Le Dimanche est le jour où le laboureur contemple son oeuvre et la juge. Non point d'après le repos qu'elle lui promet, mais plutôt d'après le travail qu'elle lui promet. Je n'ai jamais connu de paysan qui travaillât en vue d'une existence plus douce, avec loisirs et plaisirs ; il ne rêve jamais autre chose que de conquérir une terre qui soit à lui, s'il n'en a point, ou d'agrandir celle qu'il a. Ces acquisitions espérées lui plaisent par une immense suite de travaux pénibles, mais libres, c'est-à-dire selon le plan qu'il forme lui-même, et qui est sa chère pensée. Nous nous faisons une faible idée de la contemplation paysanne.
Un renard de politique me disait: Ecrire ce qu'on veut proposer et faire accepter ; garder l'écrit dans sa poche ; disputer d'autre chose et de tout jusqu'à ce que l'assemblée soit à peu près morte de fatigue. Alors lire le papier ; c'est le moment.
Messieurs les millions sont comme les rois du théâtre ; c'est dans le plus beau moment que le figurant pense à ses haillons, et aux souliers percés qui sont sa voiture.
Le plaisant c'est qu'eux me liront, et les autres non. Car tout changeur rêve de finir à la campagne, et tout paysan envie l'état de notaire.
Les ingénieurs, dis je, ressemblent donc aux philosophes, qui tentent vainement de passer de l'essence à l'existence.
"Alain et le bonheur" par André Maurois. Première diffusion le 13/09/1954 sur la Chaîne Nationale. La mauvaise humeur est une maladie, il ne faut jamais parler de ses malheurs, de ses malaises moraux, il ne faut jamais se plaindre…et, certes, il y a un héroïsme à bâtir son bonheur ! André Maurois parlait en 1954 de celui qui avait été son professeur de khâgne au lycée Henri IV, à Paris : le philosophe Alain.
Source : France Culture