Eh ben mazette, quelle aventure !
540 pages de drames et de rebondissements, de magie et de révolutions, une histoire familiale noueuse et complexe courant sur plus d'un demi-siècle, des couples qui s'embrasent ou se déchirent, des enfants qui grandissent, des aïeux qui s'éteignent mais dont l'esprit habite encore longtemps les coeurs et les mémoires des vivants, des rêves et des cauchemars à n'en plus finir, et en toile de fond ce pays d'Amérique-du-Sud, ce
Chili jamais nommé en pleine métamorphose, opérant sa mue dans les larmes et le sang, ces terribles conflits politiques et sociaux qui éclatent, brisent les destins et rebattent violemment les cartes : voilà entre mille autres choses ce que vous trouverez en poussant la porte de la
La maison aux esprits.
Bien malin qui réussirait à faire la synthèse de ce tumultueux roman-fleuve ! On ne condense pas un bouquin pareil !
Impossible (pour moi) d'en faire un résumé cohérent, tant il regorge de personnages, de péripéties et d'intrigues parallèles, alors pardon, ami lecteur, il va falloir me croire sur parole :
Si tu as aimé Cent ans de solitude et ses oscillations continues entre naturel et surnaturel, alors fonce.
Si tu es friand de ce « réalisme magique » qu'on associe souvent à certaines oeuvres lantino-américaines, si tu n'as peur des romans denses et foisonnants, si tu as un peu de temps devant toi, alors fonce.
Si tu penses pouvoir supporter, à peine dissimulé sous l'habile maquillage de la fiction, le récit du coup d'état sanglant mené par Augusto Pinochet le 11 septembre 1973 contre le gouvernement socialiste de Salvador Allende, alors fonce.
Sache toutefois que cette histoire démente te sera racontée par la nièce en personne du président déchu (lui qui s'est donné la mort au soir du fameux putsch), et que même si les noms ont été changés, que les dates et les lieux sont souvent passés sous silence, l'auteur a bel et bien mis son imagination débridée et la puissance de son style au service d'un texte très personnel, aux élans véritablement cathartiques. A la manière de ces artistes-photograhes qui retouchent, déforment, recolorent, enjolivent leurs clichés au point de les rendre presque méconnaissables,
Isabel Allende part ici d'un matériau intime et concret basé sur des faits historiques avérés pour les transformer avec beaucoup de talent en une oeuvre "folle", protéiforme, très esthétique, qui entremêle les générations, les époques, les crises sociales et les soubresauts politiques.
Le résultat est étonnant, flamboyant, mais un peu déroutant aussi... Malgré sa grande qualité d'écriture et son souffle romanesque d'une ampleur exceptionnelle, je ne suis venu à bout de cet incroyable voyage au long cours (dont peut-être certains lecteurs ressortiront rincés, abasourdis ou même fourbus ?) qu'au prix de quelques efforts de persévérance et de concentration.
Ébouriffant !