fêlure qui peut devenir un trou béant… la vie est un fil… l'équilibre impossible à trouver…
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"Les funambules", Mohammed Aïssaoui, RL 2020, Gallimard

Kateb est écrivain public, spécialisé dans la biographie des anonymes.
Le neuropsychiatre Spak, l'engage pour une mission de réparation des maux par les mots auprès d'associations humanitaires.
Il s'engage sur les routes de France pour donner la parole tantôt aux bénévoles de la survie, tantôt aux "funambules" de la misère. Sa mission ravive son amour pour Nadia, cette jeune femme engagée qu'il a tant aimée, mais dont il pensait ne pas être digne.

Les Restos du coeur, ATD quart monde, Les petits frères des pauvres, Les morts de la rue… des associations qui oeuvrent pour les oubliés de la société et dont les bénévoles sont eux-mêmes ignorés, vont être mis en lumière par l'enquête de Kateb, lui-même écorché par la vie.

Kateb a quitté son pays natal à 9 ans grâce au courage de sa mère analphabète, a atterri dans une cité de banlieue et, à force d'amour et de combat, a traversé le périphérique pour construire une vie à Paris. Une vie sans Nadia.
Mais Nadia, il le sait, pourrait être parmi ces bénévoles.

Un livre entre enquête journalistique et roman, d'une profonde humanité. La plume est sublime. Tout y est: réflexion, empathie, espoir, violence, douceur. Un livre qui ébranle par sa simplicité et son évidence.

Lien : https://carpentersracontent...
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Un énorme coup de coeur.
C ' est beau ,c 'est tendre ,c ' est profondément touchant .
Ce livre me fait penser au ciel qui même s' il est gris ,est dessiné par les crayons de couleurs des enfants en bleu.
Des mosaïques d' âmes, plus belles les unes que les autres font de ce roman un chef d ' oeuvre que l ' on accroche à son coeur .


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